Les délais de recours des tiers contre l'autorisation d'urbanisme (C. urb., art. R. 600-2)

Les délais de recours des tiers contre l'autorisation d'urbanisme (C. urb., art. R. 600-2)

– Délai franc. – Le délai de recours des tiers dans un délai de deux mois francs à compter de l'affichage de la décision sur le terrain est certainement la règle la plus connue du contentieux de l'urbanisme. Aussi renvoyons-nous, pour l'essentiel, à la lecture attentive de l'article sur « le caractère définitif d'une autorisation d'urbanisme » paru dans le Bulletin du CRIDON de Paris du 15 octobre 2019 et, pour un savoir complet, à l'ouvrage intitulé Droit de l'urbanisme de P. Soler-Couteaux et E. Carpentier.
Toutefois, nous pensons utile d'attirer sans renvoi l'attention sur les points suivants.
– Importance de la régularité de l'affichage. – L'irrégularité de l'affichage tel que prévu à l'article R. 424-15 sur le panneau décrit par l'article A. 424-15 du Code de l'urbanisme (panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 cm) peut avoir des conséquences contentieuses importantes. Empêchant son déclenchement, le délai de recours reste ouvert au-delà du délai de deux mois. En effet, le Conseil d'État considère que le délai de recours contre l'autorisation d'urbanisme ne peut courir que si sa publication a été complète et régulière. La régularité de l'affichage sur le terrain est donc un élément déterminant au regard du point de départ du délai de recours.
– Visibilité et lisibilité. – L'appréciation de la régularité de l'affichage sur le terrain porte d'abord sur la visibilité et sur la lisibilité du panneau. L'autorisation doit être affichée sur le terrain, à un endroit visible de l'extérieur, c'est-à-dire notamment de la voie publique ou d'une voie ouverte au public sans restriction, ou encore d'un espace ouvert au public. À l'inverse, un affichage non visible de l'extérieur du terrain, notamment en raison de l'inaccessibilité des voies, ne fait pas courir le délai du recours contentieux. De même l'affichage effectué sur une route, même si elle constitue la voie d'accès au terrain d'assiette du projet, peut ne pas permettre d'assurer la publicité requise. Néanmoins, le titulaire d'une autorisation d'urbanisme n'a pas l'obligation de procéder à l'affichage sur chacune des parcelles composant le terrain d'assiette du projet, ni à proximité de chacun de ses accès.
– Mentions. – L'appréciation de la régularité de l'affichage porte ensuite sur les mentions qu'il comporte. L'article A. 424-16 du Code de l'urbanisme impose que le panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet, la superficie du terrain, l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la construction exprimée en mètres par rapport au sol naturel. Le juge est très pragmatique concernant l'appréciation des conséquences du caractère incomplet de ces mentions sur le délai de recours. Ainsi, l'absence de la mention de la date du permis ou une date erronée n'est pas de nature à empêcher le démarrage du délai de recours dès lors que le panneau comportait la mention du numéro de permis, mettant ainsi les intéressés à même de l'identifier dans des conditions équivalentes. Il en va de même si le numéro du permis comportait un chiffre erroné. L'affichage est régulier s'il a permis aux tiers d'apprécier la consistance, l'importance, la nature et la complexité du projet, en somme ses caractéristiques substantielles.
Le but de l'affichage est « d'assurer la connaissance par les tiers des éléments indispensables pour leur permettre de préserver leurs droits et d'arrêter leur décision de former ou non un recours contre l'autorisation de construire, à savoir, d'une part, la connaissance de l'existence d'un permis de construire, des principales caractéristiques de la construction autorisée et de l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté, et d'autre part, celle du délai de recours relatif à cette décision ».
– Connaissance de l'autorisation d'urbanisme et mention des délais et voies de recours. – Le Conseil d'État applique la jurisprudence Czabaj à l'omission des délais et voies de recours dans les termes suivants : si l'affichage du permis ne comportait pas les délais de recours, le recours ne sera recevable que dans un délai raisonnable d'un an courant à compter du premier jour de la période continue d'affichage de deux mois sur le terrain. Le même arrêt précise l'articulation du « délai raisonnable » de la jurisprudence Czabaj et de l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme, rendant tout recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme irrecevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction, en faisant primer le premier qui intervient.
Le juge administratif emploie la théorie de « la connaissance acquise » pour les permis de construire : l'exercice d'un recours gracieux établit que le tiers a eu connaissance de la décision et a « en conséquence pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis de construire n'aurait pas satisfait aux exigences » du Code de l'urbanisme.
– Interruption du délai de recours contentieux. – Il existe plusieurs cas d'interruption du délai de recours contentieux.
L'envoi d'un recours gracieux à l'administration proroge de deux mois le délai de recours contentieux contre la décision à compter de la notification de la décision prise sur le recours gracieux ou hiérarchique (CRPA, art. L. 411-2), à la condition que cette notification ait eu lieu dans les conditions de l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme.
Les délais de distance prévus à l'article R. 421-7 du Code de justice administrative s'appliquent, en premier lieu, en matière d'urbanisme, mais uniquement au recours contentieux à l'exclusion du recours administratif.
Le délai de recours contentieux est, ensuite, interrompu par une demande d'aide juridictionnelle, laquelle n'entre pas dans le champ de la notification prévue à l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme. Cette demande d'aide juridictionnelle n'a donc pas à être notifiée au pétitionnaire, ni à l'autorité d'urbanisme, ce qui peut susciter un risque de sécurité juridique. Il résulte de la combinaison de l'article 38, du premier alinéa de l'article 56 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 et du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle, ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
Enfin, le délai de recours des tiers est interrompu en cas de demande de protection juridique à l'assureur. L'article L. 127-4 du Code des assurances organise une procédure en cas de différend sur la prise en charge entre l'assuré et l'assureur. Durant cette procédure, le délai de recours contentieux est suspendu. Là encore, les textes ne prévoient aucune obligation de notification, ce qui peut entraîner un risque de sécurité juridique. Aux termes de l'article L. 411-2 du Code des relations entre le public et l'administration : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés ».
– Propositions. – Il serait opportun de légiférer afin que le demandeur d'une aide juridictionnelle ou de la protection juridique soit dans l'obligation de notifier sa demande à l'auteur de l'autorisation d'urbanisme et à son bénéficiaire, sous peine de non-interruption du délai de recours.
– Certificat de non-recours. – L'article R. 600-7 du Code de l'urbanisme, institué par le décret no 2018-617 du 17 juillet 2018, prévoit que toute personne peut demander la délivrance d'un certificat de non-recours contre une autorisation d'urbanisme par le greffe de la juridiction devant laquelle un recours est susceptible d'être formé.
Mais un tel certificat présente deux faiblesses.
D'une part, il peut exister un délai de quelques jours entre le dépôt d'un recours et son enregistrement par le greffe.
D'autre part, le recours a pu être formé dans le délai devant un tribunal incompétent : en pareil cas le recours est recevable et le tribunal saisi à tort a l'obligation de le transmettre au tribunal compétent.
– Plus de recours possible six mois après l'achèvement de la construction . – Aux termes de l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme : « Aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement.Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1 ».
Au regard de la jurisprudence actuelle, le délai de prescription de six mois visé à l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme ne court qu'à compter de l'envoi d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux (DAACT), sans possibilité pour le propriétaire de démontrer l'achèvement de la construction par un autre moyen. Le Conseil d'État considère en effet que la portée de la locution « sauf preuve contraire » se limite à la possibilité, pour le seul requérant à l'exclusion du propriétaire, de démontrer que la construction a été achevée postérieurement à l'envoi de la DAACT.
– Plus ancienne mesure visant à limiter le contentieux de l'urbanisme, la notification des recours est bien connue de la pratique. – Aussi renvoyons-nous, pour l'essentiel, à la lecture attentive de l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme et, pour un savoir complet, aux ouvrages qui font référence en la matière.
Toutefois, nous pensons à nouveau utile d'attirer directement l'attention sur les points suivants.
– Moyen d'ordre public. – Le défaut de notification constitue un moyen d'ordre public que le juge peut soulever même d'office. Après demande de régularisation, l'absence de production de la preuve de notification autorise le rejet du recours par ordonnance pour irrecevabilité manifeste.
– Irrecevabilité du recours, non pas déchéance de l'action. – Le défaut de notification d'un recours contentieux ou d'un déféré préfectoral entraîne toujours l'irrecevabilité du recours. Toutefois, l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme n'instaure aucunement une déchéance de l'action. Par conséquent, l'irrecevabilité d'une première requête en raison de l'omission de la notification n'empêche pas le juge de déclarer recevable une seconde requête dirigée contre la même décision présentée dans le délai de recours pour excès de pouvoir et respectant la formalité.
– Notification d'un recours administratif. – Un recours administratif formé dans le délai du recours contentieux de droit commun interrompt normalement ce délai. Mais il n'en va pas ainsi lorsque le recours administratif n'a pas été régulièrement notifié. Le recours contentieux exercé à sa suite est alors irrecevable, sauf s'il a été exercé dans le délai de recours contentieux initial (non prorogé).
– Objet de la notification. – L'obligation de notification ne se limite pas pour le requérant à aviser l'auteur de la décision et le bénéficiaire de l'existence du recours : elle porte sur le texte intégral de celui-ci.
– Référé-suspension. – Une demande de suspension n'est recevable que si le recours au fond a été notifié.
– Destinataire de la notification. – La notification d'un recours contre un permis doit être faite auprès de l'autorité d'urbanisme et du bénéficiaire de l'autorisation. S'agissant de ce dernier, elle doit lui être notifiée personnellement et non à son avocat. En revanche, une notification est valablement faite au conjoint vivant à la même adresse. En cas de permis conjoint, la notification doit être faite à chacun des bénéficiaires.
– Refus de permis. – Le recours contre le refus de retirer un permis de construire doit être notifié.