Les baux des Hospices civils de Lyon : baux dits « de longue durée »

Les baux des Hospices civils de Lyon : baux dits « de longue durée »

– Un modèle de détention du foncier. – « Les Hospices civils de Lyon », établissement public à caractère administratif regroupant les hôpitaux de la ville, est un grand propriétaire foncier disposant, en sus de son domaine public affecté à l'activité médicale, d'un important domaine privé (64 hectares de terrains urbains, deux cents immeubles, une centaine d'appartements). N'ayant que très rarement acheté des terres, son foncier résulte de nombreux dons et legs en particulier au cours du XVII e siècle. Ces anciens domaines, historiquement ruraux, sont désormais situés en plein cœur de l'agglomération.
Lors de la seconde moitié du XIX e siècle, les Hospices ont cédé une partie de leurs terrains pour réaliser des équipements (caserne de la Part-Dieu, voies ferrées ou rues). Le reste du patrimoine était occupé par des constructions légères, des ateliers artisanaux, des logements précaires.
Véritable « cité dans la ville », les Hospices ont souhaité rénover ces quartiers après la Seconde Guerre mondiale et permettre la construction d'immeubles de meilleure qualité en passant des baux à long terme. Basés sur l'article 1713 du Code civil, il s'agit d'un système de concession des sols différent du bail emphytéotique et d'un bail à construction, dans lequel le bailleur (les Hospices) loue un terrain nu, à charge pour le preneur de construire un ou plusieurs immeubles, louer les logements ou les vendre en copropriété. Les Hospices perçoivent une rente régulière et durable sur des terrains déjà bâtis et loués.
Ils ne sont pas constitutifs de droits réels. Ainsi, il n'y a pas de garantie telle une hypothèque pour un prêteur. Pour combler ce manque, une clause a été intégrée dans les baux dans laquelle les hospices s'engagent à continuer le bail, même si le preneur change, sous réserve qu'il soit agréé par leur conseil d'administration. D'après Anne de Goriainoff, certes le locataire n'a aucun droit, mais cette précarité est contrebalancée par la réputation de stabilité des Hospices depuis plusieurs siècles. Elle indique ainsi que des investisseurs tels AGF ou BNP acceptent les clauses sans bénéficier de droits réels immobiliers. C'est cette stabilité qui explique également qu'il n'y a pas de décote des prix des appartements. Pour la Ville de Lyon, les terrains des Hospices constituent une sorte de réserve foncière qu'elle peut facilement mobiliser.
La durée du bail peut aller aujourd'hui de neuf à quatre-vingt-dix-neuf ans. La durée maximale a été progressivement étendue dans le temps.
Au terme du bail, le preneur doit en principe remettre un terrain nu : il est en principe juridiquement obligé de démolir les constructions et n'a aucun droit, au terme du bail, au maintien dans les lieux. Toutefois, une possibilité de renouvellement existe dans le cadre d'un bail dont la durée varie selon la situation du terrain ou l'état du bâti. Si l'immeuble est en mauvais état, les Hospices renouvellent un bail de dix-huit ans ou moins. En revanche si l'immeuble est en bon état, le bail est renouvelé pour une durée plus longue. Partant, la durée du bail s'avère être un moyen pour inciter le preneur arrivé en fin de bail à engager des travaux, tout en essayant d'harmoniser le terme des baux à l'échelle d'un îlot.
– Accords Sudreau-Pradel. – L'une des spécificités de ces baux réside dans la clause ajoutée en 1960 relative aux accords passés entre le ministre de la Construction et le maire de Lyon. Ils définissent les engagements du preneur d'un bail à longue durée pour avoir la jouissance des terrains des Hospices, à savoir assumer la démolition des constructions en fin de bail ainsi que l'éviction des occupants, leur indemnisation d'éviction et surtout leur relogement.
Il convient de noter que les Hospices ont évolué dans leur façon de gérer leur patrimoine. En effet, constatant une organisation non optimisée, après la guerre, une politique de reconstruction à grande échelle est engagée. Dans les années 1960, l'aménagement est conçu par îlots d'environ 5 000 m² dans le cadre de lotissements, de sorte à pouvoir construire plusieurs immeubles. Dans les années 1970-1980, l'aménagement se fait à l'échelle d'un quartier, grâce à un aménageur au profit duquel sont conclues des promesses de baux, tranche par tranche. Les constructeurs s'y substituent ensuite en payant en contrepartie à l'aménageur des droits de construire et une indemnité équivalente à un loyer aux Hospices. Sur le plan urbanistique, le rôle des Hospices est réduit. Ils ont la maîtrise juridique, mais c'est l'aménageur qui est à l'origine du plan de rénovation et qui désigne les promoteurs. Pour les promoteurs, il n'y a pas vraiment de « charge foncière » mais des « frais de libération du terrain ».
Depuis vingt ans, sur des dents creuses par exemple, les Hospices civils de Lyon organisent l'extinction progressive des baux pour en reprendre la pleine propriété, en organisant la date à laquelle ils s'autorisent à réintervenir sur le foncier.