Le contenu obligatoire minimum de l'étude d'impact

Le contenu obligatoire minimum de l'étude d'impact

– Une étude d'impact à géométrie variable. – L'étude d'impact doit comporter douze rubriques, dont le contenu doit être proportionné à la taille du projet, ses incidences prévisibles sur l'environnement et la sensibilité du milieu. Elle regroupe en réalité diverses études ; ainsi, la présence d'une école à proximité nécessitera d'approfondir le volet nuisances (acoustique, qualité de l'air, etc.), la consommation d'espaces agricoles supposera de réaliser une étude préalable de compensation agricole.
Dans les opérations d'aménagement, l'étude d'impact doit désormais comprendre une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone, en particulier sur l'opportunité de créer ou de se raccorder à un réseau de chaleur ou de froid, ainsi qu'une étude d'optimisation de la densité des constructions, puis décrire la manière dont il en est tenu compte.
L'étude d'impact doit comporter une analyse de l'état initial de la zone (A) et des effets prévisibles du projet sur l'environnement et la santé (B). Vient ensuite la description des solutions de substitution que peut envisager le maître d'ouvrage (C), puis celle des mesures ERC (D). Enfin, l'étude d'impact doit présenter les modalités de suivi des mesures envisagées (E).

L'analyse de l'état initial de la zone

– Focus sur l'inventaire faune-flore. – L'analyse de l'état initial de la zone résulte d'un constat scientifique réalisé grâce aux données écologiques (inventaires, cartes) dont on dispose. L'échelle de ce constat doit bien entendu aller au-delà du projet et être étendue à l'espace affecté par celui-ci.
Cette analyse de l'état initial suppose la réalisation d'un inventaire faune-flore du milieu naturel dans lequel va s'insérer le projet. L'objectif de cet inventaire est d'identifier, sur le périmètre du projet et le périmètre plus vaste de ses impacts, la présence éventuelle d'espèces notamment protégées et/ou de leurs habitats.
L'inventaire faune-flore a pris une part prépondérante dans les évaluations environnementales, avec l'étude d'espèces plus nombreuses qu'auparavant, particulièrement depuis la loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Ces études faune-flore-habitats permettent d'identifier la présence potentielle d'une ou de plusieurs espèces protégées et, si le projet risque de porter une atteinte caractérisée à ces espèces, l'obligation de demander une dérogation que nous étudierons plus loin.
Ces études sont devenues « la bête noire » des aménageurs en raison de plusieurs facteurs : le nombre d'espèces ou d'habitats (la France dénombre pas moins de 7 000 espèces protégées !), la difficulté à déterminer les aires d'études qui sont variables selon les espèces et qui doivent désormais tenir compte de leurs sites de reproduction, leur durée qui doit comprendre quatre saisons, la possibilité pour le site d'évoluer au cours des travaux et de devenir l'habitat de nouvelles espèces avec la nécessité de mettre à jour l'inventaire, la nécessité d'imaginer des mesures ERC (éviter, réduire, compenser) très en amont du projet, la justification de l'absence de perte nette de biodiversité et du ZAN, et désormais la « clause filet ».
Or, nous le verrons, l'absence ou l'insuffisance d'une dérogation provoque son illégalité et, par conséquent, l'annulation du projet.
– Focus sur les zones humides. – La protection de ces zones, inscrite à l'article L. 211-1 du Code de l'environnement, a pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau avec la prise en compte des adaptations nécessaires au réchauffement climatique. Il s'agit également d'un sujet sensible et peut-être encore plus délicat à gérer que celui des espèces protégées. En effet, la présence d'une zone humide sur le site d'un projet peut remettre en cause totalement ou partiellement sa réalisation. Or le temps long de certaines opérations d'aménagement comme une ZAC est propice à l'installation de zones humides sur des terrains démolis et en attente de travaux de terrassement. Leur détection nécessite des investigations in situ pédologiques et floristiques à la saison adéquate, avec l'aide d'un écologue.

L'analyse des effets du projet sur l'environnement et la santé

– Analyser les effets prévisibles du projet. – Ils doivent être étudiés sur chaque cible de l'environnement naturel (paysages, faune, flore, continuités écologiques, eau, air, sol, climat…) et de l'environnement physique (bruit, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), mais également sur les biens matériels et le patrimoine culturel et la santé. Rien de spécifique toutefois n'a été intégré dans la législation pour étudier les impacts du projet sur la pollution de l'eau, de l'air ou la pollution radioactive ; on peut toutefois se raccrocher à l'analyse de ses effets sur l'hygiène, la sécurité et la salubrité publiques et la consommation énergétique. Quant aux incidences sociales qui conditionnent le développement durable, elles pourront être traitées par le biais des effets du projet sur la population.

La description des solutions de substitution examinées par le maître d'ouvrage et les raisons de son choix

– Décrire les mesures de substitution. – L'auteur du projet doit préciser, parmi les « partis envisagés », pour quelles raisons son choix s'est porté sur la solution finalement retenue, eu égard bien entendu à son insertion et à ses effets sur l'environnement. La notion est relativement floue ; sans exiger de l'auteur du projet qu'il présente toutes les variantes possibles d'un projet, il doit simplement esquisser les solutions antérieurement envisagées et non retenues, puis justifier son choix.
Cette obligation s'avère faiblement contraignante dans la mesure où il suffit pour le maître d'ouvrage de ne simplement pas envisager ni analyser de solution alternative pour ne pas avoir à en présenter. Sur la base de cette solution traditionnelle, le Conseil d'État a ainsi rejeté l'argumentaire de l'association Force 5 concernant l'insuffisance de l'étude d'impact du projet d'installation d'une centrale électrique à Landivisiau dans le Finistère, qui n'avait pas présenté de solutions alternatives tout simplement parce qu'aucune d'elles n'avait été envisagée. Le juge administratif retient la même analyse qu'en matière d'expropriation : le pétitionnaire n'a aucune obligation d'étudier des solutions alternatives, mais seulement celle de présenter les raisons qui l'ont amené à abandonner ces solutions… si tant est qu'il les ait envisagées et examinées. C'est plutôt sur le terrain de la concertation préalable en phase amont du projet et censé permettre de débattre de solutions alternatives que doit être recherchée l'étude comparative des différentes options.
Notons toutefois qu'en présence d'une zone humide ou en cas de demande de dérogation au titre des espèces protégées, la démonstration de l'absence de solution alternative satisfaisante va conditionner la légalité de l'autorisation.

La description des mesures pour éviter, réduire, compenser les impacts du projet sur l'environnement

– Décrire les mesures ERC. – Hormis le fait qu'elles doivent être proportionnées, le maître d'ouvrage est libre de décider des mesures à prendre pour éviter, réduire, voire compenser les impacts négatifs, lesquels découleront de l'analyse des effets du projet sur l'environnement et, depuis 2003, sur la santé.
Quelle est la valeur juridique de ces mesures proposées par le maître d'ouvrage dans son étude d'impact ?
  • Les mesures intégrées dans l'autorisation administrative au moyen de prescriptions et de moyens de suivi deviennent de véritables obligations juridiques.
  • Les mesures promises dans l'étude d'impact mais non reprises dans l'autorisation administrative finale resteront au stade d'un simple engagement moral du pétitionnaire.
– Articulation entre autorisation d'urbanisme et mesures ERC. – Depuis l'arrêt du Conseil d'État Association Koenigshoffen du 30 décembre 2020, les autorisations d'urbanisme ne peuvent plus ignorer les mesures ERC malgré l'indépendance des législations. Désormais, et dès lors que le projet faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme est soumis à étude d'impact en application du tableau annexé à l'article R. 122-2 du Code de l'environnement, l'autorisation d'urbanisme doit, à peine d'illégalité, contenir les mesures ERC et les modalités de leur suivi.
Cette prérogative accordée à l'autorité d'urbanisme se fonde aujourd'hui sur l'article L. 122-1-1 du Code de l'environnement qui, en son article II, précise que : « Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale relève d'un régime d'autorisation préalable qui ne répond pas aux conditions fixées au I, l'autorité compétente complète l'autorisation afin qu'elle y soit conforme ». Cette jurisprudence a même anticipé l'entrée des préoccupations environnementales dans le droit de l'urbanisme, car elle a été rendue sur le fondement de cet article dans sa version antérieure à l'ordonnance du 3 août 2016.
La prise en compte par le droit de l'urbanisme du principe de prévention du droit de l'environnement apparaissait déjà dans un arrêt du 9 juillet 2018, en vertu duquel une déclaration d'utilité publique préalable à une expropriation doit comprendre les mesures ERC si elle a été précédée d'une étude d'impact qui conclut à la nécessité de telles mesures.
– Sanctions des mesures ERC et conséquences sur l'autorisation d'urbanisme. – Malgré l'indépendance des législations, les mesures ERC prescrites par l'autorité d'urbanisme dans le cadre d'un permis de construire ou d'aménager peuvent avoir des conséquences non négligeables sur la validité de celui-ci. Différents cas de figure peuvent être envisagés :
  • si les mesures ERC qui ont été prescrites sont excessives, elles pourront être totalement ou partiellement annulées ;
  • si elles sont au contraire insuffisantes, leur irrégularité pourra faire tomber le permis de construire ou d'aménager à l'occasion d'un recours, ou plus certainement être modifiées et/ou complétées pour régulariser le permis ;
  • si les mesures prescrites s'inscrivent dans le temps et qu'elles ne sont plus respectées, l'ouvrage devient irrégulier sans possibilité de faire jouer la prescription décennale de l'article L. 421-9 du Code de l'urbanisme dès lors que les mesures ERC sont considérées comme des prescriptions relevant du droit de l'environnement. En effet, la prescription ne joue que pour « l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ». Si toutefois les mesures en question ont été intégrées dans les prescriptions du permis de construire, on devrait pouvoir les considérer comme relevant du droit de l'urbanisme.
– La séquence ERC en pratique, évaluation. – Elle est au cœur de l'évaluation environnementale, car c'est précisément la mise en œuvre de ces mesures qui va permettre de limiter les impacts néfastes du projet sur l'environnement et la santé.
Or les rapports d'activité des MRAe ainsi que la synthèse annuelle de la Conférence des autorités environnementales font régulièrement état des faiblesses des études d'impact sur ce point. Les mesures d'évitement sont soit absentes soit floues dans la majorité des études d'impact qui se focalisent sur la démonstration que les mesures destinées à réduire les impacts sont suffisantes.
Les porteurs de projet doivent apporter la démonstration de l'impossibilité de faire de l'évitement et de la réduction, avant de présenter des mesures de compensation qui sont trop systématiques. Et lorsqu'ils présentent de telles mesures, elles doivent être accompagnées des modalités précises de leur suivi dans le temps.
Ainsi le rapport d'activité 2022 de la MRAe Bretagne indique que : « L'évitement qui devrait mobiliser prioritairement la réflexion à partir de scénarios véritablement alternatifs est rarement pris en compte, les grandes options du projet paraissant déjà « actées » avant la mise en œuvre de la démarche ERC, dans la plupart des dossiers ». La rareté du foncier est certainement l'une des raisons de ces manquements, car elle n'incite pas à questionner l'emplacement du projet qui s'avère souvent une opportunité pour l'opérateur.
Ce même rapport fait état d'une évaluation très souvent insuffisante des incidences du projet sur la biodiversité, les zones humides, les nuisances sonores ou les paysages. La MRAe relève également des lacunes importantes en matière de transition énergétique et de changement climatique, avec très peu d'engagements concrets de la part des opérateurs sur le développement des énergies renouvelables, ou encore les économies d'eau potable. Quant aux projets industriels ou d'élevage, l'évaluation des incidences se limite à une vérification du respect des seuils réglementaires.
Le président de la Conférence des autorités environnementales, dans la synthèse de la même année, alerte sur la nécessité de changement de paradigme pour les porteurs de projet qui vont devoir privilégier la sobriété en termes de consommation d'espace mais aussi d'eau et d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre.
Il souligne également la complexité des procédures relatives à l'évaluation environnementale, due à leur combinaison avec les autorisations d'urbanisme nécessaires au projet selon des délais et périmètres différents.

La présentation des modalités de suivi des mesures envisagées et du suivi de leurs effets sur l'environnement et la santé

– Un suivi dans la durée. – Cette disposition, introduite seulement en 2010, est importante car elle permet de conférer un caractère pérenne à l'étude d'impact, la transformant ainsi de simple procédure préalable à une activité en un véritable outil d'évaluation des effets du projet dans la durée.