L'octroi avec prescriptions

L'octroi avec prescriptions

– Le droit du pétitionnaire à la délivrance d'une autorisation assortie de prescriptions. – Ainsi que nous avons eu l'occasion de le préciser plus haut (V. supra, n° ), l'autorité administrative qui délivre une autorisation est tenue d'apprécier la demande, nonobstant la fragilité de certains de ses aspects, en vérifiant si l'autorisation ne peut pas être délivrée sous réserve du respect de certaines prescriptions, dans la mesure où les dispositions du règlement national d'urbanisme sont opposables à toute demande d'autorisation d'urbanisme (à l'exception de celles dont il est expressément prévu qu'elles peuvent relever d'un document de planification urbaine s'y substituant). Ainsi, ces prescriptions imposées au pétitionnaire peuvent relever de plusieurs domaines tels que la protection de l'environnement, la salubrité et la sécurité publiques, l'exposition du projet à des nuisances sonores, la conservation ou mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques, l'atteinte à des éléments présentant un intérêt architectural, patrimonial, paysager ou écologique, etc.
Ainsi est-il prévu dans les différents articles du règlement national d'urbanisme que « le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales ». Le champ matériel des prescriptions est toutefois précisément circonscrit à des points limités et précis ne nécessitant pas le dépôt d'un nouveau projet. Ce principe résulte d'un considérant rendu par le Conseil d'État dans un arrêt de la section du contentieux du 13 mars 2015, selon lequel l'administration « ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect ».
Dans la lignée de cette jurisprudence, dont l'objet avait permis de remettre de l'ordre dans la faculté offerte à l'administration d'édicter des prescriptions, un arrêt du 2 juin 2023 est venu rappeler que cette possibilité n'était ouverte qu'à deux conditions, comme le précise Élise Carpentier. D'abord, les prescriptions ne doivent entraîner de modifications que sur des points précis et limités du projet. Ensuite et surtout, elles doivent reposer sur des considérations de légalité, autrement dit avoir pour objet de garantir la conformité du projet aux règles qui lui sont opposables, à l'exclusion notamment de considérations de pure opportunité.
Par conséquent, une prescription ne peut être légalement imposée dans le cadre d'une autorisation que si elle ne nécessite pas la présentation d'un nouveau projet par le pétitionnaire et qu'elle repose sur un point précis et limité. De plus, elles ne peuvent renvoyer postérieurement à l'octroi de l'autorisation à un avis ultérieur du maire ou des services, disposition et faculté non envisagées par le Code de l'urbanisme.
– Le principe de l'autorisation conditionnelle. – Une autorisation délivrée avec prescriptions répond donc à la qualification d'autorisation conditionnelle. Sa légalité et donc son octroi sont, dans le respect du principe rappelé supra, conditionnés au respect par le pétitionnaire des prescriptions imposées par l'autorité délivrante. Ces prescriptions, en application du même arrêt du 13 mars 2015 pouvant être, et ce fut salué à l'époque comme une nouveauté mettant fin à l'indivisibilité de l'autorisation d'urbanisme, attaquées et contestées par le pétitionnaire.
– Les prescriptions liées à des avis consultatifs. – Les prescriptions ne sont pas uniquement liées à une modification demandée pour satisfaire au respect d'une règle impérative du RNU ou une prescription du document d'urbanisme. Il en est de même lorsque les prescriptions ne sont que la retranscription des préconisations ou réserves en lien avec des règles de fond formulées par les autorités ad hoc consultées, au nombre desquelles figurent les services d'incendie ou de secours, l'architecte des Bâtiments de France ou encore les services techniques compétents en termes d'assainissement ou de voirie.
– Les prescriptions et les adaptations mineures . – L'article L. 152-3 du Code de l'urbanisme (anciennement codifié à l'article L. 123-1-9) dispose que : « Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme :
  • Peuvent faire l'objet d'adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ;
  • Ne peuvent faire l'objet d'aucune autre dérogation que celles prévues par les dispositions de la présente sous-section ».
Cette disposition empreinte de pragmatisme évite qu'une application trop stricte de la règle d'urbanisme puisse entraîner des effets insoupçonnés, des situations dépourvues de sens et/ou une utilisation du sol contraire à l'esprit du règlement. Les adaptations mineures, à la différence des dérogations, n'ont pas besoin de faire l'objet d'une demande particulière. La jurisprudence considère en effet qu'il appartient au service instructeur d'étudier d'office la possibilité de les accorder, alors même que le pétitionnaire n'aurait pas fait état d'une telle demande d'adaptation dans sa demande d'autorisation. Toutefois, comme le relève Francis Polizzi, « le projet n'a alors pas à être modifié pour être rendu conforme à la règle méconnue, mais peut être autorisé en l'état, moyennant une adaptation mineure à cette règle. Il s'agit donc, pour l'administration comme pour le juge, non de se substituer respectivement au pétitionnaire et à l'administration, mais seulement de vérifier que les conditions d'application d'une adaptation mineure sont réunies ».
– Jurisprudence – Société Compagnie immobilière méditerranée . – La jurisprudence récente tend à contraindre l'administration à ne conduire l'instruction que dans le seul objectif d'assurer la conformité des travaux aux règles d'urbanisme. Poussant à l'extrême cette doctrine dans l'objectif assumé de faciliter la conduite des projets, le Conseil d'État a pu juger, dans l'arrêt Société Compagnie Immobilière de méditerranée du 3 juin 2020 rendu relativement à la question des accès et des voies dessertes d'une opération, que le permis pouvait être délivré avec la prescription de justifier de la conclusion ultérieurement et au plus tard au jour de la déclaration d'ouverture de chantier, de la conclusion d'une servitude de passage dont le pétitionnaire ne justifiait pas au jour de l'instruction. Cette jurisprudence consiste en un assouplissement sur la jurisprudence Bartolo dont nous reprenons ci-dessous l'un des considérants : « si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique ».
Pour mémoire, la problématique de l'accès et des voiries dans le cadre de l'instruction est réglée par l'article R. 111-5 du Code de l'urbanisme (RNU). Excepté la situation de risques pour la sécurité publique, cet article du règlement national d'urbanisme ne prévoit pas la possibilité que la question des voiries et accès puisse faire l'objet de prescriptions. Aussi si cette jurisprudence Société Compagnie Immobilière de méditerranée peut interroger à ce titre en instituant une sorte d'autorisation sous condition non prévue par le texte, elle est susceptible de poser nombre de difficultés à la pratique notariale.
Certes, comme le relève la rapporteure publique : « La bonne administration plaide (…) en faveur de l'usage d'une telle faculté de délivrance du permis de construire sous condition, qui s'apparente à une forme de régularisation précontentieuse, plutôt que de l'opposition d'un refus qui donnerait lieu à l'instruction complète d'une nouvelle demande de permis de construire, chronophage pour les services comme pour les pétitionnaires, pour aboutir à un résultat identique ». Mais en réalité, ouvrir la voie au permis conditionnel sur des questions qui relèvent du droit privé participe certainement de l'idée d'une régularisation précontentieuse du volet administratif du permis mais ne préjuge en rien d'un contentieux civil au titre de l'exercice de ladite servitude. De surcroît, il appartiendra au notaire de s'assurer que l'ensemble des prescriptions sont prises en compte par le pétitionnaire, et notamment au titre de la destination même des constructions. En effet, si par principe un pétitionnaire n'exécute pas une prescription, il s'expose à n'en pas douter à des sanctions pénales et verra sa responsabilité engagée vis-à-vis des acquéreurs. Or, dans le cas présent d'un défaut d'accès, la vérification du respect par le pétitionnaire de la prescription incombe inévitablement au notaire dans le cadre de la sécurisation des actes subséquents dont il doit assurer l'efficacité.