– Encore un vice difficilement régularisable. – La production d'une étude d'impact est obligatoire préalablement à l'autorisation de nombreux projets susceptibles d'affecter l'environnement. Cette étude constitue un des éléments du dossier porté à l'appréciation de l'autorité compétente pour délivrer ou refuser l'autorisation administrative.
L'étude d'impact peut aussi fragiliser la sécurité juridique d'un projet. En effet, son insuffisance pourra être utilisée devant le juge administratif à l'occasion d'un recours contre la décision d'autorisation du projet.
L'absence ou l'insuffisance de l'étude d'impact constitue un vice de légalité externe conduisant à l'annulation de la décision administrative. Une étude d'impact sera jugée insuffisante si les irrégularités ou les lacunes qu'elle comporte sont susceptibles de nuire à l'information du public, à l'expression de ses observations par la population ou à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'autorité compétente. Ainsi, « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ».
Par une décision du 27 mars 2023, le Conseil d'État précise le contenu de l'étude d'impact et la nécessaire prise en compte des effets indirects du projet sur l'environnement.
Par un arrêté pris au titre de la législation ICPE, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé une société à poursuivre l'exploitation des installations d'une centrale, à exploiter de la biomasse et à créer différents bâtiments en lien avec l'exploitation de cette biomasse.
Devant la cour administrative d'appel de Marseille, l'association requérante soutenait que l'étude d'impact de ce projet était insuffisante, ne tenant pas compte des techniques d'approvisionnement en bois forestier.
Pour rappel, le contenu de l'étude d'impact était précisé par l'ancien article R. 512-8 du Code de l'environnement qui imposait une analyse de l'état initial du site et une analyse des effets directs et indirects de l'installation sur l'environnement. Il s'agit d'une transposition fidèle de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Ces dispositions sont reprises par la réglementation en vigueur.
La cour administrative d'appel avait souligné que « si l'approvisionnement en bois forestier de la centrale est une condition de son exploitation, l'exploitation forestière et la production d'électricité ont cependant leur finalité propre et répondent à ses objectifs différents. Elles constituent des opérations pouvant être mises en œuvre de façon indépendante ». Partant, « le dossier n'avait pas (…) à analyser les incidences des coupes de bois nécessaires au fonctionnement de la centrale (…) une telle évaluation relevant en tout état de cause de procédures distinctes prévues au code forestier ».
Ce raisonnement est censuré par le Conseil d'État qui juge que « l'appréciation de ces effets suppose que soient analysées dans l'étude d'impact non seulement les incidences directes sur l'environnement de l'ouvrage autorisé, mais aussi celles susceptibles d'être provoquées par son utilisation et son exploitation ».
En l'espèce, l'exploitation de la centrale repose sur la consommation de grandes quantités de bois provenant de ressources forestières locales. L'incidence de l'exploitation sur ces massifs forestiers devait donc nécessairement figurer dans l'étude d'impact. En estimant l'inverse, la cour administrative a commis une erreur de droit.
Le rapporteur public Stéphane Hoynck délimite la portée de cette solution dans ses conclusions en rappelant que le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement : « Cela ne signifie certainement pas que tout projet soumis à étude d'impact doive réaliser une évaluation de l'ensemble des incidences environnementales de l'ensemble des intrants qui servent à la fabrication et même au fonctionnement de l'installation ».
Cette solution est au demeurant parfaitement en accord avec la jurisprudence européenne. Dans un arrêt Paul Abraham, la Cour de justice des Communautés européennes avait indiqué qu'« il serait réducteur et contraire à [l'approche globalisante de la directive no 85/337] de ne prendre en considération, pour l'évaluation des incidences sur l'environnement d'un projet ou de sa modification, que les effets directs des travaux envisagés eux-mêmes, sans tenir compte des incidences sur l'environnement susceptibles d'être provoquées par l'utilisation et l'exploitation des ouvrages issus de ces travaux » conformément aux conclusions de l'avocat général suivant lesquelles « les mesures postérieures à la construction d'un terrain d'aviation peuvent également avoir des incidences notables sur l'environnement ». Cette jurisprudence a été confirmée par la suite.
L'insuffisance de l'étude d'impact environnemental, lorsqu'elle entraîne l'annulation d'un permis de construire, permet de demander la démolition comme toute violation de règle d'urbanisme ou de servitude d'utilité publique.