Le sursis à statuer

Le sursis à statuer

Le sursis à statuer permet à̀ l'autorité compétente de différer dans le temps la réponse à apporter à une demande d'autorisation d'urbanisme pour éviter qu'une opération d'aménagement, des travaux publics ou l'exécution d'un futur plan local d'urbanisme ne soient compromis. Il s'agit d'une mesure de sauvegarde qui est utilisée par l'administration dans un objectif de préservation de décisions ou d'opérations d'aménagement futures.
– Champ d'application du sursis à statuer. – Le sursis à statuer relève normalement du pouvoir et de la compétence discrétionnaire du maire. Toutefois, il appert que dans certaines circonstances ce pouvoir se mue en devoir, au risque d'être confronté à une contestation dans le cadre du contrôle de légalité. En effet, à partir du moment où le projet de nouveau document d'urbanisme est suffisamment avancé, l'autorité administrative se trouve dans une sorte de compétence liée. Si son régime est fixé par l'article L. 424-1 du Code de l'urbanisme, plusieurs textes renvoient à cet article.
Compte tenu du caractère exorbitant de ce pouvoir, certains sursis ne peuvent être imposés que s'ils s'inscrivent dans un calendrier susceptible de justifier la réalité de l'impact négatif du projet sur la planification urbaine ou les objectifs poursuivis par l'autorité compétente.

Pas de sursis à statuer possible en cas de simple modification du PLU

<em>Jurisprudence CE, Société Denali Consulting et autres</em>

À la différence de la révision du document d'urbanisme, la procédure de modification du plan local d'urbanisme n'ouvre pas la possibilité de modifier le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et donc de débattre de ses orientations. Les conditions d'utilisation du sursis étant strictement encadrées par la loi, une modification du PLU ne répond pas aux exigences posées par l'article L. 153-11 du Code de l'urbanisme qui dispose que le sursis à statuer peut être opposé lorsque le projet est susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme si son élaboration a été prescrite et que le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable [PADD] est intervenu).

– Opposabilité du sursis à statuer. – Un sursis à statuer peut ainsi être opposé dans les situations suivantes.
Le projet est susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreux :
  • la réalisation d'une opération d'aménagement dans le périmètre des opérations d'intérêt national (OIN) (C. urb., art. L. 102-13, 6°) ; la réalisation de travaux publics ou la réalisation de travaux d'aménagement (C. urb., art. L. 424-1, 2° et 3°) ;
  • l'exécution du futur plan dans les communes soumises à l'érosion du littoral (C. urb., art. L. 421-4, 2° par renvoi aux articles L. 121-22-3 et L. 121-22-7 du même code) ;
  • l'exécution du futur plan local d'urbanisme si son élaboration a été prescrite et que le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) est intervenu (C. urb., art. L. 153-11, al. 3) ;
  • les travaux d'aménagement et d'équipement de la zone d'aménagement concerté dans le périmètre de laquelle les terrains objet de la demande sont compris dès lors que l'arrêté de création de la ZAC a été publié (C. urb., art. L. 311-2).
Le projet est susceptible de modifier l'état des lieux ou l'état des espaces :
  • ayant vocation à être compris dans le périmètre d'un parc national (C. env., art. L. 331-6) ;
  • par artificialisation, compromettant ainsi l'atteinte des objectifs de réduction de la consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers en application de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN).
Le projet est compris dans le périmètre d'une opération soumise à déclaration d'utilité publique (DUP) (C. urb., art. L. 424-1, 1°).

Périmètre de prise en considération de projet (PPCP) et périmètre d'attente de projet d'aménagement global (PAPAG)

Le périmètre de prise en considération consiste en la détermination, au terme d'une délibération prise par la collectivité compétente en matière de planification urbaine, d'un périmètre géographique à l'intérieur duquel, pendant une durée de dix ans, il pourra être opposé un refus ou un sursis à statuer dans les conditions fixées par le Code de l'urbanisme.

Le périmètre d'attente de projet d'aménagement global est une servitude d'urbanisme d'inconstructibilité instituée pour une durée maximum de cinq ans dont le régime juridique est fixé à l'article relatif aux emplacements réservés.

– Effets du sursis à statuer. – Le sursis à statuer doit être proportionné, motivé de manière explicite et fixé pour une durée maximum de deux années. Il doit fixer le délai dans lequel le pétitionnaire devra confirmer sa demande. À cet égard, si la confirmation intervient dans les deux mois qui suivent la période fixée par le sursis à statuer, l'administration dispose alors d'un délai de deux mois pour statuer. À défaut naît un permis tacite, alors même que selon la jurisprudence, la demande serait de celles limitativement énumérées (V. infra, n° , décision tacite), pour lesquelles le silence de l'administration est réputé valoir refus implicite. Par ailleurs, aucune pièce complémentaire ne peut être demandée par l'administration dans ce délai.
– Le sursis à statuer à l'épreuve de l'indépendance des législations. – Le sursis à statuer constituant un motif d'opposition à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme et ainsi un obstacle au droit de construire dans les zones identifiées comme susceptibles de recevoir des constructions, son régime et les motifs fondant un tel sursis sont expressément fixés par la loi. Ainsi, une autorisation environnementale relevant du Code de l'environnement et donc distincte d'une autorisation d'urbanisme peut-elle faire l'objet d'un sursis à statuer ?
C'est sur cette question que le Conseil d'État était amené à se prononcer dans le cadre d'une demande d'avis contentieux rendu le 9 juillet 2021. Suivant les conclusions du rapporteur public, le Conseil d'État a ainsi pu décider qu'il n'était pas possible d'opposer un sursis à statuer à une autorisation environnementale alors même que le projet soumis à autorisation serait susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du plan local d'urbanisme. Il s'agit d'une application concrète de l'indépendance des législations, dans ce sens où cette position ne préjuge pas du sursis qui pourrait être opposé « si la réalisation de l'activité autorisée par cette autorisation suppose également la délivrance d'un permis de construire ». Il n'en demeure pas moins que cette position interroge singulièrement compte tenu des objectifs poursuivis par le sursis à statuer. Pourtant, comme le relève le rapporteur public : « La relative parenté des législations d'urbanisme et d'environnement, au regard surtout des objectifs qu'elles poursuivent, incite souvent à vouloir faire tomber le mur de l'indépendance des législations pour privilégier un renforcement des liens déjà forts entre ces deux codes. Mais en l'absence d'accroche permettant de faire le lien, voire en l'absence de pont pensé par le législateur, c'est ici l'indépendance des législations qui prévaut ».
Sur le fond du droit, nous ne pouvons que nous rallier à l'analyse de Olivier Fuchs et à la décision du Conseil d'État. La ratio legis, en revanche, nous encourage à porter le vœu que dans un avenir proche, et pour d'évidentes raisons de sécurité juridique comme de satisfaction de la compréhension que les citoyens doivent avoir de la règle environnementale, un sursis à statuer spécifique puisse être institué dans le Code de l'environnement dès lors qu'un projet d'implantation d'une installation, ouvrage, travaux et aménagements soumis à évaluation environnementale serait susceptible de contrarier un projet de renaturation, l'état des lieux ou l'état des espaces, à l'instar du sursis à statuer de l'article L. 331-6 du Code de l'environnement.