Le refus

Le refus

– Le refus sec et la condition suspensive d'obtention de l'autorisation. – Il ne s'agira pas d'évoquer ici les situations de refus illégaux dont le motif serait insusceptible de répondre aux exigences posées par le Code de l'urbanisme ou au titre du non-respect d'une autre législation. Nous pensons à la situation d'un refus dicté par des considérations de principe ou dont l'origine serait plus trouble et/ou en tout état de cause contraire à la loi (posture politique, non-respect d'une charte promoteur…). Ce type de refus relevant de situations de fait, au demeurant marginales, peut être relégué au cas d'école même si sa survenance ne manquera pas de provoquer nombre de réactions. Ce genre de situation ne doit pas rentrer en considération dans les lignes du Congrès des notaires de France, la loi autorisant les pétitionnaires à ester en justice ou par la voie du recours administratif.
En revanche, la question du refus au titre du non-respect de la réglementation d'urbanisme doit être particulièrement circonscrite et intéresse particulièrement les praticiens dans le cadre de l'établissement des conditions suspensives de la promesse de vente. Si certaines situations de « refus sec » ne posent pas de difficulté dès lors qu'elles sont rendues au visa d'un risque avéré en termes de sécurité ou de salubrité publiques, il peut arriver que certaines dispositions des documents de planification urbaine puissent, par leur rédaction même, être sujettes à interprétation et motiver un refus. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'un terrain dépendant d'une OAP sectorielle, la vérification de la satisfaction par le pétitionnaire des dispositions applicables sera sujette à interprétation et contestation.
Dans ces situations, la constatation de la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention de l'autorisation d'urbanisme peut poser difficulté. Les promesses de vente sont en effet la plupart du temps rédigées dans des termes postulant que le pétitionnaire s'oblige à déposer un permis de construire conforme aux dispositions et à la réglementation applicables. Or, pour les raisons évoquées ci-dessus, il apparaît excessivement délicat de pouvoir s'assurer que le bénéficiaire de la condition suspensive a satisfait à son obligation. Cette observation s'inscrit dans la suite de celles que nous avons formulées au stade de l'instruction de l'autorisation, mais aussi au regard de la forte imprégnation du droit de l'environnement dans le droit de l'urbanisme et dans le contentieux de l'urbanisme.
Sans ignorer cette situation très hypothétique, il semblerait étrange qu'un opérateur dépose « à risque » un permis de construire dans le seul but de s'exonérer de ses obligations contractuelles vis-à-vis d'un propriétaire foncier. Or, dans la situation d'un refus de permis de construire, le propriétaire foncier pourrait tenter d'arguer de la non-conformité du dossier de demande pour obtenir le versement de toute indemnité au titre du non-accomplissement de son obligation par le vendeur.
– Le refus sec et les avis. – La délivrance d'une autorisation d'urbanisme ou au titre du droit de l'environnement, si elle relève d'une seule autorité administrative, peut voir sa légalité conditionnée à la consultation préalable, facultative ou obligatoire d'une autre autorité. Cette consultation, si elle est obligatoire à des fins de validité de la procédure, n'emporte pas les mêmes conséquences selon que l'avis est un avis simple ou un avis conforme. Nous relèverons toutefois qu'en cas d'avis conforme négatif liant l'autorité de délivrance (services territoriaux d'architecture et du patrimoine [STAP], préfet, etc.), le refus s'impose.
Encore une fois, la difficulté pour le praticien d'appréhender au stade de la promesse la totalité des avis susceptibles d'être sollicités rend périlleux le contrôle de la légalité et du bien-fondé du refus. Sous réserve de ce que nous avons pu préciser ci-dessus, le simple constat du refus ne devrait pas être susceptible d'entraîner une quelconque difficulté dans le constat de la caducité de l'engagement des parties.
– Notification du refus. – S'agissant de la décision de refus, la dernière particularité à signaler dans l'intérêt de la pratique notariale est la question de la notification du refus et l'article L. 424-2 du Code de l'urbanisme aux termes duquel « le permis de construire est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ». Dans un arrêt du 2 avril 2021 publié aux tables du Recueil des décisions du Conseil d'État, le Conseil d'État opère une distinction quant à la circonstance que seul un pétitionnaire soit destinataire du refus alors que le permis a été déposé à plusieurs. Ou bien le refus du permis est motivé par « l'impossibilité de réaliser légalement la construction » et aucune autorisation tacite ne peut être invoquée alors même que certains pétitionnaires n'auraient pas été destinataires de la décision, « le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire ». Ou bien le permis n'est refusé que pour des motifs tenant à la personne de l'un des auteurs auquel cas le permis tacite est susceptible d'être invoqué par les autres pétitionnaires.
– Le refus sec et la responsabilité notariale. – Ne doutons pas que la fragilité d'une clause relative à la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire ne manquera pas d'être débattue dans les prétoires dans un contexte macroéconomique où le propriétaire foncier pourrait ne pas trouver un nouvel acquéreur aux mêmes conditions dans l'hypothèse d'un refus du permis de construire.
En outre, relevons que si la contestation du refus est ouverte ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, il ne nous semble pas possible de contraindre le pétitionnaire de porter une contestation du refus. Inversement il peut apparaître comme excessif d'interdire toute option de contestation par la voie hiérarchique ou contentieuse au pétitionnaire, mais avec le risque que le propriétaire se trouve « bloqué » dans un lien contractuel dont le terme serait incertain.
Nous suggérons et recommandons de prévoir expressément que tout refus d'autorisation dans le cadre de l'exécution d'un avant-contrat de vente ne puisse entraîner que la caducité de la promesse dans des conditions permettant d'éviter toutefois un anéantissement du contrat.
Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui compte tenu de l'obligation faite à l'administration, aux termes de l'article L. 424-3 du Code de l'urbanisme, de motiver intégralement son refus et, partant, du délai nécessaire dont doit disposer le pétitionnaire pour examiner les motifs de ce dernier.
Le recours à la clause de rencontre nous paraît suffisamment protecteur des engagements de chacune des parties. Gageons que l'ingénierie notariale et la technique contractuelle dans le cadre de dossiers présentant un tropisme ou une singularité permettront de rédiger une clause sur-mesure.
– Le refus constructif. – Excepté les cas où le refus est dicté par des raisons relevant de la sécurité ou de la salubrité publiques, le refus apparaît pour le porteur de projet (nonobstant la limitation des refus non motivés susceptibles de donner naissance à une autorisation tacite) comme un événement aux conséquences économiques graves qui lui impose de redéposer une nouvelle autorisation. Le GRIDAUH, dans son rapport de 2023 intitulé « Le régime des autorisations d'urbanisme depuis la réforme de 2007. Bilan et perspectives », évoque plusieurs propositions qui présentent un réel intérêt pour pallier ces difficultés. Il s'agirait de promouvoir :
  • la mise en place d'un dialogue facultatif contradictoire en cours d'instruction, dans un délai déterminé par le Code de l'urbanisme (de un à deux mois) suspendant le délai d'instruction ;
  • l'instauration d'un « recours gracieux constructif », présenté sous une forme normalisée, éventuellement même d'un document CERFA spécifique, auquel l'administration devrait répondre par une décision expresse ;
  • la possibilité de la présentation d'une nouvelle demande à délai abrégé ;
  • l'extension des pouvoirs de régularisation aux refus.