La montagne

La montagne

– Le développement des montagnes françaises. – Autre territoire exceptionnel par ses paysages, ses ressources et l'attrait touristique qu'il suscite, la montagne constitue une richesse inestimable pour la France. Pourtant, la montagne a longtemps été un milieu hostile où la vie était rude pour l'homme, notamment pour le paysan confronté aux pentes et aux rigueurs de l'hiver. Au point que la tradition « des petits ramoneurs savoyards » amenait certains enfants de Savoie à courir les routes de France pour aller ramoner les cheminées dans les villes afin d'échapper à la misère. Le tournant s'opère sous le Second Empire après le rattachement de la Savoie et de la Haute-Savoie à la France. Au fil des années se développent les cures thermales et les randonnées estivales qui renvoient au concept de la montagne « réserve de santé ». Au début du XX e siècle sont créées les premières stations de ski réservées à une clientèle huppée. En 1924, Chamonix accueille les premiers Jeux olympiques d'hiver. À nouveau, la « grande bascule » intervient durant les Trente Glorieuses. La montagne s'offre à la classe moyenne : « l'or blanc » assure le développement du tourisme de masse, et de grandes infrastructures immobilières, de loisirs et de transport sortent de terre, sous l'impulsion de l'État. L'attrait de la montagne, notamment des Alpes, ne s'est jamais démenti et les Jeux olympiques de Grenoble en 1968 et d'Albertville en 1992 ont puissamment contribué à son essor.
Dès les années 1970, les pouvoirs publics s'appliquent à protéger juridiquement les espaces montagnards, notamment en instaurant un régime d'urbanisation spécifique. À la directive nationale d'aménagement du 22 novembre 1977 succèdent la loi 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi Montagne » et deux décrets d'application des 10 janvier 1986 et 6 mai 1988. Ces textes ont fait l'objet de modifications successives, dont la dernière est le fait de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Les règles protectrices de la montagne sont codifiées aux articles L. 122-1 et suivants et R. 122-1 et suivants du Code de l'urbanisme.
– Champ d'application de la loi Montagne. – L'article 3 de la loi Montagne définit les zones de montagne dans lesquelles s'appliquent les articles L. 122-1 et suivants du Code de l'urbanisme. Il s'agit « des communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus :
  • Soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;
  • Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ;
  • Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée ; dans ce cas, le handicap résultant de cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle des situations visées aux 1° et 2° ci-dessus ».
Le décret no 2004-69 du 16 janvier 2004 relatif à la délimitation des massifs rattache chaque zone de montagne à un massif : les Alpes, la Corse, le Massif central, le Massif jurassien, les Pyrénées et le Massif vosgien. Les arrêtés précisant les 5 500 communes comprises dans une zone de montagne sont visés de façon limitative par l'arrêté interministériel du 6 septembre 1985.
– La loi Montagne comme instrument de protection. – Dans l'esprit et les techniques, les similitudes entre les dispositions des lois Littoral et Montagne sont nombreuses. Parfois même, des communes sont soumises à l'application conjointe des deux régimes de protection : il s'agit des communes de montagne riveraines des dix lacs de plus de 1 000 hectares, de communes des Alpes-Maritimes, des Pyrénées-Orientales ou de Corse. En cas de divergence, la règle de protection la plus stricte doit être appliquée. Les articles L. 121-2 et L. 121-13 du Code de l'urbanisme précisent l'articulation entre les deux régimes.
Comme celles de la loi Littoral, les dispositions de la loi Montagne sont opposables directement aux autorisations de construire, mais aussi à ce qui peut être réalisé sans déclaration ou permis. Comme pour la loi Littoral, les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec la loi Montagne. Lorsque des dispositions d'un PLU contreviennent à la loi Montagne, elles sont écartées. Les demandes d'autorisation d'urbanisme sont alors instruites sans filtre conformément aux articles L. 122-1 et suivants. Comme pour la protection des espaces côtiers, la sobriété foncière irrigue les dispositions de la loi Montagne. Ainsi, l'article L. 122-5 du Code de l'urbanisme pose comme principe l'extension de l'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante, tandis que l'article L. 122-10 entend préserver les terres nécessaires au maintien des activités agricoles pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée.
Au-delà, les objectifs de réduction de l'artificialisation devant conduire au ZAN à l'horizon 2050 s'appliquent à la montagne tout comme ils s'appliquent au littoral. Aussi, l'ouverture à l'urbanisation s'appliquera conformément aux règles de la loi du 9 janvier 1985 dans la limite du contingent communal de surfaces à artificialiser.
Mais ni la loi Montagne ni la politique du ZAN ne doivent freiner le progrès. Bien au contraire, elles doivent permettre de concilier préservation des espaces naturels et développement des activités dont les Français ont besoin. En cela, la législation sur les unités touristiques nouvelles (UTN), propre à un milieu sensible comme la montagne, est particulièrement intéressante. Nous nous proposons de la présenter comme symbole du développement dans le respect de l'environnement et comme trait d'union entre le ZAN modulé en fonction des territoires et des projets.
– La définition des unités touristiques nouvelles. – Les unités touristiques nouvelles (UTN) sont spécifiques à l'urbanisme en zone de montagne. L'objectif du régime est de concilier les nécessités du développement et de la protection d'un milieu sensible, exposé au changement climatique. Les UTN existaient avant la loi Montagne de 1985 qui a assuré leur codification. Leur régime a été modifié à plusieurs reprises, en dernier lieu par la loi no 2016-1888 du 28 décembre 2016, dite « loi Montagne II », et le décret no 2017-1039 du 10 mai 2017.
Les UTN sont définies par l'article L. 122-16 du Code de l'urbanisme comme « toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l'espace montagnard ». Elles sont des projets de construction, d'équipements ou d'aménagements touristiques dont la principale caractéristique est d'échapper au principe d'urbanisation en continuité, tout en respectant la qualité des sites et les grands équilibres naturels. On distingue les UTN structurantes (UTNS) et les UTN locales (UTNL) selon des critères de taille ou de capacité.
– Les UTN structurantes (UTNS) et les UTN locales (UTNL). – Les UTNS sont listées à l'article R. 122-8 du Code de l'urbanisme. Sont notamment visées les opérations de construction ou d'extension d'hébergements et d'équipements touristiques d'une surface de plancher totale supérieure à 12 000 m2. Les UTNS peuvent aussi être définies par le SCoT en application de l'article L. 122-17.
Les UTNL, pour leur part, sont listées à l'article R. 122-9 du Code de l'urbanisme. Il s'agit notamment des opérations entraînant la création ou l'extension sur une surface de plancher totale supérieure à 500 m2 d'hébergements touristiques ou d'équipements touristiques, lorsqu'elles ne sont pas situées dans un secteur urbanisé ou dans un secteur constructible situé en continuité de l'urbanisation. Les UTNL peuvent aussi être définies par le PLU en application de l'article L. 122-18 du même code.
La possibilité pour les collectivités locales de définir des UTN a été accordée par la loi Montagne II. Toutefois, en application de l'article R. 122-7, et comme expliqué dans l'instruction gouvernementale du 12 octobre 2018, cette possibilité ne permet ni de restreindre ou remettre en cause les listes fixées par décret en Conseil d'État, qu'il s'agisse d'une UTNS ajoutée par le SCoT ou d'une UTNL ajoutée par le PLU ; ni de restreindre ou remettre en cause les catégories d'UTN fixées par le SCoT, lorsqu'il s'agit d'une UTNL ajoutée par le PLU.
Enfin, le SCoT peut abaisser les seuils fixés par décret et ainsi faire remonter des UTNL dans le champ des UTNS, ces dernières s'avérant structurantes au regard du parti d'aménagement du SCoT.
– Les constructions, installations et aménagements touristiques d'une superficie inférieure aux seuils UTN. – Les opérations ne répondant pas à la qualification d'UTN, c'est-à-dire inférieures aux seuils réglementaires ou fixés par les PLU, sont dispensées de demande d'autorisation de création. Toutefois, le porteur de projet devra solliciter une autorisation d'urbanisme. En effet, l'autorisation d'UTN n'est qu'un préalable à cette délivrance.
Les extensions limitées des constructions, installations et aménagements ne sont pas soumises au régime des UTN (C. urb., art. L. 122-16, al. 2). Néanmoins, en cas de réalisation fractionnée d'une même opération, l'article R. 122-6 impose de prendre en compte la surface totale finale pour déterminer la soumission au régime UTN. En outre, les extensions des constructions existantes inférieures aux seuils des UTNL (hébergements touristiques inférieurs à 500 m² et refuges inférieurs à 200 m²) ne sont pas soumises au principe d'urbanisation en continuité. En effet, l'article R. 122-5 du Code de l'urbanisme précise que ces extensions sont réputées constituer des extensions limitées des constructions existantes.
– Les règles de procédure applicables à la création des UTN. – Lorsque la commune sur le territoire de laquelle est envisagée une UTNS est couverte par un SCoT, celle-ci ne sera pas soumise à autorisation de création si son implantation est prévue par le SCoT. Il en va de même pour une UTNL située sur une commune dotée d'un PLU dont les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) auront défini les principaux éléments de l'opération.
Si elle n'est pas prévue par le SCoT, la création d'une UTNS nécessite une autorisation du préfet coordonnateur de massif, donnée après avis de la commission spécialisée du comité de massif (C. urb., art. L. 122-20, al. 2 et R. 122-10). En toute logique, si elle n'est pas prévue par le PLU, la création d'une UTNL supposera un arrêté du préfet de département après avis d'une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Pour les deux catégories d'UTN, la décision préfectorale doit être précédée d'une évaluation environnementale dans les cas prévus aux articles R. 104-17-1 et R. 104-17-2 du Code de l'urbanisme ainsi que d'une procédure de participation du public par voie électronique. La demande d'autorisation est instruite selon les modalités prévues aux articles R. 122-15 et suivants du même code. À l'issue de l'instruction, la décision est notifiée au demandeur dans le délai d'un mois à compter de la date de la réunion de la commission compétente. Les autorisations de création ou d'extension d'une UTN deviennent caduques si les équipements et les constructions ne sont pas engagés dans un délai de cinq ans, délai suspendu en cas de recours. En cas d'interruption des travaux pendant plus de cinq ans, la caducité frappe les seuls travaux qui n'ont pas été engagés. Les autorisations peuvent être prorogées une seule fois, pour une durée de cinq ans.
– Les règles de fond applicables à la création des UTN. – Parce qu'elles sont réalisées dans des zones montagneuses à protéger, les UTN doivent respecter la qualité des sites et des grands équilibres naturels. Cette exigence est appréciée par le juge administratif en considération de la localisation du projet, de la conception architecturale de l'opération, des solutions techniques apportées pour sauvegarder le régime d'écoulement des eaux ou encore des déboisements de faible importance. Plus largement, la création des UTN doit respecter les principes protecteurs de la montagne, à l'exception de l'urbanisation en continuité. Les UTN, structurantes ou locales, créées dans les communes non couvertes par un SCoT ne sont pas soumises au principe d'urbanisation limitée posé par l'article L. 142-4 du Code de l'urbanisme. Dans ces communes non couvertes par un SCoT, l'article L. 122-25, 1°, précise que : « Les autorisations d'occupation du sol nécessaires à la réalisation des unités touristiques nouvelles structurantes ne peuvent être délivrées que dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme ; 2° Les autorisations d'occupation du sol nécessaires à la réalisation des unités touristiques nouvelles locales ne peuvent être délivrées que dans les communes dotées d'une carte communale ou d'un plan local d'urbanisme ».