Chapitre III – La durée du bail
La durée du bail
20044-1 Au même titre que les conditions financières, traitées au chapitre précédent, la durée de la location est au cœur des rapports entre bailleurs et locataires. Les règles applicables dans ce domaine nécessitent d’isoler les baux relevant de la loi de 1989
(Section I) des autres baux d’habitation
(Section II) .
Section I – Les baux relevant de la loi de 1989
20044-2 Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1982, les baux d’habitation relevaient en principe des dispositions du Code civil
157 , sauf baux relevant de la loi de 1948 ou baux dérogatoires. Le bail à durée déterminée prenait fin à son terme sans qu’il soit besoin de délivrer un congé et pouvait être tacitement reconduit pour une durée indéterminée. Le bail à durée indéterminée pouvait être dénoncé par chacune des parties à tout moment moyennant un préavis donné conformément à l’usage des lieux.
20044-3 La loi « Quillot » du 22 juin 1982 a supprimé les baux à durée indéterminée et fixé une durée minimale du bail. Elle a reconnu au locataire un droit au renouvellement de son bail tout en accordant au bailleur la possibilité de reprendre les locaux loués. La loi de 1982 a été modifiée par la loi « Méhaignerie » du 23 décembre 1986 puis par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Nous distinguerons donc la durée initiale du bail
(Sous-section I) du terme du bail
(Sous-section II) .
Sous-section I – La durée initiale
20044-4 L’article 10 de la loi de 1989 fixe une durée minimale qui dépend de la qualité du bailleur
(§ I) . L’article 11 de cette même loi permet d’y déroger et de conclure des baux de durée réduite
(§ II) .
§ I – Une durée minimale
20044-5 L’alinéa 1 de l’article 10 de la loi de 1989 fixe les règles suivantes : « Le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à
trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l’article 13 et à
six ans pour les bailleurs personnes morales ». La durée du bail ne peut être inférieure à trois ans si le bailleur est une personne physique ou une société civile à caractère familial, c’est-à-dire une société « constituée exclusivement entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus ». Les textes sont interprétés strictement : une société constituée entre deux concubins ne peut consentir qu’un bail de six ans
158 ; il en est de même pour une société constituée entre deux partenaires pacsés
159 . L’article 13 accorde le bénéfice d’une durée de trois ans aux indivisions, ce qui est logique puisque l’indivision est dépourvue de personnalité morale. Si, par contre, le bailleur est une personne morale, le bail doit avoir une durée minimale de six ans, sauf sociétés civiles à caractère familial.
20044-6 Les dispositions de l’article 10 de la loi de 1989 relèvent d’un ordre public de protection du locataire. Le bailleur est lié pour toute la durée légale, sans pouvoir exercer la reprise du logement ou résilier le contrat. Par contre, il serait possible de conclure ou de proroger le bail pour une durée supérieure au minimum légal. Si ces dispositions ne sont pas respectées, la durée du bail est portée de plein droit à celle voulue par la loi
160 . La loi de 1989 prévoit la prorogation du bail en cours sous certaines conditions lorsque l’immeuble loué est mis en copropriété
161 . Les baux d’habitation sont également prorogés lorsque le preneur du bail réel solidaire
162 ou du bail réel immobilier
163 ne mentionne pas en caractères apparents la date d’extinction du bail réel et son effet sur le contrat de bail en cours.
§ II – Les baux de courte durée
20044-7 Un régime dérogatoire est prévu à l’article 11, alinéa 1
er de la loi de 1989 : « Quand un événement précis justifie que le bailleur personne physique ait à reprendre le local pour des raisons professionnelles ou familiales, les parties peuvent conclure un contrat d’une durée inférieure à trois ans mais d’au moins un an. Le contrat doit mentionner les raisons et l’événement invoqués ». Nous allons étudier les conditions d’application
(A) puis le régime des baux de courte durée
(B) .
A/ Conditions d’application
20044-8 La conclusion d’un bail de courte durée est soumise à des conditions tenant au bailleur
(I) et à l’événement précis qui la justifie
(II) .
I/ Conditions relatives au bailleur
20044-9 Seuls les bailleurs, personnes physiques , peuvent se prévaloir de ce régime dérogatoire. Aux personnes physiques, l’article 13 assimile les sociétés civiles constituées exclusivement entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus et les indivisions constituées uniquement entre personnes physiques.
II/ L’événement justifiant la durée réduite
20044-10 D’une part, la reprise des locaux loués à brève échéance doit être justifiée par un
événement précis . Il s’agit d’un événement qui « au moment de la conclusion du contrat est attendu et la date est connue »
164 .
D’autre part, la raison invoquée doit être
professionnelle ou familiale . Au titre des raisons familiales, a été admise l’installation d’un enfant
165 ou une sortie d’indivision
166 . Les travaux préparatoires de la loi n
o 86-1290 du 23 décembre 1986
167 citaient, au titre des « raisons professionnelles » justifiant un bail de courte durée : le détachement du bailleur, la mise en retraite, des difficultés professionnelles nécessitant de réaliser une partie de son patrimoine ou la perspective d’une mutation ou d’une promotion pour le bailleur ou les membres de sa famille.
B/ Régime des baux de courte durée
I/ Les charges et conditions du bail
20044-11 Le bail à durée réduite est soumis à l’ensemble des dispositions de la loi n
o 89-462 du 6 juillet 1989 sauf dérogations prévues à l’article 11. Lorsque les conditions sont respectées (V.
supra , n
os 20044008 à
20044010 ), il est possible de conclure un bail d’une durée inférieure à trois ans mais d’au moins un an. En cas de violation des règles de l’article 11, la durée du bail est portée à trois ans à compter rétroactivement de sa prise d’effet
168 . Le dernier alinéa de l’article 11 prévoit que le montant du nouveau loyer ne peut être supérieur à celui de l’ancien loyer éventuellement révisé selon l’article 17-1 lorsque le bail de courte durée fait suite à un contrat de location conclu avec le même locataire pour le même local.
II/ L’arrivée du terme
20044-12 Les formalités à accomplir par le bailleur à l’arrivée du terme du bail de courte durée sont décrites aux alinéas 2 à 5 de l’article 11 de la loi de 1989. Deux mois avant le terme du contrat, le bailleur doit confirmer au locataire la réalisation de l’événement (al. 2). En l’absence de confirmation dans ledit délai, la durée du bail est portée à trois ans (al. 5). Si la réalisation de l’événement est différée, le bailleur a la possibilité de proposer au locataire, deux mois à l’avance, de reporter une seule fois le terme du contrat (al. 3). Lorsque l’événement se produit et qu’il est confirmé, le locataire est déchu de plein droit de tout titre d’occupation (al. 4).
Sous-section II – Le terme du bail
20044-13 Sauf à ce que le locataire donne congé à tout moment, en respectant un délai de préavis
(§ I) , l’article 10 de la loi de 1989 a prévu le sort du bail arrivé à son terme
(§ II) : il pourra être tacitement reconduit si le bailleur n’a ni donné congé, ni proposé son renouvellement au locataire.
§ I – Le congé délivré par le locataire
A/ Les conditions du congé
I/ Forme du congé
20044-14 L’article 12 de la loi de 1989 reconnaît au locataire la possibilité de résilier le contrat de location « à tout moment, dans les conditions de forme et de délai prévues au deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 15 ». Le congé donné par le locataire doit prendre la forme soit d’une
lettre recommandée avec accusé de réception , soit d’un
exploit de commissaire de justice ou, depuis la loi Alur, d’une
remise en main propre contre récépissé ou émargement .
Toute autre forme de congé est nulle . Ainsi la Cour de cassation
169 a déclaré non conforme à l’article 15 le congé notifié par lettre simple par le locataire dont la date de réception ne pouvait être établie avec certitude. Le congé irrégulier en la forme pourrait recevoir application si le bailleur l’a accepté renonçant implicitement à en soulever l’irrégularité
170 .
II/ Délai du congé
a) Le délai de droit commun (trois mois)
20044-15 Le délai imparti au locataire pour donner congé est en principe de trois mois (L. 6 juill. 1989, art. 15, al. 2). Le délai de préavis se décompte de date à date et non par mois entier. Le point de départ est le jour de réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte de commissaire de justice ou de la remise en main propre.
b) Le délai réduit (un mois)
20044-16 Le locataire qui souhaite bénéficier d’un délai de préavis réduit à un mois doit préciser « le motif invoqué et le justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé » (L. 6 juill. 1989, al. 15). L’article 15, I de la loi de 1989 énumère six motifs que le locataire peut invoquer pour bénéficier d’un délai de préavis réduit à un mois. Il s’agit des hypothèses suivantes :
1. location portant sur un logement situé en zone tendue ;
2. en cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi ;
3. pour le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ;
4. pour le locataire victime de violences familiales : la loi du 30 juillet 2020171 a étendu le bénéfice du préavis réduit au « locataire bénéficiaire d’une ordonnance de protection ou dont le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin fait l’objet de poursuites, d’une procédure alternative aux poursuites ou d’une condamnation, même non définitive, en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui » ;
5. pour le locataire bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation adulte handicapé (AAH) ;
6. pour le locataire qui s’est vu attribuer un logement ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement (APL).
B/ Les effets du congé
I/ Pendant le délai de préavis
20044-17 Pendant la durée du préavis, le locataire reste tenu de toutes ses obligations et reste donc redevable du loyer et des charges (L. 6 juill. 1989, art. 15, I, al. 3). Il est dérogé à cette règle lorsque « le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur ».
II/ À l’expiration du délai de préavis
20044-18 À l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués. Il doit donc quitter les lieux ; à défaut, il peut faire l’objet d’une expulsion. En cas de location, le locataire qui a donné congé n’est plus redevable des loyers au terme du préavis sauf en cas de solidarité conventionnelle
172 . L’article 1751 du Code civil prévoit une cotitularité du droit au bail entre époux, quel que soit le régime matrimonial. Il en résulte que le congé donné par un seul d’entre eux n’est pas opposable à l’autre
173 et que l’époux qui a unilatéralement donné congé demeure solidairement tenu de payer le loyer avec son conjoint
174 . Cette solidarité dure jusqu’à ce que la dissolution du régime matrimonial soit opposable aux tiers. Des règles similaires sont applicables aux partenaires pacsés : le même article 1751 du Code civil consacre la cotitularité du droit au bail entre partenaires pacsés et l’article 515-4, alinéa 2 du même code la solidarité des dettes contractées pour les besoins de la vie courante, au titre desquelles les dépenses exposées pour se loger. La solidarité prend fin à l’extinction du Pacs (C. civ., art. 515-7).
§ II – L’arrivée du bail à son terme
20044-19 À l’issue de sa période initiale, le bail est soit tacitement reconduit
(A) , soit renouvelé sur proposition du bailleur au locataire
(B) . Le bailleur peut également, en respectant un délai de préavis de six mois, donner congé au locataire pour l’un des motifs prévus par la loi de 1989
(C) .
A/ La tacite reconduction
20044-20 À défaut de congé ou de proposition de renouvellement délivré par le bailleur, l’article 10, alinéa 2 de la loi de 1989 prévoit que le bail est tacitement reconduit pour une durée fixe qui dépend de la qualité du bailleur. Si le bailleur est une personne physique ou y est assimilé, la durée du bail reconduit est de trois ans. Elle est de six ans lorsque le bailleur est une personne morale. Les parties ne peuvent prévoir une prorogation pour une durée plus courte que trois ou six ans. La clause serait alors réputée non écrite par l’article 4, I de la loi de 1989. Par contre, les tribunaux ont validé une tacite reconduction pour une durée plus longue
175 .
20044-21 La Cour de cassation
176 a précisé que le bail tacitement reconduit constitue un nouveau bail sur la base des clauses et charges du bail expiré. Ainsi, le cautionnement consenti pour le bail initial prend fin au terme du bail et ne couvre pas la tacite reconduction, sauf clause expresse du bail (C. civ., art. 1740).
B/ Le renouvellement
20044-22 Le bailleur qui souhaite éviter la tacite reconduction et renouveler le bail doit présenter une offre de renouvellement dans les formes et délais prévus pour le congé (L. 6 juill. 1989, art. 10, al. 3). Le bail se renouvelle aux mêmes charges et conditions que le bail expiré, sauf pour le bailleur à demander une modification des charges et conditions et/ou une révision du loyer.
20044-23 La durée du bail renouvelé est fixée en considération de l’article 10 de la loi de 1989 : elle ne pourra pas être inférieure à la durée minimale du bail initial. Le principe connaît deux exceptions. D’une part, en cas de convention de travaux signée entre le bailleur et l’Anah (L. 1989, art. 10, al. 5), la location peut être renouvelée avant son expiration, sous réserve que l’offre de renouvellement soit notifiée dans les trois mois de la convention. Le montant du loyer du bail renouvelé est fixé « selon les règles applicables au conventionnement des logements avec l’Agence nationale de l’habitat ».
20044-24 D’autre part, en vertu de l’article 11-1 de la loi de 1989, lorsque le congé émane d’un bailleur relevant des deuxième et troisième secteurs locatifs, dans le cadre de la vente par lots de plus de cinq logements dans un même immeuble, le bail peut être reconduit pour une durée inférieure à celle de l’article 10. Ainsi : « Quand ce congé pour vente intervient moins de deux ans avant le terme du bail, la reconduction du bail est de droit, à la demande du locataire, afin de lui permettre, dans tous les cas, de disposer du logement qu’il occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente. La reconduction du bail est établie par écrit entre les parties au plus tard quatre mois avant l’expiration du bail en cours. À l’expiration de la durée fixée par les parties pour le bail reconduit, celui-ci est résilié de plein droit ».
C/ Le congé délivré par le bailleur
I/ Les règles générales
a) Les parties concernées
i) Les auteurs du congé
20044-25 Pour que le congé soit recevable, le bailleur doit avoir
la capacité et le pouvoir pour le délivrer . Ainsi, le mandataire du bailleur doit être titulaire d’un pouvoir spécial pour délivrer un congé pour vente
177 . Lorsque le congé est donné par une personne morale, il convient de s’assurer que son représentant dispose des pouvoirs nécessaires, au regard de la loi, des statuts ou d’une délibération. À défaut, le congé serait nul
178 . L’usufruitier, en sa qualité de bailleur, peut délivrer seul congé au locataire, pour reprise pour habiter ou pour motif sérieux et légitime. En revanche, le concours du nu-propriétaire est nécessaire en cas de congé pour vente. Lorsque le bien loué est en indivision, le congé étant un acte d’administration au sens de l’article 815-3, alinéa 1
er du Code civil, il nécessite l’accord d’au moins deux tiers des droits indivis. Par contre, le congé pour vente, acte ne relevant pas de l’exploitation normale des biens indivis, est consenti par l’unanimité des indivisaires.
ii) Les destinataires du congé
20044-26 Le congé doit être délivré au locataire en titre. En cas de pluralité de locataires, il convient de distinguer selon que les locataires sont conjoints ou solidaires. Si les locataires sont conjoints, chacun d’eux doit recevoir congé. Le congé met fin au bail du locataire l’ayant reçu
179 . S’ils sont solidaires, le congé signifié à un seul d’entre eux vaut à l’égard de tous
180 . Les époux et les partenaires pacsés étant cotitulaires du bail en vertu de l’article 1751 du Code civil, le congé devra être délivré à chacun d’entre eux sauf si l’existence du partenaire ou du conjoint du locataire n’a pas été portée à la connaissance du bailleur (L. 6 juill. 1989, art. 9-1).
20044-27 Certains locataires bénéficient d’une protection particulière en raison de leur âge et de la modicité de leurs ressources. Ainsi, l’article 15, III de la loi de 1989 interdit au bailleur de donner congé à « tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution de logements locatifs conventionnés ». Ledit locataire n’est plus protégé lorsque le bailleur est lui-même âgé de plus de soixante-cinq ans ou dispose de ressources inférieures au plafond de ressources ou fait une offre de relogement correspondant aux besoins de son locataire. La loi no 2015-990 du 6 août 2015 a étendu cette protection aux locataires ayant une personne à charge de « plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée ».
b) Les formes et délais du congé
i) Les formes
20044-28 Selon l’article 15, I, de la loi de 1989, le congé doit prendre la forme, à peine de nullité, d’une
lettre recommandée avec demande d’avis de réception , d’une
signification par acte de commissaire de justice ou d’une
remise en main propre contre récépissé . Si le bailleur ne donne pas congé dans ces conditions de forme, le congé est inefficace : il ne mettra pas fin au bail qui sera tacitement reconduit. Le congé justifié par une reprise pour habiter ou par la vente du logement doit être accompagné d’une notice d’information relative aux obligations du bailleur, aux voies de recours et d’indemnisation du locataire dont le contenu a été défini par un arrêté du 13 décembre 2017
181 .
ii) Les délais
20044-29 Le congé est délivré pour la date d’expiration du bail . La date d’effet du congé est différée en cas de mutation récente de l’immeuble loué ou de mise en copropriété. La loi précise que « lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ». La date d’effet du congé pour reprise est également différée lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition (L. 1989, art. 15, I, al. 5). L’article 11-2 de la loi de 1989 prévoit un report du terme des baux en cours dans le cas de la mise en copropriété de l’immeuble loué.
20044-30 Le délai de préavis du bailleur est fixé par l’article 15, I, de la loi de 1989 à six mois quel que soit le motif du congé. Pour que le congé soit régulier, il faut qu’il s’écoule au moins six mois entre la date de notification du congé au locataire et le terme du bail. Si le congé est tardif, le bail sera reconduit.
c) Les effets du congé
20044-31 Pendant le délai de préavis, le locataire reste redevable du loyer et des charges uniquement pour « le temps où il a occupé réellement les lieux » (L. 1989, art. 15, I, avant-dernier al.). Par exemple, s’il quitte les lieux cinq mois avant l’expiration du bail, il ne sera redevable que d’un mois de loyer et de charges. À l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des lieux loués (L. 1989, art. 15, I, dernier al.). Il doit donc quitter les lieux, sinon son expulsion pourrait être ordonnée par ordonnance rendue en référé.
II/ Les motifs du congé
20044-32 Alors que le locataire peut donner congé de façon discrétionnaire, sans aucun motif sauf pour pouvoir bénéficier d’un préavis réduit (L. 1989, art. 12), le bailleur doit justifier du congé « soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux » (L. 1989, art. 15, I, al. 1).
a) Reprise pour habiter
i) Les conditions de fond
20044-33 La reprise du logement par le bailleur suppose l’habitation des locaux à titre principal et non comme résidence secondaire
182 ou pour un usage exclusivement professionnel
183 . L’article 15, I, alinéa 1
er de la loi de 1989 énumère les bénéficiaires possibles de cette reprise. Il s’agit du bailleur, de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. L’article 13 de la loi de 1989 y ajoute l’un des associés de la société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
ii) Les conditions de forme
20044-34 L’article 15, I, alinéa 1
er de la loi de 1989 exige, à peine de nullité, que le congé indique en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise. Le bailleur doit également justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le bailleur qui exerce la reprise du logement contracte l’obligation pour son bénéficiaire de venir l’occuper réellement et personnellement à titre de résidence principale à la fin du bail, dans un délai raisonnable
184 .
iii) Sanctions de la reprise frauduleuse
20044-35 Si la preuve du caractère frauduleux du congé est rapportée par le locataire, le bailleur encourt des sanctions tant civiles que pénales. Sur le plan civil, le bailleur serait redevable de dommages et intérêts réparant le préjudice causé au locataire. La loi Alur du 24 mars 2014 a également prévu des sanctions pénales qui sont codifiées à l’article 15, IV de la loi de 1989. Ainsi, le bailleur qui délivre un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre encourt une amende plafonnée à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale.
b) Congé pour vente du logement
20044-36 Le bailleur peut également donner congé pour vendre le logement loué, déclenchant ou non un droit de préemption. Cette question sera approfondie dans le cadre de la vente au locataire traitée au chapitre I du titre I de la deuxième partie (V.
infra , n
os 20173 et s.).
c) Congé pour un motif légitime et sérieux
20044-37 À côté du congé pour habiter et du congé pour vendre, l’article 15 de la loi de 1989 permet au bailleur de donner congé pour un motif légitime et sérieux. Les motifs invoqués peuvent être imputables au locataire ou lui être étrangers.
20044-38 La loi de 1989 précise que le motif légitime et sérieux peut notamment résulter de « l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant », imposées par la loi ou par le contrat de bail. Ces mêmes motifs peuvent justifier une action en résiliation. On peut citer le défaut d’assurance, la sous-location ou la cession de bail non autorisée, le non-paiement des loyers ou des charges locatives, des troubles de jouissance causés aux voisins ou des dégradations commises dans les locaux loués.
20044-39 Le congé peut également être justifié par des
motifs légitimes et sérieux indépendamment du comportement du locataire. Il pourrait s’agir de travaux d’amélioration, de rénovation, de démolition ou de reconstruction. En dehors des cas précis de congé pour vendre ou pour reprise évoqués ci-dessus, l’intention de vendre ou d’habiter ne peut pas constituer un motif légitime et sérieux de congé. Ainsi, la Cour de cassation
185 a refusé de valider un tel congé dans un cas où le bailleur désirait vendre l’immeuble loué pour réaliser un programme de logements sociaux, en considérant qu’il ne pouvait se dispenser de délivrer un congé pour vente. Les règles de durée et de congé résultant de la loi de 1989 constituent l’un des piliers de l’ordre de public de protection du locataire. Cependant, certains baux d’habitation s’en écartent, ce sera l’objet de notre section II.
Section II – Les autres baux d’habitation
Sous-section I – Les autres locations nues
§ I – Les baux de la loi de 1948
20044-40 Les baux relevant du champ d’application de la loi n
o 48-368 du 1
er septembre 1948 dérogent aux règles applicables en matière de durée et de congés. Le locataire se voit reconnaître un droit au maintien dans les lieux
(A) et les hypothèses de congédiement du locataire sont restreintes
(B) .
A/ Le droit au maintien dans les lieux
I/ Le bénéfice du droit au maintien dans les lieux
20044-41 L’article 4 de la loi de 1948 permet à l’occupant de bonne foi de se maintenir dans les lieux après l’expiration du bail aux clauses et conditions du bail initial. Ce droit au maintien dans les lieux naît du « congé de pure forme » délivré par le bailleur au locataire lui notifiant son intention de mettre fin au bail (al. 3). Ce n’est qu’à l’expiration du bail que le locataire pourrait renoncer au droit au maintien dans les lieux (L. 1948, art. 16). Toute renonciation anticipée ou contenue dans le bail serait nulle car elle contournerait les dispositions de l’article 16
186 .
II/ La perte du droit au maintien dans les lieux
20044-42 L’article 10 de la loi de 1948 énonce les motifs entraînant la perte du droit au maintien dans les lieux pour les locataires ou occupants de bonne foi du logement :
une décision judiciaire définitive ayant prononcé l’expulsion (1°) ;
une inoccupation effective du logement (2°) ou insuffisante (7°) ;
une pluralité d’habitations, sauf celle constituant l’habitation principale (3°) ;
les locaux déclarés insalubres ou frappés d’un arrêté de péril (4°) ou visés par une expropriation d’utilité publique (5°) ;
les locaux de plaisance (6°) tels que la résidence secondaire ou les locaux de vacances ;
le logement accessoire au contrat de travail (8°) ;
la disposition d’un autre local répondant à leurs besoins et à ceux des personnes membres de leur famille ou à leur charge (9°) ;
l’occupant auteur de violences familiales (12°).
B/ La reprise du logement par le bailleur
20044-43 Le bailleur se voit reconnaître le droit de reprendre le logement dans certaines hypothèses qui s’accompagnent d’un relogement du locataire (L. 1948, art. 18)
(I) ou non (L. 1948, art. 19 et 20)
(II) .
I/ La reprise avec relogement
20044-44 L’article 18 de la loi de 1948 autorise le bailleur à exercer la reprise du logement pour l’habiter lui-même ou le faire habiter par son conjoint, ses ascendants ou ses descendants ou par ceux de son conjoint. Ce droit de reprise est subordonné par la mise à disposition du locataire ou de l’occupant d’un local en bon état d’habitation, équivalent à celui repris. Le propriétaire qui veut exercer la reprise doit prévenir son locataire par exploit de commissaire de justice avec un préavis qui ne peut être inférieur à trois mois.
II/ La reprise sans relogement
20044-45 L’article 19 de la loi de 1948 permet au bailleur d’exercer la reprise du logement sans obligation de reloger le locataire évincé s’il justifie que « le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d’une habitation correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa famille vivant habituellement ou domiciliés avec lui ».
20044-46 L’article 20 de la loi de 1948 prévoit des situations particulières qui autorisent le bailleur à exercer la reprise sans relogement du locataire. Le bailleur peut exercer la reprise s’il est lui-même locataire et qu’il est évincé par l’exercice d’un droit de reprise des articles 19 et 20. Il en est de même s’il est locataire ou occupant de locaux frappés d’un arrêté de péril, d’une interdiction d’habiter ou d’une procédure d’expulsion. Il pourrait également exercer la reprise s’il a acquis le bien objet de la reprise depuis plus de cinq ans et qu’il est fonctionnaire, agent, ouvrier ou employé et contraint de quitter un logement de fonction occupé depuis plus de deux ans.
20044-47 Les locataires ou occupants de bonne foi sont protégés en vertu de dispositions spécifiques si l’intention de nuire ou fraude à la loi peut être rapportée (L. 1948, art. 21), si le locataire exerce sa profession dans le local « au vu et au su du propriétaire et avec son accord au moins tacite » (L. 1948, art. 22). Sont également protégées les personnes âgées aux ressources modestes (L. 1948, art. 22 bis). Tout comme les baux relevant de la loi de 1948, la location de logements du secteur HLM déroge à la loi de 1989 tant en termes de durée qu’en matière de congés.
§ II – La location de logements HLM
A/ La durée des baux
20044-48 Les articles 10 à 12 de la loi de 1989 sont inapplicables aux logements loués par des organismes HLM, qu’ils soient conventionnés ou pas (L. 1989, art. 40, I et III). La durée des baux est donc régie par le droit commun du Code civil (art. 1736 et s.).
B/ Les congés
I/ Émanant du locataire
a) La forme du congé
20044-49 L’article 40 de la loi de 1989 précise que l’article 15 (13e à 23e al.) est applicable en HLM quand le congé émane du locataire. Le congé devra être donné par lettre recommandée avec accusé de réception, signifié par exploit de commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.
b) Les délais de préavis
20044-50 Le préavis normal d’une durée de trois mois est réduit à un mois dans un certain nombre de cas limitativement énumérés à l’article 15, I de la loi de 1989. Les articles L. 353-15 du Code de la construction et de l’habitation pour les logements conventionnés et L. 442-6-3 du même code pour les logements non conventionnés autorisent le locataire à donner un préavis réduit à un mois :
lorsqu’il quitte un logement HLM ayant bénéficié d’une aide de l’État ou conventionné à l’APL ;
ou s’il quitte un logement aidé ou conventionné géré par un organisme HLM ;
et qu’il entre dans un logement répondant aux mêmes conditions et situé dans le parc du même bailleur.
II/ Émanant du bailleur
20044-51 En HLM, l’article 40, I et III de la loi de 1989 exclut l’application de l’article 15 qui prévoit le congé pour reprise, pour vente et pour motif légitime et sérieux. Par contre, il existe un certain nombre de motifs pouvant justifier un congé de la part d’un bailleur HLM. D’une part, le bailleur peut s’opposer au droit au maintien dans les lieux du locataire, le chapitre I de la loi du 1er septembre 1948 étant rendu applicable en HLM par les articles L. 353-15 et L. 442-6 du Code de la construction et de l’habitation. D’autre part, depuis la loi du 13 décembre 2000, le bailleur social peut délivrer un congé pour démolition avec obligation de reloger le locataire dans un autre logement correspondant à ses besoins et ses capacités. Enfin, en cas de troubles de jouissance, la loi du 29 juillet 1998 a créé une procédure spéciale permettant au bailleur soit de proposer au locataire un relogement correspondant à ses besoins et ses possibilités (CCH, art. L. 442-4-1), soit d’engager une action en résiliation de bail devant le tribunal compétent (CCH, art. L. 442-4-2).
Sous-section II – Les locations meublées
20044-52 Les locations meublées obéissent à des règles spécifiques dérogeant aux dispositions applicables à la location nue soumise à la loi de 1989 tant en matière de durée qu’en matière de congés. Nous distinguerons le droit commun applicable à la location meublée
(§ I) du régime du bail mobilité créé par l’article 107 de la loi n
o 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi Elan »
(§ II) .
§ I – Le droit commun
A/ La durée
20044-53 La durée initiale du bail meublé est d’au moins un an (L. 1989, art. 25-7, al. 2). Si aucune des deux parties ne délivre un congé, le bail arrivé à son terme sera tacitement reconduit pour une durée d’un an. La durée du bail peut être réduite dans certaines situations. Lorsque la location est consentie à un étudiant, la durée de la location peut être ramenée à neuf mois et la clause de tacite reconduction est inapplicable (L. 1989, art. 25-7, al. 4). Lorsque le bailleur est titulaire d’un bail commercial venant à expiration ou lorsque la cessation d’activité est prévue, la durée du contrat peut être inférieure à un an (CCH, art. L. 632-1, I).
B/ Les congés
I/ Le préavis
20044-54 Le locataire peut donner congé à tout moment, sous réserve de respecter un préavis d’un mois, y compris lorsque la durée du bail est réduite à neuf mois (L. 1989, art. 25-8). Le bailleur ne peut donner congé que pour le terme du bail, moyennant un préavis de trois mois. Pendant le préavis, le locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps pendant lequel il a réellement occupé le logement si le congé émane du bailleur. S’il est à l’origine du congé, le locataire est redevable de l’intégralité du loyer et des charges de la période de préavis, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du bail en accord avec le bailleur. À l’expiration du préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation du logement.
II/ Les motifs du congé
20044-55 Contrairement au locataire qui n’a pas à motiver son congé, le bailleur doit justifier son refus de renouvellement par sa décision de reprendre le logement pour l’occuper lui-même ou un membre de sa famille ; par sa décision de vendre le logement ou par un motif sérieux et légitime (L. 1989, art. 25-8). Le locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond déterminé doit bénéficier d’une offre de relogement (L. 1989, art. 25-8, II). Il existe quelques différences par rapport à la location nue. D’une part, le congé pour vente ne déclenche pas l’ouverture d’un droit de préemption au profit du locataire, d’autre part, le congé pour reprise n’est ouvert qu’au bailleur personne physique et ne peut profiter à l’associé d’une société civile familiale
187 .
§ II – Le bail mobilité
20044-56 Les règles applicables au bail mobilité s’écartent du droit commun applicable à la location meublée tant concernant sa durée
(A) que son terme
(B) . Un tableau nous permettra de mettre en évidence les caractéristiques propres et communes du bail mobilité, de la location meublée ordinaire et de la location saisonnière
(C) .
A/ La durée du bail mobilité
20044-57 Il s’agit de la disposition de la loi Elan « censée incarner le bail mobilité »
188 . Une fois fixée, elle ne peut faire l’objet que d’une modification strictement encadrée, avant que le relais ne soit éventuellement pris par le régime de la location meublée en résidence principale.
I/ La durée initiale
20044-58 Le bail mobilité est conclu pour une durée comprise entre un et dix mois.
189 Les parties peuvent ainsi prévoir une durée inférieure à un an et, sous réserve de la limite instaurée par le législateur, décider également du nombre de mois. La durée était déjà ramenée à neuf mois pour les locataires étudiants
190 , mais la loi Elan va plus loin et est venue introduire une souplesse indéniable dans le périmètre de la location meublée, nécessitée par la mobilité professionnelle du locataire. Cette durée pourrait-elle être exprimée en semaines ? Un auteur remarque que : « Le sujet peut sembler dérisoire mais, en pratique, il n’est pas rare de trouver des stages ou des missions courtes exprimées en semaine »
191 . Il serait étonnant que la jurisprudence fasse une application stricte du texte et s’en tienne à une durée de mois à mois, alors même que l’idée est de soutenir la mobilité. Cette durée n’est ni renouvelable ni reconductible
192 , mais peut être modifiée une fois.
II/ Une seule prorogation possible
20044-59 La durée du contrat de location « peut être modifiée
une fois par avenant
sans que la durée totale du contrat ne dépasse dix mois »
193 . Cet ajout a été apporté sur avis du Conseil d’État, qui a mis en avant « l’objectif de souplesse qui justifie la mesure, pour répondre aux hypothèses dans lesquelles le besoin de logement du locataire a légèrement évolué et où le propriétaire est disposé à maintenir son bien en location en conséquence »
194 .
Point d’attention
Un seul renouvellement, une seule prorogation (il sera peut-être prudent de retenir cette dernière formulation étant donné la fermeté qui ressort du premier alinéa de l’article L. 25-14 de la loi de 1989) est permis(e) à l’intérieur de la durée comprise entre un et dix mois .
Exemple : il peut être conclu un bail de deux mois, qui sera à son terme renouvelé pour une durée de huit mois.
Il ne peut donc être conclu deux avenants pour proroger un bail mobilité , quand bien même la durée totale des baux successifs n’excéderait pas dix mois, puisqu’un seul avenant peut être conclu. La règle n’a pas été calquée sur celle que nous connaissons s’agissant des baux dérogatoires au statut des baux commerciaux
195 .
III/ Le relais pris par la location meublée en résidence principale
20044-60 Le bail n’étant ni renouvelable ni reconductible, « si, au terme du contrat, les parties concluent un nouveau bail portant sur le même logement meublé, ce nouveau bail est soumis aux dispositions du titre I
er bis »
196 . On comprend que le législateur n’entend pas faire perdurer une situation qui est vue comme une exception à la location meublée en résidence principale, régie par les dispositions prévues sous le titre I
er bis de la loi du 6 juillet 1989. Celle-ci prend donc le relais au terme du bail mobilité, qui aura été éventuellement prorogé une fois.
B/ La fin du bail mobilité
20044-61 Le bail prend fin par l’arrivée du terme prévu au contrat
(I) , par le congé du locataire
(II) , ou par la résiliation pour inexécution des conditions du bail
(III) .
I/ L’arrivée du terme
20044-62 La survenance du terme prévu au contrat initial, ou dans un avenant
197 , met fin au bail mobilité. Le locataire devient alors occupant sans titre et doit quitter le logement, sauf à ce qu’un bail meublé en résidence principale, relevant du titre I bis de la loi du 6 juillet 1989, soit conclu
198 . La règle de la non-reconduction / non-renouvellement du bail invite le locataire à anticiper le terme et à se rapprocher du bailleur en amont, dans l’éventualité où il souhaiterait conclure un avenant ou un bail d’une autre forme.
II/ Le congé donné par le locataire
20044-63 Le locataire peut résilier le bail mobilité à tout moment, mais il doit respecter un délai de préavis d’un mois
199 et les trois formes prévues pour tout congé de logement d’habitation. Le délai de préavis court à partir du jour de la réception de la lettre recommandée par le propriétaire, ou de la signification de l’acte du commissaire de justice, ou de la remise en main propre. Le dispositif de l’article 25-15 (L. 6 juill. 1989) est spécifique au bail mobilité, même s’il est calqué sur les règles de la loi du 6 juillet 1989. En cas de difficultés d’application de cet article, il sera donc utile de se reporter à ces règles
200 .
III/ La résiliation pour inexécution des conditions du bail
20044-64 On imagine assez bien que le bail mobilité prévoira le plus souvent, sinon toujours, une clause résolutoire pour inexécution des conditions du bail. Elle conserve un intérêt limité en raison de la courte durée du bail, mais certain dans la mesure où :
stipulée dans l’intérêt du bailleur, elle peut ambitionner de régler avec clarté les problèmes de défaillance d’un locataire ;
elle n’est pas réglementée comme l’est la clause résolutoire insérée dans un bail meublé en résidence principale201 . Le droit commun des contrats régit la clause résolutoire d’un bail mobilité, sous les réserves de l’article 4 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 qui, elles, s’appliquent par renvoi de l’article 25-12.
Si, par contre, le contrat reste muet sur la question de l’inexécution de l’une ou plusieurs des conditions du bail, la partie lésée peut invoquer le droit commun de la responsabilité contractuelle, et par exemple le jeu de la résolution prévue à l’article 1217 du Code civil.
C/ Comparaison du bail mobilité avec ses principaux concurrents
20044-65 Le bail mobilité est souvent comparé avec ses deux principaux concurrents que sont la location meublée ordinaire et la location saisonnière. Le présent tableau est destiné à mettre en évidence leurs caractéristiques propres et communes
202 :
Caractéristiques
Bail meublé classique (loi de 1989)
Bail mobilité (loi Elan intégrée à la loi de 1989)
Location saisonnière meublée (Code civil)
Locataires éligibles
Toute personne
Personne en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en service civique, en mutation professionnelle, en mission temporaire
Toute personne
Résidences établies par le locataire
Résidence principale
Résidence principale ou secondaire
Aucune (clientèle de passage)
Durée du bail
1 an + tacite reconduction / 9 mois sans tacite reconduction pour un locataire étudiant
De 1 à 10 mois sans tacite reconduction ni renouvellement
Durée fixée contractuellement (courte durée)
Paiement du loyer
Mensuel, terme à échoir
Mensuel, terme à échoir
Libre appréciation des parties. En pratique, loyer payable en début de période
Encadrement des loyers
Oui en zones tendues
Oui en zones tendues
Non
Encadrement expérimental du niveau des loyers
Oui dans les zones définies par décret (Paris depuis le 1er juillet 2019 et Lille depuis le 1er mars 2020)
Oui dans les zones définies par décret (Paris depuis le 1er juillet 2019 et Lille depuis le 1er mars 2020)
Non
Charges locatives
Réel ou provisions ou forfait
Forfait
Forfait
Dépôt de garantie
2 mois de loyer
Non. Application de la garantie Visale
Sans objet en raison des modalités de paiement du loyer
Cautionnement
Oui
Oui
Sans objet en raison des modalités de paiement du loyer
Solidarité entre colocataires
Oui
Non
Sans objet en raison des modalités de paiement du loyer
Résiliation par le locataire
Possible avec un préavis de 1 mois
Possible avec un préavis de 1 mois
Possible avec un motif légitime (faute du bailleur) ou clause du bail
Résiliation par le bailleur
Possible avec un préavis de 3 mois pour reprendre ou vendre à l’échéance du bail pour motif légitime (faute du locataire)
Possible avec un motif légitime (faute du locataire)
Possible avec un motif légitime (faute du locataire)
Déclaration ou autorisation administrative
Non
Non
Oui (dans les communes qui le mettent en place)
Droit aux aides au logement (sous conditions)
Oui
Oui (si résidence principale)
Non
Le site de l’Anil propose un dossier complet sur le bail mobilité, que l’on peut consulter ici :
20044-66 – Conclusion : le bail mobilité, un dispositif à améliorer pour accroître son attractivité. – Il ne semble pas exister pour le moment de statistiques permettant de constater si le bail mobilité a rencontré son public ou non. Il faudra sûrement attendre quelques années encore pour l’apprécier, en sachant que les effets bénéfiques d’une loi peuvent prendre du temps. La réussite de ce nouveau dispositif est fortement espérée, car il s’agit d’une mesure emblématique de la loi Elan. Il lui faut trouver une place à la hauteur de l’enjeu bien identifié de la mobilité, entre les deux autres types de location meublée. La location touristique est souple car non lourdement réglementée par une loi spéciale, lucrative étant donné la forte demande constatée, et connaît ainsi un attrait certain
203 . La location meublée « classique » s’est également bien installée
204 . Mais le bail mobilité dispose-t-il d’atouts suffisants pour être pleinement concurrentiel ?
20044-67 Sur la méthode, comme le souligne un auteur, « on peut se demander s’il n’aurait pas été plus pertinent d’établir un nouveau statut locatif
ex nihilo détaché de la loi de 1989, ou alors, inversement, de se contenter de modifier quelques dispositions clefs sur l’exemple de la location étudiante, plutôt que d’adjoindre un nouveau titre I à un texte qui prend de plus en plus les allures d’un code. Des retouches du titre I
er bis auraient, par exemple, été envisageables, le bail mobilité étant proche de la location meublée avec certaines spécificités »
205 . D’autant plus que les multiples renvois à la loi du 6 juillet 1989, pas toujours habiles, venant parfois contredire d’autres dispositions d’ordre public spécialement prévues par le statut du bail mobilité, peuvent créer de la confusion. Le risque est de créer des difficultés d’interprétation dommageables à ce type de bail. Ces difficultés risquent également d’être remarquées s’agissant, on l’a vu, des cas de mobilité. Leur interprétation restrictive risquerait de restreindre le champ d’application du bail mobilité
206 , et donc son intérêt.
20044-68 Sur le fond, la possibilité de prévoir un bail d’une durée de moins d’un an, et flexible eu égard à la liberté de prévoir n’importe quelle durée entre un et dix mois, apporte une souplesse bienvenue :
pour le locataire en mobilité, d’autant que les avantages découlant de ce statut semblent dans son camp (absence de dépôt de garantie, pas de solidarité entre les colocataires, possibilité de résilier le bail avec un préavis d’un mois, etc. ). Une nuance doit être apportée : passé dix mois, ce statut ne peut plus être utilisé ;
pour les propriétaires, notamment pour ceux qui n’occupent un logement qu’une partie de l’année. Mais les conditions du statut du bail mobilité, qui profitent plutôt au locataire, paraissent déséquilibrées et risquent d’amoindrir l’intérêt pour un bailleur de recourir à un statut qui lui est finalement plus contraignant que bénéfique. Rappelons que c’est lui qui décidera de la mise en location et du type de locataire recherché.
En témoignent les conditions financières du bail, et notamment les mécanismes d’encadrement des loyers à la relocation et de l’évolution des loyers, alors même que conclure des baux de courte durée nécessite une gestion importante et coûteuse, comparé à une location meublée ordinaire qui peut durer plusieurs années. Une nouvelle rédaction des articles de la loi du 6 juillet 1989 relatifs au bail mobilité, qui apporterait de la clarté et serait l’occasion de rééquilibrer les rapports entre bailleur et locataire d’un tel bail, nous semble à préconiser.
157) C. civ., art. 1736, 1737 et 1738.
158) Cass. 3
e civ., 8 nov. 1995, n
o 93-11.196 :
JurisData n
o 1995-004451 ;
Bull. civ. 1995, III, n
o 223.
159) Rép. min. n
o 25671 :
JO Sénat Q 3 mai 2007, p. 906.
160) TI Paris, 16
e arr., 25 nov. 1986,
Cohen c/
SCI Paul Doumer : contrat de trois ans conclu par une personne morale ne constituant pas une « société civile de famille » voyant sa durée portée à six ans à compter de sa prise d’effet.
162) CCH, art. L. 255-16.
164) Rép. min. n
o 24988 :
JOAN Q 9 mai 1987, p. 6217 ;
JCP N 1988, prat. 499, 146 ;
Loyers et copr. 1988, p. 3.
165) CA Bourges, 30 mars 2005, n
o 04/01441 :
JurisData n
o 2005-268336 ;
Loyers et copr. 2005, comm. 152.
166) TI Paris, 1
er mars 1999 :
Rev. loyers 1999, p. 297, note J.-M. Gélinet.
167) Rapp. Fanton : Doc. AN 1985-1986, 3
e session extraordinaire n
o 258, ann. p. 45.
168) Cass. 3
e civ., 14 déc. 1994, n
o 92-19.219 :
JurisData n
o 1994-002354 ;
Bull. civ. 1994, III, n
o 211 ;
Loyers et copr. 1995, comm. 143 ;
AJPI 1995, p. 214, note J.-P. B. ;
Administrer 1995, p. 28, note V. Canu.
169) Cass. 3
e civ., 3 avr. 2001 :
JurisData n
o 2001-009187 ;
Loyers et copr. 2001, comm. 173, obs. B. Vial-Pedroletti ;
Rev. loyers 2001, p. 345, note J. Rémy.
170) CA Toulouse, 3
e ch. 26 janv. 2010, n
o 08/01791 :
JurisData n
o 2010-006007 ;
Loyers et copr. 2010, comm. 253, obs. B. Vial-Pedroletti.
171) L. n
o 2020-936, 30 juill. 2020 :
JO 31 juill., n
o 2.
172) Cass. 3
e civ., 8 nov. 1995, n
o 93-17.110 :
JurisData n
o 1995-002899 ;
Defrénois 1996, art. 36272, p. 355, note Ph. Delebecque ;
RD imm. 1996, p. 285, obs. Collart-Dutilleul ;
D. 1996, somm. p. 368, obs. CRDP Nancy.
173) Cass. 3
e civ., 28 févr. 1990, n
o 88-15.813 :
JurisData n
o 1990-001167 ;
Loyers et copr. 1990, comm. 200.
174) Cass. 1
re civ., 13 oct. 1992, n
o 90-18.404 :
JurisData n
o 1992-002184 :
JCP G 1993, II, 110, obs. G. Wiederkehr ;
Bull. civ. 1992, I, n
o 251 ;
Defrénois 1993, art. 35490, p. 380, obs. G. Champenois.
175) Cass. 3
e civ., 28 nov. 2012, n
o 11-25.529 :
JurisData n
o 2012-027494 ;
Loyers et copr. 2013, comm. 38, note B. Vial-Pedroletti.
176) Cass. 3
e civ., 14 juin 1995, n
o 93-13.165 :
JurisData n
o 1995-001495 ;
Bull. civ. 1995, III, n
o 145 ;
RD imm. 1995, p. 802, obs. F. Collart-Dutilleul.
177) Cass. 3
e civ., 2 oct. 1996, n
o 95-10.342 :
JurisData n
o 1996-003603 ;
Loyers et copr. 1996, comm. 415.
178) CA Paris, 6
e ch. C, 29 janv. 1996 :
JurisData n
o 1996-020090.
179) Cass. 3
e civ., 21 nov. 1990, n
o 89-14.827 :
JurisData n
o 1990-703134 ;
Bull. civ. 1990, III, n
o 237.
180) Cass. 3
e civ., 21 oct. 1992 :
JurisData n
o 1992-002877 ;
JCP G 1993, IV, 3079.
182) Cass. 3
e civ., 31 janv. 2001, n
o 99-11.956 :
JurisData n
o 2001-009825 ;
Bull. civ. 2001, III, n
o 11 ;
Loyers et copr. 2001, comm. 226 ;
Rev. loyers 2001, p. 196, note J. Rémy.
183) CA Paris, 11 févr. 2010, n
o 08/12983 :
Loyers et copr. 2010, comm. 185.
184) CA Aix-en-Provence, 11
e ch. A, 1
er févr. 2013, n
o 10/10339 :
JurisData n
o 2013-003591.
185) Cass. 3
e civ., 19 janv. 2000, n
o 98-10.918 :
JurisData n
o 2000-000180 ;
Loyers et copr. 2000, comm. 88, obs. B. Vial-Pedroletti.
186) Cass. 3
e civ., 11 janv. 1968, n
o 66-20.204 P :
Bull. civ. 1968, III, n
o 8.
187) Rép. min. n
o 4495 :
JOAN Q 11 déc. 2018, p. 11398.
188) D. Richard :
JCl. Bail à Loyer , Fasc. 115-30,
Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989. Domaine d’application : bail mobilité , n
o 43.
189) L. n
o 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-14, al. 1.
190) L. n
o 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-7, al. 4.
191) D. Richard :
JCl. Bail à Loyer , Fasc. 115-30,
Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989. Domaine d’application : bail mobilité , n
o 44.
192) L. n
o 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-14, al. 1.
193) L. n
o 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-14, al. 2.
194) CE, avis, n
o 394435, 29 mars 2018, n
o 67.
195) C. com., art. L. 145-5.
196) L. n
o 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-14, al. 3.
197) Sur la possibilité de conclure un seul avenant, V.
supra , n
o 20044059 .
198) Sur le relais pris par le régime de la location meublée en résidence principale, V.
supra , n
o 20044060 .
199) L. 6 juill. 1989, art. 25-15.
200) D. Richard :
JCl. Bail à Loyer , Fasc. 115-30,
Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989. Domaine d’application : bail mobilité , n
o 69.
201) L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 applicable au bail meublé en résidence principale, ne l’est pas pour le bail mobilité. Cet article prévoit notamment que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».
202) Tableau largement inspiré des travaux de l’Agence nationale pour l’information sur le logement et de D. Richard,
Loi Élan. Le bail mobilité : une formule présentant un avantage très relatif : Loyers et copr. juill. 2018, n
o 7-8, étude 7.
203) « Au total, 36 millions de nuits ont été passées dans ces logements, dont 17 % en Île-de-France. En 2018, les hébergements proposés par des particuliers représenteraient 14 % de la fréquentation touristique totale, incluant l’offre des professionnels (hôtels, campings, résidences de tourisme), après 13 % en 2017. » Source :
www.insee.fr/fr/statistiques/4172716 . Les logements touristiques de particuliers loués
via internet séduisent toujours.
204) L’étude d’impact du projet de la loi Elan constatait (p. 210) : « En effet, l’offre de logements meublés a progressé plus vite que l’offre locative privée ou sociale. Ainsi, en trente ans, de 1982 à 2012, sa part dans l’offre locative privée est passée de 3,6 % à 9,5 % ».
205) D. Richard :
JCl. Bail à Loyer , Fasc. 115-30 :
Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989. Domaine d’application : bail mobilité , n
o 73.
206) En ce sens : D. Richard :
JCl. Bail à Loyer , Fasc. 115-30,
Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989. Domaine d’application : bail mobilité , n
o 73.