30599 Quels pactes sur succession future/pacte de famille, pour demain ?…
30600 Après plusieurs tentatives avortées, la fiducie a été introduite dans notre droit par la loi no 2007-211 du 19 février 2007 (JO 21 févr. 2007).
Pour des développements sur ce point, nous proposons ici des extraits des rapports des 104e et 107e Congrès des notaires de France521 :
106e Congrès des notaires de France, Bordeaux, p. 551 et s.
107e Congrès des notaires de France, Cannes, p. 894 et s.
Véritable révolution juridique initiée par le sénateur Philippe Marini, la possibilité de recourir à la fiducie est un progrès permettant d’assurer à notre droit une véritable compétitivité à l’international, notamment face au trust, alors même que la loi ne fait aucune référence au trust anglo-saxon.
On parle de « fiducie à la française », conçue comme complètement différente et indépendante de l’institution anglo-saxonne qui se réfère essentiellement à la Common Law.
Pour autant, la question de l’attractivité de la fiducie face au trust reste vive puisque les limites posées par la loi de 2007 ne permettent pas aux particuliers d’user de la fiducie avec autant de souplesse qu’ils le souhaiteraient pour gérer leur patrimoine.
Le législateur a introduit la fiducie dans notre droit, mais a laissé le poids fiscal – notamment dans le cas particulier de la fiducie-libéralité – peser partout où il entendait voir continuer s’appliquer l’ordre public.
30601
D’origine romaine, la fiducie permet :
la gestion d’un patrimoine, fiducia cum amico ;
la garantie d’une créance, fiducia cum creditore.
À Rome, la fiducie se présente comme un transfert volontaire de propriété (mancipio) auquel on adjoint un pacte (pactum fiducia) qui détermine les conditions dans lesquelles le bien doit être retransféré.
Le mécanisme a évolué, mais les principes restent les mêmes : le titulaire d’un droit sur un patrimoine, le constituant, consent un transfert de propriété de tout ou partie de ses droits à un tiers, le fiduciaire, au bénéfice d’une troisième personne, le bénéficiaire, qui peut très bien être le constituant lui-même.
Au Moyen Âge et notamment durant les croisades, la fiducie permet aux croisés de transmettre la propriété de leurs terres à un tiers, à charge pour lui de les restituer à leur retour ou de les transférer à ses héritiers s’il ne rentrait pas de Terre sainte.
Elle se manifeste ensuite sous la forme de substitutions fidéicommissaires permettant ainsi d’obliger l’héritier ou le légataire à conserver les biens transmis et à les transférer au décès du constituant à un tiers désigné à l’avance.
Le Code civil l’ignore, y voyant une réminiscence féodale qui ne visait qu’à éviter le morcellement des plus grands patrimoines.
La thèse de doctorat de M. Witz522 montre qu’il existe bien dans notre droit des mécanismes juridiques qui se rapprochent dans leurs caractéristiques de la fiducie (cession Dailly, cession-bail…). La doctrine s’intéresse à la question via divers colloques523 poussant également la pratique à militer pour une consécration législative.
La signature par la France de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (qui n’est toujours pas ratifiée à ce jour…) accélère cette consécration : comment serait-il possible de reconnaître un trust légalement constitué à l’étranger et de continuer à ignorer l’institution de la fiducie en droit interne ?
Plusieurs avant-projets de loi, en 1989, 1992 et 1994 ont été rédigés, tendant à instaurer un régime général de la fiducie. Devant l’opposition systématique de l’administration fiscale, ces projets n’ont pas abouti.
Il faut attendre la loi no 2007-211 du 19 février 2007 pour que la fiducie soit enfin reconnue et entre dans le Code civil.
On réservait initialement la constitution d’une fiducie aux seules personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés.
Cette limite en restreignait singulièrement l’usage et a suscité de vives critiques de la doctrine524.
Parallèlement à cette reconnaissance de la fiducie, le législateur a édicté un principe de neutralité fiscale et ainsi donné à cette technique toutes les chances de succès.
La loi a, en outre, écarté de manière non équivoque toute utilisation de la fiducie à des fins de libéralités525.
La loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (JO 5 août 2008) a opportunément aménagé la fiducie afin :
d’étendre la qualité des constituants de fiducies aux personnes physiques et à toutes personnes morales, quel que soit leur régime d’imposition et selon le principe susvisé de neutralité fiscale ;
de porter à quatre-vingt-dix-neuf ans la durée maximale de la fiducie ;
d’ouvrir aux avocats la possibilité d’exercer les fonctions de fiduciaire.
Ces aménagements appelaient des mesures d’accompagnement, et le Parlement a alors habilité le gouvernement à compléter la réforme par voie d’ordonnances.
Ainsi une ordonnance no 2008-1345 du 18 décembre 2008 introduit la fiducie dans différents articles du Code de commerce relatifs aux procédures collectives, et lui confère une relative efficacité comme garantie face à l’insolvabilité d’un débiteur.
Une seconde ordonnance no 2009-112 du 30 janvier 2009 vise à protéger les personnes physiques contre les risques éventuels de cet instrument, notamment lorsqu’elles sont amenées à transférer dans un patrimoine fiduciaire un bien commun ou un bien indivis. Cette ordonnance précise également les règles applicables à la fiducie constituée à titre de sûreté, afin d’en garantir l’efficacité tout en préservant l’équilibre des intérêts tant du débiteur que du créancier.
La loi no 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (JO 13 mai 2009) édicte une exception au principe de cessation anticipée de la fiducie en cas de décès du constituant personne physique dans les hypothèses de fiducie-sûreté526.
30602 – Définition de la fiducie. – L’article 2011 du Code civil, intégré dans un titre XIV « De la fiducie », définit la fiducie de la manière suivante : « La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».
Le sénateur Philippe Marini, après l’adoption de la loi du 19 février 2007, tente de définir l’institution fiduciaire527 : « Il s’agit d’un contrat synallagmatique translatif de propriété à titre temporaire et pour une fin déterminée, impliquant une relation triangulaire. Un constituant transfère ainsi des biens ou droits de son patrimoine à un fiduciaire qui s’engage à les gérer au profit d’un bénéficiaire et à les restituer au terme du contrat. Ce bénéficiaire n’est pas, en tant que tel, partie au contrat, mais peut être le constituant, le bénéficiaire ou un tiers.
Ce transfert en pleine propriété est cependant doublement limité, dans le temps et dans sa substance, par les stipulations du contrat de fiducie, de sorte que la fiducie constitue, pour reprendre l’expression de mon collègue Henri de Richemont, rapporteur de ma proposition de loi au Sénat, une « propriété dégradée ». Le fiduciaire ne dispose pas, en effet, de l’intégralité des prérogatives d’un propriétaire, puisqu’il doit agir dans un « but déterminé » par le constituant et emportant des obligations contractuelles.
Les grandes caractéristiques de ce contrat spécial à vocation transversale ouvrent un champ potentiellement large d’applications en droit patrimonial et en droit des affaires, pour trois grandes opérations que sont la transmission, la garantie et la gestion ».
30603 La fiducie est donc, en principe, une opération triangulaire ou tripartite faisant intervenir un constituant, un fiduciaire et un bénéficiaire. En réalité, dans un certain nombre d’hypothèses, l’opération sera dénuée du caractère tripartite pour demeurer bipartite (le constituant ou le fiduciaire pouvant cumuler leur qualité avec celle de bénéficiaire, tel que le prévoit l’article 2016 du Code civil). Elle peut aussi faire intervenir une multiplicité d’acteurs. Notamment le tiers protecteur de l’article 2017 du Code civil désigné, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, par le constituant pour s’assurer de la préservation de ses intérêts dans le cadre de l’exécution du contrat. On peut aussi avoir un contrat qui met en présence plusieurs constituants, fiduciaires au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires, comme le permet l’article 2011 du Code civil.
30604 – Un patrimoine d’affectation. – L’objet de la fiducie consiste à transférer des biens, des droits ou des sûretés, voire un ensemble de biens, droits ou sûretés, présents ou futurs. Ce transfert de propriété est de nature particulière : la propriété fiduciaire est différente de la propriété ordinaire, notamment parce que l’article 2011 du Code civil consacre le patrimoine d’affectation. Cet article précise ainsi que le ou les fiduciaires seront obligés de tenir les biens, droits ou sûretés transférés dans un patrimoine séparé de leur patrimoine propre. La théorie de l’unicité du patrimoine est donc remise en cause en 2007.
Pour la finalité de la fiducie, le législateur reste très large, l’article 2011 du Code civil se contentant d’indiquer que le ou les fiduciaires, au profit desquels s’effectue le transfert fiduciaire, agissent dans un but déterminé, au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. De fait, la finalité de la fiducie relèvera de la seule volonté des parties contractuellement fixée.
30605 – Différents types de fiducie. – Malgré l’imprécision de l’article 2011 du Code civil, il est possible de distinguer différents types de fiducie :
la fiducie-gestion, qui permet au fiduciaire de recevoir en propriété des biens qu’il se charge de gérer, selon les modalités fixées par le contrat de fiducie, pour le compte soit du constituant soit d’un bénéficiaire, et qu’il est tenu de rétrocéder au terme du contrat de fiducie ;
la fiducie-sûreté, par laquelle un débiteur transfère au fiduciaire, qui peut être le créancier lui-même, la propriété d’un bien afin de garantir le paiement de sa dette ;
et la fiducie-transmission, consistant à transférer des biens à un fiduciaire chargé de les transmettre, à titre gratuit ou onéreux, à un tiers bénéficiaire dans un délai prédéterminé.
30606 – L’interdiction de la fiducie-libéralité. – Cependant, si l’opération fiduciaire correspond à un but déterminé, la liberté n’est pour autant pas totale puisque l’article 2013 du Code civil émet une réserve notable en déclarant nuls « d’ordre public » les contrats de fiducie procédant d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité absolue des fiducies-libéralités témoigne de la persistance d’une défiance ancienne et lui ôte, par là même, partie de son intérêt.
L’article 2013 du Code civil doit être complété par :
l’article 2029 du même code qui prévoit une révocation de plein droit de la fiducie par le décès du constituant personne physique528 ;
l’article 792 bis du Code général des impôts qui caractérise l’intention libérale par la transmission dénuée de contrepartie réelle, ou quand l’avantage en nature ou résultant d’une minoration du prix de cession est accordé à un tiers par le fiduciaire dans le cadre de la gestion du patrimoine fiduciaire529.
La fiducie ne peut donc, d’une manière ou d’une autre, profiter à un bénéficiaire, constituant ou tiers, à titre gratuit et ne saurait se prolonger au-delà du décès. Or c’est justement le but du trust étranger.
30607 Pourtant, dès 1992, la Chancellerie avait déposé un projet de loi visant à instituer la fiducie qui aurait « pour objet la transmission de biens et droits à un ou des bénéficiaires autres que le constituant »530 y compris à titre gratuit531. Aucune restriction n’était donc prévue dans un premier temps en matière d’usage de la fiducie à des fins de transmission à titre gratuit, même si la fiducie testamentaire était prohibée.
Le professeur Grimaldi532, commentant le projet de loi, désignait alors la fiducie comme une institution polyvalente et rayonnante irradiant le droit des contrats, des biens, des libéralités, des sûretés, déjà présente sous des formes plus ou moins masquées dans notre droit positif d’alors (libéralités avec charges, mandats, cession à titre de garantie des créances professionnelles…).
Dans ce commentaire, il précisait, au sujet de la fiducie-libéralité, qu’elle n’ébranlait pas les principes d’ordre public du droit des successions et des libéralités : « elle ne ruinerait nullement la réserve héréditaire, car le réservataire, fondé à revendiquer une réserve libre de charge, serait en droit de demander la réduction ou le cantonnement de celle qui excéderait la quotité disponible ; elle ne menacerait pas la prohibition des pactes sur succession future, car elle ne pourrait porter que sur les biens présents du fiduciant. (…) Ainsi, introduite dans notre droit, la fiducie ne pourrait s’y déployer aussi amplement que le trust dans les pays de Common Law. Elle y serait bridée par les principes d’ordre public, notamment de droit de la famille, qui, lui étant extérieurs, ne seraient pas remis en cause par sa consécration ».
30608 Pourtant la fiducie-libéralité est toujours prohibée et il convient donc de s’interroger sur les intérêts que présenterait un élargissement à la fiducie-libéralité (Sous-section I) avant d’analyser les diverses contraintes à lever pour l’autoriser (Sous-section II).
30609
À défaut de disposer d’une définition officielle du trust, on peut se reporter à l’article 2 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, qui définit cette institution de droit anglo-saxon comme « les relations juridiques créées par une personne, le constituant – par acte entre vifs ou à cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé.
Le trust présente les caractéristiques suivantes :
a) Les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee ;
b) Le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une autre personne pour le compte du trustee ;
c) Le trustee est investi du pouvoir et chargé de l’obligation, dont il doit rendre compte, d’administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.
Le fait que le constituant conserve certaines prérogatives ou que le trustee possède certains droits en qualité de bénéficiaire ne s’oppose pas nécessairement à l’existence d’un trust ».
Nous renvoyons ici à l’étude du rapport du 115e Congrès des notaires de France :
115e Congrès des notaires de France, nos 2560 et s.
Plusieurs éléments sont donc communs aux deux institutions du trust et de la fiducie :
le transfert de propriété par le constituant (settlor of the trust) au profit du fiduciaire (trustee) ;
les biens de la fiducie constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du fiduciaire ;
l’obligation de gérer les biens de la fiducie selon les termes du contrat de fiducie.
Reste que deux points importants permettent de différencier les deux institutions :
la fiducie est un contrat entre le constituant et le fiduciaire quand le trust est constitué par acte unilatéral du constituant (settlor of the trust) ;
la fiducie ne peut être utilisée comme instrument de transmission à titre gratuit quand le trust est un mode usuel d’organisation des successions dans les pays anglo-saxons.
Nous renvoyons sur ce point à la Proposition no 3 effectuée par la troisième commission du 115e Congrès des notaires de France, « Pour la ratification par la France de la Convention de La Haye sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance » :
30610 – Outil d’anticipation. – Nous sommes fréquemment, dans notre pratique, questionnés par des clients soucieux d’encadrer la gestion des biens qu’ils souhaitent ou qu’ils auront à transmettre à leurs héritiers.
Les motifs de cette préoccupation sont généralement liés :
à l’existence d’un patrimoine complexe (transmission d’entreprises familiales par exemple) ;
au souci d’assurer la pérennité d’un patrimoine constitué de biens réunis dans un objectif particulier (collections, monuments historiques…) ;
à la présence d’héritiers qui ne disposent pas des compétences utiles à la bonne gestion des biens transmis ;
à la présence d’héritiers fragiles ou bénéficiant de mesure de protection.
30611 Le recours à la fiducie-transmission/libéralité pourrait parfaitement répondre à ces objectifs. Alliant efficacité et sécurité de la gestion des biens placés en fiducie à la souplesse de la transmission, son introduction dans notre droit mériterait d’être enfin considérée et l’article 2013 du Code civil, qui pose une interdiction d’ordre public, revu.
Cela nous conduit à analyser les raisons de la ténacité dont fait preuve le législateur pour maintenir un principe de prohibition de la fiducie-libéralité (§ I), avant d’en analyser les intérêts (§ II).
30612 – La crainte de la fraude. – C’est donc seulement en 2007 que le législateur introduit dans notre droit la fiducie, sans doute mû par un souci d’attractivité de notre droit. Pourtant, le législateur reste très prudent notamment en excluant la fiducie-libéralité, par crainte de fraude, ce mot étant utilisé à maintes reprises, avec celui de « risque », dans le rapport de la commission des lois à l’Assemblée nationale.
30613 Afin de restreindre le champ de la fiducie, il est notamment avancé que les outils de planification successorale existent déjà dans notre droit (A). Le détournement des règles du droit des successions (B) et la crainte de l’évasion fiscale (C) sont également mis en avant pour justifier que notre droit n’évolue pas sur cette question533.
30614 Notre arsenal juridique comprend déjà divers outils qui permettent, même si la fiducie-libéralité pourrait utilement les compléter, des modes légaux (I) et conventionnels (II) de planification successorale.
30615 – Des modes de planification qui ne répondent qu’imparfaitement aux préoccupations de nos clients. – Il a été fréquemment avancé que la réforme des successions opérée par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 aurait permis de doter notre droit d’outils efficaces pour organiser une planification successorale. Ainsi la création du mandat à effet posthume534 et la libéralisation des libéralités graduelles et résiduelles535 répondraient aux préoccupations d’organisation successorale de nos contemporains. L’exposé des motifs de la loi du 23 juin 2006 précise d’ailleurs que ces nouvelles techniques allaient « répondre aux besoins que satisfait, dans d’autres pays, la fiducie successorale »536.
Cependant, si ces mécanismes permettent d’anticiper le règlement de la succession par l’organisation de la transmission de ses biens, ils peuvent à divers égards sembler nettement insuffisants.
30616 Le mandat à effet posthume, tel que défini aux articles 812 et suivants du Code civil (outil qui permet de confier à une ou plusieurs personnes le mandat de gérer tout ou partie des biens d’une succession pour le compte et dans l’intérêt des héritiers), en substituant à la saisine naturelle des héritiers une administration des biens de la succession organisée par le disposant, doit ainsi être justifié par un intérêt sérieux et légitime, parfois difficile à démontrer et par conséquent générateur de contentieux.
Il ne peut, par ailleurs, être conclu que pour une durée de deux ans (exceptionnellement cinq ans en justifiant de l’inaptitude ou de l’âge des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels)537, ce qui, dans certains cas, est insuffisant compte tenu des particularités d’un patrimoine qu’il est utile d’organiser sur le long terme pour assurer une transmission sur plusieurs générations.
Les pouvoirs du mandant sont ensuite limités aux actes conservatoires ou d’administration : les héritiers conservent ainsi le droit de vendre les biens objets du mandat, ce qui rend ce dernier inefficace. Le bon vouloir des héritiers peut donc facilement réduire à néant la volonté du mandant.
Le mandataire à titre posthume n’est donc qu’un simple administrateur temporaire de biens.
Pour améliorer l’efficacité du mandat à effet posthume, on peut avoir recours aux techniques sociétaires qui peuvent alors permettre au mandant de confier au mandataire des pouvoirs étendus au-delà de simples pouvoirs de gestion et d’administration. Le pouvoir de gestion d’une société pouvant aller jusqu’à disposer des actifs sociaux si le mandat porte sur des parts de société à laquelle les actifs successoraux ont été préalablement apportés, on peut échapper à l’interdiction de principe posée au mandataire de disposer des biens dont la gestion lui est confiée. Un travail sur les statuts de la société sera alors nécessaire pour aménager les pouvoirs en assemblée (règles de quorum ou de majorité, droit de veto créé au profit du mandataire,…), ou pour adapter les clauses d’agrément.
Reste que la durée du mandat est limitée au maximum à cinq ans, ce qui constitue une contrainte forte et demeure incompatible avec le souci de transmission et de pérennisation d’un patrimoine familial manifesté par nos concitoyens.
30617 Les donations graduelles et résiduelles ont également été présentées en 2006 comme ayant une finalité proche de la fiducie. Mais, si ces donations permettent d’assurer une double transmission successive en organisant le transfert des biens au décès du premier bénéficiaire au bénéfice du second gratifié, elles ne permettent pas d’organiser la gestion des biens par le premier bénéficiaire pour le compte du second. Elles ne permettent pas davantage d’assurer au second gratifié la distribution ou le maintien de revenus. Aucun tiers n’intervient pour administrer et gérer les biens transmis.
La donation graduelle comporte une double obligation de conservation et de transmission, mais ne permet pas la souplesse de la fiducie. La donation résiduelle n’oblige pas quant à elle le premier gratifié à conserver les biens reçus, et seuls les biens subsistants seront transmis. Il n’y a pour le premier gratifié aucune obligation de gestion et donc pour le second aucune garantie de recevoir le bien ou de le recevoir en bon état.
Ces donations présentent par ailleurs deux contraintes importantes :
la première résulte de l’article 1049 du Code civil, puisque la donation ne peut produire ses effets que sur des biens identifiables à la date de la transmission : meuble corporel ou incorporel, immeuble, droits sociaux, créances…
Si la libéralité porte sur une somme d’argent, certaines précautions sont à prendre pour assurer l’efficacité de la clause graduelle :
soit la libéralité porte sur une simple somme d’argent ; l’efficacité de la libéralité est subordonnée à la stipulation d’une clause d’emploi des fonds précisant la nature des biens à acquérir (immeuble, valeurs mobilières…). La clause graduelle porte alors sur les biens acquis en emploi,
soit la libéralité a pour objet une somme identifiable placée sur un support financier (produits capitalisation, assurance-vie, compte rémunéré, compte courant d’associé…) ; la clause graduelle sera efficace à condition de prévoir une clause d’emploi des capitaux placés dans l’éventualité où les placements arrivent à échéance ;
Le DONATEUR, à titre de cause impulsive et déterminante de son consentement, entend déroger aux dispositions de l’alinéa premier de l’article 1049 du Code civil. À ce titre, il déclare substituer à l’obligation de conservation en nature une simple obligation de conservation en valeur dans les conditions ci-après énoncées, ce que déclarent accepter tant le GREVÉ que le SECOND GRATIFIÉ.
Remploi obligatoire
Le GREVÉ aura alors l’obligation, dans un délai de …. mois à compter du versement de la somme donnée sur le compte séquestre ouvert en son nom en l’étude du notaire soussigné, de remployer ladite somme dans :
l’acquisition d’un immeuble ;
un placement en nature de …
(…).
Avant tout engagement, de quelque nature que ce soit, le GREVÉ devra notifier son projet d’emploi au DONATEUR, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le DONATEUR disposera, à compter de la réception, d’un délai d’un mois pour donner son accord. À défaut de réponse dans ce délai, son silence vaudra acceptation.
En l’absence d’accord amiable, la partie la plus diligente pourra saisir le magistrat compétent, lequel, selon les intérêts en présence, pourra autoriser, le cas échéant, le remploi par le GREVÉ.
Remploi facultatif
Le GREVÉ aura la faculté de remployer l’indemnité versée sur le compte séquestre dans ….
Remploi avec accord du donateur ou du second gratifié en cas de remploi.
Avant tout engagement de quelque nature que ce soit, le GREVÉ devra notifier son projet d’acquisition/de placement au DONATEUR si ce dernier est toujours en vie ou à défaut au SECOND GRATIFIÉ, qui disposera alors d’un délai de quinze jours à compter de la réception de celui-ci pour donner son accord.
En cas de désaccord entre le GREVÉ et le DONATEUR, si ce dernier est toujours en vie, ou à défaut le SECOND GRATIFIÉ, la partie la plus diligente saisira le magistrat compétent aux fins de faire trancher le litige et autoriser le cas échéant le remploi.
Remploi avec simple information du donateur et du second gratifié.
Avant tout engagement de quelque nature que ce soit, le GREVÉ notifiera pour information son projet d’acquisition/de placement au DONATEUR si ce dernier est toujours en vie ou à défaut au SECOND GRATIFIÉ, qui disposera alors d’un délai de quinze jours à compter de la réception de celui-ci pour formuler toutes observations qu’il jugera utiles. À défaut de réponse dans ce délai, son silence vaudra acceptation.
À défaut pour le GREVÉ d’avoir opéré remploi dans le délai ci-dessus, il devra solliciter l’accord du DONATEUR, si celui-ci est toujours en vie ou à défaut du SECOND GRATIFIÉ, pour placer la somme séquestrée sur un support bancaire dont il pourra disposer en capital et intérêts.
Le GREVÉ devra alors donner caution de jouir raisonnablement, et ce dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 601 du Code civil. À défaut pour lui de trouver caution, il devra fournir toute garantie sur des biens lui appartenant personnellement, à la condition toutefois que ceux-ci soient d’une valeur supérieure de plus de …. dixièmes à la somme objet du placement.
Dans l’hypothèse où le grevé disposerait en capital des fonds placés, la charge de conservation se reportera sur des sommes de pareil montant appartenant également au GREVÉ.
Le DONATEUR, à titre de cause impulsive et déterminante de son consentement, entend déroger aux dispositions de l’alinéa premier de l’article 1049 du Code civil. À ce titre, il déclare substituer à l’obligation de conservation en nature une simple obligation de conservation en valeur dans les conditions ci-après énoncées, ce que déclarent accepter tant le GREVÉ que le SECOND GRATIFIÉ.
Remploi obligatoire
Le GREVÉ aura alors l’obligation, dans un délai de …. mois à compter de la date d’échéance du placement objet de la donation, soit de proroger le placement aux mêmes conditions, soit, à défaut de pouvoir le proroger, de procéder au versement de la somme issue de ce placement venu à échéance sur le compte séquestre ouvert en son nom en l’étude du notaire soussigné afin de procéder dans le délai ci-dessus au remploi de ladite somme dans :
l’acquisition d’un immeuble ;
un placement en nature de ….
(…).
Avant tout engagement, de quelque nature que ce soit, le GREVÉ devra notifier son projet d’emploi au DONATEUR, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le DONATEUR disposera, à compter de la réception, d’un délai d’un mois pour donner son accord. À défaut de réponse dans ce délai, son silence vaudra acceptation.
En l’absence d’accord amiable, la partie la plus diligente pourra saisir le magistrat compétent, lequel, selon les intérêts en présence, pourra autoriser, le cas échéant, le remploi par le GREVÉ.
Remploi facultatif
Le GREVÉ aura la faculté de remployer l’indemnité versée sur le compte séquestre dans ….
Remploi avec accord du donateur ou du second gratifié en cas de remploi.
Avant tout engagement de quelque nature que ce soit, le GREVÉ devra notifier son projet d’acquisition/de placement au DONATEUR si ce dernier est toujours en vie ou à défaut au SECOND GRATIFIÉ, qui disposera alors d’un délai de quinze jours à compter de la réception de celui-ci pour donner son accord. À défaut de réponse dans ce délai, son silence vaudra acceptation.
En cas de désaccord entre le GREVÉ et le DONATEUR si ce dernier est toujours en vie ou à défaut le SECOND GRATIFIÉ, la partie la plus diligente saisira le magistrat compétent aux fins de faire trancher le litige et autoriser le cas échéant le remploi.
Remploi avec simple information du donateur et du second gratifié.
Avant tout engagement de quelque nature que ce soit, le GREVÉ notifiera pour information son projet d’acquisition/de placement au DONATEUR si ce dernier est toujours en vie ou à défaut au SECOND GRATIFIÉ, qui disposera alors d’un délai de quinze jours à compter de la réception de celui-ci pour formuler toutes observations qu’il jugera utiles. À défaut de réponse dans ce délai, son silence vaudra acceptation.
À défaut pour le GREVÉ d’avoir opéré remploi dans le délai ci-dessus, il devra solliciter l’accord du DONATEUR si celui-ci est toujours en vie ou à défaut du SECOND GRATIFIÉ pour placer la somme séquestrée sur un support bancaire dont il pourra disposer en capital et intérêts.
Le GREVÉ devra alors donner caution de jouir raisonnablement, et ce dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 601 du Code civil. À défaut pour lui de trouver caution, il devra fournir toute garantie sur des biens lui appartenant personnellement à la condition toutefois que ceux-ci soient d’une valeur supérieure de plus de …. dixièmes à la somme objet du placement.
Dans l’hypothèse où le grevé disposerait en capital des fonds placés, la charge de conservation se reportera sur des sommes de pareil montant appartenant également au GREVÉ.
la seconde contrainte est précisée à l’article 1054 du Code civil qui dispose que « si le grevé est héritier réservataire du disposant, la charge ne peut être imposée que sur la quotité disponible ».
La libéralité graduelle ne doit donc pas porter sur la réserve du premier gratifié. Si la charge imposée par la donation graduelle risque d’affecter tout ou partie de la réserve du premier gratifié, le bénéficiaire peut agir en cantonnement : on individualise dans un partage deux masses de biens. Ceux qui dépendent de la réserve et sur lesquels le premier gratifié retrouve ses droits de disposition complets. Ceux qui dépendent de la quotité disponible, qui demeurent grevés de la charge538.
Que se passe-t-il si la charge porte sur un bien indivisible ? Il est alors impossible de cantonner et la charge disparaît. Le bénéficiaire pourra aussi renoncer par anticipation à demander la réduction de ladite donation, soit dans l’acte de donation lui-même, soit dans un acte postérieur en respectant les conditions de forme de l’article 930 du Code civil afin de garantir l’efficacité de la donation539.
En cas de legs graduel, le légataire dispose d’un délai d’un an à compter du jour où il a eu connaissance du testament pour demander que sa part de réserve soit libérée de la charge qui la grève, à défaut il doit en assumer l’exécution540. Le rôle de conseil du notaire est alors primordial, car il ne doit pas omettre d’informer son client que l’efficacité d’un legs graduel portant sur tout ou partie de la réserve du premier gratifié dépend de la volonté de ce dernier. La loi ajoute à l’article 1054, alinéa 4 du Code civil que si la part de réserve est grevée avec l’accord du bénéficiaire, la charge pèse de plein droit sur les enfants nés ou à naître et il n’y a donc plus de liberté dans la désignation du second gratifié.
De même, la libéralité résiduelle ne peut, en principe, porter sur la réserve du premier gratifié. C’est pourquoi l’alinéa 3 de l’article 1059 du Code civil précise que le premier gratifié, héritier réservataire, conserve la possibilité de disposer entre vifs ou à cause de mort des biens qui lui ont été donnés en avancement de part successorale. Mais, contrairement aux règles régissant la donation graduelle, il n’existe aucune disposition limitant l’efficacité d’une clause résiduelle portant sur la réserve du grevé et permettant à celui-ci d’accepter qu’une telle charge grève sa part de réserve. Si la donation résiduelle porte sur la réserve du grevé, celui-ci peut demander le cantonnement de la charge, sauf à ce que le premier gratifié fasse une renonciation anticipée à l’action en réduction dans les conditions de l’article 929 du Code civil.
30618 L’ensemble de ces dispositifs ont une utilité indéniable, mais ils restent insuffisants comme ne répondant pas aux attentes de nos concitoyens.
La fiducie devrait alors s’imposer comme un outil complémentaire au mandat ou aux donations graduelles et résiduelles. En effet avec ce dispositif, les pouvoirs du fiduciaire peuvent être parfaitement adaptés sur une durée pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui permet l’organisation d’une transmission transgénérationnelle.
Surtout, les biens objets de la fiducie sont isolés dans un patrimoine étanche par rapport au patrimoine du fiduciaire et à l’abri de toute aliénation souhaitée par le constituant et même de ses créanciers, sauf bien entendu transfert fiduciaire reconnu comme frauduleux.
30619 D’autres outils peuvent être utilisés pour organiser la gestion de son patrimoine pour le compte de ses héritiers.
30620 La société civile immobilière est facilement utilisée pour organiser la transmission contrôlée d’un patrimoine immobilier complexe.
Cela nécessite de prévoir dans les statuts la nomination d’un gérant de confiance à qui il est conféré des pouvoirs très adaptés aux objectifs poursuivis. Cela se révélera délicat quand il s’agit d’organiser les conditions dans lesquelles les fonds à la disposition de la SCI, ou ses revenus, seront remis aux descendants devenus associés en fonction de leurs besoins propres.
Par ailleurs, le coût du transfert des biens immobiliers détenus par l’ascendant associé à la SCI (apports, plus-values) peut être dissuasif.
30621 Si la fiducie ne peut être l’objet d’une libéralité, il a pu être imaginé541 de procéder à la donation du contrat de fiducie lui-même.
Selon les promoteurs de ce montage : « Le constituant crée une fiducie-gestion dont il est bénéficiaire, puis la transmet à titre gratuit, entre vifs ou par décès, aux ayants-droit qu’il a choisis. La fiducie-gestion sert alors de « réceptacle » aux actifs à gérer, qui sont confiés au fiduciaire, lequel se voit assigner des missions précises par le contrat concernant la gestion du patrimoine, ainsi que les prestations à délivrer au profit des bénéficiaires. Le contrat de fiducie n’est alors aucunement par lui-même le vecteur de la transmission, il en est l’objet. La situation est comparable à la donation ou à la transmission successorale d’un contrat de capitalisation (…) la transmission effectuée à titre gratuit au décès ou par donation porte alors sur la créance existant dans le patrimoine du constituant bénéficiaire sur le fiduciaire. Plus précisément, ce sont les droits du constituant qui font l’objet de la transmission, laquelle emprunterait la forme classique d’une donation ou d’une succession. Autrement dit, le contrat de fiducie n’est pas dénoué, il se poursuit avec un nouveau constituant bénéficiaire, et n’est donc en aucune façon le vecteur d’une libéralité par lui-même »542.
Il s’agirait dans ce cas d’organiser la transmission du contrat de fiducie : ce sont les droits du constituant qui font l’objet de la transmission, laquelle pourrait alors prendre la forme classique d’une donation ou d’un legs. Le contrat de fiducie-gestion dont le constituant est désigné bénéficiaire pourrait lui-même contenir une clause selon laquelle le contrat sera transmis à ses héritiers en cas de décès. Ainsi le contrat de fiducie ne sera pas dénoué et se poursuivra avec un nouveau bénéficiaire, soumis à la gestion prévue par le contrat de fiducie. Les héritiers auront alors vocation à recueillir la propriété du patrimoine fiduciaire, mais ils seront privés de tout pouvoir de gestion sur ce patrimoine tant que durera la fiducie.
30622 L’idée peut paraître séduisante, mais les praticiens prudents ne manqueront pas de soulever, pour ne pas s’aventurer dans un tel montage, que l’article 2029 du Code civil dispose que le contrat prend fin par le décès du constituant, d’une part, et que l’article 2030 du même code543 prévoit le retour du patrimoine fiduciaire dans sa succession, d’autre part. Mais cette règle est-elle d’ordre public ? La fiducie peut-elle survivre au décès du constituant ? Ce schéma n’est-il pas contraire à la dévolution d’une réserve héréditaire libre de charge ?
30623 Les partisans d’une telle pratique avancent plusieurs arguments pour la fonder juridiquement :
la fiducie étant un contrat544, le principe est que les dispositions légales ont un caractère supplétif, sauf mention expresse de leur impérativité. Or l’article 2029 du Code civil n’énonce pas son caractère d’ordre public. Il est également à noter qu’en matière de fiducie-sûreté, le décès du constituant est écarté comme cause d’extinction de la fiducie545. Si le texte n’est pas impératif, le contrat de fiducie pourrait alors prévoir d’écarter le décès comme cause d’extinction du contrat, celui-ci se poursuivant avec les héritiers jusqu’à l’arrivée du terme prévu initialement ;
la transmission du contrat au décès n’est que l’application de la règle selon laquelle les héritiers, comme successeurs universels de leur auteur, sont de plein droit saisis de ses droits et obligations ;
les biens étant soumis au contrat de fiducie avant leur transmission, il n’y a pas de risque d’atteinte au principe de la dévolution d’une réserve héréditaire libre de charge ; seule la création d’une nouvelle charge lors de la transmission à titre gratuit serait en contrariété avec la réserve ;
le contrat n’étant pas dénoué lors du décès, il ne serait pas lui-même vecteur de transmission mais seulement l’objet de la transmission.
30624 Or, d’après l’opinion doctrinale dominante et selon le professeur Witz, les articles 2029 et 2030 du Code civil sont bel et bien d’ordre public et la nature contractuelle de la fiducie ne saurait justifier de dérogation.
La rédaction de l’article 2029 du Code civil, précisément créé pour empêcher la fiducie-libéralité interdite par l’article 2013, est claire : le contrat de fiducie s’éteint par le décès du constituant. Faire perdurer le contrat après le décès reviendrait à reconnaître une transmission indirecte. Quant à l’article 2030 du Code civil, il précise que « lorsqu’il prend fin par le décès du constituant, le patrimoine fiduciaire fait de plein droit retour à la succession » : s’il est fait de plein droit retour à la succession, c’est bien en relation avec le caractère impératif de l’article 2029 du Code civil.
30625 Civilement, la fiducie-libéralité frappée de nullité est constituée si elle procède d’une intention libérale : la transmission du contrat de fiducie emporte transmission indirecte du patrimoine fiduciaire, et il paraît difficile de justifier une transmission au profit de ses héritiers en cas de décès autrement que par une intention libérale. Cette intention est caractérisée dès lors que la transmission répond à l’un des critères posés par l’article 792 bis du Code général des impôts546 qui, utilisant le terme « notamment », laisse par ailleurs toute possibilité à l’administration ou aux tribunaux pour caractériser l’intention libérale.
L’objectif du constituant est bien de restreindre le pouvoir de gestion de ses héritiers par une transmission patrimoniale indirecte. Sans contrepartie, cette transmission risque bien d’être qualifiée de fiducie-libéralité.
30626 Une donation avec charge de constituer une fiducie est aussi une hypothèse avancée par certains professionnels de la gestion de patrimoine547, qui ont été renforcés dans leur imagination à trouver des solutions aux préoccupations de leurs clients depuis la réforme du droit des contrats (C. civ., art. 1216). Dans ce schéma, le donateur impose aux donataires, comme charge déterminante de la libéralité, d’apporter en fiducie les biens reçus en donation.
Selon certains auteurs548, rien ne s’oppose à ce qu’une donation prévoie une charge ou soit soumise à une condition contraignant le donataire à conclure un contrat de fiducie-gestion relatif aux biens transférés à titre gratuit selon les modalités prévues dans la libéralité, voire qu’un legs soit grevé de la charge de constituer une fiducie. Une telle libéralité avec charge ne contreviendrait pas à l’article 2013 du Code civil : dès lors que la fiducie ne procède pas de la volonté du constituant mais de celle du disposant, l’intention libérale du premier est écartée par son obligation d’exécuter la charge. Le bénéficiaire de la fiducie-gestion est bien le constituant lui-même, c’est-à-dire celui qui a recueilli les biens à titre gratuit et non un tiers gratifié par le constituant d’une fiducie.
Ce montage trouvera cependant sa limite dans l’application de l’article 912 du Code civil : la constitution d’une fiducie imposée par le donateur ne devrait pouvoir priver le donataire de la libre disposition des biens composant sa réserve héréditaire, lorsque la succession du donateur sera ouverte. Même si, sur ce point, il n’existe pas de jurisprudence, il est sans doute possible de raisonner par analogie avec les décisions rendues sur les clauses d’inaliénabilité ou d’inaliénabilité conditionnelle. Il convient alors de vérifier la conformité de ces clauses avec les exigences posées à l’article 900-1 du Code civil549. De même, l’analyse de la jurisprudence exclut le legs à charge pour le légataire de constituer une fiducie, dès lors que ce legs porte sur la réserve héréditaire550.
Si une telle possibilité de donation à charge de fiducie était admise, il faudrait également qu’elle soit conforme aux dispositions de l’article 900-2 du Code civil traitant de la révision judiciaire des charges affectant la donation.
30627 Ces deux solutions, donation du contrat de fiducie et donation avec charge de constituer une fiducie, sont donc à manier avec grande prudence tant les sanctions civiles de nullité et leurs conséquences fiscales sont lourdes. Les risques d’atteinte à la réserve par ces biais doivent également être étudiés avec beaucoup de précaution. Si la fiducie-libéralité devait continuer à être aussi contrainte dans notre droit, l’interprétation de la jurisprudence sur de telles pratiques est donc attendue pour les pérenniser.
30628 – Un moyen de contourner les règles de la réserve héréditaire. – La raison principale de la prohibition de la fiducie-libéralité est énoncée dans son rapport par Henri de Richemont, quand il précise que « cette décision permet d’éviter que la fiducie soit utilisée dans le seul but de détourner les règles, récemment modifiées, relatives aux libéralités et à la dévolution successorale »551.
30629 L’argument reste difficile à comprendre, tant la jurisprudence a toujours veillé à condamner l’utilisation frauduleuse du trust pour tenter de modifier les règles impératives de dévolution du droit français.
Pourtant, le trust ne se cantonne pas à l’étranger mais a également des effets en France. La jurisprudence a recours le plus souvent à une requalification en un mécanisme connu du droit français.
Cependant, il arrive parfois qu’elle considère le trust en tant que tel552. Il ressort de la jurisprudence une analyse au cas par cas des faits pour apprécier la requalification ou non du trust.
La question de la reconnaissance du trust pose question, puisque son utilisation pourrait permettre de détourner l’article 912 du Code civil.
30630 Le droit français a aussi déjà été confronté, notamment avec l’assurance-vie, à la nécessité de trouver un équilibre entre respect de la réserve héréditaire et sort des sommes écartées par ce biais du patrimoine successoral du défunt. La jurisprudence de la Cour de cassation justifie sur ce point des atteintes à la réserve héréditaire qui, sur le plan juridique, ont pu paraître difficilement cohérentes. Or un certain nombre de contrats d’assurance-vie sont très proches des mécanismes de la fiducie : l’assureur reçoit des deniers, avec mission de les placer pour en restituer le produit à l’échéance au souscripteur ou au bénéficiaire désigné.
30631 Par ailleurs on peut constater, en droit comparé, que certains États parviennent à articuler les impératifs d’une réserve légale avec les spécificités du trust.
C’est le cas à l’île Maurice qui connaît le bi-juridisme : les relations privées entre les personnes relèvent du droit continental, quand les relations commerciales et l’organisation juridique et administrative relèvent de la Common Law. Le notaire mauricien applique donc le droit civil, mais peut aussi établir des trusts. Si c’est un Mauricien qui le constitue, la réserve héréditaire devra être protégée. Si c’est un citoyen d’un pays qui ne connaît pas la réserve, il pourra transmettre tous ses biens, via le trust, à qui bon lui semble.
C’est aussi le cas du Québec, province canadienne, qui connaît un droit « mixte ».
30632 Enfin, la loi elle-même prévoit un encadrement tel à la fiducie qu’il paraît difficile d’envisager comment on pourrait ne pas maîtriser les risques de détournement de l’ordre public successoral.
Ainsi l’article 2019 du Code civil, qui prévoit que tout acte de fiducie initial ou modificatif doit être enregistré dans le délai d’un mois et publié s’il porte sur des biens et droits immobiliers au service de la publicité foncière ; ou l’article 2020 dudit code qui prévoit la tenue d’un registre national des fiducies.
Le contrat de fiducie-libéralité, compte tenu de son objet, serait en tout état de cause, pour être conforme aux dispositions du Code civil553, reçu par un notaire. Qui pourrait être mieux sensibilisé que lui aux questions de respect de la réserve ?
30633 – La fraude fiscale. – En 2007, la crainte principale face à la fiducie-libéralité émanait de l’administration.
Elle redoutait en effet qu’elle soit utilisée à des fins d’évasion fiscale en matière de droits de mutation à titre gratuit. Les sanctions fiscales prévues aux articles 792 bis et 1729-c du Code général des impôts et à l’article L. 64 C du Livre des procédures fiscales554 sont la démonstration de cette défiance.
Or le Code général des impôts permet à l’administration de taxer des mécanismes équivalents en matière de droits de mutation à titre gratuit lors de la délivrance de capitaux décès dépendant d’un contrat d’assurance-vie, ou lors de transmissions à titre gratuit réalisées via des trusts555.
30634 L’examen de la jurisprudence depuis 2007 démontre que la fiducie n’est pas source de contentieux. Le fait que la loi réserve à des professionnels la possibilité d’être fiduciaire constitue par ailleurs un frein important à la fraude. L’article 2026 du Code civil prévoit ainsi que le fiduciaire répond sur son patrimoine personnel « des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission ».
30635 Au regard des expériences étrangères, le risque d’une utilisation de la fiducie à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme ne paraît pas plus grave que celui permis par la constitution de structures sociétaires. Il est utile ici de rappeler, une fois encore, que la cession des parts des sociétés à prépondérance immobilière échappe au contrôle des notaires, très engagés avec Tracfin contre la lutte contre le blanchiment. Une fiducie constituée par acte authentique permettrait sur ce point d’apporter des garanties supplémentaires à l’administration fiscale.
30636 – L’anticipation de la transmission pour un contexte familial apaisé. – La fiducie-libéralité consisterait à transférer des biens à un fiduciaire chargé de les transmettre, à titre gratuit, au terme d’une durée déterminée, à un tiers bénéficiaire.
Dans le cadre de l’organisation d’une succession, la fiducie-libéralité pourrait présenter de nombreux avantages, notamment en évitant le partage de patrimoines complexes tant par leur consistance que leur gestion délicate.
On ne retrouve pas dans notre droit d’outils bénéficiant de la souplesse et l’efficacité de la fiducie-libéralité. L’un de ses intérêts majeurs réside spécialement dans son utilisation dans un contexte successoral.
Avec la fiducie, les héritiers sont déchargés de la gestion d’un patrimoine qui peut se révéler complexe ou pour lequel des qualifications particulières sont nécessaires. Le chef d’entreprise prévoyant peut, avec la fiducie, anticiper et assurer la pérennité de son entreprise en confiant la gestion à des professionnels qualifiés tout en ayant défini par avance les modalités de cette fiducie.
30637 – La prévention des conflits. – On peut ainsi noter que la fiducie permettrait de prévenir les conflits familiaux, car elle pourrait autoriser à :
différer les conséquences d’un décès en évitant l’indivision à l’issue de laquelle la mésentente peut contraindre à une vente forcée du patrimoine ou au partage d’un ensemble de biens parfois acquis pour être conservés (collection d’art, monuments historiques et mobilier…) ;
conserver le patrimoine intact et garantir aux bénéficiaires le même niveau de revenus, alors que le partage conduit à l’éclatement du patrimoine et donc à une baisse de revenus ;
favoriser les transmissions transgénérationnelles entre grands-parents et petits-enfants de manière à éviter la prodigalité ou la mauvaise gestion des parents ;
assurer la pérennité d’une entreprise ;
décharger les héritiers de la gestion d’un patrimoine complexe afin de leur permettre d’être assistés, voire protégés contre leur propre prodigalité ou incompétence ;
déjudiciariser la gestion du patrimoine des personnes vulnérables qui ne seraient pas en mesure de gérer leurs biens par manque de maturité, soucis de santé, grand âge, sans pour autant que le constituant soit placé sous l’un des régimes de protection prévus par la loi ;
permettre à des personnes atteintes par le grand âge qui souhaitent rester maîtresses de leur destin d’organiser la gestion de leur patrimoine ;
assurer à la personne handicapée le maintien de son niveau de vie après la disparition de ses auteurs, et permettre à ces derniers d’organiser la transmission du patrimoine familial sans en compromettre la consistance.
30638 – Une réponse au trust. – Une véritable réforme de la fiducie doit donc être envisagée, notamment pour améliorer l’attractivité du droit français par rapport au droit anglo-saxon : admettre la validité de la fiducie-libéralité permettrait d’éviter le recours aux montages actuels qui passent par la constitution de trusts étrangers, source d’insécurité et donc de contentieux. Elle permettrait, contrairement à ce qui était avancé lors des débats qui ont précédé l’adoption de la loi du 19 février 2007, de garantir de manière transparente le respect des règles impératives du droit français des successions, le recours aux institutions étrangères n’étant plus utile.
Les développements à suivre de nos travaux :
30638-1
– Améliorer l’attractivité du droit français. – Malgré l’introduction de la fiducie dans le Code civil en 2007, la concurrence face au trust reste vive. La volonté du législateur d’alors de ne pas accueillir dans notre droit la fiducie-libéralité n’est pas étrangère à cette rivalité, au détriment du droit continental…
Face au problème de law shopping, il est temps de s’interroger sur une réforme qui envisagerait que des protections suffisantes soient mises en place en droit français pour vaincre les réticences et autoriser la fiducie-libéralité. Cela permettrait, enfin, d’améliorer l’attractivité du droit français et d’éviter le recours à des montages passant par la constitution de trusts étrangers utilisés pour des personnes et des biens situés en France.
30638-2
Robert Badinter, lors des discussions parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi sur la fiducie en 2007556, constatait que le refus d’introduire la fiducie-libéralité en droit français sur la seule base des risques de fraude auxquels cela pourrait conduire, entraînait une paralysie dans la progression de notre droit. Une réécriture de l’article 2013 du Code civil permettrait une grande avancée, ouvrant ainsi l’opportunité aux praticiens en gestion de patrimoine de participer au développement de la fiducie et donc à une meilleure anticipation de la transmission de ses biens par le constituant. Cette anticipation serait aussi un moyen de limiter les conflits en matière successorale, notamment en évitant des indivisions, sources de tant de difficultés.
30638-3
Les récentes réflexions menées autour de la réserve héréditaire et sur la déjudiciarisation de la gestion des biens des majeurs vulnérables sont l’occasion de s’interroger sur les contraintes à lever pour permettre de déverrouiller la fiducie-libéralité, tant en droit civil (§ I) que d’un point de vue fiscal (§ II).
30638-4
– Une atteinte à l’ordre public successoral. – Comme indiqué ci-dessus, l’un des arguments avancés en 2007 pour refuser de reconnaître la fiducie-libéralité est qu’elle risquerait de porter atteinte aux règles de droit successoral, et notamment à la réserve héréditaire.
Les plus réticents à accepter le principe de la fiducie-libéralité rappelaient en effet que l’article 912 du Code civil dispose que la réserve héréditaire doit être délivrée libre de charges. Autoriser la fiducie-libéralité serait donc porter atteinte à cet article et à l’ordre public successoral.
30638-5
La lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de droit international privé peut cependant permettre de penser que cet ordre public pourrait être assoupli557. Deux arrêts de la Cour de cassation ont en ce sens précisé que « la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels »558. Dans ces deux affaires les enfants, privés de leur réserve héréditaire par application d’une loi étrangère au règlement de la succession, avaient saisi les juridictions françaises pour faire reconnaître que la réserve héréditaire pouvait être sauvegardée par l’exception de l’ordre public international. La question se posait de savoir si, pour la mise en œuvre de la professio juris559, une loi étrangère ne connaissant pas l’institution de la réserve devait être considérée comme contraire à l’ordre public international français. Cette question avait été débattue en doctrine à l’occasion de l’entrée en application du règlement européen sur les successions. Certains auteurs estimaient que les règles de la réserve n’étaient pas d’ordre public560. D’autres561, insistant sur le fait que la réserve héréditaire était le reflet de la solidarité familiale, soulignaient qu’elle devait garantir un minimum d’égalité entre les enfants et qu’elle touchait donc aux fondements mêmes de notre société.
Dans ces deux affaires, la Cour de cassation apporte une réponse nuancée : si le résultat produit par l’application de la loi étrangère, appréciée in concreto, s’avère inadmissible, l’exception d’ordre public international pourra développer ses effets. La cour précise le seuil de déclenchement de cet ordre public international en reprenant les termes d’un arrêt de la cour d’appel de Paris de 2015562, dans lequel elle indique notamment que les héritiers privés de droit ne se trouvaient pas dans « une situation de précarité économique et de besoin ». L’héritier, qui par application de la loi étrangère est placé dans une situation de précarité économique ou de besoin, pourrait voir écartée la loi étrangère.
Il est également à noter que les deux arrêts octroient une certaine importance au principe de proximité du défunt avec la loi applicable à sa succession : l’ordre public international peut d’autant plus permettre d’écarter une loi étrangère ignorant la réserve héréditaire que la situation présente des liens étroits avec la France.
30638-6
On pourrait alors s’inspirer des propositions faites dans l’avant-projet de loi sur la fiducie de 1992563 qui limitait la fiducie-libéralité à la quotité disponible, ce qui permettait de prévoir une protection efficace des réservataires. Ainsi, si elle bénéficiait à un tiers et qu’elle portait atteinte à la réserve, elle devenait réductible en valeur pour l’excédent. Lorsque le bénéficiaire était un héritier réservataire, elle ne pouvait aboutir à grever d’une charge sa réserve héréditaire.
Selon ces propositions, les biens placés dans la fiducie devaient être réunis fictivement aux biens laissés par le constituant à son décès pour vérifier le respect de la réserve héréditaire et s’imputeraient sur la quotité disponible. Cette réunion fictive des biens soumis à la fiducie devait avoir lieu dans leur état et leur valeur au décès sous déduction d’un éventuel passif fiduciaire. Les biens reçus par le bénéficiaire du vivant du constituant devaient quant à eux être évalués dans leur état à cette date, pour leur valeur au décès.
30638-7
Hélas, cette fiducie limitée à la seule quotité disponible contraint fortement son utilisation si les biens que le constituant veut protéger via ce mécanisme constituent une partie importante de son patrimoine qu’il ne souhaite par ailleurs pas diviser.
30638-8
On pourrait aussi s’appuyer sur la réforme du droit des successions de 2006 qui permet de grever la part réservataire par un mandat à effet posthume ou une libéralité graduelle ou résiduelle. Cependant, admettre une fiducie portant sur la totalité de la réserve paraît être une option très délicate, sauf à soumettre cette hypothèse à des conditions d’application très encadrées, comme l’accord de l’héritier bénéficiaire (Raar), une durée moindre que quatre-vingt-dix-neuf ans ou la justification d’un intérêt particulier.
30638-9
– Fiducie et personnes vulnérables. – Déjà le 107e Congrès des notaires de France de Cannes en 2011 avait relevé l’intérêt de la fiducie pour permettre à des parents d’enfants handicapés d’organiser la transmission de leurs biens et d’assurer à ces enfants le financement de leurs besoins quotidiens. Une proposition a ainsi été votée pour créer une fiducie-protection :
107e Congrès des notaires de France, Cannes, 4e commission, 4e proposition.
30638-10
Un rapport rendu en 2018 par Mme Anne Caron-Déglise, à la demande des ministères de la Justice, des Solidarités et de la Santé et du secrétariat d’État aux personnes handicapées564, mérite d’être étudié en ce qu’il évoque la fiducie-protection pour les personnes vulnérables.
Les travaux de Mme Caron-Déglise démontrent parfaitement les atouts de la fiducie pour la gestion dynamique du patrimoine des personnes protégées, atouts que les autres techniques juridiques ne possèdent pas forcément.
Ainsi la proposition no 42 du rapport préconise-t-elle « d’introduire des modes de gestion patrimoniale permettant de mieux organiser le risque de dépendance et en particulier la fiducie tout en prévoyant des garanties précises, en particulier pour les personnes protégées :
soumettre la fiducie à l’autorisation préalable du juge de la protection et obligatoirement à la forme notariée,
soumettre la fiducie à un encadrement renforcé lorsqu’un majeur protégé est le constituant (choix de la désignation du fiduciaire, approbation des comptes du fiduciaire par un tiers protecteur obligatoirement désigné dans le contrat),
soumettre l’apport du logement de la personne protégée en fiducie aux dispositions de l’article 426 du Code civil,
prévoir la saisine du juge par tout tiers intéressé en cas d’actes contraires aux intérêts du constituant et la possibilité pour le juge de révoquer la fiducie ».
30638-11
Cinq articles du Code civil seraient donc à modifier :
l’article 2013 qui pose la nullité d’ordre public de la fiducie-libéralité ;
l’article 2028 : « Le contrat de fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu’il n’a pas été accepté par le bénéficiaire » ;
l’article 2029 : « Le contrat de fiducie prend fin par le décès du constituant personne physique » même si, comme on l’a évoqué ci-dessus, l’impérativité de ce texte peut être discutée ;
l’article 408-1 : « Les biens ou droits d’un mineur ne peuvent être transférés dans un patrimoine fiduciaire » ;
l’article 509 : « Le tuteur ne peut, même avec une autorisation (…) transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits d’un majeur protégé ».
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– De lourdes sanctions fiscales. – La qualification de fiducie-libéralité est redoutée pour la nullité prévue à l’article 2013 du Code civil, mais aussi parce que les sanctions fiscales qui sont attachées à cette qualification sont plus que dissuasives. Effectivement, si la transmission de biens ou droits faisant l’objet d’une fiducie est reconnue comme procédant d’une intention libérale, les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent au tarif prévu pour les transmissions entre étrangers (soit à 60 %…) avec une majoration de 80 %565 !
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Dès 1992, les travaux parlementaires relatifs à un projet de loi sur la fiducie566 ont proposé des textes pour la taxation à titre gratuit de la fiducie-transmission.
30638-14
Par ailleurs, les textes permettant d’appréhender la fiducie-libéralité en matière de droit d’enregistrement existent et permettent une entière neutralité par rapport à une détention des biens dans le patrimoine du disposant. Ainsi l’article 668 ter du Code général des impôts, qui ne vise pas expressément les seules transmissions à titre onéreux, prévoit-il que pour le calcul des droits d’enregistrement, les droits du constituant résultant du contrat de fiducie sont réputés porter sur les biens formant le patrimoine fiduciaire et que, lors de la transmission de ces droits, les droits de mutation sont donc exigibles selon la nature de la transmission visée par le législateur. Ce texte s’applique déjà quand une fiducie-sûreté est transmise par succession aux héritiers du constituant décédé avant le règlement de sa dette567.
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Il semble aussi possible de s’inspirer partiellement de l’article 790-0 bis du Code général des impôts qui réglemente la taxation des transmissions opérées au profit des bénéficiaires de trusts.
Ce dispositif distingue :
les transmissions pouvant être assimilées à des donations ou des successions : la valeur des biens et droits inscrits dans le trust est soumise aux droits de mutation à titre gratuit en fonction du lien de parenté entre constituant et bénéficiaire ;
les transmissions qui ne peuvent être assimilées à des donations ou des successions : si la part du bénéficiaire peut être déterminée au décès du constituant, elle est taxée comme indiqué ci-dessus. À défaut, la taxation a lieu au taux de 45 % sur l’ensemble des biens.
Dans le cas d’une fiducie-libéralité, il serait ainsi possible d’envisager taxer la valeur des droits des bénéficiaires, évaluée au décès du constituant en fonction du lien de parenté les unissant.
30639 Il était tentant de définir les développements ci-après par le terme de « médiation familiale », tant la définition de la médiation (savoir un processus volontaire, coopératif structuré et confidentiel reposant sur l’autonomie et la responsabilité des parties à un conflit / une situation particulière) répondait à la situation à présenter.
Toutefois, ce terme n’a pas été retenu car sa connotation conflictuelle est bien trop présente dans l’esprit de chacun (médiation signifie souvent conflit, car dans notre profession la médiation est un mode alternatif de résolution amiable d’un conflit). Or, nos développements se situent à l’opposé, sur un terrain apaisé où les familles s’entendent et s’accordent sur le projet de transmission.
Les besoins des familles, l’évolution de la société et des mentalités nous conduisent aujourd’hui à nous interroger sur la création de nouveaux espaces de liberté.
L’idée n’est pas de rajouter une nouvelle liste de pactes sur succession future, qui conduirait sans doute, à terme, à réduire à peau de chagrin la prohibition des pactes sur succession future et à affaiblir inévitablement le pilier du temple.
Il s’agit finalement de réfléchir à une évolution de la notion même de prohibition sur les pactes sur succession future qui, à l’image d’une vague, pourrait se retirer pour laisser place au consensus familial ou, reprendre toute sa place quand ce dernier n’existe plus ou pas.
Une prohibition des pactes sur succession future dont la clé de voûte serait le consensus familial.
Nous sommes, dans la confidentialité de nos études, au cœur des familles et souvent les premiers témoins de ce consensus familial, qui n’a pas sa place dans notre ordre juridique.
Il arrive, plus souvent que ce que les pouvoirs publics ne peuvent imaginer, que les familles trouvent, elles-mêmes, la solution à une situation successorale particulière. Or, le juriste est aujourd’hui juridiquement bien démuni face à ces familles. Que lui reste-t-il ? L’ingénierie ? Parfois, c’est insuffisant.
Quelles pistes peuvent être explorées ? Quelle forme pourraient prendre ces pactes de famille ?
30640 Aujourd’hui le droit successoral permet à des personnes, classées par ordre de successible et degrés, d’hériter ou non d’une autre personne. Les premières peuvent parfois être spécifiquement protégées par la loi (l’ordre public successoral : la réserve héréditaire), en leur attribuant une réserve dont elles ne peuvent être privées. Il s’agit des héritiers réservataires.
Aujourd’hui une personne peut disposer librement de son patrimoine pour le temps où elle ne sera plus. Mais là encore, dans cette espace de liberté, la loi protège l’individu contre lui-même ou contre les tiers, en l’empêchant de procéder de son vivant au partage de sa succession (l’ordre public successoral : la prohibition des pactes sur succession future).
Serait-il possible d’imaginer qu’avec l’accord de tous, un membre de la famille ne soit alloti, dans son intérêt, que de droits en usufruit dans la succession de son auteur, alors que ses frères et sœurs ne recevraient que des droits en nue-propriété ?
Imaginons une fratrie de trois enfants âgés de cinquante-deux, quarante-huit et quarante-quatre ans. Le cadet, en situation de handicap lourd, dont on sait qu’il n’aura jamais de descendant, vit actuellement chez ses parents, et une assistance importante devra être mise en place après leur décès pour l’accompagner.
Le patrimoine des parents est évalué à 800 000,00 €, composé d’une entreprise familiale évaluée à 250 000,00 € actuellement dirigée par l’aîné, d’une maison (résidence principale des parents) évaluée à 200 000,00 €, et de trois appartements (deux sont actuellement loués et estimés à 100 000,00 € chacun, le troisième est vacant et estimé à 100 000,00 €). Il se compose également d’une voiture estimée à 10 000 €, et de quelques liquidités (40 000 €) qui serviront essentiellement à payer les frais d’obsèques et de succession.
Biens existants : |
800 000,00 € |
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Biens réunis : |
0,00 € |
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Total : |
800 000,00 € |
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QDO |
H1 52 |
H2 48 |
H3 44 (usufruit = 60 %) |
200 |
200 |
200 |
200 |
En l’état actuel du droit, quelles solutions ont les parents ?
Placer les 40 000 € en assurance-vie au profit de H3, éventuellement vendre les appartements et placer le prix de vente en assurance-vie au profit de H3.
Cette solution, qui permet de protéger H3, prive à l’inverse H1 et H2 d’une partie de leurs droits successoraux (sans que l’ordre public successoral ne puisse les protéger, puisque les primes versées sur un contrat d’assurance-vie ne sont pas réunies aux biens existants pour la détermination d’une atteinte, sauf en cas de prime manifestement excessive).
Biens existants : 500 000,00 € (entreprise, maison, voiture et liquidités – les trois appartements ayant été vendus) :
Biens existants : |
500 000,00 € |
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Biens réunis : |
0,00 € |
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Total : |
500 000,00 € |
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QDO |
H1 52 |
H2 48 |
H3 44 (usufruit = 60 %) |
125 |
125 |
125 |
125 |
Les droits de chaque enfant dans la masse à partager seront de 166,66.
H1 se verra attribuer l’entreprise familiale : 250 et sera redevable d’une soulte de 83,33.
H2 se verra attribuer la maison : 200 et sera redevable d’une soulte de 33,33.
H3 se verra attribuer la voiture (10) et des liquidités (40), et les soultes de H1 et H2.
Cette solution permet d’assurer un capital à H3, dont il n’est pas certain qu’il ait la capacité de le gérer au mieux, et qui risque d’être une difficulté pour son tuteur.
H1 ne dispose peut-être pas des sommes suffisantes pour payer la soulte. Ce qui peut le contraindre à vendre l’entreprise familiale.
Le fait que tout n’ait peut-être pas été fait en concertation (en tout cas, le fait qu’il n’y ait pas eu d’obligation pour les parents d’inviter leurs deux aînés autour d’une table pour leur expliquer leur projet) peut laisser un sentiment d’inégalité et d’amertume à H1 et H2, qui pourtant n’étaient pas opposés à adapter la transmission aux besoins de chacun.
Nous pouvons penser que les sources de revenus réguliers générés par les trois appartements pourraient être plus adaptées à la situation de H3. Imaginons dès lors qu’aux termes d’un pacte de famille, réunissant tous les enfants et leur éventuel représentant autour d’une table, il soit collégialement convenu ce qui suit :
Biens existants : |
800 000,00 € |
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Biens réunis : |
0,00 € |
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Total : |
800 000,00 € |
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QDO |
H1 52 |
H2 48 |
H3 44 (usufruit = 60 %) |
200 |
200 |
200 |
200 |
Les droits de chacun sont de 266 666.
H1 pourrait se voir attribuer l’entreprise familiale évaluée à 250 000, sans qu’il lui soit nécessaire de verser une soulte, la nue-propriété d’un appartement (40 000) et une soulte (23 334) dont le paiement pourrait être échelonné ou retardé, voire même prendre la forme d’une rente mensuelle complémentaire pour H3.
H2 pourrait se voir attribuer la maison familiale évaluée à 200 000 (elle accepterait même aisément que son frère H3 bénéficie d’un droit d’occupation), la nue-propriété des deux appartements (80 000) et une soulte (13 334) dont le paiement pourrait être échelonné ou retardé, voire même prendre la forme d’une rente mensuelle complémentaire pour H3.
H3 pourrait se voir attribuer l’usufruit des trois appartements pour une valeur de 180 000, la voiture (10 000) qu’il pourra vendre, et une quote-part des liquidités, plus les deux soultes.
Cette solution permettrait d’allier au mieux les intérêts et les besoins de chacun, sans pour autant rompre l’équité entre les enfants (tel que ce fut le cas par le jeu de l’assurance-vie).
H1 et H2 concèdent à ne disposer en partie que de droits en nue-propriété, car ils savent qu’au décès de leur frère, le patrimoine de celui-ci leur reviendra ou reviendra à leurs propres héritiers.
Oui, il peut être reproché à cette solution le fait que H3 soit privé de sa capacité de disposer librement de son patrimoine au profit de tiers ou d’association. Mais H3, qui est en situation de handicap lourd, n’aurait pas pu librement disposer de son patrimoine. En outre, par le jeu de l’usufruit, ses parents, frère et sœur lui assurent des revenus réguliers et confortables, avec des charges limitées, puisque les nus-propriétaires devront supporter les grosses réparations, conformément à l’article 605 du Code civil
Aujourd’hui, et sauf erreur de notre part, aucun mécanisme ne permet réellement d’arriver à ce résultat. Même la Raar ne le permet pas car, d’une part, elle nécessite une libéralité (dans notre cas, il n’y en a pas) et, d’autre part, une renonciation partielle en démembrement de propriété reste impossible/contestable.
Indépendamment de la situation de handicap, le pacte de famille pourrait apporter des solutions aux patrimoines composés d’une entreprise familiale.
La première solution proposée, et qui est efficace, consiste à transformer l’entreprise familiale en société afin de pouvoir répartir aisément les titres sociaux entre tous les membres de la famille, et éviter toute difficulté d’atteinte à la réserve.
Mais la forme sociétaire ne correspond pas forcément au souhait des familles. Bien qu’attachés à l’entreprise familiale, certains des enfants ne veulent pas y prendre part, même en seule qualité d’associé.
Pourquoi les parents ne pourraient-ils pas réunir leurs enfants autour de la table, afin que chacun puisse aux mieux de ses intérêts et souhaits trouver une solution équitable et juste pour tous ? Il pourrait dès lors être décidé que l’entreprise familiale soit attribuée à l’enfant qui est le seul potentiel repreneur, et que les soultes dues autres héritiers soient aménagées dans leurs modalités de paiement, afin que celui qui reprend l’entreprise familiale n’ait pas immédiatement, outre la charge mentale de faire survivre le patrimoine familial, celle de devoir verser des sommes parfois importantes à ses frère et sœur.
Dans une telle situation, où se situe le risque ?
Si l’un des enfants n’est pas d’accord, le pacte familial ne sera pas possible, et l’entreprise sera vendue pour répartir le prix entre les héritiers.
S’il y a consensus, le pacte est signé. Certes, si l’entreprise familiale dépose finalement le bilan, les frère et sœur ne percevront pas la soulte qui leur était due… Toutefois, la solution aurait sans doute été la même si la famille avait opté pour la forme sociétaire. Les frère et sœur auraient été titulaires de titres d’une société qui finira par déposer le bilan.
Dans ces situations, le consensus familial n’a pas vocation à priver un enfant de ses droits ou de le léser ; au contraire, il permet d’éviter des solutions « bancales » créatrices d’iniquité entre les enfants. Le consensus familial permet d’aménager ou d’échelonner dans le temps la transmission et ses règles.
Le pacte de famille trouverait un tout autre cas d’application.
Il serait possible d’imaginer qu’un enfant ayant particulièrement bien réussi puisse, sans pour autant renoncer à ses droits successoraux, laisser à son frère ou sa sœur, ayant eu un parcours de vie plus chaotique, des revenus complémentaires dont lui-même n’a pas besoin. En laissant l’usufruit de sa quote-part d’héritage à son frère, il ne renonce pas à son héritage mais il permet d’assurer un revenu plus confortable à son frère ou sa sœur.
Plus qu’un nouveau pacte sur succession future autorisée, le pacte de famille est un aménagement des règles successorales, dans l’intérêt de tous. En tant que tel, ce pacte de famille tomberait aujourd’hui sous le coup de la prohibition. Mais on peut concevoir l’idée qu’il y a fondamentalement une différence entre cet aménagement conventionnel de l’application des règles successorales et un pacte sur succession future autorisé tel qu’il existe aujourd’hui (exemple de la RAAR, où il y a une véritable renonciation).
30641 Au cours des deux dernières décennies, la notion de souche a connu une évolution majeure, par l’émergence d’un véritable concept de souche en droit successoral (§ 1), notamment par les réformes de 2001 et 2006, au point qu’il est possible de s’interroger, pour demain, sur la reconnaissance d’une souche, en tant que « successible » (§ 3), ce qui permettrait de répondre aux attentes de la société contemporaine (§ 2).
30642 La dévolution successorale s’organise, traditionnellement, sur le principe d’une répartition par tête. Mais, quand un aléa vient mettre à mal, l’ordre normal des successions, la dévolution successorale s’organise, exceptionnellement, sur le principe d’une répartition par souche (A), pour assurer l’équité entre les différentes lignées du défunt. Or, les dernières réformes ont mis en exergue un nouveau « concept de souche », envisagé, semble-t-il, comme un successible à part entière (B) à protéger.
30643 – Succession par tête : ordres et degrés. Aujourd’hui, et ce depuis aussi loin que les ouvrages historiques peuvent nous l’apprendre, la vocation successorale ab intestat est dévolue par ordres, et par degrés.
Les membres de la famille, au sens large, du défunt sont classés par catégories selon une hiérarchie tenant compte, semble-t-il, de supposées préférences affectives « naturelles ».
Ainsi, l’article 734 du Code civil nous apprend que les descendants en ligne directe (les enfants du défunt, et leur descendant) forment le premier ordre des successibles.
Ce premier ordre est, ensuite, suivi de celui des ascendants et collatéraux privilégiés (père et mère, frère/sœur du défunt), puis de celui des autres ascendants (grands-parents, arrière grands-parents, …), et enfin, celui des collatéraux ordinaires (oncle, tante, cousin, cousine, …).
La présence d’un héritier dans l’un de ces ordres écartera de la succession les ordres subséquents, et les héritiers qui pourraient s’y trouver.
Puis, à l’intérieur de l’ordre, l’héritier qui est le plus proche en degré évince celui qui est plus éloigné. C’est ainsi que dans le 1er ordre, le fils ou la fille du défunt évincera de la succession ses propres enfants, petits-fils ou petites-filles du défunt.
À l’intérieur du même ordre, et à degré équivalent, les héritiers ab intestat ont les mêmes droits. Il s’agit de la répartition par tête entre héritiers. En effet, l’alinéa 2 de l’article 744 du Code civil dispose qu’ « à égalité de degré, les héritiers succèdent par égale portion et tête ».
Puis l’alinéa 3 du même article nous indique « le tout sauf ce qui sera dit ci-après de la division par branches et de la représentation ».
30644 – Succession par souche : la représentation successorale. La représentation successorale est la fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession, les représentants aux droits du représenté, selon les termes de l’article 751 du Code civil.
Ne seront pas évoquées les règles et les conditions de la représentation successorale, car l’objet du propos nous conduit à nous concentrer sur la conséquence juridique de ce mécanisme sur les règles de dévolution de la succession ab intestat.
La représentation conduit à substituer une dévolution par souche à une dévolution par tête. L’article 753 du Code civil précise que « Dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche, comme si le représenté venait à la succession […]. »
Le partage par souche dans une succession se définit comme « le partage dans lequel en vertu de la représentation successorale, les représentants du successible prédécédé, ne venant pas de leur chef, ne sont pas comptés par tête mais reçoivent ensemble pour lot (à partager entre eux) la part dévolue à celui qu’ils représentent. »568
Aussi, le mécanisme de la représentation met en exergue le principe de la dévolution par souche.
La renonciation n’est en réalité qu’une dérogation à la règle de la dévolution par degré, puisque des héritiers du même ordre, de degrés différents, vont venir concurremment à la succession du défunt.
30645 – Une évolution du droit vers une plus grande légitimité de la souche. Le mécanisme de la représentation n’avait, à l’origine, que pour objectif de maintenir l’égalité entre les héritiers, lorsque l’ordre naturel des décès n’avait pas été respecté, c’est-à-dire lorsqu’un enfant était décédé avant son auteur.
La représentation avait donc pour objectif de corriger la dévolution successorale face à l’aléa d’un décès précoce, et ainsi assurer une égalité entre toutes les lignées de l’auteur commun.
Puis, « les réformes de 2001 et 2006 ont profondément transformé la représentation, au point même de la dénaturer »569 car désormais l’indigne et le renonçant peuvent, également, être représentés à la succession de leur auteur.
Alors qu’à l’origine, il s’agissait de neutraliser le hasard des décès, la dénaturation évoquée par le professeur M. Grimaldi se comprend, par le fait qu’il ne s’agit plus de corriger un aléa conduisant à une inégalité. À l’évidence, il a été souhaité une protection des héritiers de degrés subséquents face à la volonté ou un fait de l’héritier de 1er degré.
Il en transparait, ici, une volonté délibérée de protéger les espérances successorales, en permettant à des petits-enfants de venir à la succession de leur grands-parents, au lieu et place de leur auteur, et ce quelle que soit la raison pour laquelle leur auteur n’héritera pas : décès, indignité, et même renonciation. Ainsi, les petits-enfants pourront recevoir ce qu’il aurait pu espérer recevoir dans la succession de leur père/mère, s’il avait participé à la succession du défunt.
Il s’agit d’une évolution de la notion même de souche, en considérant celle-ci comme une entité qui aurait des droits.
Pourquoi cette évolution voulue par le législateur en 2001, puis en 2006 ?
Cette évolution s’explique, selon nous, par le fait que le lien d’affection présent dans les ordres où la représentation joue (le 1er et le 2e ordre) ne se compte pas en degré. Il parait, désormais, tout à fait justifiable que des petits-enfants puissent espérer prendre part à un héritage familial, sans considération des fautes (indignité) ou de la volonté (renonciation) de leur auteur.
Il résulte que la souche prend une autre dimension dans le droit des successions.
À l’évidence, la logique de souche a dérivé du terrain de simple correctif légitime de la règle de dévolution par degré en présence d’un décès, vers le terrain de la reconnaissance d’un droit à succéder pour des héritiers de degrés subséquents, c’est-à-dire de la protection et de la prise en compte des attentes successorales de la souche.
Désormais, « le devoir de famille comme l’affection présumée s’apprécient, non pas envers chacun des enfants ou frères ou sœurs considérées isolément, mais envers les souches que chacun d’eux forme avec sa propre descendance »570.
Les réformes successives de la représentation successorale, en élargissant tour à tour les cas où la représentation peut jouer ne sont pas les seules preuves de l’émergence de cette nouvelle conception de la souche.
30646 – Une consécration du « concept de souche » avec la donation-partage transgénérationnelle. Il ne faut pas oublier que l’article 1078-6 du Code civil dispose, en matière de transmission transgénérationnelle, que « lorsque des descendants de degrés différents concourent à la même donation-partage, le partage s’opère par souche. Des attributions différentes peuvent être faites à des descendants de degrés différents dans certaines souches et non dans d’autres ».
En effet, la loi de 2006 en instituant la donation-partage transgénérationnelle, sans doute l’une des plus grande innovation de cette loi, a également participé à la consécration d’une nouvelle conception de la souche.
Cette réforme a même poussé à son paroxysme le concept de souche, puisque désormais, parce que l’enfant au 1er degré y consent, les héritiers au 2e degré dans sa lignée pourront recevoir de leur auteur commun des biens, qui à l’ouverture de la succession du donateur s’imputeront sur la réserve héréditaire de l’héritier au 1er degré.
Ici, la souche est analysée comme une entité autonome composée de plusieurs héritiers de degrés différents, qui par le consensus, vont décider ensemble de la transmission dupatrimoine, et même de l’imputation sur la réserve de l’héritier de 1er degré, alors qu’il n’a rien reçu.
30647 – Constats. L’allongement de la durée de vie est une évidence. Une conséquence de ce constat est qu’on hérite de ses parents de plus en plus tard, souvent quand on est installé et même quand l’heure de la retraite est déjà arrivée…alors que de leur côté, nos enfants (voire nos petits-enfants) démarrent dans la vie, investissent dans leur outil professionnel ou leur résidence principale, doivent faire face aux frais liés à la poursuite de leurs études par leurs propres enfants.
L’Offre de loi expliquait déjà très bien ce phénomène qui n’a cessé de s’accentuer depuis : « Lorsque […] l’enfant donataire a atteint l’âge de cinquante-soixante ans, il est parfois plus rationnel d’attribuer les biens aux petits-enfants, fut-ce en nue-propriété seulement, l’enfant se contentant de l’usufruit »571
Aujourd’hui, cet héritier quinquagénaire ou sexagénaire n’a comme possibilité que :
de renoncer à la succession de son auteur en intégralité, afin que ses enfants viennent à la succession de leur grand parent de leur chef, ou par représentation s’ils sont en concours avec d’autres enfants de 1er degré (oncle et tante) ;
d’accepter purement et simplement la succession, et d’envisager ensuite une transmission à ses enfants (donation ordinaire, ou donation-partage) ;
de cantonner son émolument, pour le cas où il aurait été institué légataire par le défunt avec les autres enfants, aux termes d’un testament.
Quelle solution proposer aux clients qui ne souhaite conserver qu’une partie de la succession (un bien qui peut avoir une valeur sentimentale), mais n’a aucunement besoin des liquidités ou des portefeuilles de valeurs mobilières ?
Aucune, sauf à envisager dans un second temps, après avoir hériter, de consentir une donation à ses enfants, ou une donation-partage transgénérationnelle à ses petits-enfants.
30648 – Solutions pratiques envisagées. En raison de l’émergence d’une nouvelle conception de la souche, qui n’est plus la conséquence d’un mécanisme, celui de la représentation, mais bien une véritable entité autonome, à l’instar des libéralités transgénérationnelles, ne serait-il pas opportun de réfléchir à une succession qui pourrait, dorénavant, être dévolue par souche : une vocation successorale de souche ?
Finalement, les réformes de la représentation, et la consécration de la donation-partage transgénérationnelle ont ouvert la route à la reconnaissance d’une vocation successorale de souche. Il n’y a désormais qu’un pas à franchir pour reporter la logique qui anime la donation-partage transgénérationnelle à la vocation successorale ab intestat.
L’objectif est de répondre aux attentes des concitoyens, et permettre une plus grande concertation familiale de la transmission.
Ainsi, si l’enfant au 1er degré le décide, et si ses enfants (2ieme degré) l’acceptent, ils pourront ensemble hériter de leur auteur commun, au nom de la souche de l’enfant au 1er degré.
Au sein de la souche, enfant et petits-enfants pourront décider ensemble de se répartir entre eux les biens successoraux, ce qui permet une plus grande souplesse de la transmission successorale, et laisse une place importante à la concertation et au consensus familial, ce dont on ne peut que se féliciter. En outre, et à l’évidence, un tel mécanisme correspond aux aspirations de la société, en facilitant la transmission du patrimoine et des richesses, aux générations qui en ont le plus besoin. Le phénomène des biens dits de mains mortes s’en trouvera réduit, ce qui sera un avantage pour l’économie en général.
La vocation successorale de souche permettrait de considérer comme héritier la souche, en tant que telle.
Puis, dans un second temps, à l’intérieur de la souche, les biens seront répartis entre les différents membres de la souche suite à une concertation et une entente familiale.
Il peut être imaginé que l’héritier au premier degré de la souche une décide de se voir attribuer la maison familiale, tout en laissant l’ensemble des liquidités à lui échoir revenir à ses propres enfants qui auront, eux-mêmes, accepté individuellement la succession.
Il est même imaginable d’envisager des attributions en démembrement de propriété, entre les différents membres de la souche.
Cette solution, qui ne contrevient pas aux grands principes fondamentaux du droit des successions, invite les familles à réfléchir après le décès de leur auteur aux besoins de chacun, et ainsi à s’entendre ensemble sur la meilleure répartition du patrimoine entre eux. Cela permet également de mettre à disposition de la génération active, celle qui dépense et investit, le patrimoine.
Il s’agit d’offrir la possibilité aux familles qui n’ont pas eu le temps ou l’occasion de mener ces réflexions du vivant de leur auteur, en songeant à la donation-partage transgénérationnelle, de le faire au moment du décès. Il existe déjà des règles spécifiques à certains dispositifs fiscaux de faveur, tel que le pacte Dutreil pour ne citer que lui, permettant à des familles de souscrire au dispositif fiscal, après le décès de l’auteur, comme une sorte de rattrapage. En l’occurrence, il ne s’agit que de réfléchir à la mise en place d’un tel dispositif de rattrapage au plan civil, pour la donation-partage transgénérationnelle ?
30649 – « N’est héritier qui ne veut »572. Ainsi se justifie l’existence d’une option successorale. Le successible est de plein droit saisi par la mort de son auteur. Pour autant, personne n’est contraint d’hériter.
Il est d’ailleurs des successions dont un successible préfère s’écarter, pour des raisons financières (succession déficitaire) ou plus simplement, pour des raisons d’ordre morales ou affectives.
« L’option successorale est la faculté que la loi, après l’ouverture de la succession, confère à l’héritier de choisir, suivant les formes et avec les effets propres à chacun des trois partis, entre l’acceptation pure et simple de la succession, l’acceptation à concurrence de l’actif net et la renonciation, […] »573
L’option, rappelons-le, est libre et indivisible. Elle est également individuelle, et pure et simple.
A première vue, une option successorale de souche, corolaire de la vocation légale de souche, peut paraître contradictoire avec certaines caractéristiques de l’option successorale susvisées, savoir :
• L’option est libre : Chaque successible est libre de choisir, comme il lui plait, son option successorale.
La liberté cède-t-elle face au consensus ? Non, l’héritier au 1er degré sera toujours libre, soit de trouver un consensus familial avec ses héritiers, constitutifs de sa souche, sur l’option successorale de la souche, soit d’effectuer, seul, son option en tant qu’individu.
L’option successorale de la souche offre en réalité plus de liberté au successible de 1er degré, d’aménager au mieux avec ses propres enfants, la transmission du patrimoine familial au sein de la souche.
• L’option est individuelle : Chaque successible a, individuellement, la possibilité de choisir son option, sans considération des options des autres successibles. Ainsi, la succession pourra être acceptée purement et simplement par le premier enfant, alors que le second pourra librement y renoncer.
En ce sens, une option successorale de souche semble tout à fait admissible, puisque la souche du 1er enfant pourra renoncer à la succession, alors que le deuxième enfant du défunt (ou également, la souche du 2e enfant, le cas échéant) pourra l’accepter.
La souche étant reconnue comme une entité une et entière, autonome de l’héritier en tant qu’individu, l’option est individuelle au niveau de la souche.
• L’option est indivisible : L’article 769 du Code civil érige en principe le caractère indivisible de l’option. La justification de cette indivisibilité est simple : par la volonté d’un héritier, une succession ne peut pas se trouver partiellement vacante, c’est-à-dire qu’une partie de la succession ne serait acceptée par aucun des successibles. Cette caractéristique de l’option joue un rôle primordial, bien que la possibilité du cantonnement ouvert au conjoint, sans condition que la succession ne soit acceptée par un autre, ait pu porter atteinte au principe de l’indivisibilité de l’option successorale.
Il faut bien comprendre que cette caractéristique de l’option successorale est sans doute l’une des principales, et permet de confirmer que le droit des successions retient le principe d’une succession de personnes, et non une succession en biens. Le successible poursuit la personne du défunt, et reçoit donc l’universalité de son patrimoine.
Une option de souche ne contrevient pas, selon nous, à cette caractéristique, dans la mesure où l’option de souche nécessite un consensus des membres de la souche. En quelque sorte, la souche se substitue à l’héritier individuel. La souche exercera de façon indivisible l’option successorale.
C’est seulement, à l’intérieur de la souche, qu’il pourra y avoir des acceptations différentes et une divisibilité de l’option, non visible à l’extérieur de la souche. Ainsi, l’enfant au 1er degré pourra accepter « partiellement » sa vocation successorale, si au minimum l’un de ses enfants acceptent le reste.
Dans cet esprit, l’option de souche pourrait se limiter, à l’instar de la donation-partage transgénérationnelle au 1er et 2e degré de l’ordre des descendants.
Une réflexion pourrait, également, être menée sur l’opportunité de ne pas limiter la souche au 1er et 2e degré, c’est-à-dire inclure dans la notion de l’option de la souche, les arrière-petits-enfants s’il en existe. Toutefois, il nous semble que dès lors, l’option successorale de souche présentera quelques inconvénients liés à la minorité de certains des membres de la souche, et aux inconvénients pratiques de l’option successorale par le mineur (délai, et procédure…).
Finalement, cette option successorale de souche ne serait pas si différente de l’option successorale accordée aux représentants du renonçant, ou de l’indigne, ou du prédécédé. L’option appartenant ainsi à la souche s’exercerait de la même manière, par tête et individuellement à l’intérieur de la souche.
30650 – Rapport sur la réserve héréditaire. – En décembre 2020, à la demande du ministère de la Justice, ont été auditionnés un certain nombre de grands professeurs de droit au sujet de la réserve héréditaire. Ce rapport574 comprend cinquante-quatre recommandations et un projet de modifications.
Ce rapport propose, notamment, une modification de la réserve héréditaire. L’évolution proposée serait de modifier le quantum de la quotité disponible ordinaire (QDO) pour l’augmenter et, ainsi, réduire la réserve héréditaire.
Ce n’est pas le parti que nous avons décidé de prendre, pour les raisons suivantes :
la modification du quantum de la quotité disponible ordinaire n’a pour objectif que de donner plus de liberté afin de disposer librement de son patrimoine, plus de liberté pour gratifier des associations, certes, mais également plus de liberté pour rompre l’égalité entre ses enfants, plus de liberté pour le chantage à la succession ;
la modification du quantum de la quotité disponible ordinaire n’apporte pas, selon nous, de réponses ou de solutions aux demandes des clients qui poussent la porte des études. Elle ne répond pas à l’évolution et aux mœurs de la société.
D’ailleurs, les notaires qui ont été sondés dans les allées de la dernière édition du Congrès des Notaires de France à Nice en 2021 ont indiqué à 56,2 % être défavorables à une augmentation de la quotité disponible ordinaire (210 notaires ayant été questionnés).
À l’instar de la prohibition des pactes sur succession future, l’idée développée ici ne serait pas de modifier à la marge la réserve, mais, peut-être, de réfléchir à une adaptation, une évolution de la réserve héréditaire.
30651 Il est possible de relever que les dernières évolutions du droit successoral ont eu pour effet de faire émerger ou de mettre en lumière la souche ou la lignée, là où auparavant il n’y avait de place que pour l’héritier en tant qu’individu, ainsi qu’il a pu l’être plus amplement détaillé ci-avant au sujet de la vocation successorale de souche.
En effet, la représentation de l’indigne ou du renonçant a mis en lumière que la lignée avait une place tout aussi importante dans la transmission successorale.
La donation-partage transgénérationnelle renforce encore cette idée que l’auteur puisse gratifier les petits-enfants dans une lignée, avec l’accord de l’enfant. À l’ouverture de la succession, la réserve héréditaire de l’enfant pivot n’est plus individuelle, elle est à l’évidence une réserve de souche puisque la libéralité transgénérationnelle reçue par les petits-enfants s’imputera sur la réserve héréditaire de l’enfant pivot.
D’ailleurs, n’importe quel ouvrage de droit civil que l’on peut ouvrir précisera en préambule que la réserve héréditaire est collective, et d’ordre public.
« La réserve a été conçue comme une part de la succession, collectivement assignée à l’ensemble des héritiers réservataires : hier comme aujourd’hui, le Code civil ne procède pas à une répartition de la réserve collective entre chaque575réservataire ».
Certes, ce caractère collectif de la réserve héréditaire a été altéré par les dernières réformes. Initialement, la réserve était dite collective, notamment parce que la perte de qualité de successible par l’un des héritiers, et la perte de sa réserve héréditaire, étaient sans incidence sur le montant de la réserve globale. En d’autres termes, la réserve héréditaire de celui qui n’était plus successible venait accroître les droits à réserve héréditaire des autres héritiers réservataires acceptant (et non seulement accroitre leur vocation successorale).
L’indigne ou le renonçant quand la représentation n’était pas admise, comptait toujours comme un hériter pour déterminer la quotité disponible et la réserve collective, qui ensuite se répartissait entre les héritiers réservataires acceptant (à l’exclusion de l’indigne ou du représentant). Désormais, la réserve héréditaire du renonçant, ou de l’indigne, profite à ses enfants acceptants. Et à défaut d’héritier subséquent acceptant, le renonçant, l’indigne ou le prédécédé ne sont plus comptabilisés comme héritier pour la détermination de la quotité disponible et de la réserve globale.
Toutefois, n’est-ce pas, ici, une voie à explorer pour permettre d’adapter la réserve héréditaire à la société contemporaine et aux attentes des concitoyens, sans porter atteinte au dispositif de la réserve héréditaire ?
Une réserve de lignée ou de souche, qui pourrait permettre d’allotir des petits-enfants, voire des arrière-petits-enfants, et priver son enfant (de 1er degré) auteur de cette lignée, de tout ou partie de sa réserve, dès lors que la souche de cet enfant est bien allotie de sa réserve.
Il ne s’agirait que d’une extrapolation du mécanisme de la donation-partage transgénérationnelle à la vocation successorale.
Pour ne pas heurter les sensibilités, cette modification de la réserve (de réserve individuelle à réserve de souche) pourrait être conventionnelle et n’être qu’un pacte de famille, tel que présenté ci-avant. Mais si nous voulions aller au bout du raisonnement, il nous semblerait efficace qu’elle puisse s’imposer sous l’autorité du chef de famille.
CGI, art. 1729 : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de :
a. 40 % en cas de manquement délibéré ;
b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;
c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l’article 792 bis ».
LPF, art. L. 64, c : « Sans préjudice de la sanction de nullité prévue à l’article 2013 du code civil, les contrats de fiducie consentis dans une intention libérale au sens de l’article 792 bis du code général des impôts et qui conduisent à une minoration des droits au titre de tous impôts et taxes dus par l’une quelconque des personnes parties au contrat ou en tenant des droits ne peuvent être opposés à l’administration qui est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse ».