30580 L’article 1078-1 du Code civil établit un lien entre la donation incorporée et la qualité du disposant. En effet, seules les donations consenties par le disposant (de la nouvelle donation-partage) peuvent être intégrées à une nouvelle donation-partage de celui-ci.
Exemple :
G1A et G1B ont donné à leurs trois enfants (G2C, G2D et G2E), il y a plus de quinze ans, des titres en nue-propriété de la société familiale aux termes d’une donation-partage. Les donateurs se sont chacun réservé un usufruit viager, et se sont réciproquement consenti un usufruit successif.
G1B est décédé.
Puis, son enfant, G2E est également décédé, laissant pour lui succéder un enfant mineur.
G1A envisage, aujourd’hui, avec ses enfants (G2C et G2D) d’effectuer une donation-partage transgénérationnelle au profit des petits-enfants, en intégrant à celle-ci la donation-partage des titres sociaux réalisés il y a quinze ans, reçus par G2C et G2D.
Il s’agit donc d’une donation-partage transgénérationnelle, avec réincorporation.
Ce cas présente plusieurs difficultés, notamment celle d’une réincorporation partielle, dont on a vu ci-avant (V.
supra, n
os 30577 et s.) qu’elle est largement admise par la doctrine. La seconde difficulté est de savoir s’il est possible de réincorporer un bien commun donné par deux parents, après le décès de l’un d’eux.
L’article 1078-1 Code civil établit un lien entre la donation incorporée et la qualité du disposant. En effet, seules les donations déjà consenties par le disposant peuvent être intégrées à une nouvelle donation-partage de celui-ci.
Aussi, en cas de décès de l’un des deux donateurs, entre la donation-partage conjonctive initiale et la réincorporation, il semble falloir considérer que seuls les biens donnés par le survivant puissent encore faire l’objet d’une réincorporation dans une nouvelle donation-partage, car seul le survivant aura la qualité de disposant au sens de l’article 1078-1 du Code civil. Seuls les lots donnés par ce conjoint survivant dans la donation-partage initiale pourront être réincorporés.
Indépendamment de la réincorporation, un bien commun donné par deux époux est analysé, lors du règlement successoral, comme s’il avait été fictivement donné par moitié théorique par chaque donateur. Cette règle liquidative conduit à considérer que le bien commun a été transmis par moitié par le père et par moitié par la mère, alors que nous savons que les époux ne disposent pas de droit « indivis » sur les biens communs durant l’application du régime matrimonial de la communauté.
Tirant les conséquences de ces deux règles (une identité de donateur, et un bien transmis par moitié par chaque parent sur le plan liquidatif), la réincorporation dans sa totalité du bien précédemment donné par les deux donateurs n’est pas envisageable.
Toutefois le notaire, par son conseil et son anticipation, pourra proposer des solutions à ses clients en amont, c’est-à-dire dès la réalisation de la première donation-partage du vivant des deux parents.
Dans une telle situation il suffirait de prévoir, dans la donation-partage initiale, une clause d’imputation de la donation-partage dans la succession du second donateur.
Cependant, cette solution entraîne des conséquences liquidatives importantes au premier et au second décès, et qui pourraient ne pas être opportunes pour les clients notamment s’ils venaient à ne jamais réfléchir à une donation-partage transgénérationnelle par la suite.
Et s’il était envisagé une donation-partage transgénérationnelle cumulative, avec « incorporation » par la génération intermédiaire des biens reçus du prémourant aux termes de la donation-partage ?
Nous rappelons que la donation-partage cumulative est celle qui permet à un ascendant et ses enfants de reconstituer ensemble une masse composée, d’une part, des biens reçus par les enfants dans la succession du premier ascendant décédé et, d’autre part, des biens se trouvant actuellement dans le patrimoine de l’ascendant survivant, afin d’envisager la transmission et surtout un partage global desdits biens.
Immédiatement, on relèvera que la donation-partage cumulative porte sur des biens reçus par succession, alors que le mécanisme de la réincorporation porte, quant à lui, sur des biens reçus par donation simple ou par donation-partage. Cette distinction fondamentale pourrait conduire à écarter, hâtivement, cette solution (puisque dans notre cas, il s’agit de biens reçus par donation et non pas par succession).
Mais il nous semble nécessaire d’approfondir cette notion, car la solution pourrait bien se trouver dans le mécanisme de la cumulative.
Peut-on, donc, adjoindre à une donation-partage cumulative (transgénérationnelle) les biens que la génération intermédiaire a reçus non pas par succession mais par donation ?
Oui et non.
Non, s’il s’agit d’adjoindre des biens reçus par donation simple.
Et nous avons envie de croire que oui, s’il s’agit d’adjoindre des biens reçus par donation-partage. La donation-partage, pacte sur succession future par excellence, n’est autre qu’un partage d’ascendant qui a vocation à anticiper et à modifier les règles successorales normalement applicables à la succession du donateur. Cette dimension successorale de la donation-partage pourrait permettre de considérer que les biens reçus aux termes de ce partage successoral anticipé puissent être compris dans une donation-partage cumulative transgénérationnelle.
Aussi, alors que la réincorporation est exclue, l’adjonction dans une cumulative pourrait être envisagée.