CGV – CGU

PARTIE II – Une transmission organisée
Titre 1 – Une transmission acceptée
Sous-titre 2 – L’efficacité des clauses : le rôle du notaire
Chapitre II – Les clauses spécifiques aux actes de transmission (donation et legs)

30478 Lors de l’organisation de la transmission de ses biens, le client doit pouvoir compter sur le notaire, auquel il aura pris soin de préciser sa situation familiale et patrimoniale ainsi que ses objectifs, pour le guider au mieux. L’insertion de clauses bien expliquées et étudiées dans les donations et testaments permettra alors de mettre en œuvre une ingénierie patrimoniale utile et satisfaisante. Cela passe notamment par des outils bien connus des notaires qui, utilisés au regard de chaque situation particulière, permettront d’optimiser sereinement la transmission des biens. Cela est l’occasion de revenir sur des notions ou clauses régulièrement utilisées par les notaires, comme l’usufruit et le quasi-usufruit (Section I), la notion de charges (Section II), le droit de retour conventionnel (Section III), les prises en charge des frais de donation par le donateur (Section IV) ou la gestion des héritiers ou légataires mineurs (Section V).

Section I – La notion d’usufruit et de quasi-usufruit

30479 Le démembrement de propriété est manié quotidiennement par les notaires dans les actes de succession ou de donation. Outil très utile pour assurer la protection du conjoint et organiser la transmission du patrimoine familial, il est aussi utilisé à des fins d’optimisation fiscale. Ainsi le conjoint survivant, en concours avec des enfants ou descendants, lorsque les enfants sont issus des deux époux, peut opter pour l’usufruit légal de l’article 757 du Code civil. Les libéralités, comme les conventions matrimoniales, utilisent l’usufruit comme mode d’optimisation de transmission. Le droit des sociétés met également le démembrement au cœur de ses montages d’ingénierie, comme le droit de l’assurance-vie ainsi que nous l’avons évoqué supra.

30480 – Biens consomptibles. – Le Code civil, dans ses articles 578 et suivants, précise les contours de cette notion en apportant une définition et en indiquant les droits et obligations de l’usufruitier. À l’article 587, le Code civil dispose que : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ». Les règles du quasi-usufruit ont donc vocation à s’appliquer lorsque le démembrement porte sur des choses consomptibles par le premier usage.

30481 – Biens non consomptibles. – La majorité des auteurs et des praticiens admettent qu’il est possible d’étendre conventionnellement le champ d’application du quasi-usufruit pour des biens non susceptibles d’être considérés par nature comme consomptibles par le premier usage. Il est alors admis qu’un quasi-usufruit puisse être établi sur un portefeuille de valeurs mobilières, sur des titres sociaux ou sur des créances. L’établissement d’un quasi-usufruit conventionnel permettra de considérer que le quasi-usufruitier jouit de toutes les prérogatives du plein propriétaire, mais qu’il restera redevable d’une dette de restitution envers le nu-propriétaire dans des conditions que la convention doit aménager.

30482 En raison de la nature spécifique des biens objet de l’usufruit, l’obligation de conserver mise à la charge de l’usufruitier classique n’existe plus pour le quasi-usufruitier et permet l’ouverture pour le nu-propriétaire d’une créance de restitution. C’est l’exemple du conjoint survivant ayant opté pour l’usufruit légal ou conventionnel, qui peut disposer, dès l’ouverture de la succession de son époux prédécédé, de toutes les sommes disponibles. Le quasi-usufruitier dispose de pouvoirs élargis par rapport à un usufruitier classique. Comme un plein propriétaire, il peut dépenser ces liquidités, les réinvestir, sans en rendre compte aux nus-propriétaires. Sa seule obligation est celle de restituer soit des choses de même quantité ou qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution, souvent lors du décès du quasi-usufruitier.

30483 Dans un contexte où le patrimoine des Français est désormais plus liquide (environ 40 % d’actifs financiers), le quasi-usufruit constitue un outil d’optimisation fiscale mis en avant par les professionnels de la gestion du patrimoine. L’intérêt principal de cet outil pour le nu-propriétaire réside dans la créance de restitution dont il bénéficie et qui se réglera le jour de la succession de l’usufruitier en tant que passif successoral déductible. Bien entendu la notion d’abus de droit, élargie par la loi de finances pour 2019375, oblige le professionnel à s’interroger sur une utilisation raisonnée du quasi-usufruit et à considérer avec attention la limite entre optimisation fiscale et fraude.

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Nature juridique du quasi-usufruit

La nature juridique du quasi-usufruit est discutée en doctrine où deux approches s’opposent. Certains voient dans le quasi-usufruitier un véritable propriétaire et d’autres un simple usufruitier aux pouvoirs étendus. Si la doctrine majoritaire est favorable à la première opinion (V. not. F. Terré et Ph. Simler, Droit civil, Les biens, Dalloz, 10e éd., 2018, nos 788 et 790), reste qu’en l’absence de jurisprudence, la question reste posée.

– Le quasi-usufruitier est un propriétaire. – En permettant à l’usufruitier de se servir des choses et donc de les consommer, l’article 587 du Code civil lui a accordé un droit de propriété, le droit de disposer étant un élément essentiel de la propriété. En présence de biens consomptibles, il y aurait donc une confusion entre l’usus et l’abusus. Le quasi-usufruit serait donc translatif de propriété ; le nu-propriétaire conservant uniquement un droit de créance.

La propriété n’est cependant que temporaire puisque le quasi-usufruitier est tenu de rendre, à l’expiration de son droit, soit des choses de même qualité et en même quantité, soit l’équivalent en somme d’argent.

– Le quasi-usufruitier est un usufruitier. – Selon une seconde opinion, le quasi-usufruit ne serait pas translatif de propriété ; ce serait un véritable usufruit376. L’existence d’une obligation de restitution, mais également la présence d’un terme viager contreviennent au caractère absolu et perpétuel du droit de propriété. Par ailleurs, le quasi-usufruitier ne peut pas dissiper la chose ou la détourner de manière frauduleuse, ce qui contrevient, là encore, à la notion de propriétaire. Le nu-propriétaire peut demander la déchéance de son droit à l’usufruitier si jamais il ne remplit pas ses obligations d’entretien ou de conservation. Pour le professeur Zénati, le quasi-usufruit demeurerait un usufruit dont seul l’objet serait spécifique.

30485 Compte tenu de la nature particulière de ce quasi-usufruit, il est donc utile ici d’en préciser l’assiette (Sous-section I), les conditions d’exercice (Sous-section II) et les modalités de restitution de sa créance au nu-propriétaire à l’extinction de l’usufruit (Sous-section III).

Sous-section I – L’assiette du quasi-usufruit
L’assiette du quasi-usufruit

Les développements à suivre de nos travaux :

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Le quasi-usufruit est légal ou conventionnel.

§ I – Le quasi-usufruit légal

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– Le principe. – C’est parce qu’un bien est consomptible qu’il peut être soumis à un quasi-usufruit377. Il s’agit donc des biens dont ne peut faire usage sans les consommer matériellement ou juridiquement378. La consommation se matérialise donc par une sortie du patrimoine, qu’elle ait lieu par destruction de la chose, ou par transfert de celle-ci. La simple détérioration par l’usage est insuffisante.

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C’est aussi à la notion de bien fongible que renvoie le quasi-usufruit, et c’est parce que le nu-propriétaire est assuré de retrouver une chose identique, en nature ou en valeur, que le mécanisme est possible.

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Ainsi le démembrement qui s’ouvre à l’ouverture d’une succession sur les fonds qui existent à cette date permet immédiatement l’ouverture d’un quasi-usufruit : dès lors que les sommes sont disponibles, le quasi-usufruit s’applique. Ainsi, le compte de dépôt à vue, le livret d’épargne, l’assurance-vie, les compte et plan d’épargne-logement ouverts au nom du défunt sont-ils susceptibles d’être soumis à un quasi-usufruit immédiat puisque toutes les sommes déposées sur ces supports sont disponibles dès le décès.

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– Quasi-usufruit et titres. – Se pose la question de savoir si le quasi-usufruit peut porter sur un plan d’épargne en actions (PEA) ou des valeurs mobilières.

Le PEA fonctionne avec deux supports : un compte-titres et un compte espèces. C’est seulement sur le compte espèces qu’un quasi-usufruit est possible, ce compte fonctionnant comme un compte de dépôt à vue.

Pour les valeurs mobilières, même si le pouvoir de les céder appartient à l’usufruitier, elles ne sont pas consomptibles379. Le pouvoir de gestion de l’usufruitier l’oblige en effet à remplacer les titres dans des supports de même nature. Le recours à une convention contractuelle permettra d’ouvrir un quasi-usufruit sur ces valeurs mobilières.

Dans le cas des dividendes, l’usufruitier appréhende le résultat distribué ainsi que les dividendes car ce sont des fruits. Le nu-propriétaire, quant à lui, a droit aux accroissements et plus-values lesquels constituent des produits. Les bénéfices deviennent des fruits dès la décision de distribution par l’assemblée générale. Lorsque les bénéfices sont mis en réserve, ils constituent un accroissement de l’actif social ; le fruit devient un produit. En cas de distribution sous forme de dividendes, à qui reviennent-ils ? La Cour de cassation n’ayant pas une position définitive sur cette question attribue tantôt le bénéfice de ces dividendes au nu-propriétaire380, tantôt à l’usufruitier381, il est essentiel de prévoir, par une clause des statuts ou de la convention de quasi-usufruit, le sort de la distribution382.

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– Quasi-usufruit et subrogation. – Mais le quasi-usufruit peut aussi naître en cours d’usufruit quand à une chose non consomptible succède une chose consomptible.

Le quasi-usufruit peut naître fortuitement en cours de démembrement. C’est le cas lorsqu’une indemnité d’assurance est versée en remplacement de la chose détruite. Par application du mécanisme de la subrogation réelle, l’indemnité vient remplacer la chose détruite. C’est aussi le cas lorsque la chose grevée d’un usufruit fait l’objet d’une opération d’expropriation pour cause d’utilité publique : le démembrement se reporte sur l’indemnité, ce qui fait naître un quasi-usufruit. Le bien disparaît matériellement mais pas juridiquement. Ce peut être le cas, puisque l’usufruit peut grever une créance, quand la créance est recouvrée par les soins de l’usufruitier dont les droits se reportent sur la somme d’argent remboursée.

§ II – Le quasi-usufruit conventionnel

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La validité d’un quasi-usufruit qui porterait sur des biens non consomptibles est reconnue par un arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 30 mars 1926383 qui admet la création d’un quasi-usufruit sur des meubles meublants.

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L’ouverture d’un quasi-usufruit est alors la conséquence d’une expression de volonté expresse et naît d’une convention. Elle peut aussi venir d’une volonté tacite, notamment lors de la remise d’un prix de vente à l’usufruitier384. Lorsqu’une clause octroie un pouvoir de disposition à l’usufruitier tout en prévoyant un mécanisme de restitution à l’expiration de l’usufruit, cela vaut établissement d’un quasi-usufruit.

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Dans notre pratique, on peut s’interroger sur la constitution d’un quasi-usufruit à l’occasion d’une donation de somme d’argent. Cette donation permet d’anticiper la transmission de son patrimoine tout en gardant l’usage des liquidités données. L’intérêt fiscal est indéniable, puisque lors du règlement de la succession la somme donnée n’est pas à comprendre dans l’actif successoral et le nu-propriétaire est titulaire d’une créance de restitution contre la succession, créance qui, s’agissant d’une dette légale – et non d’une dette consentie –, est déductible au sens de l’article 773, 2o du Code général des impôts.

Le principe d’irrévocabilité des donations (donner et retenir ne vaut) n’est pas inconciliable avec la réserve de quasi-usufruit, car si le donateur a bien la libre disposition de la chose donnée, il ne peut révoquer la donation et il reste débiteur de sa valeur envers le donataire, étant tenu de rendre à l’extinction du quasi-usufruit385.

Cela nécessite tout de même de prendre un minimum de précautions pour le notaire appelé à rédiger une convention de quasi-usufruit : s’assurer de l’existence du bien donné dans le patrimoine du disposant au jour de la donation, anticiper une hypothétique insolvabilité du quasi-usufruitier au jour de la restitution qui remettrait à n’en pas douter en cause le principe d’irrévocabilité des donations. Dans la donation de somme d’argent soumise à un quasi-usufruit, il est donc opportun de s’assurer de la disponibilité des fonds au moment de la libéralité et d’organiser la protection du nu-propriétaire, notamment en évitant l’utilisation de clauses dispensant d’inventaire et de caution.

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La question se pose également d’utiliser le quasi-usufruit lors de la cession de l’outil professionnel à un tiers. L’idée est de transmettre les titres sociaux en nue-propriété à ses enfants en franchise de plus-value. Seules les opérations à titre onéreux sont taxables. Avant que les titres ne soient vendus à un tiers, ils font l’objet d’une donation en nue-propriété. Ils sont ensuite vendus au prix de la donation, ce qui permet aux donataires nus-propriétaires d’être exonérés d’une taxation de la plus-value. La donation prévoit un report du démembrement sur le prix de vente et génère un quasi-usufruit. Il est admis que si la convention de quasi-usufruit est conclue concomitamment à la cession des titres sociaux, l’opération n’est pas valable car la donation est fictive386. Si la convention est conclue avant cette date, la donation ne sera pas remise en cause : il y a création d’un quasi-usufruit pendant la période de démembrement, ce qui ne posera pas de difficulté387.

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Comme indiqué ci-dessus, le notaire dans une telle opération doit agir avec beaucoup de prudence. Ceci est d’autant plus important que le nouvel abus de droit de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales, sanctionnant les actes ayant un but principalement fiscal (et non plus exclusivement), peut interroger sur l’opportunité des donations avec réserve de quasi-usufruit. La doctrine administrative388, en rappelant que « les transmissions anticipées de patrimoine, y compris lorsque le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis ne sont pas en elles-mêmes concernées par la procédure d’abus de droit prévue à l’article L. 64 A du LPF, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives. En effet, le législateur a entendu favoriser ce type de transmission », doit conduire le praticien à être extrêmement attentif sur la constitution du quasi-usufruit. Il doit avoir été envisagé dans la donation, avant la cession. Il doit faire l’objet d’une convention qui délimite les pouvoirs des parties notamment en prévoyant des garanties assurant le nu-propriétaire du remboursement de sa créance de restitution.

Sous-section II – Conditions d’exercice du quasi-usufruit

30486 Il a été rappelé à plusieurs reprises l’intérêt de signer une convention lors de la constitution du quasi-usufruit, afin d’éclairer les parties sur leurs obligations mais aussi d’assurer l’efficacité juridique et fiscale de leurs engagements.

30487 La convention permettra de fixer les prérogatives des parties et le montant de la créance de restitution.

§ I – Les prérogatives des parties à la convention
A/ Les prérogatives du quasi-usufruitier

30488 L’article 587 du Code civil est assez précis pour permettre de déterminer les droits du quasi-usufruitier : si l’usufruit porte sur des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, « comme l’argent, les grains, les liqueurs », l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à charge de rendre. Il peut donc en faire ce qu’il veut, les garder, les consommer ou les aliéner.

30489 La conséquence première de ces droits importants du quasi-usufruitier sur la chose est qu’il supporte les risques liés à la « garde » de celle-ci, comme la perte ou la disparition de la chose. Dans ce cas il ne peut cependant s’exonérer de son obligation de restitution vis-à-vis du nu-propriétaire.

30490 Se pose aussi la question du droit de gage des créanciers des parties sur le bien objet du quasi-usufruit. On renvoie ici à la nature juridique du quasi-usufruit (V. supra, no a30484) : si l’on considère que le quasi-usufruitier est un propriétaire, le créancier doit pouvoir poursuivre les biens grevés dans les mains de celui qui les possède. Si, au contraire, on retient que le quasi-usufruitier n’a que la jouissance de la chose, les créanciers du nu-propriétaire, tant que la chose n’a pas été consommée, bénéficient d’un droit de poursuite en la faisant vendre en nue-propriété.

30491 En droit des sociétés, le démembrement de propriété des titres ou droits sociaux est source d’interrogations, notamment quant à la reconnaissance de la qualité d’associé à l’usufruitier389. La doctrine reste sur ce point partagée. La jurisprudence a pu décider que « l’usufruitier peut exercer certaines prérogatives attachées à la qualité des associés sans pour autant avoir cette qualité »390.

Dans un récent avis rendu le 1er décembre 2021391, à la demande de la troisième chambre civile saisie de cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation, se fondant sur l’article 578 du Code civil et sur l’article 39, alinéas 1 et 3 du décret no 78-704 du 3 juillet 1978, a affirmé que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé même s’il peut provoquer une délibération des associés, en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978, si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales.

Quid en cas de quasi-usufruitier ? Étant un quasi-propriétaire, il doit être en mesure de bénéficier des droits reconnus au plein propriétaire de parts sociales et actions. Il n’y aurait donc pas de répartition des prérogatives d’associé entre le nu-propriétaire et le quasi-usufruitier392, même si les discussions sur la nature du quasi-usufruit évoqué ci-dessus remettent en cause cette position : pour les auteurs qui arguent de ce que le quasi-usufruit n’opère pas transfert de propriété, le nu-propriétaire ne perd pas sa qualité d’associé.

30492 En ce qui concerne la fiscalité, c’est le quasi-usufruitier qui déclare les revenus et l’impôt sur la fortune immobilière.

En cas de cession de biens démembrés, la convention des parties peut envisager que le prix de vente sera remis intégralement à l’usufruitier en qualité de quasi-usufruitier. Qu’en est-il du paiement de la plus-value ? Dans cette situation, il convient de distinguer selon la nature des biens (biens immobiliers ou titres de société), ainsi qu’il a été précisé par la première commission393.

30493 Le quasi-usufruitier, conformément à l’article 578 du Code civil, a aussi obligation de respecter la destination de la chose et d’en conserver la substance. Ceci est notamment justifié par son obligation de la restituer et conduit à examiner les prérogatives du nu-propriétaire.

B/ Les prérogatives du nu-propriétaire

30494 Le nu-propriétaire a droit à une créance de restitution et il faut donc veiller à la solvabilité du quasi-usufruitier comme à l’entretien qu’il doit assurer des biens dont il a la jouissance. Que le démembrement soit légal ou conventionnel, il appartient au notaire d’informer les parties sur l’intérêt et l’importance des diverses garanties offertes par la loi. Cette information est d’autant plus importante que le quasi-usufruitier est jeune ou que les nus-propriétaires sont des enfants d’un lit précédent.

30495 La loi prévoit un certain nombre de garanties pour protéger les nus-propriétaires. Ces garanties n’étant pas d’ordre public, ils peuvent en dispenser le quasi-usufruitier s’ils souhaitent lui donner les pouvoirs les plus larges ou, au contraire, les aménager pour assurer au mieux le paiement de la créance.

30496 – L’inventaire. – L’article 600 du Code civil met à la charge du quasi-usufruitier une obligation de faire dresser un inventaire ; il en supporte donc le coût. L’inventaire permet au nu-propriétaire de se préconstituer une preuve tant de la composition du patrimoine que de l’état de celui-ci. Il établit ce qui sera à rendre au terme du quasi-usufruit. À défaut d’inventaire, les nus-propriétaires devront prouver la consistance des biens soumis à l’usufruit par tout moyen.

L’inventaire permet de lister les biens compris dans l’assiette du quasi-usufruit et de les décrire. L’estimation n’est pas exigée par l’article 600 du Code civil ; elle l’est seulement en cas de constitution d’un usufruit par donation entre vifs. Pourtant cette évaluation, dans le cadre d’un quasi-usufruit, permet de déterminer le montant de la créance de restitution laquelle, en principe, correspond au montant nominal. Cette indication est également indispensable si les biens sur lesquels porte le quasi-usufruit sont amenés à être remplacés.

Mais l’obligation de faire dresser inventaire n’est pas d’ordre public et la convention peut contenir une dispense. Celle-ci est d’ailleurs fréquemment prévue par les disposants eux-mêmes dans les actes gratifiant l’usufruitier (donations entre époux ou testaments). Dans ce cas, il est utile de conseiller au nu-propriétaire de faire procéder à l’inventaire à sa charge.

Il est à ce sujet utile de préciser que les héritiers réservataires peuvent toujours exiger qu’il soit dressé état des immeubles et inventaire des meubles soumis à l’usufruit394. Ce texte est d’ordre public, « nonobstant toute stipulation contraire du disposant ». Ce n’est qu’une fois la succession ouverte que les héritiers réservataires peuvent dispenser le quasi-usufruitier de faire dresser un tel acte. Quand l’inventaire est exigé, il n’est pas, contrairement à ce que prévoit l’article 600 du Code civil, un préalable à l’entrée en jouissance de l’usufruitier.

30497 – Le cautionnement. – Le quasi-usufruitier est soumis à l’obligation de donner caution de jouir raisonnablement du bien démembré395. Il s’agit là de garantir le propriétaire en cas de détériorations et pour la restitution en valeur des choses consomptibles. La caution devra alors répondre aux règles des articles 2295 et 2296 du Code civil et la personne qui se porte caution doit être capable de s’obliger et avoir un bien suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation. Si la caution devient insolvable en cours d’exercice du quasi-usufruit, le nu-propriétaire, sous peine de déchéance du droit, pourra exiger une nouvelle caution396.

Si l’usufruitier ne trouve pas de caution, il est tenu d’employer les fonds soumis au démembrement. Le placement des sommes comprises dans son droit est réalisé par l’usufruitier de concert avec le nu-propriétaire.

S’il souhaite laisser une plus grande liberté au quasi-usufruitier, le nu-propriétaire peut le dispenser de fournir caution (prenant le risque de ne pouvoir obtenir la délivrance de la chose ou de sa créance). Cependant, la dispense n’est pas définitive et peut être remise en cause judiciairement. Il en va ainsi lorsque les droits du nu-propriétaire sont en péril (risque d’insolvabilité, malversation, incapacité de gérer). En présence de descendants, l’obligation pour l’usufruitier de fournir caution est d’ordre public397, ce n’est donc qu’une fois la succession ouverte qu’ils ont la possibilité de l’en dispenser.

Il sera prudent d’aviser les parties des conséquences de la dispense de fournir caution, la jurisprudence398 ayant pu décider que le conjoint survivant d’un défunt laissant à sa succession son épouse gratifiée par une donation entre époux et ses enfants d’une précédente union, ne pouvait se voir imposer le placement des sommes d’argent dépendant de la succession sur un compte démembré si la donation entre époux prévoyait une dispense de fournir caution. Cette décision renvoie aux articles 601 et 602 du Code civil pour justifier la cassation de la décision d’appel, sans s’interroger sur l’application qui aurait pu être faite de l’article 1094-3 du même code, qui exige l’emploi des fonds malgré toute dispense,

30498 – L’emploi. – Le quasi-usufruitier est en principe libre de sa gestion et donc dispensé de toute obligation d’emploi. Toutefois, une telle obligation est prévue dans deux hypothèses : l’article 602 du Code civil prévoit que si l’usufruitier ne trouve pas de caution, il doit placer les sommes comprises dans l’usufruit. De même, en présence d’un conjoint donataire ou légataire en usufruit, l’article 1094-3 du même code met à sa charge une obligation d’employer les sommes soumises à son usufruit. Aucune dispense d’emploi ne peut être valablement prévue par le donateur. Cette obligation subsiste même si l’usufruitier a été dispensé de fournir caution dans l’acte constitutif.

Si la majorité des conventions de quasi-usufruit comportent une dispense d’emploi, il peut s’avérer judicieux de conseiller non une dispense, mais un aménagement des modalités du remploi en restreignant plus ou moins la liberté de l’usufruitier.

30499 – L’indexation. Renvoi. – V. infra, nos a30501 et s.

§ II – L’évaluation de la créance de restitution

30500 – Nominalisme monétaire. – Lorsque le quasi-usufruit légal résulte de l’application de l’article 587 du Code civil (somme d’argent, compte bancaire), la règle du nominalisme monétaire s’impose : la dette de restitution est égale à la somme soumise à quasi-usufruit.

30501 – Indexation. – Par convention, il est possible, comme indiqué ci-dessus, de prévoir une indexation de la dette de restitution afin que le nu-propriétaire ne subisse pas la dépréciation monétaire. Cette clause doit respecter l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier, et il faut donc trouver un indice en lien avec l’objet de la convention.

30502 Le notaire, lors de l’ouverture d’un usufruit qui donnera lieu à une créance de restitution, doit aviser les parties de l’importance de rendre déterminable la créance à restituer. Ceci permettra de limiter les contestations de l’administration qui n’hésitera pas à demander des rectifications au décès de l’usufruitier si la preuve de l’existence de la dette et de son montant ne peut être rapportée par les parties399.

Comment bien préparer une convention de quasi-usufruit ?

Il est conseillé, à l’ouverture du quasi-usufruit (conventionnel ou légal), de signer une convention par acte authentique ou sous seing privé dûment enregistré, ceci afin d’assurer la sécurité juridique et fiscale de l’opération.

Il faut rappeler qu’en présence de parties incapables, il peut être nécessaire de requérir l’autorisation du juge des tutelles ou la nomination d’un administrateur ad hoc pour la signature de la convention de quasi-usufruit.

La convention doit au minimum contenir les précisions suivantes :

elle doit indiquer que le fait de conclure une convention de quasi-usufruit entraîne acceptation de la succession ;

elle doit fixer avec précision son objet. Quand les biens proviennent d’une succession, il sera fait référence aux pièces justifiant de la dévolution successorale. Elle mentionnera l’origine de propriété des sommes et valeurs et leur évaluation ;

elle doit prévoir les garanties bénéficiant aux nus-propriétaires ou les écarter expressément (obligation d’emploi, de fournir caution, d’indexer la créance, etc.) ;

elle doit préciser le mode d’évaluation ou de calcul de la créance de restitution et les modalités de son règlement.

Sous-section III – Modalités de restitution en fin d’exercice
§ I – Les causes d’extinction ouvrant droit à restitution

30503 Les causes générales d’extinction des droits réels applicables à l’usufruit s’appliquent au quasi-usufruit400.

30504 Le quasi-usufruit s’éteint souvent par la mort naturelle du quasi-usufruitier. S’il a été constitué au profit de plusieurs personnes, il se poursuit jusqu’au décès du survivant. Si la convention a prévu un terme extinctif différent du décès du quasi-usufruitier, si celui-ci décède avant le terme convenu, le droit s’éteint.

30505 Le juge peut prononcer la déchéance du droit s’il constate un abus de jouissance. Il en est de même si le quasi-usufruitier ne fournit pas de caution alors qu’il n’en a pas été dispensé : si le nu-propriétaire craint pour la restitution du bien ou de sa créance, il peut solliciter la déchéance du droit.

30506 Le quasi-usufruitier, comme tout usufruitier, a la faculté de renoncer à son droit, avec ou sans contrepartie ce qui prend alors la forme d’une donation si la preuve de l’intention libérale est rapportée.

§ II – Les modalités de la restitution

30507 Depuis la réforme du droit des obligations, la restitution fait l’objet des nouveaux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

S’agissant des créances ayant pour objet une somme d’argent, le principe du nominalisme monétaire demeure. Le montant de la restitution correspond à la somme existante au jour de la constitution du quasi-usufruit.

30508 – Le rôle de la convention. – La convention pourra prévoir les conditions de la restitution puisque l’article 587 du Code civil n’est pas d’ordre public.

Il peut être accordé des délais de paiement aux héritiers du débiteur.

L’indexation, selon les modalités déjà indiquées, est envisageable (notamment dans le respect de l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier).

Il peut être prévu qu’en cas d’emploi des deniers objet du quasi-usufruit, le montant de la créance originelle variera en fonction de la valeur du bien ainsi acquis et sera donc revalorisé en considération de la plus-value prise par les investissements effectués par le quasi-usufruitier.

En présence de parts sociales démembrées, il est important d’organiser dans la convention les modalités de l’obligation de restitution : sort des accessoires (actions gratuites attribuées ou bons de souscription), sort des titres souscrits suite à une augmentation de capital…

30509 Fiscalement, l’extinction du quasi-usufruit ne donne ouverture à aucun impôt ou taxe lorsque celle-ci a lieu par l’expiration du temps fixé par l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier401. La valeur détenue par l’usufruitier est retirée de sa succession en franchise de droit puisque cette valeur n’est pas assimilable à une dette du défunt au sens de l’article 768 du Code général des impôts.

Si l’usufruit s’éteint avant l’expiration du terme, à la suite d’une renonciation abdicative ou purement extinctive, seul le droit fixe est dû. En revanche, si la renonciation est translative, les droits de mutation sont exigibles quand cette renonciation est motivée par une intention libérale.

La présomption de l’article 773, 2o du Code général des impôts ne concerne que les dettes d’origine contractuelle. La dette de restitution ayant une origine légale (C. civ., art. 587) n’est pas visée par cette prohibition402 et elle est donc déductible de la succession du débiteur.

En présence d’un quasi-usufruit conventionnel, la question de la déductibilité de la créance de restitution se pose : la jurisprudence a confirmé que s’agissant d’une dette consentie par le défunt envers ses héritiers, elle ne pourra être déduite que s’il existe un acte authentique ou un sous seing privé enregistré403.

En présence d’un contrat d’assurance-vie dont la clause bénéficiaire est démembrée, l’article 751 du Code général des impôts (lorsque le nu-propriétaire est un présomptif héritier de l’usufruitier, ce dernier est réputé plein propriétaire pour le calcul des droits de succession) n’est pas applicable puisque le nu-propriétaire tient son droit non pas de l’usufruitier mais du souscripteur assuré. L’usufruitier ne se démet pas de son vivant de la nue-propriété au profit de ses présomptifs héritiers. Il n’a jamais été détenteur de la pleine propriété du capital. C’est par le mécanisme de la stipulation pour autrui décidé par le souscripteur du contrat, qui est un tiers par rapport aux parties, que sont attribués l’usufruit du capital décès à l’un et la nue-propriété à l’autre.

Modèle de convention de quasi-usufruit rédigée à l’occasion du règlement d’une succession (acte authentique ou acte sous signature privée enregistré)

« M. XX, demeurant à …., est décédé le .…, laissant à sa succession :

Mme Y, son épouse survivante commune en biens, donataire en vertu de l’acte reçu par Maître .…, Notaire à .…, le .…, pour la totalité en usufruit.

Et pour héritiers, chacun pour un tiers, Mme XY, Mme YX et M. XXYY, ses trois enfants issus de son union avec son épouse survivante.

Ainsi que ces qualités sont constatées par un acte de notoriété dressé après ledit décès par Maître .…, notaire soussigné, le .…

De la communauté de biens ayant existé entre M. et Mme XX, dépendaient notamment au décès les actifs financiers ci-après énumérés :

« Compte courant no .… et Livret A no .… auprès de l’établissement bancaire …. pour une somme de .… ».

« Compte-titres no .… auprès de l’établissement bancaire .… pour une somme de .… ».

Ceci exposé, les comparants sont convenus de conclure une convention relative à l’exercice des droits en usufruit et en nue-propriété qu’ils possèdent sur les biens ci-avant désignés.

De convention expresse entre les parties, Mme veuve XX disposera des pouvoirs liés à sa situation d’usufruitière de biens consomptibles ; et par application de l’article 587 du Code civil, il a été adopté par les parties les stipulations qui suivent.

DROITS DU QUASI-USUFRUITIER

En qualité de quasi-usufruitière, Mme veuve XX conservera la jouissance des avoirs bancaires ci-dessus désignés.

Par dérogation à l’article 578 du Code civil, elle pourra librement disposer des biens objets de la convention, dans les conditions prévues à l’article 587 du Code civil, sans avoir à requérir l’autorisation des nus-propriétaires. En revanche, elle sera tenue d’une obligation de restitution en fin d’usufruit selon les modalités ci-après définies.

OBLIGATIONS DU QUASI-USUFRUITIER

Montant de la dette de restitution.

• Compte courant no .… et Livret A no .… : à l’extinction de son droit d’usufruit, Mme veuve XX sera tenue d’une obligation de restitution ayant pour objet la valeur nominale des sommes ci-dessus désignées.

• Pour le portefeuille de titres no …. : à l’extinction de son droit d’usufruit, Mme veuve XX sera tenue d’une obligation de restitution ayant pour objet la valeur nominale des sommes ci-dessus désignées (ou les biens subrogés). Par les présentes, le conjoint survivant s’oblige à maintenir sur un compte spécial référencé .… les titres précités. Figureront à ce compte les titres précités, les titres subrogés et tout accroissement en résultant. En revanche, les intérêts et dividendes perçus resteront à la libre maîtrise du quasi-usufruitier.

Paiement de la dette de restitution.

Pour se libérer de ses obligations de restitution envers les nus-propriétaires, les ayants-droit de Mme veuve XX disposeront d’un délai expirant le .… suivant l’extinction de l’usufruit. Passé ce délai, la dette de restitution produira intérêt au taux légal alors en vigueur sans qu’il soit besoin d’une sommation à payer.

Garantie de paiement.

Mme veuve XX consent la garantie suivante en paiement de la créance de restitution : .… [Il peut s’agir d’un cautionnement bancaire ou d’un nantissement. Les nus-propriétaires peuvent aussi dispenser expressément le notaire de prendre une sûreté pour garantir le paiement de leur créance de restitution].

Protection des nus-propriétaires.

Les héritiers renoncent à demander la conversion de l’usufruit en rente viagère et dispensent de faire emploi des liquidités dépendant de la succession comme le leur permettent les dispositions de l’article 1094-3 du Code civil (ou se réservent la faculté de lever ces options à tout moment en fonction du comportement prodigue de l’usufruitier).

PUBLICITÉ DE LA CONVENTION

Afin qu’à l’égard des établissements dépositaires des avoirs faisant l’objet de la convention, Mme veuve XX demeure investie des pouvoirs de libre disposition propres à sa qualité de quasi-usufruitière, une copie de la présente convention leur sera adressée à sa diligence.

Les actifs financiers concernés fonctionneront désormais sous sa seule signature.

Modèle de convention de quasi-usufruit rédigée à l’occasion d’une donation-partage de titres de société (acte authentique ou acte sous signature privée enregistré)

M. XX, né le .… à .… demeurant à .…

Propriétaire d’une (1) part en pleine propriété et de quatre-vingt-dix-neuf (99) parts en usufruit de la SCI X, société civile au capital de … €, dont le siège social se trouve à .…, et inscrite au RCS de .… sous le numéro ….

Mme XY née le .… à .… demeurant .…

Propriétaire de trois (3) parts en pleine propriété et de quatre-vingt-dix-neuf (99) en nue-propriété de la SCI X ci-dessus désignée et qualifiée.

EXPOSE

Aux termes d’une donation-partage reçue par Maître …, à .…, le .…, M. XX a fait donation à Mme XY, de la nue-propriété de parts sociales de la SCI X, sus dénommée. Mme XY a reçu la nue-propriété de 99 parts sociales numérotées de .… à .…

CECI EXPOSÉ, il est convenu qu’en cas de distribution de réserves disponibles celles-ci auront lieu selon les modalités suivantes : usufruitiers et nus-propriétaires reconnaissent ensemble que les réserves accumulées dans le temps reviennent de droit aux nus-propriétaires en tant qu’élément du capital. Cependant, toute décision de distribution vient réduire l’assiette des droits de l’usufruitier. En conséquence, afin de maintenir à l’usufruitier son droit d’usufruit, les parties, comme le permet l’article 578 du Code civil, conviennent que toute distribution des réserves se fera sous réserve que les des droits de l’usufruitier soient intégralement préservés. Dès lors, par le jeu de la subrogation réelle, usufruitier et nu-propriétaire s’entendent pour que le démembrement de propriété se reporte sur les réserves distribuées.

En vertu des dispositions de l’article 587 du Code civil, l’usufruitier bénéficiaire des réserves distribuées disposera d’un quasi-usufruit. L’usufruitier décidera seul de l’affectation des sommes, et pour jouir de son usufruit, il sera dispensé de faire emploi et de fournir caution.

L’usufruitier restera redevable envers le nu-propriétaire d’une créance de restitution au terme du démembrement de propriété.

Les comparants sont convenus des modalités d’exercice du quasi-usufruit sur les réserves distribuées de la SCI S, ci-dessus désignée et qualifiée, ainsi qu’il suit :

DROITS DU QUASI-USUFRUITIER

En qualité de quasi-usufruitier, M. XX conservera la jouissance des réserves à distribuer. Par dérogation à l’article 578 du Code civil, il pourra librement disposer des sommes dans les conditions prévues à l’article 587 du Code civil, sans avoir à requérir l’autorisation des nus-propriétaires. En revanche, il sera tenu d’une obligation de restitution en fin d’usufruit selon les modalités ci-après définies.

OBLIGATIONS DES QUASI-USUFRUITIERS

Montant de la dette de restitution.

De la distribution des réserves pour un montant de .… €, il revient à l’usufruitier des parts sociales (99 parts sociales démembrées), la somme de … €. Pour cette somme, à l’extinction de son droit d’usufruit, M. XX sera tenu d’une obligation de restitution ayant pour objet la valeur nominale de la somme ci-dessus désignée.

Le montant de la dette de restitution est fixé à la somme de …. euros et …. centimes (… €).

Paiement de la dette de restitution.

Pour se libérer de ses obligations de restitution envers le nu-propriétaire, les ayants-droit de M. XX disposeront d’un délai de six mois suivant l’extinction de l’usufruit. Passé ce délai, la dette de restitution produira intérêt au taux légal alors en vigueur sans qu’il soit besoin d’une sommation à payer.

Garantie de paiement.

L’usufruitier décidera seul de l’affectation des sommes reçues, et pour jouir de son usufruit, il sera dispensé de fournir caution.

Section II – La notion de charges

30510 – Définition. – Il est difficile de donner une définition à la notion de charge dans le cadre d’une libéralité, notamment parce que le législateur use indifféremment du terme de « charge » ou de « condition ». Pourtant, la charge doit se distinguer de la condition qui reste une modalité faisant dépendre l’existence de la libéralité à un événement futur et incertain404. La charge peut alors être entendue d’une obligation imposée par le donateur ou le testateur au gratifié, qui y est tenu dès lors qu’il accepte la libéralité. Elle sera notamment caractérisée lorsque le gratifié est tenu d’une obligation distincte de la transmission ou lorsque l’obligation qui lui est imposée va diminuer d’une manière importante son émolument, voire le réduire à néant. Elle est à titre onéreux, mais le plus souvent à titre gratuit.

30511 Constituent par exemple des charges l’obligation de servir une rente viagère ou celle de payer les dettes du disposant ou d’un tiers. Ne constituent pas des charges : la réserve d’usufruit ou le versement d’une soulte, la stipulation d’un droit de retour conventionnel, d’une interdiction d’aliéner ou d’hypothéquer, d’une obligation d’emploi.

Dans le cas particulier des libéralités successives issues de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006, il convient de distinguer la libéralité graduelle, qui est une libéralité avec charge puisqu’elle comporte l’obligation pour le donataire ou le légataire de conserver et de transmettre ce dont il est gratifié à une ou plusieurs personnes déterminées405, de la libéralité résiduelle où il n’y a pas véritablement une charge mais une condition qui impose au bénéficiaire de la libéralité de transmettre à une ou plusieurs personnes déterminées, après sa mort, ce qu’il restera à son décès de ce dont il a été gratifié406. Le gratifié ne peut disposer à cause de mort et il peut lui être interdit de disposer entre vifs sous certaines conditions407, ce qui dans ce dernier cas constituera une charge.

Dans toute libéralité entre vifs ou testamentaire, les charges contraires aux lois ou aux mœurs seront réputées non écrites408. La jurisprudence ne prononce la nullité de l’acte en son entier que si la charge a été la cause impulsive et déterminante de la libéralité409. Dans les autres cas, seule la clause est réputée non écrite.

30512 Lorsque la libéralité est assortie d’une charge, le bénéficiaire doit en peser les conséquences, ce qui nécessite une vigilance accrue. Aussi, dès lors que le gratifié est soumis à un régime de tutelle ou qu’il est mineur, l’acceptation de la libéralité ne peut valablement se réaliser que par l’intermédiaire de son représentant (tuteur ou, pour le mineur, tuteur ou ascendants)410.

30513 Les charges peuvent être diverses (Sous-section I) et soumises à révision, voire conduire à la révocation de la libéralité (Sous-section II).

Sous-section I – Exemples de charges

30514 Une libéralité est l’occasion d’organiser la transmission de ses biens et donc de prévoir d’éventuelles charges qui obligent le gratifié et ont pour but d’assurer la bonne exécution des volontés du donateur ou du testateur. Nous nous contenterons ici d’examiner les clauses les plus couramment utilisées dans la pratique.

§ I – La clause d’inaliénabilité

30515 La clause d’inaliénabilité est tout à fait fréquente dans la pratique des libéralités. Cependant, cette restriction au droit de disposer411 nécessite d’être encadrée : il convient de se référer à l’article 900-1 du Code civil qui prévoit les conditions de validité de la clause : elle doit être temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime.

30516 Le caractère temporaire de la clause d’inaliénabilité ne fait guère de difficulté même si la loi ne précise pas la durée maximale autorisée. Les juges du fond apprécient donc souverainement si la durée prévue par les parties est admissible ou non. Ainsi, les tribunaux valident la clause limitant la durée de l’inaliénabilité à la vie du donateur412.

30517 Quant à l’intérêt sérieux et légitime, il réside souvent dans le fait que la donation est consentie avec réserve d’usufruit sur la tête du donateur qui veut se protéger et également protéger son conjoint à qui il aura consenti une réversion d’usufruit. La clause a également souvent comme but d’assurer le retour conventionnel prévu dans l’acte. Elle peut aussi être le moyen de protéger le donataire contre son inexpérience ou sa prodigalité. De même, est reconnu sérieux et légitime l’intérêt du disposant qui garantit, au moyen de la clause d’inaliénabilité, le service d’une rente viagère.

30518 Il est utile de préciser que la clause d’inaliénabilité emporte par ailleurs insaisissabilité du bien donné ou légué : il n’est alors pas utile de doubler la première clause par une seconde stipulant l’insaisissabilité.

30519 De même, il faut rappeler que l’article 900-1 du Code civil autorise l’aliénation du bien à condition que l’intérêt qui a justifié initialement la clause ait disparu ou qu’un intérêt plus important l’exige : le législateur a voulu éviter que la seule volonté du gratifiant ne fige la situation lorsque des circonstances nouvelles rendent inutile ou préjudiciable pour les intérêts du gratifié l’interdiction qui lui est faite d’aliéner. Ainsi, « le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige »413. Saisi d’une demande de dérogation, le juge doit rechercher si l’intérêt qui avait motivé la clause d’inaliénabilité a disparu. Dans l’affirmative, il doit lever l’interdiction d’aliéner. Dans la négative, le juge doit ensuite rechercher si un intérêt plus important s’est manifesté : les travaux préparatoires de la loi no 71-526 du 3 juillet 1971 considèrent l’intérêt du gratifié et de ses proches comme étant susceptible d’être « plus important » que celui qui a motivé la clause d’inaliénabilité. Le tribunal doit donc comparer l’intérêt du gratifiant et celui du gratifié, et décider si celui du gratifié doit être jugé comme prioritaire, parce que consistant en un « besoin impérieux » d’aliéner, selon les termes du rapport au Sénat, telle la nécessité pour le gratifié d’assurer le logement de sa famille ou l’éducation de ses enfants. Quant aux créanciers du gratifié, la Cour de cassation leur interdit d’agir, pour obtenir la levée de l’inaliénabilité, aussi bien lorsqu’ils invoquent leur propre intérêt en tant que créanciers que celui de leur débiteur par la voie oblique414.

L’article 900-1 du Code civil qui interdit les clauses d’inaliénabilité perpétuelle est sans application pour les fondations. De même, selon l’alinéa 2 de cet article : « Les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou même à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales ». Ainsi, les personnes morales n’ont pas la possibilité d’obtenir du juge une dérogation au caractère obligatoire des clauses d’inaliénabilité et elles doivent exécuter les clauses d’inaliénabilité perpétuelle qui leur sont imposées.

30520 De son côté, l’article 900-8 du Code civil répute non écrite « toute clause par laquelle le disposant prive de la libéralité celui qui mettrait en cause la validité d’une clause d’inaliénabilité ou demanderait l’autorisation d’aliéner ». Cette disposition interdit donc les clauses pénales destinées à assurer l’exécution des clauses d’inaliénabilité et permet l’application de l’alinéa 1er de l’article 900-1 du même code qui offre la faculté au gratifié de demander l’autorisation judiciaire d’aliéner le bien. Cette faculté serait devenue impossible si le disposant avait pu adjoindre une clause pénale à l’interdiction d’aliéner, le donataire n’étant pas dans ce cas assuré de conserver le bénéfice de la donation si un intérêt plus important devait le contraindre à demander l’aliénation du bien.

30521 Sur le plan fiscal, la clause d’inaliénabilité ne diminue pas la valeur des lots qu’elle grève. L’assiette des droits de mutation ne peut être diminuée du fait de la stipulation d’une telle clause. Sur le plan civil, la clause n’a pas de conséquence sur le calcul de la réserve lors de la réunion fictive.

30522 La clause d’inaliénabilité pourra être remise en cause après le décès du donateur. En effet, l’article 912 du Code civil précise que la réserve est « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges » et la clause d’inaliénabilité pourra être considérée comme limitant les droits de l’héritier et ainsi porter atteinte à sa réserve. Par contre, il n’est pas possible de renoncer par avance à la suppression de la clause grevant la réserve415.

Enfin, même si la clause répond aux conditions ci-dessus, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige416.

§ II – La clause d’entrée ou d’exclusion de communauté

30523 La Cour de cassation a validé les clauses d’entrée417 ou d’exclusion de communauté418 des biens transmis. Dans le cadre de l’entrée en communauté, on pense au cas classique du terrain à bâtir donné et pour lequel la clause permettra d’éviter un calcul de récompenses, pour les constructions réalisées, lors de la liquidation de la communauté de l’héritier gratifié. Pour la clause d’exclusion de communauté, le donateur voudra s’assurer du maintien des biens transmis dans la famille.

30524 La clause d’exclusion de communauté ne révèle pas de difficulté particulière.

30525 Pour ce qui est de la clause d’entrée en communauté, cela pose la question de la qualification de la donation au profit du conjoint du donataire et des conséquences d’une telle clause lors de la liquidation de la succession du donateur. La doctrine sur ces points est d’ailleurs partagée : les uns indiquent qu’une donation contenant une telle clause est une donation sans charge et qu’elle est donc rapportable pour le tout. D’autres avancent que la clause est une charge et que la donation n’impose au donataire qu’une réunion fictive et un rapport de la moitié de la donation, l’autre moitié étant qualifiée de donation indirecte hors part faite au gratifié. L’administration fiscale, de son côté, face à une clause d’entrée en communauté contenue dans une donation, considère que seul l’enfant gratifié est soumis aux droits de mutation pour la totalité du bien donné.

30526 Lors de la liquidation de la succession du donateur, comment traiter la donation faite au profit d’un des codonataires avec clause d’entrée en communauté ? En effet, si la charge pèse sur la réserve du gratifié, il pourra en demander la suppression, conformément à l’article 912 du Code civil. Or, comment faire pour mesurer une éventuelle atteinteà la réserve ? La libéralité consentie par le donateur doit-elle être prise en compte pour le calcul de la quotité disponible pour la totalité ou seulement la moitié, avec une donation hors part de l’autre moitié au conjoint de l’enfant donataire, qui n’est pas présomptif héritier ? Il semble logique de retenir que la donation revient en totalité à l’héritier gratifié. Il pourra alors demander la suppression de la clause pour recevoir une réserve libre de charges ou favoriser son conjoint en laissant survivre la clause d’entrée en communauté. Dans le premier cas, cela aurait également des conséquences peut-être fâcheuses dans les relations entre les époux en ouvrant un droit à récompense compte tenu de travaux ou améliorations apportés par la communauté sur le bien donné, ceci notamment quand la demande en annulation de la clause concerne un héritier qui vient à divorcer…

§ III – La clause de charge viagère

30527 Il est fréquent que le donateur assortisse la donation d’une charge viagère (logement et soins, rente viagère…). Elle peut avoir lieu au profit du donateur ou d’un tiers (réversion de la charge au profit du conjoint survivant).

30528 – Liquidation de la succession du donateur. – Ces clauses de charge viagère soulèvent des difficultés lors de la liquidation de la succession du donateur. Pour la réunion fictive, et éventuellement le rapport, il va être tenu compte de l’émolument net et il va falloir déterminer ce qui a été réellement acquitté au titre de la charge. Ainsi, comment intégrer la part de la charge viagère qui n’a pas été exécutée ? Au contraire, comment tenir compte d’une charge qui a été plus lourde que prévu, notamment lorsque le crédit-rentier a survécu très longtemps ? Les risques de contestation sont donc nombreux.

30529 – Ingénierie. – Pour éviter ces difficultés, il peut être utilement conseillé au donateur de prévoir que la charge viagère sera supportée par tous les donataires419. Ainsi le service de la charge n’a pas d’influence, quelles que soient sa durée et la valeur nette des lots donnés sur l’égalité voulue par le donateur entre les donataires. Rien n’empêcherait les donataires, sans remettre en cause cette égalité, de convenir entre eux, sans intervention du donateur, d’un transfert de la charge viagère sur la tête de certains ou de l’un d’entre eux, moyennant abandon total ou non de soulte.

Exemple

Mme A consent une donation-partage portant sur un bien de 300 à trois présomptifs héritiers. Le bien est attribué à l’un des enfants pour 300 à charge pour l’attributaire de verser une soulte de 100 à chacun des autres donataires.

Dans le même acte, Mme A stipule contre ses héritiers d’une rente de 60. Les donataires conviennent entre eux que l’attributaire du bien réglera seul la rente contre remise partielle des soultes dues les ramenant à 100 – (60/3) 20 = 80.

Si au décès du crédit-rentier la totalité des sommes versées au titre de la rente est de 90, il est considéré que cette somme a été versée par chacun des trois donataires pour 30.

De cette somme doit être retiré le montant des fruits perçus, soit 90 – 60 = 30/3 = 10 et il est alors déduit du capital transmis à l’attributaire du bien 30 – 10 = 20.

Le premier a donc reçu 300 – 100 × 2 au titre des soultes versées aux autres donataires – 30 de rente versée au titre de la donation = 70. Les deux autres donataires ont reçu 100 (soulte) – 30 (rente) = 70. L’égalité est maintenue.

Si au départ la charge de la rente n’avait été supportée que par l’attributaire de bien donné, il recevait 300 – 100 × 2 (soultes) – 60 (rente) = 40. Les deux autres ont reçu 100… l’égalité est remise en cause.

30530 On pourrait aussi proposer de conclure le même jour la vente d’une partie des biens à charge de rente viagère (avec intervention des autres présomptifs héritiers pour se conformer aux dispositions de l’article 918 du Code civil) et la donation du surplus, sans charge. Seule la fraction du bien donné est prise en compte au décès du donateur pour la liquidation de la succession, sans considération du montant de la rente réglé sur la partie vendue.

§ IV – La clause de prise en charge d’une dette

30531 Une donation-partage peut être l’occasion d’organiser l’extinction d’une dette du donateur au profit d’un donataire (salaire différé…) ou d’un tiers (prise en charge d’un prêt immobilier adossé au bien transmis) : la donation est alors consentie avec charge d’éteindre la dette du donateur.

30532 Civilement, le montant de la dette du donateur sera déduit, lors des opérations de liquidation de sa succession, de l’émolument reçu par le donataire. La déduction a lieu pour le nominal de la charge de la valeur du bien au jour du décès. La plus-value réalisée entre la donation et le décès est retenue pour le calcul de la réunion fictive.

30533 Fiscalement, les articles 758 et 761 du Code général des impôts posent le principe de non-déductibilité des charges de l’assiette des droits de mutation. Le 102e Congrès des notaires de France420 a proposé, sans succès, « que le principe de déductibilité des charges grevant une donation soit admis sur le plan fiscal, comme il l’est déjà en matière civile ». Les articles 776 et 776 bis du Code général des impôts prévoient cependant des exceptions à ce principe pour les donations. Ainsi, sont déductibles de l’assiette des droits de mutation « les dettes qui ont été contractées par le donateur pour l’acquisition ou dans l’intérêt des biens objet de la donation, et dont la prise en charge par le donataire est notifiée au créancier » et à condition « que la dette soit contractée auprès d’une personne mentionnée au titre Ier du livre V du Code monétaire et financier ». En d’autres termes, le prêt bancaire souscrit soit pour l’achat d’un bien immobilier, soit pour la réalisation de travaux sur le bien immobilier, est déductible de l’assiette des droits de mutation des biens transmis.

Pour le donateur, la prise en charge de la dette par le donataire ne constitue pas un fait générateur de l’impôt de plus-value, à l’inverse d’une dation en paiement (remise du bien en paiement de la dette).

Sous-section II – La révision et la révocation des charges
La révision et la révocation des charges

Les développements à suivre de nos travaux :

a30533-1

Expression de la volonté du donateur ou du testateur, les clauses opposables aux gratifiés sont cependant révisables (§ I), leur inexécution pouvant conduire à la révocation de la libéralité (§ II).

§ I – La révision des charges

a30533-2

– Révision des charges et conditions. – La loi n’octroie que restrictivement la faculté, pour un gratifié personne physique comme personne morale, d’obtenir la révision de n’importe quelle charge ou condition grevant une libéralité. Il arrive en effet qu’avec l’écoulement du temps, les charges dont une libéralité a été assortie cessent d’être adaptées. Les articles 900-2 à 900-7 du Code civil, issus de la loi no 84-562 du 4 juillet 1984, se proposent de pallier ces inadéquations dans le respect de l’intention du disposant.

Selon l’article 900-2 du Code civil, la révision peut être ordonnée lorsque « par suite d’un changement de circonstances », l’exécution de la charge ou de la condition est devenue pour le gratifié « soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable » ou encore impossible. La formulation est suffisamment large pour inclure les différentes difficultés, mais elle exige que ces difficultés présentent une certaine gravité. L’impossibilité d’exécution entre dans le champ d’application de l’article 900-2 du Code civil.

Il est à noter que l’adoption de la théorie de l’imprévision, codifiée à l’article 1195 du Code civil, qui permet de renégocier le contrat par suite d’un changement imprévisible de circonstances, n’est pas applicable aux libéralités en raison même de l’existence du dispositif spécifique prévu par le Code civil pour les libéralités.

Même si le dispositif légal semble être impératif, il ne paraît pas non plus interdire la révision amiable qui serait d’autant plus utile que les conditions de l’intervention du juge sont assez strictes.

a30533-3

L’article 900-2 du Code civil s’applique aux donations aussi bien qu’aux legs. Il concerne les personnes physiques comme les personnes morales, que celles-ci soient de droit privé ou public.

a30533-4

– La procédure de révision. – La révision est autorisée selon la procédure judiciaire prévue aux articles 900-2 et suivants du Code civil. Lorsque la libéralité a été adressée à l’État, à des établissements publics de l’État ou à des établissements hospitaliers, la révision des charges est alors opérée par la voie administrative.

La demande n’est recevable que dix années après la mort du disposant ou, en cas de demandes successives, dix années après le jugement qui a ordonné la précédente révision. La personne gratifiée doit justifier des diligences qu’elle a faites, dans l’intervalle, pour exécuter ses obligations421.

C’est le tribunal judiciaire qui est compétent.

La demande en révision est formée contre les héritiers ; s’il n’y a pas d’héritier connu, elle est formée contre le ministère public422.

a30533-5

L’article 900-4 du Code civil investit de larges pouvoirs le juge saisi de la demande en révision qui peut, selon les cas et même d’office : réduire en quantité ou périodicité les prestations grevant la libéralité ; en modifier l’objet en s’inspirant de l’intention du disposant ; les regrouper, avec des prestations analogues résultant d’autres libéralités.

Le juge possède donc des pouvoirs d’autant plus larges que les dispositions qui les lui confèrent paraissent n’avoir qu’un caractère énumératif. Il doit cependant exercer ces pouvoirs dans le respect de l’inspiration initiale de la libéralité et doit prescrire des mesures propres à maintenir, autant qu’il est possible, l’appellation que le disposant avait entendu donner à sa libéralité. Il peut ainsi autoriser l’aliénation de tout ou partie des biens faisant l’objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.

a30533-6

Aux termes de l’article 900-7 du Code civil, si, postérieurement à la révision, l’exécution des conditions ou des charges telle qu’elle était prévue à l’origine redevient possible, elle pourra être demandée par les héritiers.

§ II – La révocation de la libéralité pour inexécution des charges

a30533-7

Lorsqu’elles sont valides, les stipulations de charges affectant une libéralité doivent être respectées par le gratifié, qui les a acceptées. À défaut, il encourt la révocation de l’acte fait en sa faveur, pour inexécution des charges423 (même si le Code civil en ses articles emploie le terme de « conditions », il faut lui préférer celui de « charges » car les textes ne traitent pas des libéralités conditionnelles mais des libéralités avec charges) : la charge oblige le bénéficiaire et, à ce titre, est susceptible d’exécution forcée (la condition n’est pas nécessairement en son pouvoir et, si elle l’est, sa survenance ne peut être contrainte par une exécution forcée).

a30533-8

L’inexécution des charges prévue par l’article 953 du Code civil est une cause de révocation pour toute donation grevée d’une telle obligation, quelle que soit sa nature ou son importance.

Le domaine des libéralités révocables pour inexécution des charges est donc très vaste : dons manuels, donations déguisées, donations indirectes, donations par contrat de mariage, donations entre époux de biens présents, donations-partages.

Pour les legs, en cas d’inexécution de la charge contenue dans le testament, la loi a prévu la possibilité d’agir en révocation des dispositions testamentaires pour « les mêmes causes qui, suivant l’article 954 (…), autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs »424. Dans tous les cas, la charge ne doit pas revêtir une importance telle que l’intention libérale n’existe pas et que l’acte perde sa nature de libéralité. La jurisprudence ne prononce cependant la résolution que lorsque le disposant (ou ses héritiers) peut établir que la stipulation inexécutée constituait pour lui la cause impulsive et déterminante de son acte425. À défaut, il n’a droit qu’à une exécution forcée en nature ou à des dommages et intérêts.

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– L’appréciation de l’inexécution. – L’inexécution de la charge doit être suffisamment grave pour justifier la révocation de la donation, ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

L’absence totale d’exécution de la charge ne pose pas de difficulté.

Si une faute du donataire est à l’origine de l’inexécution de la charge, la révocation est à l’évidence plus facile à obtenir.

En revanche, quid d’une exécution modifiée, d’une exécution tardive ou partielle ?

Les juges disposent alors d’un large pouvoir d’appréciation pour dire si l’inexécution de la charge assortissant une donation a été suffisamment grave pour justifier la révocation et si celle-ci est conforme à l’esprit de la libéralité.

Ainsi, l’exécution de la charge rendue impossible par la faute d’un tiers ne permettra pas d’obtenir la révocation de la libéralité426.

La situation est plus délicate si l’inexécution de la charge est due à un événement de force majeure. En effet dans ce cas, l’article 1218 du Code civil dispose que lorsque l’inexécution par le donataire des charges qu’il avait acceptées dans la donation est due à un cas de force majeure, le contrat est résolu de plein droit. La Cour de cassation admet alors que les juges du fond tiennent souverainement compte de « la nécessaire adaptation aux réalités actuelles de la condition initialement stipulée »427 pour se prononcer sur la révocation. La jurisprudence428 a pu rendre des décisions jugées sévères même quand l’inexécution n’était pas imputable au donataire alors qu’elle aurait pu prononcer dans ces cas la caducité de la charge par recours à la procédure de révision des charges.

En revanche, si l’inexécution de la charge est due à la volonté ou à la faute du donateur, il ne peut prétendre obtenir la révocation de la donation.

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– Les clauses relatives à l’inexécution. – Afin d’éviter les difficultés liées à l’absence d’exécution des charges prévues par la libéralité, les parties peuvent restreindre les cas de révocation, en prévoyant dans l’acte que celle-ci ne sera possible qu’en cas de faute du donataire, voire même en insérant dans l’acte de donation une clause aux termes de laquelle le donataire est pleinement et entièrement libre d’assurer l’exécution de la charge qui lui est imposée. Dans cette hypothèse, le refus du donataire de s’exécuter ne saurait provoquer la révocation de la libéralité pour cause d’inexécution.

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– Le titulaire de l’action en révocation. – Le donateur est titulaire de l’action en révocation de la donation pour inexécution des charges, à moins qu’il ne préfère contraindre le donataire à exécuter en intentant contre lui une action en exécution des charges. Le tiers bénéficiaire de la charge n’a, de son côté, pas d’intérêt à agir en révocation, notamment parce qu’il n’a pas participé à la donation. Il ne peut intenter qu’une action personnelle en exécution contre le donataire. Si le donateur fait révoquer la donation, ce tiers ne peut donc plus rien réclamer au donataire. Il a définitivement perdu tout droit à la charge dont le bénéfice lui était destiné, à condition cependant que la révocation ait été prononcée avant qu’il ait lui-même accepté la stipulation faite à son profit. La solution sera différente si son acceptation est antérieure à la révocation car, dans ce cas, celle-là aura fait naître sur sa tête un droit dont ne peuvent le priver ni la faute du donataire ni l’action du donateur. Il pourra donc demander à ce dernier ce qu’il ne peut plus attendre du premier.

Le droit du donateur de demander la révocation pour inexécution des charges se transmet à ses héritiers : il est admis que les héritiers du donateur peuvent agir en révocation de la donation consentie par leur auteur, même si ce dernier n’avait pas demandé l’exécution. La demande en révocation ne serait cependant pas possible si, avant son décès, le donateur a renoncé à la demande d’exécution des charges. Si la charge ne doit être exécutée qu’après le décès du donateur, les héritiers conservent le droit de demander la révocation.

La jurisprudence admet aussi que l’action en révocation se transmet au légataire universel du donateur, continuateur de sa personne429.

L’action en révocation et l’action personnelle en exécution peuvent être intentées contre le donataire lui-même et contre ses héritiers. Par application des principes généraux, la charge pèse sur chacun des héritiers successeurs ou légataires en proportion de la part qu’il recueille dans l’hérédité. Si une charge, en raison de sa nature, ne peut être acquittée que par le donataire personnellement, une distinction s’impose. Ou bien le donataire a été mis en demeure de son vivant et son obligation inexécutée s’est transformée en sa personne en une obligation en dommages et intérêts dont le donateur est fondé à exiger l’accomplissement s’il préfère celui-ci à la révocation, et cette dette pèsera sur les héritiers et légataires comme toute dette du défunt. Ou bien le donataire n’a pas été mis en demeure et aucune obligation à dommages et intérêts ne s’est constituée sur sa tête ni ne passe à ses héritiers ou légataires.

Ni l’action en exécution ni l’action révocatoire ne peuvent être intentées contre des tiers qui détiendraient des biens donnés, qu’ils les tiennent du donataire ou de ses successeurs. Ils peuvent cependant être poursuivis comme tiers détenteurs une fois que le donateur aura actionné en révocation le donataire ou ses successeurs.

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Le donateur est entièrement libre d’exercer ou non l’action en révocation. L’article 953 du Code civil lui accorde un droit, mais ne lui impose pas une obligation. C’est pourquoi il peut renoncer à son action, soit dans une clause expresse incluse dans l’acte de donation, soit en ne l’exerçant pas après que s’est produit le fait qui lui a donné naissance.

La jurisprudence semble admettre que la renonciation à l’action en révocation pour inexécution des charges puisse être anticipée. Une telle renonciation anticipée peut être tacite et se déduire de la longue inaction du donateur, de telle sorte que les héritiers de ce dernier ne puissent plus exercer un droit que leur auteur a laissé s’éteindre en sa personne.

Pareillement, la jurisprudence estime que le donateur peut renoncer, expressément ou tacitement, à tout ou partie des charges et conditions qu’il avait imposées au donataire.

Le fait de poursuivre l’exécution des charges n’implique nullement renonciation au droit de demander la révocation de la donation.

Si toutes les personnes qui peuvent exercer l’action en révocation ont la faculté d’y renoncer, la seule renonciation du donateur provoque celle de ses ayants cause, sauf pour les créanciers du donataire à prouver que la renonciation a lieu en fraude de leurs droits.

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Si le donataire en cours d’instance décide l’exécution de sa charge, la révocation tant qu’elle n’est pas devenue définitive pourra être refusée.

Les tiers détenteurs ou les créanciers du donataire peuvent avoir intérêt à offrir d’exécuter les charges pour lesquelles il est défaillant : les premiers pour éviter l’éviction comme tiers détenteurs, les seconds pour maintenir les biens donnés entre les mains de leur débiteur.

Les offres d’exécution auront pour effet d’arrêter l’action en révocation, à condition que l’intervenant s’engage à exécuter l’intégralité des charges et non pas seulement la partie de celles correspondant à la portion des biens donnés dont il est détenteur ou proportionnelle à l’importance de sa créance.

Bien entendu, il ne sera pas possible aux tiers d’éviter la révocation en offrant d’exécuter eux-mêmes les charges de la donation si cette exécution ne peut être accomplie que par le donataire personnellement, soit en raison de la nature de la charge, soit en application d’un accord entre les parties. Il en est ainsi notamment de la charge de loger, nourrir et soigner le donateur ; en cas d’inexécution par le donateur, les tiers intéressés ne peuvent pas empêcher la révocation en offrant au donateur une rente viagère équivalente aux services stipulés430.

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– Prescription de l’action. – Le Code civil ne contient aucune disposition spéciale relative à la durée de la prescription de l’action en révocation d’une donation pour inexécution des charges. Ce point est donc régi par le droit commun de la prescription qui conduit à faire une distinction.

Si la donation portait exclusivement sur des biens mobiliers, l’action en révocation pour inexécution des charges est une action mobilière qui se prescrit, selon l’article 2224 du Code civil, par cinq ans.

Si la donation avait pour objet des biens immobiliers, l’action en révocation est une action réelle immobilière ; conformément à l’article 2227 du Code civil, elle se prescrit par trente ans. Dans les deux cas, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

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– Conséquences et modalités de la révocation. – Une fois la révocation prononcée pour cause d’inexécution des conditions, « les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire : et le donateur aura contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu’il aurait contre le donataire lui-même »431. La révocation a donc des effets rétroactifs et peut impliquer restitution et réparations.

En cas de donation-partage portant à la fois sur les droits qui sont donnés par l’un des père ou mère et sur les droits que les gratifiés ont recueillis dans la succession de leur auteur prédécédé, la révocation de la donation pour inexécution des charges ne permet au donateur de reprendre que les droits dont il était antérieurement titulaire et qu’il a personnellement donnés, à l’exclusion de ceux qui appartenaient à son conjoint432.

Après la révocation et du fait de sa rétroactivité, le donataire n’a plus de titre sur les biens donnés. Il est censé n’en avoir jamais été propriétaire. Si la restitution est possible en nature, le donateur, en sa qualité de propriétaire du bien, agit contre le donataire en revendication des biens donnés. Dans le cas contraire, la restitution s’effectuera en valeur, le donateur exerçant une action personnelle en paiement d’une somme d’argent égale à la valeur des biens au jour de la restitution433. Du fait de la rétroactivité induite par la révocation de la libéralité, le donateur supporte les risques de la chose : si la chose a péri par cas fortuit, le donataire est libéré434.

Concernant les fruits et revenus produits par le bien donné, ils ne sont dus par le donataire que du jour de la demande en justice, si sa bonne foi ne peut être mise en cause ; mais s’il est de mauvaise foi, il doit restituer la totalité des fruits435.

Outre le prononcé de la révocation, le donateur peut obtenir du juge, dans certains cas, des dommages et intérêts destinés à réparer les préjudices que l’inexécution a fait subir au donateur. Ils s’ajoutent aux restitutions en nature ou en valeur. Pour que des dommages et intérêts soient dus, il faut que le donateur éprouve un préjudice insuffisamment réparé par la révocation de sa libéralité, le seul fait de l’inexécution ne pouvant justifier à lui seul une semblable condamnation. Il faut en outre que l’inexécution de la charge soit imputable à une faute du donataire. Les dommages et intérêts pourront ainsi être prévus quand la charge inexécutée consistait dans le paiement d’une rente viagère qui n’a pas été honoré dans les cinq années précédant l’assignation et qui prive le crédit-rentier de recours.

En sens inverse, le donataire a droit à être indemnisé pour les impenses faites par lui sur le bien donné : les restitutions réciproques constituent la conséquence de la demande en révocation. Le montant de son indemnisation est égal à la valeur totale des impenses nécessaires et à la plus-value conférée au bien par les impenses utiles. Pour les impenses superflues, le donataire ne dispose que d’un droit de reprise en enlevant et emportant les améliorations, à condition de ne pas dégrader les biens donnés.

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La révocation pour inexécution des charges a pour effet de remettre les parties dans le même état que si la donation n’avait pas eu lieu. Le donataire est donc autorisé à exiger la restitution des sommes qu’il a versées au donateur en capital à titre de charges, à l’exception des arrérages d’une rente servie au donateur au même titre.

Si le donateur laisse plusieurs héritiers, cette restitution est mise intégralement à la charge de celui d’entre eux qui poursuit et obtient la révocation, sauf son recours contre ses cohéritiers, et les sommes sujettes à restitution portent intérêt à compter du jour de la sommation de payer.

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– Quid des charges grevant les biens donnés du chef du donataire ? – Comme indiqué à l’article 954 du Code civil, la révocation d’une donation pour inexécution des charges fait rentrer les biens donnés dans les mains du donateur ou de ses ayants droit, libres de toutes charges et hypothèques nées du fait du donataire. Ces charges sont donc rétroactivement anéanties et sont censées n’avoir jamais existé.

La révocation est ainsi opposable aux créanciers inscrits, quelle que soit la validité de leurs hypothèques.

Toutes les aliénations consenties par le donataire sur les biens donnés sont résolues puisque ce dernier, réputé n’avoir jamais été propriétaire de la chose donnée, n’a donc pu conférer aucun droit sur elle.

Devant les conséquences qui peuvent être très lourdes pour les tiers en cas de révocation de la libéralité pour inexécution des charges, il est néanmoins prévu que la demande tendant à obtenir la révocation de la donation n’est recevable que si les clauses d’un acte de donation immobilière imposant au donataire l’exécution de certaines charges ont été publiées au service de la publicité foncière.

La révocation d’une donation-partage prononcée contre un copartageant pour cause d’inexécution des charges, si elle rompt l’égalité du partage du fait du retour dans le patrimoine du donateur des biens donnés et entrés dans le lot de ce copartageant, n’anéantit pas ce partage ; elle laisse subsister à l’égard des autres copartageants l’effet de la transmission de propriété qui en est résulté, même pour la soulte versée par le donataire évincé.

La question peut se poser de savoir si le donataire peut réclamer une indemnité pour les constructions, ouvrages ou plantations qu’il a réalisés sur un terrain qui, du fait de la rétroactivité de la révocation, n’était en réalité pas le sien. Par application de l’article 555 du Code civil, il peut prétendre à une indemnité égale, au choix du propriétaire du terrain (ici, le donateur) à la plus-value du fonds ou aux dépenses faites. En vertu de ce même texte, le donataire ne pourra être contraint à enlever ces ouvrages s’il est de bonne foi, c’est-à-dire s’il possède le bien en vertu d’un titre translatif dont il ignore les vices436. C’est bien là la situation du donataire, tant qu’il ne s’est pas encore rendu coupable d’une inexécution de la charge stipulée dans sa donation, si bien qu’il n’encourt pas encore la révocation.

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– Révocation de plein droit. – La jurisprudence a plusieurs fois confirmé qu’il est possible de déroger aux dispositions de l’article 956 du Code civil en incluant dans l’acte de donation une clause selon laquelle la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l’inexécution des charges437. Même si une telle clause permet de dispenser les parties de recourir au juge, le donataire pourra tout de même le saisir afin de contester soit l’étendue de la charge, soit l’inexécution qui lui est reprochée, soit encore la mise en œuvre de la clause ou les conséquences de la résolution. Dans ce cas, le pouvoir du juge est limité à la vérification des conditions de la résolution sans avoir à apprécier si la gravité de l’inexécution justifie ou non la résolution. C’est la clause elle-même qui fixe ce seuil de gravité.

La rédaction de la clause permettra une plus ou moins grande automaticité de sa mise en jeu. Le notaire rédacteur aura alors la prudence d’indiquer avec précision les charges dont l’inexécution entraînera la résolution de la donation, si la résolution nécessite ou non une mise en demeure préalable ou si elle pourrait avoir lieu du seul fait de l’inexécution de la charge.

Bien entendu, l’existence de la clause résolutoire n’interdit pas au donateur de demander l’exécution forcée de la charge.

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Reste la question de la possibilité d’envisager une révocation unilatérale extrajudiciaire des donations. En effet, l’ordonnance du no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a légalisé la pratique, admise par la jurisprudence pour les contrats à titre onéreux, qui consiste pour le créancier de l’obligation contractuelle inexécutée à procéder à la résolution du contrat par simple notification, sans passer par le juge, après une mise en demeure du débiteur restée infructueuse438. Est-il possible de transposer aux libéralités ce procédé simplifié et accéléré de résolution ?

La doctrine est partagée : les textes relatifs à la révocation des donations ayant été écrits comme une illustration du droit commun du contrat439, il serait envisageable de les compléter par les dispositions de l’ordonnance de 2016 et d’admettre une résolution unilatérale par simple notification. Cependant, il est aussi avancé que l’ordonnance a entériné une jurisprudence admise pour les contrats à titre onéreux et non pour les libéralités, si bien qu’il n’est pas certain que l’extension à ces dernières soit acquise440.

En tout état de cause, même si la révocation unilatérale extrajudiciaire était admise, elle ne permet pas au donateur de s’assurer la restitution des biens donnés par le donataire, et une action en justice sur cette question sera alors indispensable. De plus, un tel procédé de révocation « simplifiée » ne présente aucune garantie pour le donataire contre une action infondée du donateur qui serait alors seul juge de la gravité de l’inexécution de la charge pour demander la révocation de la donation.

Section III – Le droit de retour conventionnel
Le droit de retour conventionnel

Les développements à suivre de nos travaux :

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Lorsqu’il rédige, à la demande de ses clients, une donation au profit de leurs descendants, le praticien va les interroger sur l’opportunité d’insérer à l’acte un droit de retour sur les biens donnés. Cette possibilité permet de protéger le donateur et le patrimoine donné dans des conditions civiles et fiscales favorables.

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– Nature du droit de retour. – Le droit de retour conventionnel est une condition résolutoire du contrat de donation prévue à l’article 951 du Code civil : la clause de retour conventionnel permet au seul donateur de prévoir qu’il récupérera les biens donnés si le donataire vient à décéder, avec ou sans descendance, avant lui441. La donation qui a été consentie est annulée et l’objet de la donation retourne dans le patrimoine du donateur, la libéralité consentie étant considérée comme n’ayant rétroactivement jamais existé442. Cet « anéantissement » rétroactif a un double avantage civil et fiscal quand le donateur souhaite voir les biens donnés maintenus dans la famille d’origine. Avantage civil, puisque les biens échappent à la succession et donc aux héritiers mais aussi aux créanciers du donataire décédé. Avantage fiscal, puisque le donateur reprend le bien sans que cela soit considéré comme une mutation taxable, le bien étant supposé ne jamais avoir été la propriété du donataire défunt443. L’insertion d’une clause de retour est particulièrement importante dans un contexte général d’allongement de l’espérance de vie. Par le biais de cette clause, le parent donateur a l’assurance de récupérer, sans impôt successoral, le bien qu’il a donné à son enfant prédécédé, parfois de nombreuses années auparavant.

Cela permet ensuite au donateur de procéder à une nouvelle donation de ces biens, par exemple aux frères et sœurs du défunt ou aux enfants du défunt (petits-enfants des donateurs), en continuant à bénéficier des règles de transmission fiscalement avantageuses des donations, et par ailleurs en profitant des dispositions de l’article 791 ter du Code général des impôts444 (imputation des droits payés sur la première donation lors de la seconde donation ou restitution des droits payés).

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Rappels sur les droits de retour légaux

Le droit français prévoit plusieurs types de droit de retour : le droit de retour prévu par la loi (droit de retour légal) et le droit de retour prévu par une clause figurant dans l’acte de donation (droit de retour conventionnel).

Droit de retour légal en faveur des parents. Le droit de retour en faveur des parents est institué par l’article 738-2 du Code civil. Il concerne le cas des père et/ou mère du défunt quand ce dernier décède avant eux et sans postérité.

Le père ou la mère, ou les deux, peuvent alors exercer leur droit de retour, c’est-à-dire qu’ils peuvent récupérer les biens que leur enfant défunt avait reçus d’eux par donation. Mais ils ne peuvent récupérer les biens donnés qu’à hauteur de leur quote-part légale dans la succession telle que définie par le premier alinéa de l’article 738 du Code civil (¼ de la succession pour le père et ¼ pour la mère).

La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour légal en faveur des parents s’impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.

Si le droit de retour légal ne peut pas s’exercer en nature, il doit se faire en valeur, dans la limite de l’actif successoral.

Droit de retour légal en faveur des frères et sœurs. Le droit de retour légal en faveur des frères et sœurs résulte de l’article 757-3 du Code civil. Si le père et la mère sont morts avant leur enfant, quand ce dernier décède en l’absence de descendants, les biens qu’il avait reçus de ses ascendants par donation ou succession et qui se retrouvent en nature dans sa succession reviennent pour moitié à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, s’ils sont eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés qui sont à l’origine de la transmission du bien.

Le droit de retour conventionnel se distingue du droit de retour légal, qui joue de plein droit mais qui est plus limité dans son champ d’application. En effet, le droit de retour légal ne peut bénéficier au parent donateur qu’en cas de prédécès du donataire sans postérité alors que le droit de retour conventionnel peut être stipulé au profit du parent donateur soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.

Le droit de retour légal est en outre fragile, car il n’est en principe possible que si le donataire avait conservé en nature le bien dans son patrimoine. Au contraire, une clause de droit de retour conventionnel combinée à une clause de subrogation prévoira généralement que le droit de retour pourra porter sur le bien donné en tant que tel ou sur tous les biens qui lui seraient substitués ou qui viendraient en remplacement ou remploi. À cet égard, il conviendra de veiller avec les différents intermédiaires, financiers ou autres, à pouvoir retracer le cheminement des actifs donnés et les opérations sur ceux-ci afin d’aisément identifier ce sur quoi porte le droit de retour une fois que celui-ci devra être exercé.

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– Retour conventionnel et ingénierie. – Pourtant, même si la clause de retour conventionnel est largement utilisée par les notaires dans leurs actes de donation, son utilisation peut entraîner des difficultés de mise en œuvre445. Le droit de retour conventionnel n’est pas de nature successorale mais purement contractuelle : une fois encore, l’utilisation de formules « prêtes à l’emploi » peut s’avérer inappropriée. Il appartient au notaire, au titre de son ingénierie, de veiller à une rédaction adaptée après en avoir discuté avec ses clients afin que l’efficacité de la clause soit incontestable et conforme aux aspirations et souhaits de ces derniers.

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Nous évoquerons ci-dessous diverses situations où le rôle du notaire, garant de l’efficacité de l’acte qu’il reçoit, est primordial pour guider les parties sur l’opportunité de l’insertion à l’acte de donation d’une clause de retour conventionnel et, dans l’affirmative, sur la rédaction de la clause. En effet, de la façon dont la clause aura été rédigée dépendra l’assiette du droit de retour. Aussi il appartient au notaire de vérifier la motivation des donateurs à insérer à l’acte une telle clause puisque, si la prescription posée à l’article 951 du Code civil sur le retour des « seuls biens donnés » paraît simple, elle peut susciter des difficultés d’appréciation quant à la détermination de son assiette (Sous-section I), notamment quand elle se trouve en concurrence avec d’autres clauses ou dispositions imposées par le donateur (Sous-sections II à VIII).

Sous-section I – Assiette du droit de retour conventionnel dans une donation-partage

30534 – Droit de retour et donation-partage. – Si, dans une donation ordinaire, l’application de la clause de droit de retour ne pose guère de difficulté, il n’en est pas de même en présence de donation-partage conjonctive ou cumulative : les biens émanant du patrimoine des deux parents (donation-partage conjonctive) ou de la succession du parent prédécédé et du conjoint survivant (donation-partage cumulative) constituent la masse unique qui va permettre de déterminer les lots des enfants donataires sans se référer à l’origine des biens. Si l’un seul des parents est amené à exercer son droit de retour, sur quels biens cela va-t-il pouvoir jouer446 ? Ce qui a été attribué au donataire décédé avant le donateur ne correspond pas systématiquement à ce qui lui a été donné par ce donateur. On fait la différence entre l’apportionnement (la valeur donnée) et l’allotissement (le bien reçu)447.

30535 Sur cette question, la doctrine a distingué deux possibilités basées sur la motivation des donateurs à insérer à l’acte un droit de retour par souci de conserver les biens dans la famille ou seulement pour des raisons indemnitaires. Soit on retient le critère « origine des biens » et le donateur se voit restituer les seuls biens qu’il a transmis au donataire prédécédé448. Soit on retient le critère « proportionnel » et le donateur recueille unequote-part du lot reçu par le donataire décédé, correspondant à la participation du donateur à la constitution de la masse unique des biens distribués449. De son côté, la jurisprudence a suivi cette double qualification450 en se fondant sur la finalité du droit de retour exprimée par les donateurs.

30536 Devant ces positions, le notaire doit donc rechercher la volonté des parties en leur expliquant que l’exercice du droit de retour dépendra du critère retenu : quand les donateurs souhaitent insérer dans la donation-partage une clause de droit de retour conventionnel, il est indispensable de préciser la portée de cette clause en délimitant l’assiette du droit de retour et ses conditions d’application. En fonction de la rédaction de la clause, les conséquences du prédécès d’un donataire et de l’application de la clause de retour pourront en effet être très différentes.

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Donation-partage cumulative d’un parent à ses trois enfants de biens lui appartenant et partage des biens dépendant de la succession du parent décédé. Cas pratique

L’ensemble des biens donnés et partagés est de 3 000 000 €

Biens donnés : une maison en Bretagne pour 500 000 €, un appartement à Paris pour 500 000 € (soit 333 333,33 € à chacun des enfants ou 1/3 des biens donnés).

Biens partagés : une propriété en Sologne pour 1 000 000 €, un portefeuille d’actions pour 1 000 000 € (soit 666 666,66 € à chacun des enfants ou 2/3 des biens donnés).

La donation-partage est égalitaire, chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 000 000 €, 1/3 sur les biens donnés et 2/3 sur les biens partagés.

Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l’aîné va recevoir l’appartement de Paris et la moitié des actions, le cadet la maison de Bretagne et la moitié des actions, le benjamin la propriété en Sologne.

Le droit de retour s’exerce en fonction de ce qu’a prévu le donateur dans l’acte de donation-partage.

Le donateur a prévu que le droit de retour s’exercerait sur les biens qu’il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.

• Si l’aîné décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur l’appartement de Paris, soit 500 000 € alors qu’il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur la maison de Bretagne alors qu’il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s’exercer.

Le donateur a prévu que le droit de retour s’exercerait sur les biens qu’il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation qu’il a globalement consentie.

• Si l’aîné décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur l’appartement de Paris, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur la maison de Bretagne, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s’exercer.

Le donateur a prévu que le droit de retour s’exercerait sur l’équivalent de ce qu’il a donné indépendamment de l’origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s’exercer en valeur.

• Si l’aîné décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de l’appartement de Paris et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la maison de Bretagne et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.

• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s’exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la propriété de Sologne ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.

30538

Donation-partage conjonctive de parents à leurs deux enfants. Cas pratique

L’ensemble des biens donnés est de 2 200 000 €.

Biens donnés par monsieur : un chalet à la Clusaz pour 900 000 € et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.

Biens donnés par madame : un portefeuille d’actions pour 300 000 €, et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.

La donation-partage est égalitaire. Chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 100 000 € (700 000 € de monsieur et 400 000 € de madame).

Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l’aîné va recevoir le chalet de la Clusaz et les 2/3 du portefeuille d’actions, le second l’appartement de Lyon et 1/3 du portefeuille d’actions.

Le droit de retour s’exerce en fonction de ce qu’ont prévu les donateurs dans l’acte de donation-partage.

Les donateurs ont prévu que le droit de retour s’exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.

• Si l’aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s’exerce sur l’appartement de la Clusaz et les 2/3 des actions.

• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s’exerce sur l’appartement de Lyon et 1/3 des actions.

Les donateurs ont prévu que le droit de retour s’exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation que chaque donateur a globalement consentie.

• Si l’aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s’exerce au profit de monsieur sur le chalet de la Clusaz, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 900 000 × 1 400 / 2 200 = 572 727 €.

Madame sur 2/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 200 000 × 800 / 2 200 = 72 727 €.

• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s’exerce au profit de monsieur sur l’appartement de Lyon, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 500 000 × 1 400 / 2 200 = 318 181 €.

Madame sur l’appartement de Lyon et 1/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 600 000 × 800 / 2 200 = 281 181 €.

Les donateurs ont prévu que le droit de retour s’exercerait sur l’équivalent de ce que chacun a donné indépendamment de l’origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s’exercer en valeur.

Au décès de l’un des enfants avant les donateurs, le droit de retour s’exerce par monsieur à hauteur de 1 400/2 200 des biens donnés et par madame à hauteur de 800/2 200 des biens donnés.

30539 Il peut donc surgir de grandes difficultés quand la clause de retour n’a pas été détaillée, car compte tenu des résultats différents qu’induit telle ou telle solution, la transmission organisée par les donateurs peut se trouver bouleversée. Les imprévus de la vie, même s’ils sont souvent difficiles à envisager avec les clients qui souhaitent préparer la transmission de leurs biens, doivent conduire le rédacteur de la clause de droit de retour à faire preuve d’ingénierie et à inciter les donateurs à anticiper les diverses possibilités.

Sous-section II – Droit de retour conventionnel et droit de retour légal

30540 – Renonciation au droit de retour conventionnel et droit de retour légal. – La Cour de cassation a, dans son arrêt du 21 octobre 2015451, affirmé qu’il ne pouvait être renoncé au droit de retour légal avant l’ouverture de la succession (le droit de retour légal est d’ordre public et les parents ne peuvent y renoncer qu’après le décès de leur enfant ; dans le cas contraire, la renonciation anticipée équivaudrait à un pacte sur succession future, prohibé en vertu de l’article 722 du Code civil).

Elle a aussi précisé que s’il est possible de renoncer au droit de retour conventionnel, cela n’a pas d’incidence sur le droit de retour légal qui peut s’exercer en concurrence avec le bénéficiaire d’un legs portant sur les biens donnés. Il convient donc de dissocier le droit de retour conventionnel du droit de retour légal.

Lorsqu’un droit de retour conventionnel a été mis en place, le droit de retour légal ne s’applique pas. Cependant, lorsque le bien donné est légué à un tiers et que le donateur a renoncé à son droit de retour conventionnel, il pourra se prévaloir du droit de retour légal qui s’exercera en valeur, dans la limite de l’actif successoral452.

30541 – Modalités de la renonciation. – Le donateur peut renoncer au droit de retour stipulé à son attention dans l’acte de donation, a posteriori. Faut-il en conclure que le donateur consent alors une nouvelle libéralité au profit des héritiers du donataire prédécédé ? L’administration fiscale ne s’est pas prononcée sur ce point, même si les conséquences sont importantes notamment quand le donataire ne laisse pas à sa succession d’héritiers directs.

La renonciation à son droit de retour par le donateur peut aussi intervenir avant le décès du donataire, alors même que le droit n’est pas encore ouvert.

Sous-section III – Droit de retour conventionnel et droit viager au logement

30542 Dans un arrêt du 23 septembre 2015453, la Cour de cassation précise que l’exercice du droit de retour conventionnel écarte le droit viager au logement prévu à l’article 764 du Code civil, et ce alors même que l’immeuble donné était entré en communauté du fait de l’adoption du régime matrimonial de communauté universelle par le donataire et son conjoint. En effet l’article 764, alinéa 1 du Code civil indique que le conjoint successible ne peut user du droit viager que s’il occupe « effectivement, à l’époque du décès, à titre d’habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession ». Dans notre hypothèse, lors du décès du donataire avant le donateur, qui a donné le bien avec stipulation d’une clause de retour, l’immeuble revient dans le patrimoine du donateur. Celui-ci peut donc s’opposer à l’exercice du droit viager au logement du conjoint du donataire prédécédé. Le notaire prendra soin lors de la rédaction de la clause de droit de retour d’interroger les parties sur leur commune intention et de prévoir que le droit de retour ne pourrait pas neutraliser le droit au logement du conjoint survivant non donataire.

Sous-section IV – Droit de retour conventionnel et communauté universelle

30543 Comment résoudre la question du droit de retour du donateur sur un bien que le donataire a apporté à une communauté, voire à une communauté universelle ? Si la jurisprudence admet la possibilité de faire tomber dans une communauté universelle des biens sur lesquels pèse un droit de retour conventionnel du donateur454, cela peut poser difficulté si le droit de retour doit s’appliquer ou si les époux divorcent. Dans ce cas, le notaire doit anticiper et bien expliquer les conséquences de cette situation à ses clients en leur proposant, pour éviter toute difficulté, de stipuler une clause d’exclusion de communauté455 ou une clause de reprise des apports à la communauté en cas de divorce456, dite « clause alsacienne » et désormais consacrée par la loi du 23 juin 2006.

Sous-section V – Droit de retour conventionnel optionnel

30544 Nos donations contiennent quasi systématiquement une clause de droit de retour, ceci alors même que le donateur ignore, lors de la signature de la donation, s’il exercera ce droit en cas de prédécès du donataire. En effet, il ignore à la date de la donation quelles seront, au décès avant lui du donataire, sa situation financière et la configuration de sa famille.

Comme indiqué ci-dessus457, la renonciation au droit de retour ne pose guère de difficulté si elle a lieu avant le décès du donataire. En revanche, si le donateur entend renoncer au droit de retour après le décès du donataire, sans que cela ait été prévu à l’acte initial, les conséquences fiscales sont dissuasives. En effet, si le donataire décède avant le donateur, la donation est automatiquement résolue. S’agissant d’une condition résolutoire, la clause de retour joue de manière rétroactive et automatique. Si le donateur renonce au retour, il consent une nouvelle libéralité, taxable458.

30545 Il a alors, afin de remédier à cet inconvénient fiscal majeur, été envisagé de prévoir dès l’acte de donation la possibilité pour le donateur d’exercer ou non son droit de retour au décès du donataire. La validité d’une telle clause est discutée puisqu’elle serait contraire aux principes de prohibition des pactes sur succession future, de prohibition des conditions potestatives459 et à l’article 951 du Code civil.

Le droit de retour n’étant pas de nature successorale, l’argument de la prohibition des pactes sur succession future semble ne pas pouvoir être retenu.

En ce qui concerne la condition potestative, si elle est retenue, la sanction est lourde puisque c’est la nullité de la donation qui est encourue et non seulement celle de la condition elle-même460. Pourtant, l’exercice de l’option ne survenant qu’après la réalisation de la condition résolutoire par le prédécès du donataire, il est difficile d’admettre que le donateur a prise sur cet événement. En outre, ce n’est pas de la résolution de la donation du vivant du donataire dont il est question, mais uniquement des effets attachés à la réalisation de la condition, c’est-à-dire le prédécès du donataire.

Enfin, si cette clause était admise, quid de ses conséquences fiscales ? Le non-exercice du droit de retour peut-il être requalifié en libéralité, avec des conséquences fiscales dissuasives ? Puisqu’il agit de l’exercice d’une option, il n’existe pas d’un point de vue fiscal de double mutation, à la différence de ce qui a été observé pour la renonciation après le décès du donataire. Le bien demeure dans le patrimoine du donataire pour être transmis à ses ayants-droit, sans transiter par le patrimoine du donateur.

30546 Devant de telles incertitudes, le 108e Congrès des notaires de France a proposé461, en s’inspirant du modèle belge, de conférer une base légale et une neutralité fiscale à la clause de retour optionnel en ajoutant à l’article 951 du Code civil un troisième alinéa ainsi rédigé : Il pourra être stipulé que le retour s’exercera à titre facultatif dans un délai fixé par les parties. Dans cette hypothèse, le non-exercice du droit de retour ne pourra être considéré comme une libéralité.

Sous-section VI – Droit de retour conventionnel et clause graduelle ou résiduelle

30547 La combinaison d’une clause de retour et d’une clause graduelle ou résiduelle462 permet au donateur de sécuriser la transmission qu’il a souhaité organiser. En effet, il va pouvoir prévoir qu’en cas de décès du donataire, tout ou partie des biens donnés reviennent à un second bénéficiaire. En incluant à l’acte un droit de retour, il va conserver la possibilité, parce que la donation résiduelle ou graduelle ne peut trouver à s’exercer pleinement suite au décès du premier et du second donataire, de conserver dans la famille les biens donnés par le jeu de la clause de droit de retour.

La stipulation d’un droit de retour conventionnel dans une donation-partage transgénérationnelle combiné à une donation de residuo va quant à elle permettre de faire tomber le bien donné dans le patrimoine de l’enfant pivot en cas de décès du donataire avant le donateur ; cet enfant pivot ne pouvant en effet être bénéficiaire du droit de retour puisqu’il n’a pas la qualité de donateur463. Ainsi, si la donation au petit-enfant prévoit une inaliénabilité des biens donnés et une clause résiduelle au profit de son auteur, en cas de décès avant le donateur, les biens donnés, par le jeu de la clause de residuo, reviendront à son auteur initialement « évincé » dans la donation. Bien entendu, il y aura lieu de maintenir la clause de droit de retour conventionnel permettant au donateur de conserver les biens dans son patrimoine au cas de décès avant lui du donataire initialement gratifié et des donataires « résiduels ».

Sous-section VII – Droit de retour conventionnel en valeur

30548 L’objet du retour est limité par l’article 951, alinéa 1er du Code civil aux seuls biens donnés. Cette disposition soulève des difficultés en cas d’aliénation des biens donnés par le donataire. Si les biens donnés ne se retrouvent pas en nature dans le patrimoine du donataire décédé, la subrogation réelle et la mise en œuvre d’un retour en valeur peuvent-elles être prévues ?

Concernant le droit de retour légal des père et mère, l’article 738-2 du Code civil prévoit en 2006 que « lorsque le droit de retour ne peut s’exercer en nature, il s’exécute en valeur ». Si le bien donné a été vendu, le droit de retour porte sur une valeur correspondant au prix de vente sans pouvoir porter sur les biens acquis en subrogation.

Pour le droit de retour conventionnel, il est possible, ce qui est de pratique courante dans nos actes, de prévoir une subrogation conventionnelle en indiquant que le droit de retour s’exercera soit sur les biens donnés, soit sur les biens qui en seraient la représentation. Il est important d’interroger le donateur sur ce point, car il voudra peut-être seulement exercer un retour en valeur dans cette situation. S’il souhaite pouvoir exercer son droit de retour sur les biens subrogés, il est généralement prévu que l’exercice du droit de retour conventionnel soit limité aux biens donnés ou aux biens subrogés si le donateur a consenti à l’aliénation du bien donné par le donataire et que le prix de vente a été remployé464. L’intervention du donateur est requise pour qu’il renonce à son droit de retour, ce qui permet de sécuriser l’opération et de garantir l’acquéreur contre un risque d’éviction. Cependant, le notaire rédacteur se doit d’être prudent et de limiter l’intervention du donateur, lors de la vente du bien donné, à sa renonciation au droit de retour en nature tout en conservant un droit de retour en valeur sur le prix de vente, ou sur le bien subrogé si le prix de vente est réemployé465.

Sous-section VIII – Droit de retour suite à une donation de somme d’argent

30549 Le droit de retour peut sans difficulté s’exercer sur une somme d’argent précédemment donnée. Une difficulté peut surgir quand la somme donnée a été employée tant sur l’assiette d’exercice du droit de retour que sur le montant de celui-ci.

La Cour de cassation466 a ainsi précisé que lorsque l’acte de donation-partage stipule un droit de retour conventionnel, en cas de prédécès du donataire, alors que la donation comprenait une somme donnée à titre de don manuel consenti en avancement d’hoirie et que cette somme avait été utilisée pour acquérir une parcelle de terrain, ce bien acquis avec la somme donnée se substituait à celle-ci dans la donation-partage, de sorte que le droit de retour conventionnel s’appliquait à ce bien rendant impossible l’exécution des legs consentis par le défunt.

Les faits de l’affaire jugée étaient les suivants.

Par acte authentique du 21 juin 1993, M. et Mme X consentent une donation-partage au profit de leurs deux enfants. L’un d’eux reconnaît à l’acte avoir reçu des donateurs, en août 1989, à titre de don manuel et en avancement d’hoirie, une certaine somme employée au paiement du prix d’un terrain acquis par lui dans le mois suivant la donation ; lequel terrain a ensuite été divisé en deux parcelles.

L’acte de donation-partage stipulait que « les parties fixent d’un commun accord la valeur actuelle de l’immeuble acquis en remploi, dans son état à l’époque de l’acquisition, à la somme de 235 000 F, somme à rapporter par E… au titre du don manuel sus-énoncé » ; « la masse des biens donnés et à partager comprend le rapport de don manuel par E… de la somme de 235 000 F » ; « le premier lot attribué à E… est composé de : le rapport de don manuel composant l’article 1 de la masse pour sa valeur de 235 000 F ».

E… décède le 12 mai 2010, laissant pour lui succéder ses parents et sa sœur. Il avait rédigé un testament olographe, léguant l’une des deux parcelles à Mme Z. Lors du règlement de la succession, le notaire constate l’exercice du droit de retour conventionnel prévu à l’acte de donation-partage au profit des donateurs. Ceux-ci vendent les deux parcelles. Mme Z assigne les consorts X en délivrance de son legs et les acquéreurs en intervention forcée. La Cour de cassation, constatant l’application du droit de retour sur les deux parcelles acquises au moyen des fonds donnés, rejette le pourvoi de Mme Z.

Droit de retour conventionnel

Droit de retour en cas de décès du donataire (avec ou sans postérité)

Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité) ou pour le cas où les descendants du donataire viendraient à décéder sans postérité avant le donateur.

Il peut être ajouté que le droit de retour sera exercé sur les biens donnés :

ou sur ceux qui en seraient la représentation ;

pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité) ou sans descendant acceptant la succession.

Droit de retour limité aux biens dont le donataire n’aurait pas disposé

Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité), mais seulement sur les biens dont le donataire n’aurait pas disposé ou sur ceux acquis en remploi des biens donnés qui auraient été aliénés avec l’accord du donateur.

Droit de retour et droits du conjoint survivant du donataire

Le donateur entend que le droit de retour stipulé empêche l’exécution des donations ou legs consentis par le donataire, en propriété ou en démembrement, au profit de son conjoint, ou partenaire, sur les biens reçus ou ceux qui en seraient la subrogation.

Le donateur entend que le droit de retour stipulé ne fasse pas obstacle à l’exécution des donations ou legs consentis par le donataire, en propriété ou en démembrement, au profit de son conjoint, ou partenaire, sur les biens reçus ou ceux qui en seraient la subrogation.

Au cas où l’immeuble donné serait affecté au logement de la famille du donataire à l’époque du décès de celui-ci, le droit de retour stipulé par le donateur ne pourra s’exercer si le conjoint survivant du donataire fait valoir ses droits au logement résultant de l’application des articles 763 et suivants du Code civil.

Droit de retour optionnel.

Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s’exercera à titre facultatif, aussi le donateur devra faire connaître sa volonté de l’exercer dans les …. mois du décès du donataire (ou de ses descendants) par lettre recommandée avec avis de réception adressée aux héritiers du donataire décédé ou au notaire chargé du règlement de sa succession. À défaut d’avoir exprimé ainsi son choix, il sera déchu de son droit de retour.

Droit de retour proportionnel

Les Donateurs font réserve, à leur profit, chacun en ce qui le concerne, du droit de retour prévu à l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés et partagés, pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s’exercera sans tenir compte de l’origine des biens donnés et partagés, mais dans la proportion de ceux respectivement apportés par chacun des donateurs à la masse des biens ayant permis la constitution des lots attribués aux donataires. L’exercice du droit de retour ne remettra pas en cause les attributions faites aux donataires survivants.

On peut préciser que le droit de retour pourra s’exercer en valeur.

Droit de retour et origine des biens

Les Donateurs font réserve, à leur profit et chacun en ce qui le concerne, du droit de retour prévu à l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés et partagés, pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s’exercera par chacun des donateurs sur les biens qu’il aura donnés au donataire décédé avant lui. L’exercice du droit de retour ne remettra pas en cause les attributions faites aux donataires survivants.

Donation transgénérationnelle, droit de retour et clause de residuo

Réserve du droit de retour. Dans l’hypothèse où la clause de residuo, ci-dessous imposée, ne trouverait pas à s’appliquer, le donateur fait réserve expresse à son profit, pour le cas où un descendant de second degré dit « génération 3 » viendrait à décéder sans postérité avant lui, conformément aux articles 951 et 952 du Code civil, du droit de retour sur les biens donnés dont le donataire n’aurait pas disposé ou sur ceux acquis en remploi des biens donnés qui auraient été aliénés avec l’accord du donateur.

Clause de residuo. Le donateur fait, par les présentes, donation entre vifs aux descendants au second degré, dits « génération 3 », sous la simple charge de transmettre le residuo du bien donné, conformément aux dispositions des articles 1057 à 1061 du Code civil, au second gratifié, ci-après identifié, des biens ci-dessus désignés, ou ce qui subsistera en nature des biens donnés à cette date dans le patrimoine du premier gratifié. Le donateur désigne, aux termes des présentes, en qualité de second gratifié, les enfants nés ou à naître du premier gratifié, par parts égales entre eux (dits « génération 4 »). Dans l’hypothèse où le second gratifié viendrait à prédécéder, ou dans l’hypothèse où le premier gratifié n’aurait pas de descendants au jour de son propre décès, le donateur désigne alors comme second gratifié de substitution selon l’ordre de priorité ci-après, et par parts égales entre eux : ….

Par ailleurs, le donateur fait réserve expresse à son profit du droit de retour prévu par l’article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le premier gratifié, tout en ayant survécu à tous les gratifiés de substitution susnommés, viendrait à décéder avant lui, ainsi qu’il est dit ci-dessus dans le paragraphe intitulé « Réserve du droit de retour ».

Section IV – La prise en charge des frais par le donateur
La prise en charge des frais par le donateur

Les développements à suivre de nos travaux :

a30549-1

– La prise en charge des frais et droits par le donateur n’est pas considérée comme un supplément de donation. – Selon des solutions anciennes fixées au XIXe siècle, l’administration considère que la prise en charge par le donateur des droits d’enregistrement, frais et honoraires de l’acte de donation n’a pas d’incidence sur la valeur des biens donnés. Ainsi, même si l’article 1712 du Code général des impôts dispose que les donataires doivent supporter les droits d’enregistrement, les honoraires et les frais de l’acte, rien n’empêche le donateur de régler ces frais, ce qui ne constitue pas un supplément de donation à ajouter à la libéralité principale pour le calcul des droits.

Cette solution a été régulièrement confirmée par diverses réponses ministérielles467. L’administration a par ailleurs réintégré le 14 janvier 2013 dans sa documentation cette position initialement omise, précisant que, sur le plan fiscal, le paiement par le donateur des droits de donation ne rentre pas dans l’assiette des droits de mutation468.

a30549-2

– Intérêts et limites de la prise en charge des frais et droits par le donateur. – Le paiement des droits de donation par le donateur est logiquement intéressant pour le donataire puisque son patrimoine n’en sera pas grevé. Cet avantage est particulièrement intéressant quand le lien de parenté entre donateur et donataire est éloigné, puisque plus le taux du barème est élevé et plus l’avantage fiscal est important. Ainsi, si la donation porte sur une somme d’argent de 30 000 € à un tiers, les droits de mutation s’élèvent à 18 000 € (30 000 € × 60 %). Il revient donc au donataire 12 000 € sur les 30 000 € donnés. En revanche, si le donateur indique dans l’acte que les frais de donation seront prélevés par lui sur les biens donnés, le bénéficiaire recevra réellement 18 750 € (30 000 € / 1,6) et le donateur paiera 11 250 € de droits (18 750 € × 60 %). Au final, la même somme d’argent est déboursée, mais le bénéficiaire reçoit plus lorsque les droits de mutation sont réglés par le donateur.

Lorsque la donation porte sur un bien autre qu’une somme d’argent, le donateur qui décide de payer les droits devra ajouter au bien transmis la somme nécessaire à leur règlement. L’opération est plus onéreuse pour le donateur puisque son patrimoine est imputé de la donation elle-même et du paiement des droits y afférent.

La prise en charge des droits de donation entraîne des conséquences juridiques et fiscales diverses :

Fiscalement :

la prise en charge des droits par le donateur ne fait pas obstacle à l’application du paiement différé et fractionné des droits de mutation à titre gratuit prévu en faveur des transmissions d’entreprises469 ;

la prise en charge des droits de donation par le donateur fait obstacle à la majoration du prix d’acquisition avec ces droits, pour le calcul d’une plus-value immobilière ou d’une plus-value de valeurs mobilières. En effet, dans ce cas d’espèce le donataire, cédant, n’a pas supporté ces droits470 ;

absence de droit à restitution en cas d’usufruit successif : en principe, en cas d’usufruit successif le nu-propriétaire bénéficie, au moment du décès du premier usufruitier (ouverture du second usufruit), d’un droit à restitution sur l’impôt qu’il a acquitté le jour de la donation. Le montant correspond à ce qu’il aurait dû payer en moins si la valeur de sa nue-propriété avait été calculée d’après l’âge du second usufruitier (CGI, art. 1965 B). Une réponse ministérielle précise cependant que le droit à restitution est accordé uniquement si le nu-propriétaire a lui-même acquitté les droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, si les droits de donation sont pris en charge par le donateur (premier usufruitier), ni le nu-propriétaire ni la succession du donateur décédé ne peuvent bénéficier de cette restitution471.

Civilement :

• la prise en charge des droits par le donateur constitue une donation complémentaire au profit du donataire, qui s’analyse comme une donation indirecte472. Aussi, si l’acte de donation ne prévoit pas de l’écarter, la donation pourra donner lieu à rapport successoral si elle est consentie à un héritier.

Par ailleurs, cette donation complémentaire pourrait être remise en cause par le conjoint de l’époux marié sous un régime de communauté, s’il n’a pas donné son consentement au paiement des droits et que ces derniers ont été payés à l’aide de fonds communs473.

Dans cette dernière hypothèse, a minima, une récompense pourra être due au profit de la communauté si les droits ont été payés par un époux, à l’aide de deniers communs.

Section V – La gestion des biens des donataires et légataires mineurs

30550 – Anticipation notariale. – Il appartient à chaque concitoyen d’anticiper les conséquences de la présence d’enfants mineurs dans sa succession. De même, celui qui souhaite transmettre de son vivant des biens à son ou ses enfant(s) mineur(s) peut s’interroger sur la gestion de ce patrimoine pendant le temps de la minorité.

De nos jours, la loi civile est soucieuse de promouvoir la volonté des parties. Elle met à la disposition du donataire et du de cujus plusieurs outils leur permettant de ne pas avoir recours aux règles légales de gestion du patrimoine dévolu à des héritiers mineurs, autrement dit l’administration légale des père et mère. En effet, grâce à un dispositif juridique adapté, le donataire et le de cujus peuvent dessaisir l’administrateur légal et le remplacer par un tiers administrateur de leur choix. Le rôle du notaire est alors primordial pour conseiller les parties et rédiger la convention adéquate.

30551 – Diversité des dispositifs dérogatoires de gestion des biens appartenant aux mineurs. – Afin de désigner un tiers chargé de gérer les biens appartenant au donataire ou légataire mineur, le notaire peut orienter ses clients vers plusieurs dispositifs : la désignation d’un tiers administrateur par l’exclusion de l’administration légale, la tutelle testamentaire, le mandat à effet posthume et l’exécuteur testamentaire.

Bien qu’ils poursuivent un même but, ces dispositifs diffèrent par leurs modalités techniques. Les deux premiers constituent des dérogations (plus ou moins choisies) au principe de l’administration légale (Sous-section II), tandis que les deux derniers portent atteinte aux prérogatives que les héritiers tiennent classiquement de la saisine légale (Sous-section I).

La nature des transmissions concernées diffère également : seuls deux outils parmi les quatre (la désignation d’un tiers administrateur par l’exclusion de l’administration légale et l’exécuteur testamentaire) supposent l’existence de libéralités.

30552 – Ingénierie notariale. – En pratique, tous ces procédés sont d’un grand intérêt à condition d’être correctement mis en œuvre. De ce fait, le donataire et le de cujus doivent déterminer, parmi eux, celui qui correspond le mieux à leur situation personnelle, familiale et patrimoniale. Les développements qui suivent permettent également d’envisager la rédaction la plus précise et la mieux adaptée de ces actes.

30553 Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits. – Pour éviter de réécrire des sujets largement étudiés, nous inviterons, à plusieurs reprises, le lecteur à se référer aux travaux effectués par le 116e Congrès des notaires de France474 dans le cadre de l’anticipation de la vulnérabilité des mineurs.

Sous-section I – Déroger aux prérogatives que les héritiers tiennent de la saisine légale
Déroger aux prérogatives que les héritiers tiennent de la saisine légale

Les développements à suivre de nos travaux :

§ I – L’exécuteur testamentaire

a30553-1

– Article 1025 du Code civil. – « Le testateur peut nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires jouissant de la pleine capacité civile pour veiller ou procéder à l’exécution de ses volontés.

L’exécuteur testamentaire qui a accepté sa mission est tenu de l’accomplir.

Les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire ne sont pas transmissibles à cause de mort. »

A/ Présentation

a30553-2

– Présentation de l’institution. – La présence d’un ou plusieurs mineurs dans les héritiers d’une personne peut être l’une des raisons pour lesquelles celle-ci peut souhaiter désigner un exécuteur testamentaire, c’est-à-dire une personne nommée et chargée par elle de surveiller l’exécution de ses dernières volontés.

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2562 à 2565, p. 567 à 569.

a30553-3

– Mise en œuvre et conditions. – La désignation d’un exécuteur testamentaire requiert une libéralité à cause de mort. Celle-ci doit être faite au moyen d’un testament valable en la forme, sans, pour autant, nécessiter une formule sacramentelle.

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2566 à 2571, p. 569 à 571.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un exécuteur testamentaire (1/2)

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.

Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.

I – Je désigne comme légataires universels mes enfants, vivants ou représentés, à charge pour eux de délivrer les legs particuliers ci-après (formule facultative à compléter).

II – Je désigne, pour mon exécuteur testamentaire ainsi qu’il est prévu aux termes de l’article 1025 du Code civil :

(prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),

Et en cas de refus, de prédécès ou d’incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).

Ce dernier veillera à la bonne exécution de mon testament.

(Formule facultative) J’attribue à mon exécuteur testamentaire, à titre de rémunération forfaitaire dans le cadre de cette mission, la somme de …. euros.

Fait à ….

Le ….

Signature

a30553-4

– Missions et pouvoirs de l’exécuteur testamentaire. – Parmi les missions conférées à l’exécuteur testamentaire, le testateur peut notamment l’habiliter à :

prendre possession du mobilier successoral et à le vendre si nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible (C. civ., art. 1030) ;

disposer en tout ou partie des immeubles de la succession ;

recevoir et placer les capitaux ;

payer les dettes et les charges ;

devenir titulaire du droit de divulgation des œuvres posthumes du défunt (CPI, art. L. 121-2, al. 2), et surveiller le respect de son œuvre (divulguée ou non) et de sa paternité ;

trier et détruire ses papiers et autres documents personnels et apprécier ceux qui peuvent être remis à ses héritiers ;

procéder à l’attribution ou au partage des biens subsistants entre les héritiers et les légataires (C. civ., art. 1030-1).

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2572 à 2583, p. 571 à 576.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un exécuteur testamentaire (2/2)

(Formule facultative) Tous mes documents, papiers et correspondances personnels lui seront remis afin qu’il juge ceux qui pourront être donnés à mes héritiers. Il pourra éventuellement détruire ceux qu’il estimera ne devoir être transmis.

(Formule facultative) Mon exécuteur testamentaire exercera le droit de divulgation de mes œuvres posthumes. Il sera également chargé, sa vie durant, de veiller au respect et à la paternité de mon œuvre.

(Formule facultative) Conformément à l’article 1030 du Code civil, mon exécuteur testamentaire pourra prendre possession du mobilier et éventuellement le vendre pour acquitter les legs de sommes d’argent ci-dessus prévus.

B/ Limites

a30553-5

– Une protection insuffisante. – « Dans cet élan d’accroissement des pouvoirs de l’exécuteur testamentaire, il serait également souhaitable de permettre au testateur de conférer à son exécuteur testamentaire les pouvoirs qu’il pourrait donner à un mandataire posthume. Sans doute une telle mission devrait prendre les formes d’un testament authentique. Par ailleurs, rien n’empêche aujourd’hui de consentir à son exécuteur testamentaire un mandat posthume dans le respect des formes prescrites »475.

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2584 à 2590, p. 576 à 578.

§ II – Le mandat à effet posthume

a30553-6

– Article 812 du Code civil. – « Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d’administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l’exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers identifiés.

Le mandataire peut être un héritier.

Il doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.

Le mandataire ne peut être le notaire chargé du règlement de la succession. »

A/ Présentation

a30553-7

– Économie générale du mandat à effet posthume. – Le mandataire posthume reçoit mandat d’administrer ou de gérer tout ou partie des biens composant la succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers. Les pouvoirs qui lui sont transférés seront déterminés aux termes du contrat. Toutefois, ils ne pourront excéder lesdites missions d’administration et de gestion. Effectivement, le mandataire posthume ne pourra pas disposer des biens dépendant de la succession. Cette prérogative réservée aux héritiers s’impose au mandataire posthume et met fin à son mandat.

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1065 à 1073, p. 29 à 32.

a30553-8

– Intérêt pratique du mandat à effet posthume pour la protection des mineurs. – « Le mandat n’a pas vocation à remplacer l’administration légale ou la tutelle. Ces deux techniques doivent se combiner, car elles n’ont pas les mêmes champs d’application et elles ne confèrent pas les mêmes prérogatives. L’administrateur légal ou le tuteur sont chargés de protéger la personne du mineur et son patrimoine. Le mandataire n’est investi que des pouvoirs d’administration et de gestion sur tout ou partie des biens successoraux »476.

« Il s’agit uniquement d’une technique de gestion des biens de la succession et non d’un outil de transmission »477.

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1074 à 1078, p. 32 à 34.

B/ Limites

a30553-9

– Exigence d’une durée. – Conformément à l’alinéa 2 de l’article 812-1-1 du Code civil, le mandat à effet posthume « est donné pour une durée qui ne peut excéder deux ans, prorogeable une ou plusieurs fois par décision du juge, saisi par un héritier ou par le mandataire. Toutefois, il peut être donné pour une durée de cinq ans, prorogeable dans les mêmes conditions, en raison de l’inaptitude, de l’âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels ».

Ainsi qu’il sera précisé ci-après au stade des développements sur la fiducie-libéralité (V. infra, nos a30602 et s.), la durée précitée peut, dans certains cas, s’avérer insuffisante. Elle contraint les héritiers à céder les actifs sociaux au lieu de leur permettre de les conserver, notamment jusqu’à leur majorité.

Durée du mandat posthume

Il pourrait être opportun d’envisager, en droit des sociétés exclusivement, un mandat à effet posthume qui durerait jusqu’à la majorité des héritiers. Cette proposition vise à conserver le patrimoine dans la famille jusqu’à ce que les héritiers développent les qualités et aptitudes requises. Ainsi, la cession du patrimoine successoral ne serait plus l’issue « automatique ».

a30553-10

– Exigence d’un intérêt légitime et sérieux. – Conformément à l’alinéa 1 de l’article 812-1-1 du Code civil, le mandat à effet posthume « n’est valable que s’il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé ».

Ainsi qu’il a été précisé ci-avant au stade des développements sur la fiducie-gestion (V. supra, no ), la cause précitée est particulièrement stricte : le législateur subordonne la validité du mandat à effet posthume à l’existence d’un intérêt, légitime et sérieux, qui doit toujours exister lors de l’exécution du contrat, sous peine de révocation dudit contrat.

L’intérêt légitime et sérieux doit impérativement être motivé dans l’acte. La rédaction de l’acte de mandat à effet posthume doit être faite minutieusement et rigoureusement. Comme le souligne un auteur, « nous sommes ici dans le royaume du cousu main et la plume du notaire doit se faire aussi fine et précise que le pinceau d’un artiste peintre », ajoutant qu’« en motivant mal, voire pire en ne motivant pas ce qui pourrait être le cas en se contentant d’indications générales ou passe-partout, il [le notaire] engagerait sans doute sa responsabilité »478. L’ingénierie notariale est précieuse, à cet égard, afin de souligner la légitimité et le sérieux de l’intérêt de ce mandat successoral :

soit en considération de la personne de l’héritier : âge, minorité, inexpérience, incompétence, prodigalité, vulnérabilité, problème de santé, oisiveté, handicap, incapacité ;

soit au regard des liens existants entre les héritiers : mésentente, opposition d’intérêts, indivision successorale ;

soit en raison de la quantité du patrimoine successoral, ou de sa dispersion ;

soit par suite de la nature spécifique du patrimoine successoral : présence d’une entreprise, de valeurs mobilières ou d’œuvres d’art.

Exemple de rédaction d’une clause de justification du mandat à effet posthume

I – Le MANDANT est propriétaire d’un patrimoine qui se compose notamment d’une entreprise personnelle / d’un fonds de commerce / d’un fonds artisanal / des droits sociaux détenus dans les sociétés ….

II – La situation économique et financière de cette entreprise / ce fonds de commerce / ce fonds artisanal / ces sociétés présente un solde positif (énoncer éventuellement les résultats financiers et comptables, préciser par exemple l’état des ventes et contrats à venir).

III – Sous peine d’un état de cessation des paiements et d’un risque de faillite et de liquidation, la bonne gestion et la direction de cette entreprise / ce fonds de commerce / ce fonds artisanal / ces sociétés requièrent de son dirigeant (et de ses associés) de nombreuses qualités / aptitudes, notamment celle d’une solide motivation personnelle, une aptitude à prendre des risques, une prise rapide de décision, une faculté d’adaptation et de négociation, un goût pour l’innovation et le management, un souci de rentabilisation, d’information et de perfectionnement en permanence.

(Clause facultative à rajouter) En outre, la direction de cette activité ne peut être exercée que sous condition d’être titulaire du diplôme …., complété par une expérience ou un stage professionnel de …. ans.

Conseil pratique : mandat à effet posthume

Même si la loi ne l’impose pas, et afin d’éviter que le mandat à effet posthume reste ignoré le jour où surviendra la mort du mandant, il est fortement recommandé que le notaire qui reçoit l’acte du mandat à effet posthume l’inscrive au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).

Sous-section II – Déroger aux principes de l’administration légale
§ I – La tutelle testamentaire

30554 – Article 403 du Code civil. – « Le droit individuel de choisir un tuteur, qu’il soit ou non parent du mineur, n’appartient qu’au dernier vivant des père et mère s’il a conservé, au jour de son décès, l’exercice de l’autorité parentale.

Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d’un testament ou d’une déclaration spéciale devant notaire.

Elle s’impose au conseil de famille à moins que l’intérêt du mineur commande de l’écarter.

Le tuteur désigné par le père ou la mère n’est pas tenu d’accepter la tutelle. »

A/ Présentation

30555 – Désignation du tuteur. – « Le survivant des père et mère peut, par testament ou déclaration notariée spéciale, choisir un tuteur, parent ou non, qui entrera en fonction après sa mort (C. civ., art. 390 et 391). À défaut de tutelle testamentaire, le tuteur est alors désigné par le conseil de famille et l’on parle alors de tutelle dative.

Le choix du tuteur est en principe libre. (…)

Le tuteur a une double obligation de prendre soin du mineur et de gérer ses biens. (…)

En ce qui concerne la gestion de ses biens, le tuteur doit apporter des soins prudents, diligents et avisés dans le seul intérêt du mineur »479.

clic

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/ 10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1016 à 1036, p. 13 à 193.

clic

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1449 à 1466, p. 224 à 231.

30556 – Absence d’une libéralité consentie à un mineur. – Contrairement au tiers administrateur et à l’exécuteur testamentaire, la tutelle testamentaire ne requiert pas l’existence d’une libéralité. Elle est donc plus large, et peut être généralisée.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’une tutelle testamentaire

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.

Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon conjoint, et avant la majorité ou l’émancipation de nos enfants, je souhaite nommer :

(prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),

et à défaut (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter), en qualité de tuteur de nos enfants, conformément à l’article 403 du Code civil.

Fait à ….

Le ….

Signature

B/ Limites

30557 – Unique titulaire du droit de désigner un tuteur. – « Le droit de désigner un tuteur n’appartient pas à tout parent. Le droit individuel de choisir un tuteur n’appartient qu’au dernier des parents de l’enfant s’il a conservé, au jour de son décès, l’exercice de l’autorité parentale »480.

clic

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2017 à 2019, p. 13 et 14.

« Paradoxalement, ce sont les parents qui, après une séparation conjugale, interrogent le plus fréquemment les notaires sur la possibilité de désigner un tuteur pour leur enfant en cas de décès. Tant que l’autre parent est vivant, cette désignation d’un tuteur testamentaire reste très aléatoire car dépendante du prédécès de ce parent »481. Dans ce fameux cas du parent divorcé ou séparé, il convient, en l’état du droit positif, de se tourner vers le dernier outil, celui de la désignation d’un tiers administrateur.

§ II – La désignation d’un tiers administrateur par l’exclusion de l’administration légale

30558 – Article 384 du Code civil. – « Ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers.

Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d’un administrateur légal.

Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. »

A/ Présentation

30559 – Exclusion de l’administration légale. – « La désignation d’un administrateur aux termes d’une libéralité consentie à un mineur constitue une technique permettant au parent de désigner un tiers de confiance pour gérer les biens transmis.

Cette possibilité résulte, depuis l’ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015, de l’article 384 du Code civil. (…) Puis le régime juridique très libéral de cette disposition a trouvé un vaste champ d’application dans les familles recomposées. Elle permet en effet souvent à un parent de soustraire à l’administration de son ex-conjoint les biens transmis à leur enfant commun »482.

clic

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1079 à 1098, p. 34 à 46.

B/ Limites
I/ Exigence d’une libéralité consentie à un mineur

30560 – Donation versus testament. – Qu’il s’agisse d’une libéralité à cause de mort ou non, celle-ci est indispensable afin de permettre la désignation d’un tiers administrateur. En l’état du droit positif, l’absence de libéralité empêche toute désignation d’un tiers administrateur pour un enfant mineur, sur ce fondement.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un tiers administrateur dans une donation d’immeuble

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1096.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un tiers administrateur dans une donation de titres sociaux

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1097.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un tiers administrateur dans une donation de liquidités

DÉSIGNATION D’UN TIERS ADMINISTRATEUR

La présente donation est réalisée à la condition que la somme d’argent donnée soit administrée par un tiers et, par suite, ne soit pas soumise à l’administration légale et que la jouissance légale en soit exclue, conformément à l’article 384 du Code civil.

À cet effet, le DONATEUR se désigne lui-même comme tiers administrateur483.

En cas de son prédécès, incapacité, défaillance, révocation ou refus d’exercer cette mission, le DONATEUR nomme …. susnommé comme tiers administrateur suppléant484, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.

POUVOIRS DE GESTION

Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d’argent, des pouvoirs de gestion et d’administration.

Il pourra exercer notamment les actes suivants sans que cette liste soit limitative :

ouvrir un compte spécial au nom du mineur pour y déposer ladite somme ;

employer cette somme d’argent à l’acquisition de tout bien meuble ou immeuble. Dans ce cas, les pouvoirs de l’administrateur se reporteront sur les biens qui lui seront subrogés.

POUVOIRS DE DISPOSITION

Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d’argent, des pouvoirs de disposition sans aucune limitation dès lors que cela est conforme à l’intérêt du DONATAIRE.

OBLIGATIONS DU TIERS ADMINISTRATEUR

Le tiers administrateur a l’obligation de produire, tous les ans, un état de sa gestion.

De sorte que lorsque la mission cessera, il puisse fournir lesdits comptes de gestion au mineur devenu majeur, ou à ses héritiers, ou éventuellement à la personne nouvellement chargée de la gestion de ces biens.

Exemple de rédaction d’une clause de désignation d’un tiers administrateur dans un testament

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.

Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.

I – Je désigne comme légataires universels, mes enfants, vivants ou représentés.

OU :

I – Je lègue à mes enfants, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, la totalité des biens composant ma succession, sous réserve des droits du conjoint survivant.

II – Si je décède avant la majorité ou l’émancipation de mes enfants, l’ensemble des biens dont ils hériteront dans ma succession ne devront pas être gérés et administrés par leur mère, administratrice légale.

En effet, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à mes enfants, ainsi qu’il est prévu aux termes de l’article 384 du Code civil :

(prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),

et en cas de refus, de prédécès ou d’incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).

OU :

II – Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon épouse et avant la majorité ou l’émancipation de nos enfants, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à nos enfants, ainsi qu’il est prévu aux termes de l’article 384 du Code civil :

(prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),

et en cas de refus, de prédécès ou d’incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).

III – L’administrateur sera investi des mêmes pouvoirs d’administration et de disposition qui sont attribués à l’administrateur légal. Il exercera seul ces pouvoirs. Les droits et obligations de cet administrateur seront exercés sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux règles applicables en matière d’administration légale, lorsque celle-ci est exercée par un administrateur unique.

L’administrateur sera tenu d’établir un inventaire afin de déterminer les biens revenant à mes légataires et soumis à son administration.

En cas d’aliénation de tout ou partie de ces biens, les pouvoirs de l’administrateur se reporteront sur les biens qui leur seront subrogés.

Fait à ….

Le ….

Signature

Supprimer l’exigence d’une libéralité pour la désignation d’un tiers administrateur

Afin de répondre à la préoccupation susvisée dans le cadre de la tutelle testamentaire pour le parent divorcé ou séparé, il pourrait être opportun de rendre possible la nomination d’un tiers administrateur, en dehors de toute libéralité.

Cette désignation pourrait ainsi être faite par testament ou acte notarié, et s’appliquer sans modifier la dévolution légale.

II/ Acceptation de la libéralité consentie à un mineur
a) Certitude légale pour les donations

30561 – Acceptation par le tuteur, les père et mère, voire les autres ascendants. – En vertu de l’article 935 du Code civil : « La donation faite à un mineur non émancipé ou à un majeur en tutelle devra être acceptée par son tuteur, conformément à l’article 463, au titre « De la minorité, de la tutelle et de l’émancipation ».

Néanmoins, les père et mère du mineur non émancipé, ou les autres ascendants, même du vivant des père et mère, quoiqu’ils ne soient pas tuteurs du mineur, pourront accepter pour lui ».

b) Divergences doctrinales pour les legs

30562 – Acceptation par le tiers administrateur : clause à prévoir. – La majorité de la doctrine considère que le tiers administrateur peut être autorisé, par la clause du testament, à accepter le legs au nom et pour le compte du mineur, à la place de l’administrateur légal485.

Clause à rajouter pour la désignation d’un tiers administrateur dans un testament

Je précise que ces tiers administrateurs auront les pouvoirs d’un administrateur légal, et notamment d’accepter cette libéralité au nom de mes enfants mineurs.

30563 – Acceptation par le tiers administrateur : pas de clause à prévoir. – Certains auteurs considèrent même qu’il n’est pas nécessaire de le prévoir dans la clause testamentaire. Ils arguent que ce serait aller à l’encontre de cette disposition qui prévoit, dès la libéralité, l’exclusion du régime de l’administration légale pour les biens légués au mineur486.

30564 – Acceptation par l’administrateur légal. – Néanmoins, une partie de la doctrine estime que le tiers administrateur désigné aux termes de la libéralité ne peut accepter la libéralité au regard de l’impérativité du régime de l’administration légale, qui ne connaît d’exceptions qu’expressément prévues. Le tiers administrateur ne peut tenir son pouvoir précisément que d’une libéralité valablement formée, et sa mission de gestion ne commence qu’après l’acceptation. Le rôle du tiers administrateur ne peut débuter qu’au jour où la libéralité a été acceptée.

Le pouvoir d’accepter la libéralité serait donc dévolu uniquement à l’administrateur légal. Malheureusement, il peut être à craindre que celui-ci soit réticent à accepter une libéralité qui le prive de ses pouvoirs d’administrateur. Pour autant, il ne faut pas omettre qu’il ne peut refuser une libéralité contraire à l’intérêt de son enfant. Au regard de cette divergence d’intérêts, la désignation d’un administrateur ad hoc sur le fondement de l’article 383 du Code civil sera à envisager. Le tiers administrateur pourra saisir le juge des tutelles sur ce fondement, afin d’accepter la libéralité.

30565 – Évolution législative à prévoir. – « Une évolution législative à ce sujet semble souhaitable à la FNDP tant il apparaît de l’intérêt du mineur et conforme à l’esprit de l’article 384 du Code civil, que le tiers administrateur puisse se voir clairement reconnaître le pouvoir d’accepter la libéralité consentie au mineur, sans autorisation du juge. Dans le même sens, il serait souhaitable de consacrer la possibilité pour le tiers administrateur d’accepter une clause bénéficiaire d’assurance-vie comportant la désignation d’un tiers administrateur des capitaux versés »487.

Reconnaître au tiers administrateur le pouvoir d’accepter la libéralité

Afin de sécuriser la désignation d’un tiers administrateur par l’exclusion de l’administration légale, il convient de donner légalement à ce tiers administrateur la possibilité d’accepter la libéralité au nom de l’enfant, avant même que celle-ci ne se réalise.

30566 Les familles pourront souhaiter aller plus loin, et le consensus familial ou le consensus de certains membres de la famille pourront conduire le professionnel à envisager d’autres modes de transmission nécessitant une véritable concertation, un projet familial commun.


375) LPF, art. L. 64 A qui crée une nouvelle procédure d’abus de droit permettant à l’administration de considérer comme inopposables des montages ayant un objectif principalement fiscal.
376) F. Zénati, La nature juridique du quasi-usufruit ou la métempsycose de la valeur, in Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Études offertes à P. Catala, Litec, 2001, p. 605.
377) C. civ., art. 587.
378) Ph. Malaurie, L. Aynès et M. Julienne, Droit des biens, LGDJ, 9e éd., 2021.
379) Cass. 1re civ., 12 nov. 1998, no 96-18.041.
380) Cass. 1re civ., 22 juin 2016, nos 15-19.471 et 15-19.516.
381) Cass. com., 27 mai 2015, no 14-16.246.
382) V. supra, no .
383) Cass. req., 30 mars 1926 : DH 1926, p. 217 ; Gaz. Pal. 1926, 2, p. 51.
384) Cass. 1re civ., 5 nov. 2014, no 13-23.636.
385) B. Nyzam, Plaidoyer en faveur de la donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit : Defrénois 2018, p. 13.
386) CE, 9e et 10e ch., 10 févr. 2017, no 387960.
387) P. Fernoux, Quasi-usufruit ou quasi-abus de droit ? : Dr. fisc. 2020, no 17, étude 227. – S. Quillici, Donation avant cession : la stipulation d’un quasi-usufruit sur un prix de cession n’emporte pas fictivité de la donation : Dr. fisc. 2017, act. 178. – Fl. Deboissy et S. Quillici : Ingénierie patrimoniale 2019-3, 2.4, no 13.
388) BOI-CF-IOR-30-10 et 30-20.
389) Pour la répartition du droit de vote entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, la loi no 2019-744 du 19 juill. 2019 prévoit que si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier (C. civ., art. 1844).
390) Cass. 3e civ., 29 nov. 2006, no 05-17.009.
391) Cass. com., avis, 1er déc. 2021, no 20-15.164.
392) J. Prieur, Démembrement. Aspects de droit des sociétés. Démembrement, utilisation du quasi-usufruit – montages : Dr. et patrimoine nov. 1999, p. 80.
393) V. supra, nos  et s.
394) C. civ., art. 1094-3.
395) C. civ., art. 601.
396) C. civ., art. 2297.
397) C. civ., art. 1094-3.
398) Cass. 1re civ., 29 sept. 2021, no 20-19.243.
399) S. Chupin et B. Zilberstein : Ingénierie patrimoniale oct. 2019. – F. Deboissy et S. Quilici : Ingénierie patrimoniale oct. 2019.
400) C. civ., art. 617 et 618.
401) CGI, art. 1133.
402) BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20, 14 déc. 2015, § 60.
403) CA Paris, pôle 5, ch. 7, 25 févr. 2014, no 2012/23704.
404) C. civ., art. 1304.
405) C. civ., art. 1048.
406) C. civ., art. 1057.
407) C. civ., art. 1059.
408) C. civ., art. 900.
409) Cass. civ., 19 oct. 1910 : DP 1911, jurispr. 463.

410) C. civ., art. 935. Pour les mineurs, l’article 387-1 du Code civil n’énonce pas le cas de la libéralité grevée de charges. Dans le cas de l’administration légale exercée en commun par les deux parents, ceux-ci doivent alors accepter au nom du mineur la donation ou le legs (en cas de désaccord, le juge des tutelles autorise ou refuse alors l’acceptation – C. civ., art. 387) ; dans le cas de l’administration légale exercée par un seul parent, l’acceptation est faite par ce parent. L’acceptation est autorisée par le juge des tutelles en cas de tutelle. En outre, l’article 935, alinéa 2 du Code civil prévoit que tout ascendant, même s’il n’est pas tuteur du mineur (ni administrateur légal), peut accepter en son nom une libéralité qui lui est adressée. Une même personne ne peut être à la fois le donateur et celui qui accepte la donation au nom du mineur. S’il n’est pas possible de faire accepter la donation par un ascendant, il y a lieu à nomination d’un administrateur ou d’un tuteur ad hoc. Il est admis que, lors d’une donation conjointe par les père et mère à leur enfant, l’acceptation soit donnée au nom du mineur par la mère en ce qui concerne les biens donnés par le père, et réciproquement.

Pour les majeurs protégés, il faut distinguer selon la mesure de protection.

Le majeur sous sauvegarde de justice accepte seul les libéralités qui lui sont faites (C. civ., art. 435).

Concernant la curatelle, le majeur protégé accepte, avec ou sans l’assistance de son curateur, selon qu’il y a ou non des charges (C. civ., art. 467).

Lorsque le majeur est en tutelle, c’est le tuteur qui accepte la libéralité avec ou sans l’accord du juge ou du conseil de famille, selon qu’il y a ou non des charges (C. civ., art. 473 et s.).

411) C. civ., art. 537 et 544.
412) Cass. 1re civ., 8 janv. 1975, no 73-11.648.
413) C. civ., art. 900-1.
414) Cass. 1re civ., 3 avr. 2002, no 98-21.097. – Cass. com., 9 nov. 2004, no 02-18.617.
415) C. Brenner, Libéralités, réserve héréditaire, quotité disponible, réduction des libéralités excessives, renonciation anticipée à l’action en réduction : JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 50, 2014, no 15.
416) C. civ., art. 900-1, al. 2.
417) Cass. 1re civ., 21 sept. 2005, no 02-21.503.
418) Cass. 1re civ., 10 juin 1975 : Defrénois 1975, art. 30986.
419) D. Epailly, 70 questions de donation-partage, éd. Cridon Sud Ouest, 2017, nos 585 et s.
420) 102e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 21-24 mai 2006, Les personnes vulnérables, 4e proposition.
421) C. civ., art. 900-5.
422) C. civ., art. 900-3.
423) C. civ., art. 953, 954, 956 et 1224 et s.
424) C. civ., art. 1046.
425) Cass. 1re civ., 27 janv. 1981, no 79-16.156.
426) Cass. 1re civ., 23 janv. 2008, no 07-10.163.
427) Cass. 1re civ., 18 juin 1991, no 88-14.610.
428) Cass. 1re civ., 6 avr. 1994, no 92-12.844.
429) CA Paris, 12 janv. 1899 : Gaz. Pal. 1899, 1, p. 345.
430) Cass. 1re civ., 7 févr. 1955 : Bull. civ. 1955, I, no 56.
431) C. civ., art. 954.
432) Cass. 1re civ., 29 mai 1980 : Bull. civ. 1980, I, no 165 ; D. 1982, jurispr. p. 18, Y. Flour et M. Grimaldi.
433) C. civ., art. 1352.
434) C. civ., art. 1351.
435) C. civ., art. 1352-7.
436) C. civ., art. 550 qui renvoie à l’art. 555 du Code civil.
437) Cass. civ., 30 mai 1911 : S. 1911, 1, p. 353.
438) C. civ., art. 1226.
439) M. Grimaldi : RTD civ. 2017, p. 467.
440) Y. Flour, Droit patrimonial de la famille, Dalloz Action, 6e éd., 2018-2019, no 315-50.

441) C. civ., art. 951 : « Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés, soit pour le cas de prédécès du donataire seul, soit pour le cas de prédécès du donataire et de ses ascendants.

Ce droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul ».

442) C. civ., art. 952 : « L’effet du droit de retour est de résoudre toutes les aliénations des biens et des droits donnés, et de faire revenir ces biens et droits au donateur, libres de toutes charges et hypothèques (…) ».
443) Rép. min. no 14685 : JOAN 9 mars 1987, p. 1329 et BOI-ENR-DMTG 20-30-20-60, no 1 « Le droit de retour conventionnel, qui résulte des stipulations du donateur, n’est pas un droit héréditaire et les biens qui en sont l’objet ne donnent pas ouverture aux droits de mutation par décès ».

444) « En cas de donation en ligne directe de biens antérieurement transmis à un premier donataire en ligne directe et ayant fait retour au donateur en application des articles 738-2, 951 et 952 du Code civil, les droits acquittés lors de la première donation sont imputés sur les droits dus lors de la seconde donation. La nouvelle donation doit intervenir dans les cinq ans du retour des biens dans le patrimoine du donateur.

Nonobstant les dispositions prévues au premier alinéa, en cas de retour des biens au donateur en application des articles 738-2, 951 et 952 du code civil, ce retour ouvre droit, dans le délai légal de réclamation à compter du décès du donataire, à restitution des droits de mutation à titre gratuit acquittés lors de la donation résolue ».

445) CA Grenoble, 23 mars 2021, no 19/00648. – CA Nîmes, 5 nov. 2020, no 18/01532.
446) G. Champenois et M. Klaa, Les donations-partages conjonctives et cumulatives : Defrénois 15 avr. 2014, no 7.
447) D. Epailly, 70 questions de donation-partage, éd. Cridon Sud Ouest, 2017.
448) C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil français, 5e éd., t. X, par E. Bartin, 1918, § 733, note 2 bis.
449) R. Savatier, Le partage conjonctif d’ascendant réalisé par voie de donation : Defrénois 1928, art. 21903.
450) Cass. 1re civ., 28 juin 1961 : Bull. civ. 1961, I, no 350 ; JCP N 1961, II, 12275. – Cass. 1re civ., 14 févr. 1962 : Bull. civ. 1962, I, no 101 ; Defrénois 1962, art. 28239, p. 329 et s.
451) Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, no 14-21.337.
452) C. civ., art. 738-2.
453) Cass. 1re civ., 23 sept. 2015, no 14-18.131.
454) Cass. 1re civ., 18 mars 2015, no 13-16.567.
455) N. Peterka et Ph. Malaurie, Droit des régimes matrimoniaux, LGDJ, 8e éd. 2021, no 415.
456) A. Kroell, Droit de retour conventionnel : actualité et perspectives : JCP N 2 déc. 2016, no 48.
457) V. supra, no a30541.
458) M. Grimaldi, Libéralités, Partages d’ascendants, Litec, 2000, p. 178, no 1230.
459) C. civ., art. 944.
460) H. Lécuyer, L’irrévocabilité spéciale des donations, Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Études offertes à P. Catala, Litec, 2001, p. 405 et s.
461) 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 23-26 sept. 2012, La transmission, 1re commission, 4e proposition.
462) Sur les donations graduelles et résiduelles, V. M. Grimaldi, Les libéralités graduelles et résiduelles : JCP N 2006, 1387. – D. Epailly, La protection de la réserve héréditaire face à une charge graduelle ou résiduelle, éd. Cridon Sud Ouest, févr. 2009.
463) M. Grimaldi, L’évolution de la pratique de la libéralité-partage : Defrénois 15 janv. 2017, no 1.
464) Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Les successions, les libéralités, LGDJ-Lextenso, 9e éd., 2020, nos 350 et s.
465) Y. Delecraz, Le droit de retour, un mécanisme complexe : Defrénois 30 juill. 2017, no 13-14.
466) Cass. 1re civ., 14 mars 2018, no 17-15.589.
467) Rép. min. à M. Geoffroy : JO Sénat Q 8 oct. 1975, p. 2835. – Rép. min. no 8078 à M. du Luart : JO Sénat Q 10 déc. 1987, p. 1936.
468) BOI-ENR-DG-50-10-20, 14 janv. 2013, § 150.
469) BOI-ENR-DG-50-20-50, § 10.
470) BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20, § 80 pour les plus-values immobilières ; BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-30, § 80-90 pour les plus-values de valeurs mobilières.
471) Rép. min. Duby-Muller : JOAN 2 juin 2020, no 26892.
472) Cass. 1re civ., 25 févr. 2009, no 07-20.010.
473) Cass. 1re civ., 29 févr. 1984, no 85-15.712.
474) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8-10 oct. 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits.
475) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 2589, p. 578.
476) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 1075, p. 33.
477) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 1077, p. 33.
478) J. Combret, Le mandat à effet posthume : un acte manqué ? : JCP N 2013, no 29, 1191, spéc. nos 1 et 4.
479) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8-10 oct. 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1449, p. 224.
480) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 1017, p. 13.
481) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 1019, p. 14.
482) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, op. cit., 1re commission, no 1079, p. 34.
483) La doctrine est unanime et positive lorsque le disposant souhaite s’autodésigner comme tiers administrateur (V. M. Grimaldi, La clause qui soustrait les biens donnés ou légués par le prémourant des père et mère à l’administration légale du survivant peut grever la réserve de l’enfant : RTD civ. 2013, p. 421).
484) Il est de bonne pratique de désigner dans une libéralité un administrateur subsidiaire afin de prévenir le décès, l’incapacité, la défaillance, la révocation ou encore le refus du tiers administrateur institué (V. M. Nicod, La désignation d’un tiers administrateur : Act. prat. strat. patrimoniale 2017, no 3, dossier 21, no 9. – Ph. Delmas Saint-Hilaire, À propos de la clause d’exclusion de l’administration légale, in Mél. en l’honneur du Professeur R. Le Guidec, LexisNexis, 2014, p. 342. – C. Farge et S. Guillaud-Bataille, La désignation d’un tiers administrateur aux biens donnés ou légués à un mineur. État des lieux et perspectives d’évolution : JCP N 2019, no 16, étude 1167, p. 34, no 21. Comme le tiers administrateur, l’administrateur de substitution devra intervenir à l’acte de donation pour accepter la mission qui lui est confiée, quand bien même celle-ci n’aurait vocation qu’à commencer ultérieurement.
485) F. Collard, Donation au profit d’un enfant mineur contenant désignation d’un tiers administrateur : JCP N 2014, no 26, p. 29 et s. – R. Mesa, La gestion des biens reçus par un mineur à titre gratuit non soumis à l’administration légale : Rev. Lamy dr. civ. 2013, no 110, p. 37 et s. – J. Hauser, L’administration aux biens légués ou donnés : Defrénois 2009, no 1, p. 25.
486) P. Delmas Saint-Hilaire, À propos de la clause d’exclusion de l’administration légale, in Mél. en l’honneur du Professeur R. Le Guidec, Defrénois, 2014, p. 333 et s.
487) C. Farge et S. Guillaud-Bataille, La désignation d’un tiers administrateur aux biens donnés ou légués à un mineur. État des lieux et perspectives d’évolution : JCP N 19 avr. 2019, no 16, 1167.
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