CGV – CGU

PARTIE II – Une transmission organisée
Titre 1 – Une transmission acceptée
Sous-titre 1 – Le support de la transmission acceptée
Chapitre I – La transmission à « un échelon »

30353 Les principales formes de libéralité à un échelon sont les donations ordinaires (Section I) et les donations-partages (Section II). Les donations optionnelles (Section III) seront également présentées.

Section I – Donation ordinaire
Sous-section I – Présentation succincte
Présentation succincte

Les développements à suivre de nos travaux :

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– Définition de la donation ordinaire. – Une donation est l’opération qui permet une transmission à titre gratuit de biens ou de droits par une ou plusieurs personne(s) vivante(s) à une ou des autre(s), qui l’accepte(nt). Elle est une libéralité entre vifs.

Il s’agit de l’événement par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte, tel que le précise l’article 894 du Code civil.

Une donation entre vifs, quand elle est écrite, doit obligatoirement être passée devant notaire dans la forme ordinaire des contrats. Une donation écrite qui ne respecterait pas ce formalisme sera sanctionnée par la nullité absolue.

Toutefois, des donations non notariées demeurent pourtant valables. L’article 931 du Code civil dispose seulement que l’acte instrumentaire, support de la donation entre vifs, doit revêtir la forme authentique, à peine de nullité. Cet article ne vise pas le negotium lui-même. Aussi, une donation (negotium) est valable si elle remplit les seules conditions de fond des donations entre vifs.

Parmi ces donations non notariées, se trouvent le don manuel qui se réalise par la simple traditio, ou encore les donations déguisées et indirectes.

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– Don manuel et pacte adjoint. – Le don manuel est sans doute la plus ancienne libéralité. L’ordonnance du chancelier d’Aguesseau de 1731 a consacré le caractère solennel de l’acte de donation sur tout le territoire du Royaume de France, tout en admettant que les dons manuels puissent continuer à se réaliser par la traditio. La validité d’un pacte adjoint à un don manuel301, bien que reconnue depuis le XIXe siècle, peut laisser dubitatif. Il s’agit en l’occurrence de réaliser un don manuel dont on fixe certaines conditions par écrit, dans un pacte dit « adjoint ». Cette validité juridique s’explique par le fait que l’acte écrit (le pacte adjoint) n’est pas le support de la donation, qui se réalise par un fait : la remise de la chose de la main à la main. Aussi, cette opération (donation non écrite et pacte adjoint) échapperait au formalisme imposé par l’article 931 du Code civil et surtout à la sanction de la nullité.

Cette position pouvait éventuellement se justifier à une époque où le don manuel contenait une véritable traditio au sens originaire du mot : remise d’une chose corporelle, souvent de faible valeur. En effet, c’est bien le caractère modeste du don qui lui permettait d’échapper au formalisme de l’acte authentique.

Force est de constater qu’aujourd’hui, les dons manuels peuvent porter sur des valeurs importantes. Dès la création des titres au porteur, le don manuel a pu être le support d’une transmission de valeur importante. Puis, l’évolution des supports financiers ou sociétaires a conduit la Cour de cassation à admettre la validité d’une traditio « dématérialisée », pour des dons manuels par virements bancaires, ou par ordres de mouvement pour des actions. Or, ceux-ci peuvent porter sur des sommes bien plus importantes qu’il n’est envisagé à l’origine. Dès lors, l’absence de conseil d’un notaire peut être fortement préjudiciable tant au donateur qu’au donataire.

Quelle que soit sa forme, une donation reste un acte qui entraîne un dessaisissement sans aucune contrepartie par une personne au profit d’une autre. Et, en tant que telle, cette opération devrait systématiquement s’adjoindre le conseil d’un notaire, à plusieurs titres. Tout d’abord, une donation devrait toujours s’accompagner du conseil général du notaire quant à l’opération projetée, la proportionnalité de celle-ci, ou encore, quant à la vérification du libre consentement (la véritable intention libérale du donateur).

Mais, le notaire ingénieur a également un rôle prépondérant à jouer afin d’éviter aux clients les pièges des règles liquidatives de la libéralité et assurer leur protection (et celle des autres membres de leur famille).

En effet, et à titre d’exemple, si le pacte adjoint prévoit un démembrement de propriété du bien, dont le don manuel opère la traditio, il lui sera impossible d’y stipuler une réversion d’usufruit. Celle-ci s’analyse en une donation de biens présents à terme, et ne pourrait apparaître dans un pacte adjoint sous seing privé sous peine de nullité absolue.

Bien souvent, c’est ultérieurement que l’époux ou les époux découvrent ce manquement. Ils pensaient en se réservant l’usufruit se protéger jusqu’au décès… mais ce n’est pas le cas. Dès lors, il ne sera plus possible pour le notaire de modifier cette situation, et ce même en réincorporant le don manuel dans une donation notariée. En effet le donateur, au jour de la donation réincorporante, n’est plus titulaire de la pleine propriété et, à ce titre, il ne peut plus disposer de l’usufruit ou simplement l’aménager au profit d’un tiers ou de son conjoint.

Sous-section II – Rappel des règles liquidatives des donations ordinaires
Rappel des règles liquidatives des donations ordinaires

Les développements à suivre de nos travaux :

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– Atteinte à la réserve et rapport. – Les règles liquidatives concernant les donations et en l’occurrence une donation ordinaire (notariée ou non) dépendent du droit des successions. Elles relèvent de deux thèmes bien distincts qui peuvent parfois être confondus : la réunion fictive (qui concerne la problématique de la détermination de l’atteinte à la réserve) et le rapport (qui concerne la problématique du partage et de l’équité entre héritiers).

§ I – Détermination de l’atteinte à la réserve

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– Première étape : détermination de la masse des biens. – En présence d’héritiers à réserve, il faut vérifier toute éventuelle atteinte à leur réserve héréditaire. Pour ce faire, il est nécessaire de reconstituer fictivement le patrimoine du défunt, à l’instant de son décès, comme s’il n’avait jamais disposé de celui-ci à titre gratuit de son vivant ou à cause de mort.

Aussi, l’article 922 du Code civil nous invite à réunir fictivement aux biens existants (ceux présents dans le patrimoine au jour du décès) les biens donnés de son vivant, savoir :

si les biens sont toujours présents dans le patrimoine de l’héritier donataire :

ils sont réunis selon leur état au jour de la donation et selon leur valeur à l’ouverture de la succession, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Ce qui signifie que la plus-value « naturelle » prise par le bien donné entre la donation et le jour du décès sera réunie fictivement. L’héritier donataire sera donc redevable à l’égard des autres héritiers réservataires de cette plus-value prise. Dans la logique de la protection de la réserve héréditaire, cette règle est tout à fait compréhensible, puisqu’il s’agit ici de reconstituer le patrimoine du défunt s’il n’en avait pas disposé. Cette plus-value naturelle aurait dû se retrouver dans le patrimoine du de cujus à l’ouverture de la succession, s’il n’avait pas disposé du bien,

cette plus-value inhérente au bien s’oppose à une plus-value qui résulterait de l’action du donataire. En effet, si des améliorations sont apportées au bien donné, la plus-value qui en résulte ne sera pas comptabilisée et réunie fictivement à la masse des biens ;

si les biens ne sont plus présents dans le patrimoine de l’héritier donataire. Deux situations se présentent :

le bien a été aliéné et non remplacé : l’article 922 du Code civil nous indique que si le bien a été aliéné et non remplacé, il est réuni pour sa valeur à l’époque de l’aliénation (bien que l’article ne le précise pas, il ne fait pas débat qu’il s’agit de la valeur du bien tenant compte de son état au jour de la donation),

en cas de subrogation (le bien a été aliéné et le prix a été remployé dans une autre acquisition, ou il y a eu échange…) : l’article 922 du Code civil nous indique qu’en cas de subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition, sauf si en raison de leur nature, la dépréciation des nouveaux était inéluctable, alors il ne sera pas tenu compte de la subrogation.

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– Deuxième étape : détermination des droits sur la masse. – Enfin, l’article 922 du Code civil nous indique que sur cette masse ainsi reconstituée sera appliqué le quantum de détermination de la réserve, selon la situation.

Pour rappel, l’article 916 du Code civil précise que les héritiers réservataires sont aujourd’hui :

les descendants en ligne directe pour 1/2 s’il n’y en a qu’un, pour 2/3 s’il n’y en a que deux, et 3/4 s’il y en trois et plus (C. civ., art. 913 et 913-1) ;

à défaut de descendants en ligne directe, le conjoint survivant pour 1/4 (C. civ., art. 914).

Antoine a, de son vivant, réalisé plusieurs donations à sa nièce pour une valeur totale de 200. À son décès, le patrimoine d’Antoine est évalué à 400.

Biens existants : 400

Donations à réunir : 200

Patrimoine reconstitué : 600

En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 150.

Or, les enfants ne recevront que 133 (répartition des biens existants : 400/3). Il y a donc atteinte à leur réserve.

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– Troisième étape : imputation des libéralités. – Les libéralités consenties par le défunt de son vivant à des non-successibles, et plus précisément à des non-réservataires relèvent de la part du patrimoine dont il pouvait disposer librement, donc de la quotité disponible. Ainsi, celles-ci s’imputeront donc sur la quotité disponible, déterminée selon les règles ci-dessus rappelées.

– Détermination de la catégorie de l’imputation. Si la libéralité a été consentie à un héritier réservataire, elle pourra s’imputer, selon les cas et nous le verrons, sur sa part de réserve et/ou sur la quotité disponible. Cela sera notamment le cas lorsque la libéralité excède la réserve héréditaire. En effet, dans cette situation, le surplus de la libéralité s’imputera subsidiairement sur la quotité disponible à due concurrence, et si ce surplus dépasse la quotité disponible, la libéralité sera réductible (C. civ., art. 919-1, al. 1).

Et cette libéralité s’imputera également sur la quotité disponible, lorsque la donation à un héritier réservataire est consentie expressément « hors part successorale ». Si celle-ci dépasse la quotité disponible, l’excédent sera réductible (C. civ., art. 919-2).

Données de l’exemple chiffré :

Antoine a trois enfants, et a consenti une donation en avancement de part successorale à l’un d’eux.

Biens existants au décès : 400

Donation à réunir : 200

Patrimoine reconstitué : 600

En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 150.

La réserve globale est des ¾, soit 450. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 150.

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Imputation d’une donation en avancement de part successorale à un enfant avec dépassement de sa réserve héréditaire

Données de l’exemple chiffré :

Même exemple que ci-dessus, mais cette fois, Antoine a consenti une donation hors part successorale à l’un de ses trois enfants.

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Imputation d’une donation hors part successorale à un enfant avec dépassement de la quotité disponible

Données de l’exemple chiffré :

Antoine a trois enfants, et a consenti une donation en avancement de part successorale à l’un d’eux.

Biens existants au décès : 200

Donation à réunir : 800

Patrimoine reconstitué : 1 000

En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 250.

La réserve globale est des ¾, soit 750. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 250.

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Imputation d’une donation en avancement de part successorale à un enfant, avec dépassement de sa réserve héréditaire, et dépassement de la quotité disponible

– L’ordre des imputations. Les libéralités s’imputent de la plus ancienne à la plus récente. Lorsque plusieurs libéralités ont été consenties le même jour, elles s’imputent ensemble et en cas de dépassement de la réserve, elles s’imputent au marc le franc (proportionnellement).

Données de l’exemple chiffré :

Antoine a trois enfants, et a consenti des donations en avancement de part successorale à deux enfants, à des dates différentes.

Biens existants au décès : 200

Donations à réunir : 260 et 350

Patrimoine reconstitué : 810

En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/4, soit 202,50.

La réserve globale est des ¾, soit 607,50. Et la réserve individuelle de chaque enfant est de 202,50.

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Imputation de deux donations (consenties à des dates différentes) en avancement de part successorale à des enfants, avec dépassement de la réserve héréditaire, et dépassement de la quotité disponible : réduction de la dernière donation

Même exemple que ci-dessus, mais cette fois, les deux donations ont été reçues le même jour.

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Imputation de deux donations (consenties à la même date) en avancement de part successorale à des enfants, avec dépassement de la réserve héréditaire, et dépassement de la quotité disponible : réduction au marc de franc

– Détermination du montant de l’imputation. Les donations sont imputées pour la même valeur que celle à laquelle elles ont été réunies à la masse des biens (V. supra, no a3035304).

– L’indemnité de réduction. Lorsqu’une libéralité est réductible, celui qui l’a reçue devra une indemnité de réduction à la succession, qu’il soit ou non présomptif héritier. L’indemnité de réduction permet de réintégrer à la succession la valeur du patrimoine du défunt qui n’aurait jamais dû en sortir, afin de constituer la réserve du ou des héritiers réservataires.

D’ailleurs, cette indemnité de réduction est taxable et devra apparaître dans la déclaration de succession, à l’actif successoral.

§ II – Équité entre les héritiers : le rapport successoral

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Les donations ordinaires sont rapportables à la succession, qu’il y ait ou non atteinte à la réserve et réduction.

L’intérêt du rapport est de reconstituer entre les présomptifs héritiers – qui sont, rappelons-le, les seuls créanciers et débiteurs du rapport – la masse des biens (ou plutôt, la masse en valeur, depuis la réforme de 2006).

Le legs n’est pas rapportable, sauf convention contraire.

Depuis 1938, le rapport se fait en moins prenant.

Pour le rapport, on se place au jour du partage. Aussi, les valeurs sont celles des biens au jour du partage. Selon l’article 860 du Code civil, la valeur de l’indemnité de rapport se détermine en tenant compte de la valeur du bien donné à l’époque du partage d’après son état à l’époque de la donation.

La donation-partage, ayant déjà opéré un partage, n’est pas rapportable à la succession. L’indemnité de réduction, quant à elle, sera rapportable à la succession.

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Don manuel

Donation ordinaire

Donation-partage

Forme notariée obligatoire

Non

Oui

Oui

Réunion fictive

Oui

Oui

Oui

Pour quelle valeur ?

Valeur au jour du décès, selon état du bien au jour du don.

Valeur au jour du décès selon état du bien au jour de la donation.

Valeur au jour de la donation,

sauf s’il y a un usufruit sur une somme d’argent ou/et si tous les présomptifs héritiers n’ont pas été allotis (aucune condition d’égalité entre eux pour les lots) : valeur au jour du décès selon état du bien au jour de la donation.

Rapport

Oui

Oui

Non

Pour quelle valeur ?

Valeur au jour du partage, selon état du bien au jour du don.

Valeur au jour du partage, selon état du bien au jour de la donation.

Démembrement de propriété

Oui

Oui

Oui

Réversion d’usufruit

Non

Oui

Oui

Droit de retour conventionnel

Oui, dans un pacte adjoint.

Oui

Oui

Obligation de remploi

Oui, dans un pacte adjoint.

Oui

Oui

Convention de quasi-usufruit

Oui, dans un pacte adjoint.

Oui

Oui

Transgénérationnelle

Non

Non

Oui

Section II – La donation-partage dans « tous ses états »
Sous-section I – Présentation succincte et rappel des avantages de la donation-partage

30354 – La présentation de la donation-partage. – La donation-partage est l’une des deux libéralités-partages qui permettent à une personne de procéder de son vivant à la répartition de son patrimoine. Ce partage peut être reporté au jour du décès, il s’agit du testament-partage, ou du vivant de la personne, il s’agit de la donation-partage. Dans les deux cas, il s’agit d’un véritable partage qui s’imposera aux donataires/légataires, bien qu’il existe une différence entre les deux supports : l’un est un acte unilatéral (testament), alors que l’autre est conventionnel (donation), ce qui implique un échange avec les bénéficiaires.

L’alinéa 1 de l’article 1075 du Code civil dispose que : « Toute personne peut faire, entre ses présomptifs héritiers, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ».

La notion qui retient toute notre attention, au sein de l’article 1075 du Code civil, est celle du « présomptif héritier ». En effet, ce terme permet de marquer la rupture avec l’ancien partage d’ascendant qui ne concernait que des libéralités faites aux « enfants ». Désormais tous les parents, quel que soit leur ordre, ainsi que le conjoint peuvent se voir allotir dans une donation-partage, puisqu’ils peuvent tous avoir la qualité de présomptifs héritiers.

Une donation-partage peut être consentie au profit de ses père et mère et des frères et sœurs, ou encore des oncles et tantes, et des cousins. Mais également, entre les enfants et le conjoint.

30355 – Les avantages communs à toutes les donations-partages. – Les avantages de la donation-partage sont bien connus, notamment sur le plan liquidatif. Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de les analyser en détail, il sera simplement rappelé les règles suivantes :

les donations-partages ne sont pas rapportables dans la succession du donateur, et revêtent ainsi un caractère définitif (dont sont dépourvues les libéralités rapportables, telles que les donations simples/ordinaires) ;

les donations-partages réalisent un véritable allotissement, conséquence directe d’un partage accompli (alors que les donations simples n’aboutissent qu’à des quasi-allotissements qui sont en attente d’un partage à réaliser dans le cadre de la succession).

Ainsi, les biens attribués aux termes d’une donation-partage ne dépendent plus de la succession du donateur devenu de cujus dans la mesure où ils ne sont sujets à aucune restitution ;

enfin, pour la détermination de la quotité disponible, les biens donnés ne seront, sauf convention contraire, réunis fictivement que pour leur valeur au jour de la donation sous certaines conditions (C. civ., art. 1078), à savoir :

que tous les héritiers présomptifs aient participé à la donation,

qu’il n’ait pas été stipulé d’usufruit sur une somme d’argent.

Ainsi, toutes les plus ou moins-values des biens transmis sont définitivement acquises à son attributaire.

Cependant, les avantages de la donation-partage ne sont pas que liquidatifs. Cette libéralité a le mérite, sans que cette énumération soit exhaustive :

de réaliser un partage et de prévenir les difficultés d’une indivision successorale, et d’un partage successoral où les héritiers se disputeront les biens ;

de réintégrer des biens donnés antérieurement pour rééquilibrer les libéralités faites aux enfants à des époques différentes, ou parce que le patrimoine ne permet plus d’allotir tous les enfants lors d’une nouvelle donation, ou encore parce que l’on souhaite redistribuer les biens entre les enfants ;

de créer une masse des biens des père et mère, et ce même si l’un est déjà prédécédé, sans opérer de distinction de leur provenance, ce qui facilitera l’allotissement (équilibré) des lots.

Sous-section II – De quelques situations particulières
§ I – Une donation-partage à un héritier ayant perdu cette qualité
Une donation-partage à un héritier ayant perdu cette qualité

Les développements à suivre de nos travaux :

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– Une donation-partage à un tiers. – Ces héritiers des deuxième, troisième et quatrième ordre successoral que sont les père et mère, frère et sœur, oncle et tante ou neveu et nièce peuvent perdre leur qualité de présomptif héritier en cas de survenance d’un enfant du donateur après la donation.

Le conjoint, quant à lui, conservera sa qualité d’héritier même en présence d’un enfant (commun ou non). Il perdra cette qualité seulement par le prononcé du divorce, passé en force de chose jugée. Il perdra également cette qualité en cas d’exhérédation.

Que se passe-t-il lorsque le donataire copartagé n’a plus, au jour de l’ouverture de la succession, la qualité d’héritier ?

Le donataire qui a perdu la qualité d’héritier entre la donation et l’ouverture de la succession devient un tiers.

Autant il est peu fréquent d’envisager des donations-partages au profit de neveux et nièces en l’absence d’héritiers, autant il est assez fréquent d’envisager des donations-partages au profit de ses enfants et de son conjoint. La probabilité de survenance d’un divorce et donc de perdre la qualité de présomptif héritier est élevée. Cette situation peut se rencontrer plus souvent que nous ne le pensons, et le notaire doit l’anticiper dès la donation-partage.

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– Minute pratique. – M. Terre consent à ses neveu et nièce, en l’absence d’enfant, une donation-partage portant essentiellement sur des terres agricoles qu’il n’exploite plus. La terre agricole étant évaluée à peu près à 50 € l’are, il a pu transmettre quatre hectares, pour une valeur totale de 20 000,00 €302. Puis, à l’âge de cinquante ans, M. Terre se marie et a un, puis deux enfants.

À peu près au même moment, une partie des terres du village a subi une modification de classification au regard de l’urbanisme, et à peu près la moitié des terres transmises est désormais en zone AU. Le neveu de M. Terre a revendu la plupart de ces terrains à des jeunes du village pour y construire leur future maison. Le prix de revente au mètre carré est de 150 € (soit pour un are : 15 000 €).

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– La validité de la donation-partage à un tiers. – Les conditions de validité d’un acte s’apprécient au jour de sa formation. Aussi, dans une telle situation, la condition de fond (consistant en la qualité du donataire) sera bien remplie au jour de l’acte de donation-partage. La validité de la donation-partage ainsi consentie ne sera pas remise en cause.

Toutefois, la réforme de 2006 a permis une exception au principe de l’irrévocabilité spéciale des donations, puisque le donateur peut révoquer une donation en cas de survenance d’enfant après l’acte de donation si l’acte le prévoit (cette révocation n’est possible que si, au jour de l’acte, le donateur n’avait pas d’enfant vivant [ce qui est exactement le cas dans la situation exposée] et que l’acte le prévoit). Le donateur pourrait, lui-même, consentir une donation-partage à des présomptifs héritiers alors qu’il n’a pas de descendant en ligne directe, et révoquer celle-ci pour cause de survenance d’enfant par la suite.

Ainsi la donation-partage, tout en restant valable, pourra tout de même être révoquée à l’initiative du donateur pour survenance d’enfant.

Et pour le cas où l’acte n’aurait pas prévu une telle cause, il est également possible d’imaginer que le donateur puisse remettre en cause la libéralité sur le fondement de l’erreur ou de la disparition de la cause. Il a consenti une libéralité-partage au profit de personnes qu’il pensait être ses héritiers et qui s’avèrent ne plus l’être.

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– Les effets de la donation-partage consentie à un tiers. – Bien que restant valable, la donation-partage pourra-t-elle produire tous ses effets ? Deux solutions sont envisageables. Soit la donation-partage produira tous ses effets à l’ouverture de la succession, et ce même s’il s’avère qu’elle a été consentie à un héritier devenu un tiers. Soit la donation-partage dégénérera en donation ordinaire.

En matière de liquidation, la donation-partage comme la donation ordinaire sont réunies fictivement à la masse des biens existants, afin de vérifier une atteinte à la réserve. Toutefois, différence notoire, la première le sera pour sa valeur au jour de l’acte alors que la seconde le sera pour sa valeur au jour du décès.

Au décès de M. Terre, les biens existants sont évalués à 400 000,00 €.

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Comparatif donation-partage / donation simple

En présence de trois enfants, la quotité disponible est du 1/3 de la masse reconstituée.

La réserve globale est des 2/3. Et la réserve individuelle de chaque enfant est du 1/3.

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Effets de la donation-partage

Puis, la donation-partage ne sera pas rapportable à la succession, puisqu’elle réalise un partage anticipé des biens, alors que la donation ordinaire, elle, sera rapportable à la masse à partager.

Toutefois, si la donation-partage dégénère en donation ordinaire, le donataire devenu un tiers ne sera ni créancier ni débiteur du rapport (réservé au seul héritier). Aussi, le sort du donataire au regard du rapport sera identique dans l’une ou l’autre des solutions. Il faut donc bien avouer que l’enjeu réside essentiellement dans la question du maintien de la valeur du ou des biens donnés au jour de l’acte, et non à l’ouverture de la succession, pour la réunion fictive.

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Par analogie, la donation-partage consentie à un enfant renonçant restera une donation-partage et produira tous ses effets, alors que cet enfant renonçant n’aura pas, lui-même, la qualité d’héritier au jour de l’ouverture de la succession. Le même raisonnement peut être tenu pour l’enfant indigne qui sera privé de sa qualité d’hériter à l’ouverture de la succession, ou encore l’enfant prédécédé soumis à un droit de retour légal.

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De plus, ne faut-il pas voir dans la terminologie même du Code civil cette possibilité de perte de qualité ? L’emploi du terme « présomptif » héritier ne signifie-t-il pas que cette qualité est susceptible d’évoluer ? Le législateur aurait très bien pu faire, seulement, référence à l’« héritier », sans évoquer une présomption.

Aussi, la donation-partage consentie à celui qui est bien l’héritier présumé sera valable et devra produire, selon nous, les effets d’une donation-partage, même si le donataire copartagé est devenu un tiers.

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– L’imputation de la donation-partage consentie à un tiers. – La donation-partage, pour la détermination de l’atteinte à la réserve, s’imputera par principe sur la réserve héréditaire du donataire. Toutefois, la qualité de « présomptif héritier » n’induit pas celle d’héritier réservataire. Aussi, la donation consentie à un présomptif héritier non réservataire s’imputera sur la quotité disponible, alors que celle consentie à un présomptif héritier s’imputera sur la réserve des donataires copartagés réservataires.

En l’occurrence, la donation-partage consentie à une personne devenue un tiers s’imputera sur la quotité disponible.

§ II – Les donations-partages dans les familles recomposées

30356 – Définition. Statistiques. – L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qualifie les familles à partir des liens unissant les personnes qui partagent le même logement. Un même logement peut comprendre plusieurs familles. L’Insee s’intéresse aux familles avec au moins un enfant mineur : un couple et des enfants ou bien un adulte et des enfants. Parmi ces familles, on distingue :

les familles dites « traditionnelles » : un couple d’adultes avec des enfants, où tous les enfants du logement sont ceux du couple ;

les familles dites « monoparentales » : lorsqu’un parent vit avec ses enfants sans résider en couple, sans conjoint cohabitant ;

les familles dites « recomposées » : un couple d’adultes et au moins un enfant né d’une union précédente de l’un des conjoints. Les enfants qui vivent avec leurs parents et des demi-frères ou demi-sœurs font aussi partie d’une famille recomposée.

En 2020, 8 millions de familles hébergent au moins un enfant de moins de dix-huit ans. Parmi elles :

66 % des familles sont « traditionnelles » : soit 5,3 millions de familles ;

25 % sont « monoparentales » : soit 2,0 millions de familles ;

9 % sont « recomposées » : soit 717 000 familles. Entre 2011 et 2020, la part des familles recomposées reste stable.

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Répartition des familles en France en 2020
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Répartition des familles en France métropolitaine en 2011 et en 2020

30357 – Question. – Dans cette dernière configuration familiale, celle des familles recomposées, les époux devront trouver le juste équilibre entre, d’une part, la volonté d’assurer la protection du conjoint survivant (cet aspect a été traité en partie I) et, d’autre part, la sauvegarde des intérêts des enfants de lits différents. « Si les familles se décomposent, c’est parfois pour se recomposer en harmonie. (…) Le législateur n’a pas ignoré ces situations de concorde familiale, et y a adapté certains des outils mis à disposition des familles »303.

Dans quelle mesure le couple peut-il répartir, de son vivant, tout ou partie de ses biens à ses enfants, en ce compris ceux d’une précédente union ? En outre, les outils sont-ils complètement adaptés à toutes les configurations familiales : en présence de plusieurs enfants communs (A) ou d’un unique enfant commun (B), et ce peu importe qu’il y ait un ou plusieurs enfants non communs ?

A/ En présence de plusieurs enfants communs et d’un ou plusieurs enfants non communs

30358 – La donation-partage conjonctive. – « La donation-partage conjonctive est un acte aux termes duquel les donateurs confondent leurs biens respectifs en une masse unique pour les partager entre leurs présomptifs héritiers (ou, dans le cas d’une donation-partage transgénérationnelle, entre leurs enfants et/ou les descendants de ces derniers), censés être allotis par chacun des donateurs, sans égard pour l’origine des biens mis dans leur lot, en proportion de la contribution de chacun des donateurs dans la masse des biens partagés »304.

En pratique, il s’agit d’une donation-partage, consentie par deux parents, mariés ou non305, au profit des enfants issus de leur union (c’est-à-dire les enfants ayant vocation à venir aux deux successions), avec vocation de réunir, dans un même partage successoral anticipé, les biens des deux époux.

« Si la validité des donations-partages conjonctives est admise de longue date, elle était, il y a encore peu de temps, incertaine lorsque l’un au moins des gratifiés était un enfant non commun aux donateurs »306.

30359 – Historique. – Avant la loi no 2006-728 du 23 juin 2006, il n’existait aucun texte qui régissait les donations-partages dans les familles recomposées. La doctrine était divisée concernant la validité des donations-partages conjonctives portant sur des biens communs auxquelles participaient des enfants de plusieurs lits. La jurisprudence a annulé certains de ces actes307, obligeant la pratique notariale à mettre en place des stratégies308.

Depuis, l’article 1076-1 du Code civil consacre la possibilité de régulariser une donation-partage conjonctive (ou dite « partiellement conjonctive ») en présence d’enfants non communs.

30360

La donation-partage des familles recomposées au fil du temps

De l’arrêt du 14 octobre 1981 à la loi du 23 juin 2006.

– Avant l’arrêt en date du 14 octobre 1981. – Sous l’empire des dispositions du Code civil et de la donation-partage conjonctive (créée de la pratique notariale), la question s’est posée de savoir dans quelle mesure le couple peut répartir, de son vivant, tout ou partie de ses biens à ses enfants, en ce compris ceux d’une précédente union. Existe-t-il une seule opération qui permettrait de faciliter la distribution de l’ensemble des biens sans contraintes quant à leur origine ?

Les textes prévoyaient que la donation-partage impliquait la participation des seuls descendants pouvant se prévaloir de la qualité de présomptifs héritiers du disposant à la date de l’acte. Au demeurant, la donation-partage conjonctive permettait à des parents de distribuer ensemble leurs biens entre leurs enfants. La participation d’enfants de différents lits à cette opération de donation-partage conjonctive semblait impossible, puisque ceux-ci n’avaient pas, au jour de l’acte, la qualité de présomptifs héritiers de chacun des disposants309.

Après la loi du 3 juillet 1971, qui a doté la donation-partage d’une nouvelle réglementation, certains auteurs se sont risqués à défendre une position plus libérale. Parmi eux, le professeur Catala a affirmé qu’une donation-partage conjonctive pouvait bénéficier aux enfants communs et non communs si ces derniers n’étaient allotis que du chef de leur auteur (en proportion de leur vocation successorale à son égard) et ne recevaient aucun bien propre de l’autre époux310.

– Arrêt de la Cour de cassation en date du 14 octobre 1981. – Ce n’est pas la position qu’a pris la Cour de cassation dans un arrêt du 14 octobre 1981311. « À cette occasion, en effet, la Haute juridiction avait cassé une décision ayant écarté la demande en nullité d’une donation-partage conjonctive faite au profit des deux enfants issus du mariage des disposants et de deux autres enfants issus d’un précédent mariage du mari. Les juges du fond avaient été censurés pour avoir ainsi statué alors que l’épouse, n’étant pas l’ascendante des deux enfants de son mari, nés d’un précédent lit, ne pouvait les inclure parmi les bénéficiaires d’une donation-partage, fût-elle conjonctive, portant indistinctement sur les biens des deux époux. Pourtant, en l’espèce, l’épouse ne possédait aucun bien propre ; seuls des propres du mari et des biens communs avaient été répartis »312.

– Après l’arrêt en date du 14 octobre 1981. – Sans surprise, cette jurisprudence n’a pas mis fin aux divergences doctrinales.

Certains auteurs, dont le professeur Catala313 et le professeur M. Grimaldi314, ont continué de considérer que la donation-partage conjonctive en présence d’enfants de lits différents était possible à condition de respecter certaines conditions. Celles-ci concernaient l’allotissement d’un enfant commun ainsi qu’il suit :

l’enfant commun ne peut pas être alloti de biens propres du conjoint de son auteur, mais uniquement de biens propres de son auteur ;

si l’enfant commun est alloti de biens communs, ce peut être uniquement de la part de son auteur ; le consentement du conjoint de son auteur sera requis.

D’autres315 auteurs ont, quant à eux, estimé que cette jurisprudence marquait le coup d’arrêt de la pratique des donations-partages conjonctives en présence d’enfants de lits différents.

Face à ce débat doctrinal, la pratique consistant à établir trois actes (ou deux le cas échéant) s’est poursuivie :

une donation-partage conjonctive consentie par les deux époux contenant allotissement des seuls enfants communs ;

une donation-partage ordinaire contenant allotissement des enfants du mari seul (participation possible des enfants communs à cet acte) ;

une donation-partage ordinaire contenant allotissement des enfants de l’épouse seule (participation possible des enfants communs à cet acte).

– Loi no 2006-728 du 23 juin 2006. – Compte tenu de l’importance que prenaient les familles recomposées dans le panorama français, le législateur a introduit au sein du Code civil l’article 1076-1, entré en vigueur le 1er janvier 2007, aux termes duquel : « En cas de donation-partage faite conjointement par deux époux, l’enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs ».

Le régime de ce nouveau type de donation-partage conjonctive en présence de lits différents est empreint des recommandations susvisées formulées par le professeur Grimaldi.

30361 – Existence d’un instrumentum : la donation-partage « partiellement conjonctive ». – « En présence d’un enfant non commun, la donation-partage ne peut plus être totalement conjonctive, puisque ledit enfant n’a de droits que dans une seule ligne. Le montage, qui demeure possible à certaines conditions (consacré par le Code civil aux articles 1076-1 et 1077-2, il suppose que l’enfant non commun ne soit pas alloti par celui qui n’est pas son auteur [mais si les parents sont mariés sous un régime communautariste, l’enfant non commun pourra recevoir un lot provenant de la communauté – pour plus de détail sur cette question, V. infra, no 318]. Il suppose aussi, comme nous allons le voir un peu plus loin, l’existence d’au moins deux enfants issus des deux époux), sera donc partiellement conjonctif (entre les enfants communs), et partiellement ordinaire (entre tous les enfants d’un auteur déterminé) »316.

La donation-partage dite « partiellement conjonctive » est donc celle réalisée par deux parents au profit d’au moins deux enfants communs et d’au moins un enfant non commun. Elle suppose impérativement que deux enfants communs au moins soient allotis. La loi consacre la possibilité de procéder, aux termes d’un instrumentum unique, à des « donations-partages imbriquées, coordonnées néanmoins distinctes »317 :

une donation-partage conjonctive consentie par les deux époux contenant allotissement des enfants communs ;

une donation-partage ordinaire consentie par chacun des époux ou par l’un d’eux seulement contenant allotissement de leurs enfants non communs.

Nous renvoyons sur ce point à l’étude réalisée par la quatrième commission du 108e Congrès des notaires de France :

Rapport du 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 23 au 26 septembre 2012, La transmission, 4e commission, no 4212, p. 966 et 967.

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Selon les termes de l’article 1076-1 du Code civil, reprenant les conditions posées en doctrine avant la loi de 2006, la donation-partage partiellement conjonctive suppose la réunion de deux conditions de validité concernant l’allotissement de l’enfant non commun :

l’enfant non commun peut être alloti uniquement de biens propres de son auteur. En aucun cas il ne peut recevoir des biens propres de l’époux duquel il n’est pas issu ;

l’enfant non commun peut être alloti de biens communs uniquement de la part de son auteur. Le conjoint duquel l’enfant non commun n’est pas issu ne doit pas être à son égard codonateur des biens communs dont il est alloti. S’agissant d’un acte de disposition à titre gratuit, il doit néanmoins y consentir expressément sur le fondement de l’article 1422 du Code civil. Il convient donc d’être attentif à la rédaction de l’acte qui constituera un seul instrumentum, auquel participe chacun des époux, tant en qualité de donateur à l’égard des enfants communs qu’en qualité d’époux commun en biens pour consentir à la donation effectuée aux termes du même acte par son conjoint, à ses enfants non communs. Le patrimoine propre de son auteur devra alors une récompense à la communauté (C. civ., art. 1437) à raison de ces attributions.

Fiscalement, l’article 778 bis du Code général des impôts dispose que « la donation-partage consentie en application de l’article 1076-1 est soumise au tarif en ligne directe sur l’intégralité de la valeur du bien donné ». Ainsi, les droits de mutation à titre gratuit dus par l’enfant non commun participant à une telle donation-partage doivent être calculés sur la valeur totale des biens mis dans son lot (peu importe s’ils sont communs ou propres à son auteur). Seul le lien de parenté avec son auteur est pris en compte ; seul un abattement sera utilisé318.

Si cet outil est bien appréhendé pour certaines configurations familiales, l’acte, ou plutôt les actes à mettre en place lorsque les époux n’ont qu’un unique enfant commun méritent des développements.

B/ En présence d’un unique enfant commun et d’un ou plusieurs enfants non communs

30362 – Droit positif : absence d’instrumentum. – La doctrine est unanime : la donation-partage partiellement conjonctive ne peut pas être réalisée en présence d’un seul enfantcommun. Deux descendants communs sont nécessaires, en plus de l’enfant ou des enfants issu(s) d’un autre lit, pour que le partage soit conjonctif. En ce sens, il convient également de se référer à la réponse ministérielle no 12920319.

30363

Donation-partage dans une famille recomposée : plusieurs enfants communs

Réponse no 12920 de la garde des Sceaux, ministre de la Justice, à M. Henri Cuq (JOAN 11 mars 2008, p. 2136, no 12920).

– Question. – « M. Henri Cuq attire l’attention de Mme la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur l’interprétation de l’article 1076-1 du nouveau Code civil relatif aux donations-partages conjonctives en présence d’enfants de lits différents. Cet article prévoit qu’« en cas de donation-partage faite conjointement par deux époux, l’enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs ». Cet article vise à autoriser, sous certaines conditions, les époux ayant des enfants non communs à procéder avec eux à des donations-partages. S’il est certain que l’article 1076-1 dudit code a vocation à s’appliquer en présence d’enfants communs et non commun(s), la question se pose pour les couples n’ayant que des enfants issus d’une précédente union. Aussi, il lui demande si cet article s’applique également aux familles « recomposées » qui n’ont que des enfants non communs (donc sans enfant commun), et dans l’affirmative, s’il est indispensable que chaque parent ait au moins deux enfants non communs pour pouvoir consentir une donation-partage, ou bien s’il est également possible que l’un des parents (voire les deux) ait un enfant unique non commun. »

– Réponse. – « La garde des Sceaux, ministre de la Justice, fait connaître à l’honorable parlementaire que l’article 1076-1 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, consacre la validité de la donation-partage faite conjointement par deux époux, en présence d’un ou de plusieurs enfants non communs. Toutefois, la libéralité-partage conjonctive, laquelle porte indistinctement sur les biens des époux, nécessite que les époux aient au moins deux enfants communs. En effet, dans la mesure où l’enfant non commun ne peut être alloti que du seul chef de son auteur, la libéralité-partage consentie, qui est conjonctive à l’égard des enfants communs, est ordinaire à l’égard des enfants non communs. Par conséquent, l’article 1076-1 du Code civil précité ne peut recevoir application lorsque les époux n’ont pas d’enfants communs. »

30364 – Droit positif : multiplicité de donations-partages et donations simples. – Les enfants communs doivent donc être au moins deux afin que les attributions à eux consenties puissent être réalisées sans avoir égard à l’origine des biens, et que chacun d’eux soit néanmoins réputé alloti en biens de chacun des parents. Effectivement, la donation-partage conjonctive suppose que la libéralité soit une donation-partage à l’égard de chaque époux : elle ne peut être consentie par l’un ou l’autre des époux à un donataire unique. Elle implique « la réalisation d’un partage confondu entre des enfants ayant des droits dans les successions de leurs deux parents, elle se conçoit mal en présence d’un unique enfant commun, puisque lui seul est dans cette situation ». Deux présomptifs héritiers de chaque parent doivent au moins participer à la libéralité-partage.

Deux cas se présentent alors :

1) soit le couple a un enfant commun et seul l’un des époux a un ou plusieurs enfants non communs :

le parent qui a deux enfants peut faire une libéralité-partage ;

le parent qui n’a qu’un enfant commun ne peut pas faire de libéralité-partage ;

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Absence d’instrumentum : multiplicité de donation-partage et donation simple en présence d’un seul enfant commun et d’un ou plusieurs enfants non communs (du même auteur)

2) soit le couple a un enfant commun et les deux époux ont chacun un ou plusieurs enfants non communs : les deux parents peuvent faire chacun une libéralité-partage. Il s’agit de deux donations-partages ordinaires consenties chacune par l’un des époux à ses descendants.

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Absence d’instrumentum : multiplicité de donations-partages en présence d’un seul enfant commun et de plusieurs enfants non communs

Dans cette seconde hypothèse, « où chaque parent a un enfant d’un autre lit, on peut sans doute réaliser, dans un instrumentum unique, deux donations-partages ordinaires en « contemplation » l’une de l’autre (ce qui n’est pas interdit et peut être utile), mais pas de donation-partage conjonctive »320. Une question ministérielle a été posée dans ce cas précis321. Elle est toujours en attente de réponse du ministère de la Justice.

30365

>Donation-partage dans une famille recomposée : un seul enfant commun si chacun des époux a un enfant non commun

Question écrite no 17299 de M. Claude Malhuret (Allier – Les Indépendants) publiée in JO Sénat 16 juill. 2020, p. 3252.

– Question. – « M. Claude Malhuret attire l’attention de M. le Garde des sceaux, ministre de la justice sur la configuration nécessaire à la réalisation d’une donation-partage faite conjointement par deux époux dans une famille recomposée. Dans ce cas, l’enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs (C. civ., art. 1076-1). Il a été précisé que « la libéralité-partage conjonctive, laquelle porte indistinctement sur les biens des époux, nécessite que les époux aient au moins deux enfants communs » (Rép. min. Cuq : JOAN 13 mars 2008, p. 2136, no 12920). Il est possible de se demander néanmoins si la présence d’un enfant commun ne serait pas suffisante en la matière, sous réserve que chacun des époux ait un enfant non commun participant également à la donation-partage. »

§ III – Les donations-partages internationales

30366

Présentation du raisonnement de droit international privé

Le droit international privé répond à un syllogisme spécifique, qui peut se dérouler sous forme de quatre questions successives. Pour éviter les nombreux écueils du droit international privé, ce raisonnement doit être suivi strictement, et s’applique à toutes les situations de droit international privé.

1) La situation relève-t-elle du DIP ?

Il s’agit d’identifier les éléments d’extranéité de la situation, c’est-à-dire les éléments de fait ou de droit permettant de rattacher une situation à un système juridique, autre que le système juridique de référence, ce qui donne ainsi à la situation une dimension internationale.

2) À quelles catégories juridiques appartient la question de droit posée ?

À ce stade, il faut qualifier juridiquement la situation de fait. Il s’agit donc d’une opération intellectuelle par laquelle on opère le classement des faits dans des catégories juridiques existantes.

Le principe est que la qualification s’opère lege fori, c’est-à-dire par la loi du for, et ce depuis l’arrêt Caraslanis de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 1955. Si un notaire français est saisi d’une question de droit international privé, il qualifiera la situation au regard de la loi française.

En droit international privé, il existe quatre statuts auxquels est rattachée une loi applicable :

le statut personnel : rattachement à la loi nationale.

Ce statut comprend l’ensemble des règles sur la personne, soit le nom, la capacité, le mariage (mais pas le régime matrimonial), la filiation ;

le statut réel : rattachement à la loi du lieu de la chose (lex rei sitae).

Ce statut regroupe les questions sur les droits réels (acquisition des droits réels, modes d’acquisition propres au droit réel, contenu des droits réels) ;

le statut des faits juridiques : rattachement multiple.

Ce statut regroupe les faits juridiques générateurs d’obligations ; il concerne les difficultés liées à la mise en œuvre de la responsabilité, définition de la faute, notion d’imputabilité, caractère du préjudice réparable ;

le statut des actes juridiques : rattachement à la loi expressément ou implicitement choisie par les parties, dite « loi d’autonomie ».

Ce statut comprend toutes les questions de fond (et non de forme) liées au droit des obligations, les conditions de formation (consentement, cause, objet et leur sanction) et les effets du contrat (force obligatoire, exécution et sanction de l’inexécution, les modes d’extinction des obligations).

Et deux statuts autonomes :

le statut des régimes matrimoniaux. Triple régime de rattachement :

pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992 : droit interne français ; à défaut de contrat, la loi d’autonomie (volonté implicite des époux), notamment premier domicile matrimonial ou lieu de fixation du centre des intérêts pécuniaires,

pour les époux mariés à compter du 1er septembre 1992 : Convention de La Haye de 1978 (entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992 et signée par Luxembourg et les Pays-Bas) ; V. infra, no 30367, Tableau récapitulatif de la loi applicable aux régimes matrimoniaux,

pour les époux mariés à compter du 1er janvier 2019 : règlement européen no 2016/1103 du 24 juin 2016 (entré en vigueur en France le 1er janvier 2019) ; V. infra, no 30367, Tableau récapitulatif de la loi applicable aux régimes matrimoniaux.

Ce statut a vocation à régir l’établissement du régime et ses effets : liberté des conventions matrimoniales ; conditions de conclusion du contrat à l’exception de la capacité et de la forme ; fonctionnement du régime à savoir la composition du patrimoine (passif et actif), pouvoirs des époux, dissolution et liquidation du régime matrimonial. Enfin, elle régit l’immutabilité ou la mutabilité du régime ;

le statut des successions. Double régime de rattachement (dans le temps) :

pour les successions ouvertes avant le 17 août 2015 : scission entre immeuble (lex rei sitae) et meuble (loi du dernier domicile),

pour les successions ouvertes à compter du 17 août 2015 : règlement européen no 650/2012 du 4 juillet 2012 ; loi de la dernière résidence habituelle, ou professio juris.

Ce statut régit l’ordre des successibles, les qualités requises pour succéder, la date requise pour la succession, la transmission et l’administration de la succession, l’obligation et la contribution au passif, le partage…

En revanche, la capacité des copartageants et l’établissement du lien de parenté restent régis par la loi personnelle. Et les questions liées à l’indivision et la publicité restent soumises au statut réel.

3) Quid de la juridiction compétente ?

Si le juge est français est saisi, se déclarera-t-il compétent ?

La question est de savoir si l’autorité saisie est ou non compétente. Si elle est compétente, il faut voir quelle est la procédure.

L’autre question est de savoir quels sont les effets des décisions à l’étranger.

Tout d’abord, il faut vérifier qu’il n’y a aucune clause attributive de juridiction.

Il faut vérifier si une convention internationale a vocation à s’appliquer à la situation de fait.

4) Quid de la loi applicable ?

Il s’agit de déterminer la loi applicable par la juridiction compétente :

a) Mise en œuvre d’une méthode directe

C’est le cas où une situation internationale peut être réglée directement par l’application d’une règle de fond.

1) Loi de police

C’est une catégorie particulière de règles dites « d’application immédiate » qui ont pu être définies comme des règles dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays. (Francescakis).

Cette notion est définie par le règlement Rome I (entré en vigueur le 17 décembre 2009) : « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement ».

2) Règles d’application immédiate (autres que loi de police)

Il n’y a pas non plus de règles d’application immédiate de DIP.

b) Mise en œuvre d’une méthode indirecte

1) Question préliminaire : Les droits sont-ils disponibles ou indisponibles ?

Au regard de l’arrêt Mutuelle du Mans (26 mai 1999), quand les parties n’invoquent pas la loi étrangère :

si les droits sont indisponibles = obligation d’appliquer d’office la règle de conflit de lois ;

si les droits sont disponibles = faculté d’appliquer la règle de conflit de lois sous réserve de deux conditions :

un respect du contradictoire,

un accord procédural (Cass. 1re civ., 6 mai 1997, Hannover International et a.).

2) Mise en œuvre de la règle de conflit

L’article 55 de Constitution et la jurisprudence dite Jacques Vabre du 24 mai 1975322 posent le principe de la primauté des conventions sur le droit interne :

Vérification de l’existence de conventions internationales ou bilatérales entre les pays dont il est question :

conventions internationales ;

conventions bilatérales.

En présence de conventions, le juriste vérifie leur applicabilité à la situation.

Si la convention est applicable, le juriste devra mettre en œuvre la loi de l’État désignée par la convention.

À défaut de conventions internationales ou bilatérales applicables auxquelles les États pourraient être parties, application des règles de conflit de lois d’origine interne (autrement dit, il appliquera le droit international privé interne).

Les règles de conflits de lois internes permettent de désigner la loi compétente (qui peut être la loi nationale du juriste ou une loi étrangère. Dans ce dernier cas, on parle de « renvoi » à la loi étrangère. Le juriste devra vérifier si cette loi étrangère se reconnaît compétente et si elle admet le renvoi).

Il existe des « correctifs » à la règle de conflit de lois, que le juriste se doit de vérifier avant d’appliquer la loi désignée. Ces correctifs permettent exceptionnellement d’écarter la loi normalement applicable désignée par la règle de conflit de lois. Il s’agit de la notion d’ordre public international et de la notion de fraude à la loi.

30367

Tableau récapitulatif de la loi applicable aux régimes matrimoniaux
Époux mariés avant le 1er septembre 1992

Époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019

Époux mariés après le 29 janvier 2019

Fondement textuel

Droit interne français.

 

C. civ., art. 3,

+ jurisprudence no 83 bis sous l’article 3.

Convention de La Haye du 14 mars 1972.

 

Convention signée par le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.

 

Entrée en vigueur en France : 1er sept. 1992.

 

Caractère universel.

Règlement européen du 24 juin 2016.

 

Applicable dans 18 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovénie, Suède.

 

Entré en vigueur : 29 janv. 2019.

 

Caractère universel.

Loi applicable :

Critère subjectif

Contrat de mariage

Article 3 :

Choix encadré : les futurs époux peuvent choisir :

• loi nationale de l’un d’eux, ou

• loi de la résidence habituelle de l’un d’eux, ou

• loi du premier pays où les époux auront leur résidence habituelle après mariage.

Article 22 :

Choix encadré. Les futurs époux peuvent choisir :

• loi de la résidence habituelle, ou

• loi nationale.

Critère objectif

Autonomie de la volonté, c’est-à-dire la volonté présumée des époux + Cass. 1re civ., 28 mars 2012 (nos 11.12.940 et 11.12.995) : À défaut de contrat, la loi applicable au RM des époux mariés sans contrat avant l’entrée en vigueur de la convention de La Haye est celle du premier domicile matrimonial.

Autre critère pouvant être retenu : loi du lieu de fixation du centre des intérêts pécuniaires.

Article 4 :

À défaut de choix :

1) première résidence habituelle commune après mariage ;

 

2) à défaut, loi nationale commune ;

 

3) à défaut, pays avec lequel les époux ont les liens les plus étroits.

Article 26 :

À défaut de choix :

1) première résidence habituelle commune après mariage ;

 

2) à défaut, loi nationale commune ;

 

3) à défaut, pays avec lequel les époux ont les liens les plus étroits.

Mutabilité volontaire de la loi applicable

Oui

Si le changement de loi est intervenu avant le 1er septembre 1992 :

règles de droit international privé français.

 

Si le changement de loi est intervenu après le 1er septembre 1992 :

application de la convention de La Haye de 1978 (V. infra).

 

Si le changement de loi est intervenu après le 29 janvier 2019 :

application du règlement européen.

Oui

L’article 6 limite tout de même les choix de lois car les époux ne peuvent désigner que l’une des lois suivantes :

• la loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;

• la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ;

 en outre, s’agissant des biens immobiliers, la loi du lieu de leur situation.

 

Si le changement de loi est intervenu après le 29 janvier 2019 :

application du règlement européen.

Oui

Tous les époux peuvent bénéficier de cette faculté de mutabilité volontaire, même ceux mariés avec ou sans contrat, et mariés avant 1992, ou entre 1992 et 2019, et après 2019.

Comme sous l’empire de la convention, le choix est limité. Les époux peuvent choisir :

• la loi de la résidence habituelle de l’un des époux ;

• la loi de la nationalité de l’un des époux.

Mutabilité automatique de la loi applicable

Non

Oui

À défaut de choix exprimé initialement pour une loi applicable (lors du mariage), c’est-à-dire en présence d’une loi applicable déterminée par le critère objectif ci-dessus, l’article 7 de la convention prévoyait trois situations où la loi applicable pouvait changer automatiquement. La loi de la résidence habituelle se substitue à celle qui était précédemment applicable quand :

 

1) le plus connu : la loi de leur résidence habituelle devient applicable lorsqu’après le mariage cette résidence habituelle a duré plus de dix ans ;

 

2) la loi de leur résidence habituelle devient applicable dès que les époux ont une résidence commune et qu’ils possèdent tous deux la nationalité de cet État ;

Non

Mutabilité automatique de la loi applicable(suite)

3) la loi de leur résidence habituelle devient applicable quand les époux fixent pour la première fois depuis le mariage, une résidence habituelle commune dans le même État, alors qu’auparavant ils étaient soumis à une autre loi en raison de l’absence de résidence commune.

Ce dernier est finalement plus fréquent qu’on ne le pense, car il arrive très régulièrement qu’après le mariage, les époux n’aient pas de résidence commune, le temps que l’un des membres du couple puisse « légalement » rejoindre son époux dans un autre État.

S’il existe un domaine où l’ingénierie notariale prend tout son sens, c’est celui de la donation-partage internationale.

30368 – Les enjeux de la donation-partage internationale. – La donation-partage dans un contexte international est un bel outil de transmission patrimoniale, notamment quand le patrimoine à transmettre et partager se situe dans plusieurs pays.

D’une part, la possibilité d’intégrer des patrimoines immobiliers ou mobiliers se trouvant à l’étranger peut apporter une réponse à la problématique des donations-partages indivises, quand le patrimoine français est insuffisant pour allotir chaque enfant de droits divis.

D’autre part, l’évolution de la société, la libre circulation des personnes et des biens en Europe, la monnaie unique, ainsi que les facilités de déplacement dans le monde entier ont facilité les investissements extra-frontaliers.

Sur 15 % des ménages possédant un bien autre que leur résidence principale (résidence secondaire ou d’investissement), 7 % ont désormais un bien immobilier à l’étranger323, et ce phénomène tend à s’accentuer.

Dans le même temps, les investissements immobiliers privés réalisés en France par des non-résidents restent nombreux. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, « un détenteur de résidence secondaire sur cinq réside fiscalement à l’étranger »324.

Ces propriétaires étrangers peuvent être amenés à consulter un notaire pour anticiper la transmission des biens se trouvant en France. Bien que le notaire ait une compétence territoriale nationale, rien ne lui interdit de recevoir en son office un acte réalisé par des résidents étrangers, et portant sur des biens français et étrangers, ou se trouvant même exclusivement dans des pays étrangers. Notre compétence territoriale vise le lieu d’exercice et de réception des actes, et non l’objet (ou leur lieu de situation).

La donation-partage étant, sans doute, l’outil d’anticipation et de transmission successorale ayant le plus de succès dans notre pays, il serait dommage, face à une internationalisation du patrimoine et des richesses, de se priver de cet outil.

Or, force est de constater que cet outil n’a pas su trouver d’application en droit international privé.

30369 – Les raisons d’un désintérêt pour la donation-partage internationale. – Dans un contexte transfrontalier, la donation-partage a longtemps été ignorée car le droit international ne permettait pas d’en assurer l’efficacité :

la première difficulté concernait la détermination de sa loi de rattachement. En droit international privé, il existe quatre statuts que sont le statut personnel, le statut réel, les faits et actes juridiques et, deux statuts autonomes que sont les régimes matrimoniaux et les successions. Chaque opération doit être qualifiée et intégrer l’un de ces statuts.

Nous comprenons aisément qu’avec sa nature hybride, la donation-partage pourrait, en tant que libéralité, être rattachée à la catégorie des actes juridiques (comme c’est le cas pour une donation simple), et, en tant que partage anticipé de la succession, être rattachée au statut autonome des successions.

Il est désormais admis que la donation-partage, le partage d’ascendant, et de manière plus générale les pactes successoraux sont rattachés au statut des successions (qui a vocation à régir l’ordre des successibles, les qualités requises pour succéder, la date requise pour la succession, la transmission et l’administration de la succession, l’obligation et la contribution au passif, la réserve héréditaire, le partage…) ;

la seconde difficulté consistait en ce que, durant de nombreuses décennies, le droit international privé français prévoyait, en matière de succession, un morcellement de la succession en soumettant les biens meubles à la loi du dernier domicile, et les biens immobiliers à la loi de leur lieu de situation (lex rei sitae). Cette dernière pouvant renvoyer à une autre loi, et notamment celle du dernier domicile du défunt, et ainsi soumettre la succession à une loi unique.

À titre d’exemple, une succession ouverte en France, dont le défunt de nationalité française, décédé à Paris, était propriétaire d’une maison en Italie, d’un appartement en France et de comptes bancaires dans ces deux pays.

Les règles de droit international privé conduisaient à appliquer la loi française, en tant que loi du dernier domicile du défunt, aux comptes bancaires français et italiens, et la loi française, en tant que loi de situation de l’immeuble, à l’appartement français ; pour la maison en Italie, la loi italienne s’appliquait.

La règle de conflit de lois italienne prévoyait que la loi compétente en matière successorale était la loi nationale du défunt (même pour les immeubles), donc la loi française. Ce renvoi permettait d’avoir une loi unique applicable à la succession.

Variante 1 : Mais dans la même situation, si le défunt avait eu, en outre, un studio au Grand-Duché de Luxembourg, la succession aurait vu deux lois différentes s’appliquer : la loi française aux comptes bancaires (français et italien), à l’appartement français, à la maison en Italie (par application de la règle de conflit de lois italienne et du renvoi à la loi française), et la loi luxembourgeoise au studio. La règle de rattachement du Grand-Duché était la même que celle du droit international privé français (lex rei sitae pour les immeubles, et loi du dernier domicile pour les meubles), la loi luxembourgeoise trouvait donc à s’appliquer au seul bien sis au Grand-Duché.

Aussi, une donation-partage que le défunt aurait pu consentir à ses trois enfants aurait pu être exécutée et produire ses effets, à l’ouverture de la succession. La loi française et la loi luxembourgeoise auraient fait produire à cette donation-partage tous ses effets, puisque les législations de ces deux États reconnaissent la validité d’un tel acte.

Variante 2 : En revanche dans la même situation, si le défunt, résident français, avait été de nationalité italienne, la loi italienne se serait appliquée à la succession pour la maison italienne (loi nationale qui s’applique – la loi italienne aurait accepté le renvoi opéré par la loi française, lex rei sitae). La succession aurait connu l’application de trois lois.

Et dans ce cas, une donation-partage que le défunt aurait pu consentir à ses trois enfants aurait connu une exécution partielle, à l’ouverture de la succession. Car bien que reconnue par la loi française et la loi luxembourgeoise, la loi italienne quant à elle prohibe les pactes sur succession future et ne reconnaît pas la validité d’une telle donation-partage.

Il faut également rappeler que les règles impératives de la réserve héréditaire relèvent de la loi successorale. En présence d’un régime scissionniste, la réserve se calculait par masses soumises à des lois différentes. En d’autres termes, la réserve et la quotité disponible se calculaient sur chaque masse de biens par loi applicable. Il s’agit d’une jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans l’arrêt Pearsh et Tayer du 4 décembre 1990.

Ainsi, à l’ouverture de la succession, il y avait lieu de considérer qu’il existait trois masses distinctes : française, italienne et luxembourgeoise. Les donataires des biens italiens et luxembourgeois pouvaient demander leur part de réserve dans la masse des biens français au titre de leur réserve, sans avoir à tenir compte de ce qu’ils avaient pu recevoir dans les autres masses. À l’inverse le donataire des biens français pouvait réclamer, dans les masses des autres lois applicables, la part lui revenant sans tenir compte de ce qu’il avait reçu en France.

Variante 3 : Et si, parmi les lois successorales applicables, certaines ne connaissent pas la notion de réserve héréditaire, comme en Grande-Bretagne, l’héritier bénéficiaire du bien immobilier à Londres, par exemple, pouvait venir demander sa part de réserve sur les autres masses soumises à des lois connaissant de la réserve, alors que les autres héritiers ne pouvaient pas en faire de même sur la masse de biens soumise à la loi de la Grande-Bretagne.

Aussi, le résultat était bien éloigné du vœu d’égalité exprimé par le donateur de son vivant.

30370 – Le double apport du règlement européen pour les donations-partages. Le règlement européen no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 met, tout d’abord, fin au morcellement des successions en édictant une règle d’unité de la loi successorale. Ainsi, la succession ne sera plus soumise à plusieurs lois différentes, mais à une seule loi, celle de la dernière résidence habituelle du défunt, sauf si la succession entretient des liens manifestement plus étroits avec une autre loi (Règl., art. 21, § 1).

En outre, le règlement a mis en avant l’autonomie de la volonté. Il ne s’agit pas d’une véritable professio juris, comme on aime à le croire, mais d’une optio juris. En effet, le choix laissé à la personne est assez restreint puisqu’elle ne peut opter que pour sa loi nationale au jour de l’option ou sa loi nationale au jour de son décès (Règl., art. 22, § 1, al. 1). Auquel cas, la succession ou la disposition à cause de mort sera soumise à la seule loi nationale du défunt/disposant.

Ainsi, le règlement apporte une solution à la première difficulté évoquée ci-avant, le morcellement de la succession et l’inégalité pouvant naître d’un traitement différencié de la donation-partage par les différentes lois applicables à la succession.

En outre, le deuxième apport de ce règlement est d’édicter le principe de validité des pactes sur succession future, harmonisant au niveau européen la reconnaissance de ce type d’actes, dont les donations-partages font partie. Aussi, l’ensemble des États de l’Union européenne, parties au règlement européen, devront reconnaître la validité du pacte et lui faire produire les effets qui lui sont attachés.

Le règlement européen joue donc un rôle primordial pour la validité de la donation-partage tant lors de sa conclusion que lors de son dénouement à l’ouverture de la succession.

30371 – Présentation du règlement européen. – Le règlement européen no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, applicable à toutes les successions ouvertes à compter du 17 août 2015, apporte une solution non négligeable à l’efficacité des donations-partages réalisées dans un contexte international.

Préalablement à l’application de tout règlement ou convention à une situation, il faut vérifier les critères d’application qu’il contient : matériel, spatial et temporel. C’est une subdivision à rajouter au raisonnement en quatre questions, présenté ci-dessus.

Tous les pays de l’Union européenne sont partie audit règlement, à l’exception du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni (jusqu’au 31 janvier 2020, – Brexit) – critère spatial.

Ainsi, toute succession ouverte à compter du 17 août 2015, dans l’un des États partie au règlement européen sera soumise audit règlement – critère temporel.

Le règlement ne s’applique qu’aux successions à cause de mort, entendues comme « toute forme de transfert de biens, de droits et d’obligations à cause de mort, qu’il s’agisse d’un acte volontaire de transfert en vertu d’une disposition à cause de mort ou d’un transfert dans le cadre d’une succession ab intestat ». Il ne s’applique donc qu’aux successions dites ab intestat, aux successions testamentaires et aux pactes successoraux (c’est-à-dire notamment, les actes contenant des stipulations à cause de mort : donation entre époux de biens à venir, donation résiduelle/graduelle, donation-partage, pacte germanique…). En revanche, il ne s’applique ni aux donations ordinaires, ni aux matières fiscales ou douanières – critère matériel.

En outre, ce règlement a un caractère universel, ce qui signifie qu’il trouvera à s’appliquer à l’intégralité des biens de la succession, et ce même s’ils se situent dans des pays non parties audit règlement, à toutes les personnes intéressées par la succession, qu’elles résident dans un pays partie au règlement ou non, ou qu’elles aient la nationalité ou non de l’un de ces pays.

30372 – Conseiller, désormais, les donations-partages internationales, quelle méthodologie ? – Dans ce contexte international, et parce que la donation-partage relève de la loi successorale, le notaire devra toujours s’interroger :

tant sur la loi applicable à la validité de la donation-partage ;

que sur la ou les lois susceptibles de s’appliquer à la succession du donateur, quand elle sera ouverte.

C’est un travail d’anticipation et de conseil que le notaire devra effectuer.

En effet, pour que la donation-partage produise tous ses effets, elle devra être reconnue tant par la loi applicable à la donation-partage que par la loi applicable à la succession.

Les sujets de questionnement sont donc nombreux, et proviennent de la nature même de la donation-partage, acte hybride qui produit des effets immédiatement, mais également à l’ouverture de la succession :

1. Mon acte de donation-partage sera-t-il valable à l’étranger ?

2. Mon acte de donation-partage sera-t-il reconnu et exécutoire à l’étranger ?

3. Mon acte de donation-partage pourra-t-il être publié, inscrit ou transcrit sur les registres fonciers étrangers ?

4. Mon acte de donation-partage produira-t-il les effets escomptés à l’ouverture de la succession ?

On prend ici toute la mesure de l’ingénierie notariale : le notaire devra, parmi toutes les hypothèses possibles, pouvoir aider ses clients à choisir celle qui est la plus adaptée pour eux (par application d’une convention internationale, d’un règlement ou de droit privé interne et donc de droit comparé), en n’omettant pas l’aspect fiscal. Si la meilleure solution ne se trouve pas dans ces textes, le notaire pourra en proposer d’autres à ses clients.

Le notaire devra interroger son client, propriétaire de biens dans plusieurs pays, sur ses projets et le pays dans lequel il est susceptible d’avoir sa résidence au jour de son décès (soit parce qu’il a prévu de passer sa retraite dans sa résidence secondaire au Portugal, soit parce que résidant au Brésil, il entend en cas de maladie ou en fin de vie, revenir en France…).

Il faut également garder à l’esprit que l’aléa du décès peut priver d’effet les projets de vie du client, et il est dès lors fortement conseillé de s’assurer de l’efficacité de l’opération au regard des autres lois susceptibles de s’appliquer (que le notaire aura pu identifier au jour de la donation).

Avant de conseiller une donation-partage internationale, le notaire va devoir se poser les questions suivantes :

1. Mon acte de donation-partage sera-t-il valable à l’étranger ? Pour y répondre, cela suppose que la donation-partage soit soumise à la loi de l’un des États de l’Union européenne admettant, en droit interne, ce type d’acte (A).

2. Mon acte de donation-partage sera-t-il reconnu et exécutoire en Europe (B) ?

3. Mon acte de donation-partage pourra-t-il être publié, inscrit ou transcrit sur les registres fonciers étrangers (C) ?

4. Mon acte de donation produira-t-il les effets escomptés à l’ouverture de la succession : détermination de la loi applicable à la succession (D) ?

A/ Mon acte de donation-partage sera-t-il valable à l’étranger : détermination de la loi applicable à l’acte de donation-partage ?

30373 – La donation-partage est un pacte successoral. L’article 3, alinéa 1, b du règlement européen donne la définition des pactes successoraux en ces termes : « un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels, qui confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d’une ou de plusieurs personnes parties au pacte ».

Les pactes successoraux, au sens du règlement, comprennent les actes passés du vivant du défunt, et qui ont vocation à modifier la succession dite ab intestat.

En ce qu’elle participe d’un partage anticipé, la donation-partage est assimilée à un pacte successoral. Par cette définition, le règlement reconnaît les pactes successoraux, et ainsi la donation-partage à la française, au même titre que les pactes successoraux germaniques.

Il s’agissait d’un sujet sensible car de nombreux pays, à l’instar de la France, connaissent du principe de prohibition des pactes sur succession future. Certains systèmes permettent quelques exceptions, comme en France, mais d’autres pays prohibent fermement ces actes, comme l’Italie. À l’inverse, certains pays européens admettent la validité de ces pactes (et ne connaissent pas d’une telle prohibition), comme l’Allemagne. Le règlement a tranché entre ces différentes positions et a retenu le principe de la validité des pactes successoraux, sous certaines réserves expressément envisagées.

Ce qui signifie que les pays dont les législations internes prohibent de tels pactes devront désormais ouvrir leur législation à ces pactes successoraux soumis à une loi d’un autre État membre qui les connaît, ne serait-ce que pour permettre l’exécution d’un acte reconnu exécutoire dans un autre État membre, et lui faire produire tous ses effets.

Tout l’enjeu sera donc d’identifier la loi susceptible de s’appliquer à la situation, et qui admet la validité d’un tel acte.

30374 – La détermination de la loi applicable à la formation des pactes successoraux et le choix utile de professio juris. Le règlement fixe aux articles 25 (critère de détermination de la loi applicable) et 27 (condition de forme), les règles de détermination de la loi applicable aux pactes successoraux. L’article 25 détermine la loi qui a vocation à régir la recevabilité du pacte successoral, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution.

Étape 1 : À ce stade, il suffit de déterminer la loi applicable à l’acte, en vertu du règlement : il s’agit de la loi de la dernière résidence habituelle du disposant, au jour de l’acte.

Si cette loi est celle d’un État de l’Union européenne partie au règlement, la donation-partage en tant que pacte successoral sera, par principe, valable dans tous les États membres. Il est tout de même préférable de s’assurer que la loi interne du pays admette la validité des pactes successoraux, et éventuellement de la donation-partage. Les démarches seront plus simples dans ces pays-là que dans ceux qui, en droit interne, ne connaissent pas de ce type d’acte.

Si cette loi est celle d’un État de l’Union européenne non membre du règlement, il faudra rechercher la teneur de la loi pour s’assurer de la validité de la donation-partage. Il conviendra, dès lors, de se rapprocher de la Fondation Irène325, le site des successions en Europe du CNUE326, d’une ambassade / d’un consulat, ou éventuellement d’un juriste de ce pays pour connaître la règle interne en matière de pacte successoral et de donation-partage.

Si cette loi est celle d’un État tiers, il faudra rechercher la teneur de la loi étrangère pour s’assurer de la validité de la donation-partage. Il conviendra, dès lors, de se rapprocher d’une ambassade / d’un consulat, ou éventuellement d’un juriste de ce pays pour connaître la règle interne en matière de pacte successoral et de donation-partage.

Désormais, la loi normalement applicable à la conclusion de la donation-partage est déterminée (celle de la dernière résidence habituelle). Toutefois, même si celle-ci admet la validité de la donation-partage, il faudra quand même effectuer le contrôle de la loi nationale qui pourrait trouver à s’appliquer, en cas d’option du client.

Étape 2 : Le choix de la loi nationale présente un important avantage de stabilité et limite le risque de modification inopinée de la loi applicable. Aussi, il faudra toujours vérifier la teneur de la loi qui serait applicable à la donation-partage, si le disposant optait pour sa loi nationale.

Si cette loi nationale est celle d’un État membre partie au règlement, la donation-partage en tant que pacte successoral sera, par principe, valable dans tous les États membres.

En outre, si cette loi est celle de la France, de la Belgique ou du Luxembourg, il faudra obligatoirement retenir cette option, car ces pays sont les seuls en Europe à connaître en droit interne de la donation-partage. De cette manière, le risque de voir s’appliquer une autre loi à l’ouverture de la succession est écarté (une résidence habituelle dans un pays étranger, non prévisible au jour de l’acte).

Si cette loi est celle d’un État de l’Union européenne non partie au règlement, il faudra rechercher la teneur de la loi pour s’assurer de la validité de la donation-partage. Il conviendra, dès lors, de se rapprocher de la fondation Irène, d’une ambassade / d’un consulat, et éventuellement d’un juriste de ce pays pour connaître la règle interne en matière de pacte successoral et de donation-partage.

Si cette loi est celle d’un État tiers, il faudra rechercher la teneur de la loi étrangère pour s’assurer de la validité de la donation-partage. Il conviendra, dès lors, de se rapprocher d’une ambassade / d’un consulat, ou éventuellement d’un juriste de ce pays pour connaître la règle interne en matière de pacte successoral et de donation-partage.

Il faut garder à l’esprit que même si la loi de la résidence habituelle au jour de l’acte reconnaît la validité de la donation-partage, si la loi nationale du disposant la reconnaît également, il faudra prévoir une déclaration d’option de loi successorale en faveur de la loi nationale. En effet, cette option renforcera la validité de la donation au jour de l’ouverture puis de la liquidation de la succession.

Un exemple sera plus parlant :

Un client de nationalité française et résident français consulte son notaire pour effectuer une donation-partage à ses deux enfants d’un appartement à Nantes et d’un appartement à Bruxelles. Le client indique à son notaire ne jamais avoir choisi la loi applicable à sa succession. Au jour de la donation-partage, la loi applicable, déterminée par le règlement et en l’absence de choix, est celle de la « future » dernière résidence habituelle du disposant, donc la loi française. Aucune difficulté pour recevoir une telle donation-partage.

À l’ouverture de sa succession :

si le client est toujours résident français : la loi applicable, déterminée par le règlement, est celle de la dernière résidence habituelle du disposant, donc la loi française. Aucune difficulté pour que la donation-partage produise ses effets successoraux ;

si le client n’est plus résident français mais devient résident danois, ou même brésilien : le juriste danois (État membre non partie au règlement) ou brésilien (État tiers) saisi de la succession appliquera sa règle de conflit de lois pour déterminer la loi applicable à la succession. Pour ces deux pays, la règle de conflit désigne la loi de la dernière résidence habituelle, c’est-à-dire la loi danoise ou brésilienne. Ces pays ne connaissant pas dans leur droit interne un tel acte de donation-partage, celle-ci ne produira pas les effets successoraux escomptés.

Variante : Si le client n’est plus résident français mais résident italien. Le juriste italien saisi de la succession appliquera le règlement. À défaut d’option successorale pour sa loi nationale, c’est la loi de sa dernière résidence habituelle, c’est-à-dire la loi italienne qui s’appliquera. Ce pays ne connaît pas dans son droit interne d’un tel acte (donation-partage) et prohibe même fermement les pactes successoraux. Il est donc peu probable que la donation-partage puisse produire les effets escomptés, et ce même si le règlement impose à ses États membres d’en reconnaître les effets.

Or, si le client avait au jour de la donation-partage, avant ou même après celle-ci, effectué un choix pour sa loi nationale, la succession aurait été soumise à la loi française et la donation-partage aurait pu produire tous ses effets, du moins dans les pays qui connaissent l’institution.

Les différentes solutions sont reprises dans le tableau ci-après :

Tableau no 1 – Détermination de la loi applicable à l’acte contenant donation-partage réalisé après 17 août 2015

B/ Mon acte de donation-partage sera-t-il reconnu et exécutoire en Europe ?

30375 En propos liminaires, un point terminologique s’impose. Dans le langage courant, il est fait référence à la « reconnaissance » d’un acte à l’étranger.

Le règlement européen qui, comme d’autres règlements, employait cette expression dans ses premières versions, a finalement retenu le terme « acceptation » dans sa version définitive.

Les articles 59 et 60 du règlement organisent l’acceptation (force probante des éléments contenus dans l’acte) et la force exécutoire de l’acte authentique à l’étranger.

Les actes authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État membre que dans l’État membre d’origine ou y produisent les effets les plus comparables.

Toute personne qui souhaite utiliser un acte authentique dans un autre État membre peut demander à l’autorité établissant l’acte authentique dans l’État membre d’origine de remplir le formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, § 2, en décrivant la force probante de l’acte authentique dans l’État membre d’origine.

Toute personne intéressée par l’acte de donation-partage pourra donc demander une attestation, dans le pays d’origine de l’acte, confirmant que l’acte a force exécutoire dans celui-ci. Cette attestation sera établie en France sur la base du modèle joint au règlement, par le président de la Chambre des notaires.

Pour les actes reçus par les notaires d’Alsace-Moselle, dépourvus de la force exécutoire, cela suppose que la formule exécutoire soit systématiquement intégrée à l’acte.

30376

Attestation de force exécutoire

Les développements à suivre de nos travaux :

L’attestation de force exécutoire d’un acte pour qu’il produise des effets dans un autre État membre doit prendre la forme du modèle joint au règlement.

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Puis dans le pays membre, dans lequel l’acte devra produire des effets, il faudra demander une déclaration constatant l’exécution. Pour ce faire, le requérant devra remettre une copie authentique de l’acte et le certificat susvisé établi dans le pays d’origine. Lors de cette démarche, cet État ne doit pas procéder à un contrôle de l’acte dont l’exécution est demandée. En effet, le premier alinéa de l’article 60 pose un principe d’équivalence : un acte authentique qui est exécutoire dans l’État membre d’origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre. Cette automaticité prive d’effet tout contrôle au fond qui pourrait être fait par l’État dans lequel l’exécution est demandée.

30377

Rappel des articles 45 à 48 du règlement no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012

Les développements à suivre de nos travaux :

Quelques articles du règlement à relire avant de commencer la procédure de déclaration de force exécutoire.

Article 45 – Compétence territoriale

1. La demande de déclaration constatant la force exécutoire est portée devant la juridiction ou à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution dont cet État membre a communiqué le nom à la Commission conformément à l’article 78.

2. La compétence territoriale est déterminée par le domicile de la partie contre laquelle l’exécution est demandée, ou par le lieu de l’exécution.

Article 46 – Procédure

1. La procédure de dépôt de la demande est régie par la loi de l’État membre d’exécution.

2. Le demandeur n’est pas tenu d’avoir, dans l’État membre d’exécution, une adresse postale ni un représentant autorisé.

3. La demande est accompagnée des documents suivants :

a) une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ;

b) l’attestation délivrée par la juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine sous la forme du formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2, sans préjudice de l’article 47.

Article 47 – Défaut de production de l’attestation

1. À défaut de production de l’attestation visée à l’article 46, paragraphe 3, point b), la juridiction ou l’autorité compétente peut impartir un délai pour la produire ou accepter un document équivalent ou, si elle s’estime suffisamment éclairée, en dispenser.

2. Il est produit une traduction des documents si la juridiction ou l’autorité compétente l’exige. La traduction est faite par une personne habilitée à effectuer des traductions dans l’un des États membres.

Article 48 – Déclaration constatant la force exécutoire

La décision est déclarée exécutoire dès l’achèvement des formalités de l’article 46, sans examen au titre de l’article 40. La partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut, à ce stade de la procédure, présenter d’observations concernant la demande.

La donation-partage reçue en France après le 2 août 2017 (date d’entrée en vigueur du règlement) sera probante et exécutoire dans les autres États membres.

Toutefois, le caractère probant ou exécutoire de l’acte et la circulation de ces caractéristiques entre États membres ne présupposent pas de l’admission de l’acte aux registres fonciers, dont cette dernière doit être distinguée.

C/ Mon acte de donation-partage pourra-t-il être publié, inscrit ou transcrit sur les registres fonciers étrangers ?

30378 Les États membres ne semblent pas avoir, à ce jour, admis le principe selon lequel les actes étrangers, exécutoires dans un autre pays au sens du règlement, puissent être publiés/inscrits au registre de cet autre pays.

C’est d’ailleurs une limite très importante à la pleine application des règlements européens, et il est souhaitable que les législations européennes puissent évoluer.

D’ailleurs, à titre d’exemple, la position de l’Association mutuelle des conservateurs des hypothèques est en faveur de la publication au service de la publicité foncière des actes qui sont reconnus exécutoires en France par application d’un règlement.

Il sera donc nécessaire, au préalable, de vérifier auprès de l’association Irène, d’une ambassade / d’un consulat ou d’un juriste local les modalités d’inscription et de publication de l’acte de donation-partage au registre étranger, qu’il porte sur un immeuble, des parts de société… Le client pourra également apporter son aide pour obtenir ces différents renseignements.

Le cas français et la publicité foncière

Rappelons que l’article 4 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en son alinéa 3 que :

« Les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions rendues par les juridictions étrangères ne peuvent être publiés ou constituer le titre d’une inscription de privilège ou d’hypothèque que s’ils ont été légalisés par un fonctionnaire qualifié du ministère français des Affaires étrangères et déposés au rang des minutes d’un notaire français ou s’ils ont été rendus exécutoires en France. Ils doivent être accompagnés, s’ils sont rédigés en langue étrangère, d’une traduction en français, certifiée soit par le fonctionnaire susvisé, soit par un interprète habituellement commis par les tribunaux. Les expéditions, copies, extraits ou bordereaux déposés pour être conservés au service chargé de la publicité foncière doivent, en outre, porter toutes les mentions exigées par les articles 5 à 7 du présent décret et les articles 2428 et 2434 nouveaux du Code civil ».

Et dans le même temps, l’article 710-1 du Code civil dispose que :

« Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative.

Le dépôt au rang des minutes d’un notaire d’un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d’écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu’ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l’apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d’abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d’être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d’un notaire.

Le premier alinéa n’est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s’y rattachent et des jugements d’adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d’arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d’événements naturels ».

Il résulte de la lecture combinée de ces deux articles une évidente contradiction. Alors que le premier article permet, sous certaines conditions, de publier un acte reçu à l’étranger, le second quant à lui semble limiter la publicité foncière aux actes reçus en France.

Depuis la réforme de la publicité foncière par la loi no 2011-331 du 28 mars 2011 ayant notamment modifié l’article 710-1 du Code civil, il semblerait qu’il faille considérer que la rédaction de ce dernier prime celle du décret (hiérarchie des normes).

Toutefois, cette position est modérée en matière d’actes reçus dans un pays membre soumis à un règlement européen. Là encore, la hiérarchie des normes devrait conduire à privilégier le règlement à l’article 710-1 du Code civil.

Les règlements européens ont supprimé toute procédure d’exequatur, à l’exception du règlement sur les successions comme évoqué ci-avant ou encore du règlement sur les régimes matrimoniaux.

En outre, ce règlement a supprimé de son champ d’application matérielle « toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à une telle inscription… » (consid. 18).

La publicité foncière face au règlement Bruxelles I bis, et au titre exécutoire européen

Le règlement Bruxelles I bis et le règlement portant création d’un titre exécutoire européen (TEE) ne prévoient pas de telles exclusions et leurs dispositions devraient primer celles de l’article 710-1 du Code civil.

L’Association mutuelle des conservateurs des hypothèques a, face à cette contradiction, pris une position :

les actes reçus par un officier public ou ministériel d’un pays étranger membre d’un règlement communautaire, lorsqu’ils auront été rendus exécutoires en France au moyen d’une requête présentée devant le président de la Chambre des notaires (procédure d’exequatur simplifiée, car il n’est plus nécessaire d’obtenir une déclaration constatant la force exécutoire devant le président du tribunal judiciaire) devront être publiés (aucun dépôt au rang des minutes, ou aucune réitération devant un notaire français ne sera requis) ;

pour les autres actes (ceux reçus par un officier public ou ministériel d’un pays tiers), le service de publicité foncière devra saisir, pour avis, la commission juridique de la DGFiP, section publicité foncière, pour le cas où ces actes seraient déposés sans avoir fait l’objet d’une réitération dans un acte reçu en France (application de l’article 710-1 du Code civil).

D/ Mon acte de donation-partage produira-t-il les effets escomptés à l’ouverture de la succession : détermination de la loi applicable à la succession ?

30379 Tout l’enjeu se situe à cette dernière étape. Une fois qu’il a été déterminé que l’acte pouvait être reçu et qu’il pourrait avoir force probante et être exécutoire à l’étranger, il est important de s’assurer qu’il produira les effets attendus à l’ouverture de la succession. Ce serait une erreur, et sans aucun doute une source de responsabilité civile professionnelle du notaire, de ne pas anticiper cette étape dès la réalisation de la donation-partage internationale.

30380 – L’intérêt du règlement européen pour une donation-partage… – Il est vrai que dans le cadre de notre réflexion, et au jour de la réalisation d’une donation-partage, le choix de la loi nationale présente l’avantage d’une plus grande stabilité, et ainsi d’une certitude quant à la loi applicable à la succession.

Le fait que la donation-partage et la succession soient soumises à la même loi, qui reconnaît la validité ce type d’acte, renforcera l’efficacité de la libéralité-partage. C’est à cette unique condition que l’on doit envisager une donation-partage dans l’ordre international.

En effet, le risque d’être confronté à une modification de la loi successorale par le seul déménagement de la personne dans un autre pays est plus fréquent que celui de voir la personne changer de nationalité.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liberté de choix absolue, nous pouvons aisément imaginer les solutions pratiques apportées par ce règlement pour les donations-partages.

Les solutions sont reprises dans le tableau 2 ci-après, que la succession s’ouvre dans un État membre ou dans un État tiers :

Tableau no 2 : Projection obligatoire quant à la loi applicable à la future succession du donateur : détermination de la loi applicable à la future succession du donateur.

30381

Les donations-partages dans un contexte international : Rappel des règles de conflits de lois des États tiers ou des États de l’Union Européenne non parties au règlement européen no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012

Comment déterminer pour les États, non parties au Règlement Européen, la loi applicable à la succession ?

Pour les trois États de l’Union européenne non parties au règlement européen, ces règles de conflit de lois sont, en l’état de nos recherches (en 2021), les suivantes :

Danemark : la règle de conflit de lois en matière de succession retient un principe d’unité. Aussi, la loi compétente trouvera à s’appliquer à l’ensemble de la succession. Il s’agit de la loi du dernier domicile du défunt ;

Irlande et Grande-Bretagne : la règle de conflit de lois en matière de succession retient un principe de scission. Aussi, la succession pourra se trouver soumise à deux lois distinctes selon que l’on s’intéresse aux meubles ou aux immeubles. Il s’agit de la loi du domicile pour les meubles, et de la loi de situation pour les immeubles,

Pour les pays tiers (non membres de l’Union européenne), ces règles de conflit de lois sont, en l’état de nos recherches (en 2021), les suivantes327 :

Pays

Principe : unité ou scission

Loi applicable (DIP)

Afghanistan

Unité

Loi nationale

Afrique du Sud

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Albanie (exception pour les immeubles en Albanie)

Unité

Loi nationale

Algérie

Unité

Loi nationale

Allemagne (option pour la loi allemande pour les immeubles en Allemagne)

Unité

Loi nationale

Andorre

Unité

Loi nationale

Angola

Unité

Loi nationale

Arabie saoudite

Unité

Loi nationale

Argentine

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Arménie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Australie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Autriche

Unité

Loi nationale

Azerbaïdjan

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles, loi de situation pour les immeubles

Bahamas

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Bahreïn

Unité

Loi nationale

Bangladesh

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles

Barbade

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles

Bélarus

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles

Loi de situation pour les immeubles

Belgique

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Bénin

Scission (immeuble/meuble)

Loi nationale pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Bosnie-Herzégovine

Unité

Loi nationale

Brésil

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Brunei Darussalam

Unité

Loi nationale

Bulgarie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Burkina Faso

Scission (immeuble/meuble)

Loi nationale ou la loi du domicile

Canada

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Cap-Vert

Unité

Loi nationale

Centrafrique

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Chili

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Chine

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Chypre

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Colombie

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Congo-Brazzaville

Unité

Loi nationale

Costa Rica (exception pour les immeubles au Costa Rica)

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Côte d’Ivoire

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Croatie

Unité

Loi nationale

Cuba

Unité

Loi nationale

Danemark

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Égypte

Unité

Loi nationale

El Salvador

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Équateur

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Espagne

Unité

Loi nationale

Estonie

Unité

Loi nationale

États-Unis

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Ex-Yougoslavie

Unité

Loi nationale

Finlande

Unité

Loi nationale

France (pour toutes les successions ouvertes avant le 17 août 2015)

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Gabon

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Gambie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Ghana

Unité

Loi nationale

Ghana

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Grèce

Unité

Loi nationale

Guyane

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles

Haïti

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Hong Kong

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Hongrie

Unité

Loi nationale

Île Maurice

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles,

Loi de situation pour les immeubles

Inde

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Indonésie

Unité

Loi nationale

Iran

Unité

Loi nationale

Irlande

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Islande

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Israël

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Italie (professio juris)

Unité

Loi nationale

Jamaïque

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Japon

Unité

Loi nationale

Jordanie

Unité

Loi nationale

Kenya

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Lesotho

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Lettonie

Unité

Loi nationale

Liban

Unité

Loi nationale

Liberia

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Liechtenstein

Unité

Loi nationale

Lituanie

Unité

Loi nationale

Luxembourg

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Madagascar

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Malaisie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Malawi

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Malte

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Maroc

Unité

Loi nationale

Mauritanie

Unité

Loi nationale

Mexique

Unité

Loi de situation des biens

Monaco

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Nicaragua

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Niger

Unité

Loi nationale

Nigeria

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Norvège

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Nouvelle-Calédonie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Ouganda

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Pakistan

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Panama

Unité

Loi de situation des biens

Paraguay (sauf pour les immeubles au Paraguay)

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Pays-Bas (avant le 1er octobre 1996, s’appliquait la loi nationale et après cette date s’applique la Convention de La Haye du 1er août 1989)

Unité

Loi nationale

Pérou

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Philippines

Unité

Loi nationale

Pologne

Unité

Loi nationale

Portugal

Unité

Loi nationale

Qatar

Unité

Loi nationale

République tchèque

Unité

Loi nationale

Roumanie

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Royaume-Uni

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Russie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Rwanda

Unité

Loi nationale

Sénégal

Unité

Loi nationale

Serbie

Unité

Loi nationale

Seychelles

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles,

Loi de situation pour les immeubles

Sierra Leone

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Singapour

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Slovaquie

Unité

Loi nationale

Slovénie

Unité

Loi nationale

Somalie

Unité

Loi nationale

Soudan

Unité

Loi nationale

Soudan

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles,

Loi de situation pour les immeubles

Sri Lanka

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Suède

Unité

Loi nationale

Suisse (exception, Loi sur le droit international privé et professio juris, art. 86, al. 2)

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Surinam

Unité

Loi nationale

Syrie

Unité

Loi nationale

Tanzanie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Tchad

Unité

Loi nationale

Thaïlande

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Togo

Unité

Loi nationale

Togo (il a adopté cette possibilité de scission même si le principe est la loi nationale)

Scission (immeuble/meuble)

Loi nationale pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Tunisie (depuis le 1er avril 1999)

Scission (immeuble/meuble)

La loi nationale ou loi du domicile, ou celle de situation des biens

Turquie (exception pour les immeubles en Turquie)

Unité

Loi nationale

Ukraine

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Uruguay

Unité

Loi de situation des biens

Uruguay

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Vatican

Unité

Loi nationale

Venezuela (1er mars 2002)

Unité

Loi du dernier domicile du défunt

Yémen

Unité

Loi nationale

Zaïre

Unité

Loi nationale

Zambie

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

Zimbabwe

Scission (immeuble/meuble)

Loi du domicile pour les meubles.

Loi de situation pour les immeubles.

E/ Les modalités d’exercice de la professio juris
Les modalités d’exercice de la professio juris

Les développements à suivre de nos travaux :

a30381-1

– Conseiller la professio juris. – Comment le disposant va-t-il exercer le choix de la loi successorale lors de la signature d’une donation-partage ? Ce choix peut-il être déclaré dans l’acte lui-même ? Le disposant pourra-t-il changer, en cas de besoin, la loi ainsi choisie ? Dès lors, peut-on imaginer « optimiser » ce choix de loi successorale, en optant pour une loi, au jour du pacte, pour en reconnaître la validité, et plus tard, soumettre de manière globale sa succession à la loi d’un autre pays (en révoquant son choix et en laissant la loi de la résidence habituelle s’appliquer, par exemple, ou en optant pour une autre loi [loi nationale du défunt]) ?

• La forme de la déclaration

L’article 22 du règlement prévoit en son point 2, que :

« 2. Le choix [de la loi successorale] est formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulte des termes d’une telle disposition ».

La donation-partage, en tant que pacte successoral, et plus généralement en tant que disposition à cause de mort, pourra être le support de la déclaration du choix de la loi successorale.

D’ailleurs, certains logiciels de rédaction prévoient désormais une clause intitulée « Professio Juris », notamment Genapi, dans les termes suivants :

« PROFESSIO JURIS

Le DONATEUR a fait part au notaire de son intention de résider prochainement à l’étranger.

Le notaire soussigné a informé le DONATEUR que, pour le cas où une loi étrangère venait à s’appliquer à sa succession, les effets d’équilibre et de fixation des valeurs liés à l’essence même de la donation-partage pourraient s’en voir affectés.

Le DONATEUR persiste néanmoins dans sa volonté de procéder à la présente donation-partage et déclare désigner sa loi nationale pour régler les aspects civils de sa succession. »

Enfin, ces mêmes articles prévoient la possibilité pour le disposant de modifier et révoquer son choix de loi successorale.

• Les lois pouvant être choisies

Cette option peut s’exercer, comme évoqué précédemment, entre la loi nationale de la personne au jour de l’option, ou la loi nationale du disposant au jour du décès.

En cas de plurinationalité, la personne pourra faire le choix entre l’une de ces différentes lois.

Dans tous les cas, il faut s’assurer que la loi ainsi désignée par le disposant reconnaisse la professio juris.

Une attention toute particulière doit être portée à la désignation de la loi quand il s’agit de pays divisés en régions ou États, dont les législations peuvent différer. Il peut être donné comme exemple, les États-Unis, mais également l’Espagne ou le Royaume-Uni. Il ne faut pas ignorer, non plus, qu’il existe d’autres systèmes plurilégislatifs sur un critère qui est, cette fois, confessionnel (en Égypte, par exemple, semblent être reconnues les lois de quatorze communautés confessionnelles ; et au Liban, les lois de dix-sept communautés confessionnelles).

• La modification ou la révocation du choix

Le point 4 du même article 22 prévoit que : « 4. La modification ou la révocation du choix de loi satisfait aux exigences de forme applicables à la modification ou à la révocation d’une disposition à cause de mort ».

Choix de la loi nationale au jour du choix

Déclaration de choix de loi successorale

Je soussigné(e), M/Mme …., de nationalité française, déclare choisir et désigner, en toute connaissance de cause, en tant que loi nationale, la loi française comme loi applicable pour régir l’ensemble de ma succession au jour de mon décès.

Ma nationalité française est présentement justifiée par la production de ….

[il est ici précisé que la nationalité peut être prouvée par la production d’une carte d’identité ou d’un passeport français, tous deux en cours de validité, ou périmés depuis moins de cinq ans. Si le client n’a ni carte d’identité ni passeport :

Si le client est né en France d’un parent né en France : la production d’un extrait d’acte de naissance de moins de trois mois suffit à prouver sa nationalité,

Si le client est né en France mais qu’aucun de ses parents n’est né en France : il devra produire :

1) une déclaration d’acquisition de la nationalité française, dûment enregistrée ;

2) OU une ampliation du décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française et à défaut une attestation constatant l’existence de ce décret ;

3) OU un certificat de nationalité française.]328

Choix de sa future loi nationale au jour du décès

Déclaration de choix de loi successorale

Je soussigné(e), M/Mme …., de nationalité …., déclare choisir et désigner, en toute connaissance de cause, la loi française comme loi applicable pour régir l’ensemble de ma succession au jour de mon décès, à la condition de disposer de la nationalité française au jour de mon décès.

À défaut, je désigne en tant que loi nationale, la loi …., comme loi applicable pour régir l’ensemble de ma succession au jour de mon décès.

Section III – Les donations optionnelles

30382 Je veux donner à mon ou mes enfants divers biens, tout de suite. Mais j’hésite entre deux biens pour mon aîné, ou je ne sais pas encore quel bien je vais donner à quel enfant, ou encore souhaitant donner à mon fils l’entreprise familiale, je souhaite en garder les revenus et la gestion, le temps d’être certain qu’il aura la capacité de reprendre celle-ci.

Donner immédiatement tout en se laissant le temps de choisir le bien approprié et tout en gardant la maîtrise… est-ce possible ?

OUI, par le biais des donations optionnelles.

Sous-section I – Présentation générale

30383 – Qu’est-ce qu’une donation optionnelle ? Les donations optionnelles sont des donations/donations-partages à terme de biens présents, contenant plusieurs obligations, dont seulement une sera réalisée, et dont l’exécution est retardée à une date choisie par les parties.

M. Moustache donne à ses deux fils soit des titres de l’entreprise familiale, soit une somme d’argent, dont le choix lui appartiendra à une date fixée dans l’acte de donation.

30384 – Fondements textuels. – Les articles 1307 et 1308 du Code civil disposent respectivement que :

« L’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur ».

« L’obligation est facultative lorsqu’elle a pour objet une certaine prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre.

L’obligation facultative est éteinte si l’exécution de la prestation initialement convenue devient impossible pour cause de force majeure ».

Ces deux articles du Code civil définissent les obligations dites « alternatives » et « facultatives », depuis l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

La transposition aux libéralités de deux mécanismes du droit des obligations a donné naissance aux donations alternatives et aux donations facultatives.

En outre, ce type de donation est également fortement empreint du régime des obligations à terme (à terme suspensif) de l’article 1305 du Code civil, qui prévoit que : « L’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine ».

Il s’agit de donations de biens présents à terme.

Les donations optionnelles n’ont donc aucun autre fondement légal que celui résultant du droit commun des obligations (C. civ., art. 1307 et 1308). Aucun texte dans la partie du Code civil relatif aux libéralités n’évoque ce type de donations. Pour autant, la validité des donations optionnelles ne fait pas de doute. D’ailleurs, le 87e Congrès des notaires de France329 en faisait déjà état dans ses travaux, tout comme, plus récemment, le 108e Congrès330 auquel des renvois seront opérés.

Les articles 1307 et 1308 du Code civil ne font que définir les modalités d’exécution d’une obligation. Ces deux articles ne définissent pas la nature d’un contrat ou d’un acte qui pourraient en être le support. Ils sont donc applicables à toutes les obligations, quels qu’en soient l’origine et l’instrumentum (acte onéreux : vente…, ou gratuit : donation).

30385 – Donations optionnelles : facultatives et alternatives. – Les donations optionnelles regroupent donc les donations dites « alternatives » et « facultatives ». Elles se différencient des donations substitutives, qui s’exécutent immédiatement.

• La donation alternative se présente comme celle qui portera sur la donation de deux ou plusieurs objets distincts (deux ou plusieurs obligations de délivrance différentes), définis à l’acte, dont la transmission d’un seul libérera le donateur de son obligation née de la donation ; la libération étant retardée dans le temps à l’exercice par son titulaire d’un choix.

Il s’agit pour le donateur d’effectuer un choix entre plusieurs objets.

Dans la donation alternative, les obligations du donateur sont sur un pied d’égalité. Il n’y a pas d’obligation principale et d’obligation subsidiaire. Toutes les obligations sont principales et un choix entre elles devra être réalisé dans un délai déterminé.

M. Moustache donne à son fils Paul l’entreprise familiale ou un immeuble de rapport. M. Moustache effectuera ce choix au plus tard au trentième anniversaire de Paul.

• La donation facultative, quant à elle, se présente comme celle qui portera sur la donation d’un bien (une obligation de délivrance principale) avec la possibilité pour le donateur, durant un délai fixé, de réaliser son engagement en remplaçant l’objet initial par un autre, de son choix. Le donateur s’engage à réaliser telle obligation (délivrance de tel bien), mais il se laisse la possibilité de s’en libérer autrement.

À la différence de la donation alternative, il y a ici une obligation principale et une obligation secondaire (une autre façon de se libérer).

M. Moustache donne à son fils Paul l’entreprise familiale, mais se réserve la possibilité d’y substituer un immeuble de rapport. M. Moustache effectuera ce choix au plus tard au trentième anniversaire de Paul.

Ces deux donations peuvent apparaître assez semblables à première vue. Toutefois, il y a bien, en droit des obligations, une distinction entre les deux.

Là encore, il faut rappeler que la donation s’opère le jour de la signature de l’acte authentique ; les conditions de validité étant par ailleurs toutes réunies à cette date. Seules les modalités d’exécution (libération de l’obligation) de la libéralité optionnelle sont affectées par le caractère alternatif ou facultatif, et donc suspensif.

30386 – Les différentes étapes des donations optionnelles. – Les donations optionnelles comprennent deux temps :

le premier temps est celui de l’acte de donation. Le notaire veillera et assistera son client dans la définition des obligations, les modalités d’exécution de l’obligation ou les modalités d’exercice de l’option, les délais, les sanctions en cas d’inexécution ;

le second temps est celui de l’exécution de la donation par la réalisation de l’engagement par son débiteur. Le transfert de propriété s’exerce ce jour-là.

Il y a également, comme pour tout acte notarié, le temps rarement évoqué de l’ingénierie notariale : c’est-à-dire en amont des deux temps ci-avant mentionnés. Le notaire aura une nouvelle fois un rôle déterminant et prépondérant : écoute du client, identification des situations dans lesquelles une donation optionnelle peut être proposée, mise en place précise et sur-mesure de l’acte et des clauses.

La première difficulté sera donc d’identifier, dans les souhaits et attentes du client, la situation dans laquelle une donation optionnelle pourra être proposée.

30387 – La validité des donations optionnelles au regard du principe d’irrévocabilité spéciale. – La donation optionnelle se heurte-t-elle au principe de l’irrévocabilité spéciale des donations ?

Non, la validité des donations dites « alternatives » ou « facultatives » est admise de longue date par la jurisprudence331. Toutefois, certaines conditions existent pour en assurer la validité : l’équivalence économique des objets qui s’apprécie au jour de l’exécution. Et c’est pour cette raison qu’il est souhaitable que le deuxième objet soit une somme d’argent, évitant ainsi toute discussion quant à l’égalité de valeur entre les deux biens.

Sous-section II – Présentation des donations optionnelles sous un angle pratique
§ I – Cas pratique no 1

30388 – Énoncé du cas pratique. M. Moustache (soixante-deux ans) consulte son notaire dans le cadre d’un projet de transmission d’entreprise. Après avoir eu le projet de transmettre l’entreprise familiale (sous forme sociétaire) à son fils aîné, il a constaté que ce dernier n’était pas en mesure de reprendre l’entreprise familiale (peu travailleur, et peu intéressé à l’activité). En outre, son fils n’a pas montré une grande envie de reprendre l’entreprise.

Aussi, il envisage désormais de transmettre les rênes de l’entreprise familiale à son puîné de vingt et un ans, qui vient de finir ses études et qui a travaillé avec grand intérêt dans l’entreprise tous les étés depuis l’âge de ses quinze ans. Il lui paraît important de transmettre dès maintenant, à son fils, comme marque de confiance qu’il lui accorde, mais il craint qu’il ne soit encore un peu trop jeune pour une transmission complète, et surtout il redoute de revivre la même désillusion qu’avec son aîné.

Il demande à son notaire s’il existe une solution.

Oui, une donation optionnelle peut être conseillée sous la forme soit d’une donation alternative, soit d’une donation facultative.

Cette donation comprendra deux temps.

A/ Premier temps : l’acte de donation

30389 Le notaire veillera à bien définir les deux objets, voire plus, de la donation.

• Qui choisit l’objet ?

S’agissant d’une donation, le donateur (débiteur de l’obligation) choisira les objets de la donation, qui composeront chacune des deux obligations de la donation optionnelle.

• Quelle condition quant à la définition de l’objet ?

Les articles 1307 et suivants du Code civil ne prévoient rien de particulier. Toutefois, la transposition de ces mécanismes aux libéralités suppose, pour respecter l’irrévocabilité spéciale des donations, que les obligations soient équivalentes économiquement. Cette donation ne doit pas permettre au donateur de réduire à peau de chagrin la libéralité initiale (en prévoyant un bien de valeur et une somme dérisoire).

En l’occurrence, il transmettra des titres sociaux à son puîné, et/ou la transmission d’une somme d’argent.

La donation portera sur :

une partie des titres sociaux de l’entreprise en pleine propriété (évaluée à 400 000,00 €) : première obligation ;

un compte épargne de 400 000,00 € : deuxième obligation.

Si M. Moustache souhaite réaliser une donation-partage, le lot de l’aîné pourra être constitué d’un autre élément de son patrimoine (immeuble, liquidités, voire même quelques titres de la société familiale…).

Dans une donation « classique », il aurait sans doute été conseillé de transmettre la seule nue-propriété, afin que le donateur conserve la jouissance et les revenus du bien après la donation. Avec une donation optionnelle, il peut être envisagé une transmission en pleine propriété, dans la mesure où le transfert de propriété est décalé au jour de l’exécution de la donation (et non au jour de l’acte de donation). Ainsi le donateur conserve la jouissance et les revenus du bien transmis jusqu’au jour de l’exécution.

L’intérêt, tout de même, de transmettre en démembrement en présence d’une donation optionnelle peut se justifier par le souhait du donateur de conserver des revenus après l’exécution de la donation, outre un intérêt fiscal lié à l’évaluation du droit démembré aux termes de l’article 669, I du Code général des impôts.

30390 Le notaire veillera à bien délimiter et encadrer la faculté d’opter pour l’un ou l’autre objet.

• Qui est le titulaire de l’option ?

L’article 1307-1 du Code civil prévoit, en son alinéa premier, que « le choix entre les prestations appartient au débiteur ». Il s’agit donc du donateur, seul.

Dans un acte onéreux, l’option peut être conventionnellement laissée au créancier de l’obligation, donc le donataire dans une donation. Certains auteurs ne semblent pas s’opposer à la transposition de cet aménagement « conventionnel » dans l’acte de donation.

Bien qu’aucun texte ne l’interdise dans le droit des obligations, la transposition aux libéralités de ces règles peut conduire à certains aménagements. La prudence nous semble de mise. Ne serait-il pas contraire à la notion d’intention libérale (qui inclut la détermination du bien donné) de laisser un tel choix au donataire ?

Pour éviter toute difficulté, et même éventuellement un contentieux futur entre les héritiers du donateur, il nous paraît souhaitable que l’acte de donation prévoie :

d’une part, que l’option appartiendra au seul donateur ;

d’autre part, qu’en cas de décès du donateur avant le terme, ou de survenance de tout événement le privant de la possibilité d’effectuer un tel choix (incapacité), un choix soit prédéfini par le donateur.

Titulaire de l’option (dans une alternative)

Il est ici précisé que dans la donation alternative, les deux obligations sont de même niveau et qu’un choix doit être fait entre l’une ou l’autre. Dans la donation facultative, il y a une obligation principale que le donateur se réserve de remplacer par une autre.

En cas de décès du DONATEUR avant le terme prévu aux présentes, le DONATEUR déclare que l’obligation à réaliser sera l’obligation [à définir entre les différentes obligations prévues à l’acte].

Si le DONATEUR n’est pas en état d’exprimer un choix en raison de la survenance de son état de santé (coma) ou qu’il est placé sous un régime de protection au jour du terme, le DONATEUR déclare que l’obligation à réaliser sera l’obligation [à définir entre les différentes obligations prévues à l’acte].

La faculté d’opter n’est pas transmissible à ses héritiers ou à son représentant légal ou conventionnel en cas de mise en place de mandats de protection future ou à effet posthume.

Titulaire de l’option (dans une facultative)

Il est ici précisé que dans la donation alternative, les deux obligations sont de même niveau et qu’un choix doit être fait entre l’une ou l’autre. Dans la donation facultative, il y a une obligation principale que le donateur se réserve de remplacer par une autre.

En cas de décès du DONATEUR avant le terme prévu aux présentes, le DONATEUR déclare que l’obligation à réaliser sera l’obligation principale définie aux présentes, savoir [rappel de l’obligation principale].

Si le DONATEUR n’est pas en état d’exprimer un choix en raison de la survenance de son état de santé (coma) ou qu’il est placé sous un régime de protection au jour du terme, le DONATEUR déclare que l’obligation à réaliser sera l’obligation principale définie aux présentes, savoir [rappel de l’obligation principale].

La faculté d’opter n’est pas transmissible à ses héritiers ou à son représentant légal ou conventionnel en cas de mise en place de mandats de protection future ou à effet posthume.

30391 Le notaire aidera le client à choisir entre la donation alternative ou la donation facultative.

• Alternative ou facultative ? Nous renvoyons sur cette question au rapport du 108e Congrès des notaires de France :

Comparatif entre les deux types de donations optionnelles par le 108e Congrès des Notaires de France

La principale différence entre les deux types de donations s’identifie en matière de perte de la chose et d’exécution forcée.

• En cas de perte de la chose, qu’advient-il de l’obligation de délivrance ?

Dans la donation alternative, le donateur aura l’obligation de délivrer le deuxième objet (car il s’agissait de deux obligations principales égales entre elles, en termes d’obligation).

Dans la donation facultative, la perte de la chose principale libérera le donateur. La deuxième obligation n’était que secondaire, et subsidiaire. Il se laissait seulement la possibilité de la substituer à la première. Le risque de perte de la chose pèse également sur le donataire, qui ne se verra pas restituer les droits de mutation à titre gratuit, éventuellement versés lors de la donation.

• Dans la mesure où M. Moustache avait expliqué à son notaire que les temps sont, quand même, difficiles pour son entreprise.

Dans cette situation, une donation facultative semble préférable, notamment quand la motivation première du donateur est de transmettre un bien particulier (en l’occurrence organiser la transmission interfamiliale de son entreprise), et ne s’inscrit pas nécessairement dans une démarche d’anticipation successorale (réflexion globale sur la transmission anticipée de son patrimoine).

En effet, la transmission peut avoir deux origines :

le souhait d’anticiper la transmission de son patrimoine (une réflexion globale) : auquel cas, même si l’entreprise périclite, le souhait de transmettre un patrimoine par anticipation est toujours présent chez le client, car son projet est motivé par une vision globale et complète de sa transmission, il faudra lui conseiller la donation alternative ;

la transmission est plus ciblée et opportuniste (il faut transmettre l’entreprise familiale pour assurer son avenir), sans volonté immédiate d’anticiper la transmission complète de son patrimoine. Auquel cas, et dans la mesure où le risque de disparition de l’entreprise est toujours présent, une donation facultative devra être conseillée. Celle-ci permettra au donateur de se libérer de son engagement de délivrer un bien, en cas de disparition de l’entreprise familiale.

• M. Moustache n’a pas exprimé le souhait d’une transmission globale de son patrimoine, car sa démarche ne semble motivée que par l’envie d’anticiper la transmission de son entreprise.

30392 Le notaire présentera au client les conséquences fiscales de la donation optionnelle.

• Quelle fiscalité de l’acte de donation ?

Parce que les donations optionnelles sont des donations dites « à terme », tel qu’évoqué ci-avant (terme suspensif), les droits de mutation seront exigibles au jour de l’acte.

Le terme est un événement futur et certain. Il se distingue, en ce dernier point, de la condition suspensive qui, elle, suspend l’engagement jusqu’à la réalisation d’un événement incertain. « Le terme n’empêche donc pas la perception de l’impôt dans les conditions ordinaires »332.

Les donations optionnelles, à l’instar des donations dont l’exécution est immédiate, seront taxées le jour de l’acte.

Il en résulte les règles suivantes :

1) La valeur du bien donné est figée au jour de l’acte de donation (et non au jour de l’exécution de l’obligation) et constitue l’assiette des droits de mutation.

Cela présente un avantage non négligeable pour les biens qui par nature ont vocation à prendre de la valeur (immeuble, œuvre d’art, entreprise…) entre la réalisation de la donation et son exécution. Cette plus-value, liée à la nature du bien, ne sera pas soumise aux droits de mutation. On comprend donc que le temps précieux de la réflexion (inhérent à la donation optionnelle) n’aura pas d’effet pervers sur la valeur du patrimoine transmis.

Pour le cas de M. Moustache, les titres qu’il envisage de transmettre sont évalués à 400 000,00 € au jour où il consulte son notaire.

2) La valeur des droits démembrés est déterminée en tenant compte de l’âge de l’usufruitier au jour de l’acte.

En l’occurrence, il n’a pas été envisagé une transmission de droit démembré, mais si cela avait été le cas : le donateur usufruitier pourra, tout en conservant la propriété et la gestion des biens donnés, transmettre à une époque où il est plus jeune et, par application de l’article 669 I du Code général des impôts, la valorisation de la nue-propriété donnée sera nécessairement moindre.

3) Le régime fiscal est celui en vigueur au jour de l’acte, en ce compris les régimes fiscaux de faveur.

Cela permettra d’anticiper d’éventuelles modifications moins favorables de la loi fiscale, ou de bénéficier de mécanismes de défiscalisation qui pourraient n’être que temporaires, sans pour autant imposer au donateur d’anticiper le transfert de propriété qu’il pourrait juger trop précoce.

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Simulation chiffrée : coût fiscal

• L’application du régime de faveur Dutreil ?

L’intérêt de l’application d’un pacte Dutreil n’est plus à démontrer dans la transmission intrafamiliale d’une entreprise ou de titres sociaux (V. supra, no ).

Aussi, il est primordial que le régime fiscal de faveur Dutreil puisse être appliqué aux donations optionnelles lorsqu’il s’agit de transmettre une entreprise ou des titres d’une société qui seraient éligibles au dispositif lors d’une donation ordinaire (au sens autre qu’optionnelle).

MM. Bernard Jadaud333 et Rémy Gentilhomme334, tout comme le 108e Congrès des notaires de France335 et plus récemment Xavier Boutiron et Olivier Giacomini336, considèrent que l’application du régime fiscal de faveur Dutreil est concevable dans une donation optionnelle.

Outre, les autres conditions spécifiques, nécessaires à ce régime, le donataire prendra l’engagement individuel de conserver les titres pendant quatre ans à compter du jour de l’exécution de la donation.

M. Moustache pourra-t-il bénéficier d’un pacte Dutreil pour sa transmission ?

Détermination de l’enjeu fiscal du pacte Dutreil à la situation de M. Moustache :

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Simulation chiffrée de l’incidence du pacte Dutreil

Le régime Dutreil est-il applicable à la donation optionnelle proposée à M. Moustache ?

Dès lors que toutes les conditions du régime fiscal de faveur du pacte Dutreil sont réalisées, il est permis d’envisager qu’au jour de la transmission à son puîné, M. Moustache prenne un engagement de conservation durant deux années.

La clause prévoira que l’engagement de conservation sera reconduit pour la même période jusqu’à la dénonciation de celui-ci, qui coïncidera avec l’acte constatant l’exécution de la donation. À cette date, l’engagement individuel du donataire, pris dans l’acte de donation, débutera pour quatre années.

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Schéma chronologique du pacte Dutreil

La seule particularité dans ce montage est que :

l’engagement collectif courra jusqu’à la date de l’exécution de la donation, retardée par l’effet de la donation optionnelle ;

de facto, l’engagement individuel (qui commence à courir à l’extinction de l’engagement collectif) verra sa mise en œuvre retardée d’autant.

• L’application d’autres régimes de faveur ?

Les réductions d’assiette taxables pour les monuments historiques, pour les bois et forêts, les parts de GFA… sont également applicables, dès lors que les conditions d’application desdits régimes sont réunies.

Mais nous pouvons également penser à d’autres régimes de faveur, qui seraient temporaires, tels que l’article 790 A bis du Code général des impôts, exonération des dons de sommes d’argent consentis entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 quand les sommes sont affectées dans les trois mois à la souscription au capital d’une petite entreprise européenne, à des travaux de rénovation énergétique ou à la construction de la résidence principale du donataire, ou encore à des dispositifs non temporaires tels que l’article 790 G du même code qui admet un abattement spécifique.

• En présence de deux biens différents, dont seul un bénéficie d’un régime de faveur, comment faire ?

Le premier principe est que les droits sont toujours calculés sur le bien dont la valeur est la moins élevée, et plus précisément sur le bien qui générera le moins de droits de mutation à titre gratuit337.

Mais qu’en est-il quand les deux biens sont de même valeur ?

Dans la donation alternative : les deux obligations doivent être de même valeur (obligation d’équivalence en valeur, pour ne pas contrevenir à l’irrévocabilité spéciale des donations).

Aussi, quand les deux biens sont de même valeur, il faut s’intéresser au régime fiscal des biens, car équivalence de valeur ne signifie pas équivalence d’assiette fiscale. En présence de biens de nature différente, la fiscalité ne sera pas la même entre une donation d’immeuble, de somme d’argent, ou de titres sociaux (notamment en matière de réduction d’assiette taxable ou d’abattement). Le notaire doit retenir le régime fiscal le plus favorable aux clients.

Dans la donation facultative : il y a une obligation principale (in obligatione) et une obligation subsidiaire (in solutione). Aussi, le régime fiscal sera celui du bien objet de l’obligation principale.

Dans le cas de M. Moustache, une donation facultative lui a été conseillée (pour pallier le risque de perte de la chose – entreprise qui péricliterait).

La donation porte sur la transmission de la société familiale en obligation principale, et de sommes d’argent en obligation in solutione.

La donation facultative sera soumise à la fiscalité d’une donation de titres sociaux, éligible au pacte Dutreil, comme évoqué ci-avant.

Précision : si une donation alternative avait été proposée au client, la fiscalité de l’acte aurait été celle qui aurait été la plus favorable au client : entre fiscalité d’une donation de sommes d’argent avec éventuellement application de l’article 790 G du Code général des impôts (abattement spécifique de 31 865,00 €), et celle de la donation de titres sociaux, éligible au pacte Dutreil (réduction de la valeur d’assiette des titres transmis de 75 %).

4) Le rappel fiscal commence à courir au jour de l’acte.

En anticipant ainsi, et en figeant le régime fiscal au jour de l’acte, il est offert la possibilité au donateur de voir l’abattement légal dont le donataire bénéficie se régénérer (les règles du rappel fiscal sont également impactées, et le point de départ de ce délai est bien celui de l’acte et non celui de son exécution).

M. Moustache, en effectuant une donation en 2021, verra l’abattement légal se régénérer quinze ans plus tard (soit à compter de 2036), même si l’exécution de la donation n’intervient qu’en 2028.

B/ Second temps : l’exécution par la réalisation de l’engagement par son débiteur (le titulaire de l’option l’exerce)

30393 La donation produira ses effets à ce moment-là. C’est en cela que cette donation est empreinte du régime des obligations à terme. Le transfert de propriété se réalise au jour de l’exécution de l’acte.

Quelle fiscalité au jour de l’acte constatant l’exécution de l’obligation ?

• Si le bien délivré est celui ayant servi à la détermination du régime fiscal au jour de l’acte de donation :

Son puîné semble avoir relevé le défi, et M. Moustache est conforté dans son choix de lui transmettre l’entreprise familiale. Il décide donc d’exécuter l’obligation principale de la donation facultative (et renonce à y substituer la donation de sommes d’argent). La société est évaluée, en 2027, à 600 000,00 €.

L’acte constatant l’exécution de l’obligation (délivrance de l’objet, et donc transfert de propriété) sera soumis (qu’il s’agisse d’une donation alternative ou facultative) :

au droit fixe de 125 € des actes innomés.

Aucun complément de droits de mutation à titre gratuit n’est dû (même si le bien donné a pris de la valeur entre l’acte de donation et l’exécution de celle-ci). À l’inverse, pas de restitution de droits en cas de perte de valeur ;

à titre complémentaire, le donataire a une obligation de conservation des titres pendant quatre ans, pour le maintien du régime fiscal de faveur.

• Si le bien délivré est celui n’ayant pas servi à la détermination du régime fiscal au jour de l’acte de donation :

Son puîné s’est découvert une passion pour le parachutisme, et a décidé d’ouvrir sa société. Il a désormais besoin d’argent pour réaliser les investissements qu’il souhaite. M. Moustache décide de substituer la donation d’une somme d’argent à la donation de l’entreprise familiale. La société est évaluée à 600 000,00 € en 2027.

• Donation facultative :

L’acte constatant l’exécution de l’obligation (délivrance de l’objet, et donc transfert de propriété) sera soumis :

au droit fixe de 125 € des actes innomés, si le bien délivré a la même valeur/même régime fiscal que celui ayant servi au paiement des droits (et ce même si les biens ont pris de la valeur entre la donation et l’exécution). Pas de restitution de droits en cas de perte de valeur ;

aux droits de mutation à titre gratuit :

si le bien délivré (différent de celui qui a servi au calcul des droits lors de la donation) est d’une valeur plus élevée que le premier bien ayant servi au calcul des droits de mutation à titre gratuit (ce qui peut arriver dans la donation facultative),

ou si le bien délivré de même valeur que le premier bien n’est pas celui qui bénéficiait du régime fiscal de faveur (ce qui peut arriver dans la donation facultative ou alternative).

Dans ces deux cas, des droits de mutation à titre gratuit complémentaires sont dus, selon le régime fiscal au jour de l’exécution de la donation338, sur la valeur du bien au jour de la donation. Auquel cas, le droit fixe de 125 € n’est pas dû.

Attention, il y a lieu de préciser que cette analyse (qui retient l’application du régime fiscal applicable au jour de l’exécution, c’est-à-dire au jour où les droits complémentaires seront payés) semble ne pas avoir été reprise, plus récemment, par Xavier Boutiron, et Olivier Giacomini339, qui ont pu écrire :

« Seule la réalisation de la faculté que s’est réservée le donateur de modifier l’objet de la donation pourrait faire évoluer les droits de mutation à titre gratuit, dans l’hypothèseoù le nouvel objet de la donation aurait une assiette taxable différente de celle de l’objet initial ; dans une telle situation, de deux choses l’une :

ou bien la valeur du bien finalement attribué au donataire est supérieure à celle de l’objet initial, et un complément de droits de donation accompagné des intérêts de retards légaux courant du jour de la donation jusqu’au jour de la délivrance du bien substitué est exigible ;

ou bien, dans le cas contraire, une restitution de droits est à formuler par voie de réclamation contentieuse (BOI-ENR-DG-20-20-70, 12 sept. 2012, no 290 ».

Il serait souhaitable que l’administration fiscale puisse définir précisément le régime fiscal des donations optionnelles, quand l’objet délivré n’est pas celui ayant servi à la détermination des droits de donation.

En revanche, il est admis par tous que la valeur du bien soumis au paiement de droits complémentaires est la valeur du bien au jour de la donation (la plus-value éventuellement prise par le bien ne sera donc pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit).

Il est ici précisé que si le bien finalement délivré est un bien immobilier, les taxes spécifiques, telles que la taxe de publicité foncière et la contribution de sécurité immobilière devront être acquittées.

En revanche, si le bien délivré a une valeur moindre (plus rare, voire impossible, puisque l’irrévocabilité spéciale des donations impose une équivalence de valeur), il devrait théoriquement y avoir un droit à restitution des droits de mutation indûment acquittés.

Lors de la donation de 2021, les droits avaient été acquittés en bénéficiant du régime de faveur du pacte Dutreil, qui était le plus favorable à l’époque. Or, le bien nouvellement donné ne peut pas bénéficier de ce même régime.

Aussi, un complément de droits devra être versé.

Partant du postulat que l’article 790 G du Code général des impôts existera en 2027 dans les mêmes termes et conditions qu’aujourd’hui. Par simplicité, nous partons également du postulat que la valeur des biens n’a pas varié entre la donation et son exécution.

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Réduction Pacte Dutreil

• Donation alternative :

L’acte constatant l’exécution de l’obligation (délivrance de l’objet, et donc transfert de propriété) sera soumis :

au droit fixe de 125 € des actes innomés si le bien délivré a la même valeur/même régime fiscal que celui ayant servi au paiement des droits (et ce même si les biens ont pris de la valeur entre la donation et l’exécution). À l’inverse, pas de restitution de droits en cas de perte de valeur ;

aux droits de mutation à titre gratuit : si le bien délivré, nécessairement de même valeur que celui de la donation, n’est pas celui qui bénéficiait du régime fiscal de faveur (ce qui peut arriver dans la donation facultative ou alternative).

Dans ce cas, des droits de mutation à titre gratuit complémentaires sont dus, selon le régime fiscal au jour de l’exécution de la donation, sur la valeur du bien au jour de la donation. Auquel cas, le droit fixe de 125 € n’est pas dû.

Attention, il y a lieu de préciser que cette analyse (qui retient l’application du régime fiscal applicable au jour de l’exécution, c’est-à-dire au jour où les droits complémentaires seront payés) semble ne pas avoir été reprise, plus récemment, par Xavier Boutiron, et Olivier Giacomini340, qui ont pu écrire :

« Si, lors de l’option, la chose finalement remise au donataire est celle qui ne bénéficie pas d’un traitement fiscal de faveur au regard des droits de donation, un complément de droits sera alors perçu, assis sur la valeur – au jour de la donation – de l’objet remis, selon le tarif applicable au jour de cette donation. Les droits de donation effectivement dus suivent ainsi le bien qui sera donné in fine au donataire, après l’exercice de l’option ».

Il serait souhaitable que l’administration fiscale puisse définir précisément le régime fiscal des donations optionnelles, quand l’objet délivré n’est pas celui ayant servi à la détermination des droits de donation.

En revanche, il est admis par tous que la valeur du bien soumis au paiement de droits complémentaires est la valeur du bien au jour de la donation (la plus-value éventuellement prise par le bien ne sera donc pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit).

Il est ici précisé que si le bien finalement délivré est un bien immobilier, les taxes spécifiques, telles que la taxe de publicité foncière et la contribution de sécurité immobilière, devront être acquittées.

En revanche, si le bien délivré a une valeur moindre (plus rare, voire impossible, puisque l’irrévocabilité spéciale des donations impose une équivalence de valeur), il devrait théoriquement y avoir un droit à restitution des droits de mutation indûment acquittés.

30394 – Sous forme de donation-partage ? – Ce qui vient d’être présenté est parfaitement transposable à une donation-partage. En effet, il est tout à fait possible d’envisager un premier lot, composé des deux biens formant chacune des deux branches de l’obligation au profit d’un enfant, et un second lot, composé d’un seul bien (sans alternative et sans facultative), ou un second lot également composé de deux biens formant les deux branches de l’obligation.

§ II – / Cas pratique no 2

30395 – Énoncé du cas pratique. M. Moustache, dans le cadre d’un projet de transmission de biens immobiliers consulte son notaire.

Il est propriétaire de deux chalets à l’Alpe d’Huez. L’un constitue sa résidence principale et le second est actuellement loué. Il a deux filles de vingt-deux et vingt-quatre ans, qui effectuent leurs études à Lyon.

Il est admis que chacune d’elles aura un chalet à son retour. La première qui reviendra dans la région à la fin de ses études recevra le chalet actuellement loué, en pleine propriété.

La seconde disposera du second chalet, en pleine propriété également, dans la mesure où M. Moustache a décidé de vivre dans un appartement lui appartenant dans la station d’ici quelques années, et notamment quand la seconde fille reviendra. Il souhaiterait transmettre ces biens, dès maintenant, car il aura soixante et un ans en mars prochain, et un ami lui a dit qu’il devait transmettre avant cet âge-là pour payer moins de droits. Toutefois, il ne sait pas encore quelle fille finira ses études en premier.

Il demande à son notaire s’il existe une solution.

30396 – En cas de revente du bien avant l’exécution ? – Avant la levée de l’option, le transfert de propriété n’a pas encore eu lieu puisque celui-ci est reporté au jour de l’exécution de l’obligation de délivrance.

Pour la donation alternative, le report du transfert de propriété au jour de l’exécution a toujours été admis et a été conforté par une décision du tribunal administratif de Paris rendue le 15 mai 2019341 en matière de plus-value de surcroît.

Pour la donation facultative, il a longtemps été considéré que le report du transfert de propriété avait lieu au jour de la donation, ce que le professeur Grimaldi contestait. La doctrine majoritaire, désormais, considère qu’à l’instar de la donation alternative, le transfert de propriété est reporté au jour de l’exécution de la donation.

En cas de vente du bien avant le terme convenu (l’exécution de l’une des obligations), le débiteur de la plus-value immobilière reste le donateur.

30397 – En cas de revente du bien après l’exécution ? Quid de la plus-value immobilière, à la revente par le donataire ?

Il s’agit du seul sujet sur lequel une incertitude semble demeurer.

Lorsque le bien sera vendu par le donataire, il y a lieu de considérer que la plus-value éventuellement taxable sera déterminée selon les règles ci-après en ce qui concerne le prix d’acquisition et les délais de détention :

le délai de détention commence à courir à compter de la date du transfert de propriété du bien dans le patrimoine du donataire. Aussi, c’est le jour de l’option et de l’exécution de l’obligation qui constituera le point de départ de la durée de détention.

Quant au débat de savoir s’il est opportun de prévoir, conventionnellement, un effet rétroactif du transfert de propriété au jour de la donation, il n’est pas certain que cet effet rétroactif soit opposable à l’administration fiscale, en matière de computation des délais de détention ;

le prix d’acquisition. C’est ici que la difficulté apparaît. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, il y a lieu de considérer que le prix d’acquisition est celui ayant servi d’assiette aux droits de mutation à titre gratuit.

Deux possibilités :

soit le bien délivré était celui de la donation et, dans ce cas, l’acte de donation contenait la valorisation du bien ayant servi d’assiette aux droits de mutation à titre gratuit. C’est cette valeur qui doit être retenue en tant que prix d’acquisition pour la détermination de la plus-value ;

soit le bien délivré n’était pas celui de la donation, et dans ce cas, l’acte constatant l’exécution de la donation mentionnera l’évaluation du bien délivré, et l’éventuel complément de droits dû. Aussi, c’est cette valeur qui doit être retenue en tant que prix d’acquisition pour la détermination de la plus-value.

À ce sujet, il a été rappelé, ci-avant que dans ce cas, le complément de droits est dû par application du régime fiscal en vigueur au jour de l’exécution (et non au jour de la donation).

M. Jadaud342 avance l’idée que la valeur à retenir pour le prix d’acquisition serait celle du bien au jour du transfert de propriété, donc la valeur du bien au jour de l’exécution de la donation, que le bien délivré soit le bien initialement mentionné dans la donation ou qu’il s’agisse du bien substitué.

M. Gentilhomme retient, quant à lui, une lecture stricte de l’article 150 VB, I du Code général des impôts, qui prévoit que lors d’une acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition est celui ayant servi d’assiette aux droits de mutation à titre gratuit343.

Et par exception, à défaut de valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit, le prix d’acquisition s’entend de la valeur vénale à la date d’entrée dans le patrimoine du cédant d’après une déclaration détaillée et estimative des parties.

Il nous semble qu’une lecture stricte de la loi fiscale doit être retenue, et nous retenons la position de M. Gentilhomme.

30398 Mais s’agit-il vraiment de la seule situation où la donation optionnelle peut être proposée ?

Certainement pas. Il peut en être envisagé d’autres, à l’instar de l’exemple donné ci-dessus.

Les donations optionnelles pourront apporter une réponse toutes les fois qu’il y a un intérêt à transmettre tout de suite et où :

il y a un doute sur quel bien transmettre à quel enfant : question de temporalité : le bien 1 doit être donné au premier enfant revenant après ses études, et le bien 2 au dernier. Mais lequel rentrera en premier ?

il y a un souhait de donner dans une même opération, mais à des moments différents : je veux donner des liquidités à mes trois enfants aux termes d’un même acte, mais qu’ils n’aient cette somme qu’à leur vingt ans, donc à trois échéances différentes ;

il y a une difficulté liée à la transmission d’un bien à un donataire mineur : je veux transmettre des parts de société civile immobilière, mais ma banque est peu encline à accorder des prêts à des enfants mineurs ;

la capacité du donataire, qu’elle soit juridique (minorité) ou non (aptitude), soulève une difficulté ou un doute ;

la transmission porte sur un patrimoine particulier, qui nécessite pour le donataire d’être titulaire d’un diplôme, d’une formation, d’une autorisation (transmission d’un fonds de commerce réglementé, d’une licence IV…), et il y a un intérêt à transmettre tout de suite ;

le patrimoine n’est pas encore transmissible (un produit financier non cessible au jour de l’acte) ;

il y a un intérêt à se réserver la possibilité de modifier l’objet de la donation :

la transmission d’un patrimoine de rapport, source de revenus, alors que le donateur doute de l’intérêt de s’en dessaisir (crainte d’une dépendance financière future : maison de retraite spécialisée…),

lorsque le donataire n’a pas totalement défini son projet de vie, et qu’il s’avère à terme qu’une somme d’argent lui serait plus profitable qu’un bien immobilier.

30399 – Les avantages civils. – Le donateur et le donataire, bien qu’animés de doutes sur le bien-fondé de la transmission de tel bien plutôt qu’un autre, pourront acter de la transmission tout en se laissant le temps de mûrir ce choix et d’y remédier le cas échéant. Ce temps est précieux, et pendant cette période le donateur restera le seul gestionnaire desdits biens.

Aussi peut-on dès lors se demander : pourquoi ne pas attendre de mûrir son choix ?

La première raison pour laquelle il ne faut pas attendre, c’est l’estimation du bien. Bien que l’exécution soit retardée, la valeur est figée au jour de l’acte (et ce même en présence d’une donation ordinaire).

Ce postulat s’applique également à l’état du bien. Les accroissements, les accessoires, les plus-values apportés au bien donné entre l’acte et son exécution ne seront pas civilement comptabilisés.

En 2010, M. Moustache a transmis à son fils, aux termes d’une donation facultative, une entreprise familiale de 800 000,00 €, ou à défaut, un immeuble de rapport de 800 000,00 €. Au jour de l’exécution, en 2021, M. Moustache décide de transmettre l’entreprise familiale, qui est évaluée à 1 400 000,00 €.

Les règles relatives au traitement des libéralités lors de l’ouverture de la succession tiennent compte de l’état du bien au jour de la donation (et non au jour de son exécution), et même pour les donations-partages, de la valeur au jour de la donation (et non celle au jour de son exécution).

À l’ouverture de la succession, son fils sera considéré avoir reçu l’entreprise familiale pour une valeur de 800 000,00 € (et non de 1 400 000,00 €).

En présence d’une donation-partage, la question s’est posée de savoir si les valeurs étaient bien figées au jour de l’acte, notamment quand l’une des obligations est une somme d’argent.

30400 – Débat sur les valeurs figées de la donation-partage optionnelle. – Sauf à disposer de deux biens de même nature et parfaitement identiques, dont on est sûr que la prise de valeur sera équivalente (deux lots identiques dans un immeuble, acquis en Vefa par exemple), la deuxième branche de l’obligation sera dans la majorité des cas une somme d’argent.

Il s’est dès lors posé la question de savoir si les valeurs des biens, objets de la donation-partage seront figées au jour de l’acte. Il s’agit de savoir si la donation-partage alternative ou facultative sera privée ou non de l’un des effets les plus recherchés de la donation-partage, savoir : les biens donnés sont réunis fictivement pour leur valeur au jour de la donation, et non au jour du décès, au sens de l’article 922 du Code civil.

Cette règle connaît deux exceptions : la donation-partage sera réunie pour sa valeur au jour du décès si tous les présomptifs héritiers n’ont pas été allotis ou si un usufruit sur une somme d’argent a été stipulé.

Cette dernière exception a pour objet de limiter le risque qu’un présomptif héritier subisse l’effet pervers de la dépréciation monétaire.

Qu’en est-il de la donation-partage optionnelle ?

Il semblerait que « la ratio legis commande de traiter identiquement ces trois hypothèses [réserves d’usufruit sur sommes d’argent, soultes payables à terme, et créances à terme] et celle de la donation à terme de somme d’argent »344.

Il nous semble qu’assimiler une donation-partage optionnelle dont l’une des branches, la deuxième en l’occurrence, serait une somme d’argent, à une donation-partage avec usufruit sur une somme d’argent est excessif.

Il nous semble, en effet, qu’il y a réellement une différence entre la réserve d’usufruit sur une somme d’argent dans une donation-partage ou une soulte exigible et certaine, dont seul le paiement a été conventionnellement reporté, d’une part, et le cas de la donation-partage assortie d’une obligation facultative ou alternative, d’autre part.

Premièrement parce que l’exécution retardée de la donation-partage alternative ou facultative ne résulte pas d’une convention des parties, ou d’un souhait du donateur, mais de la nature même de l’obligation alternative ou facultative prévue par le Code civil. En outre, la nécessité de prévoir une branche de l’obligation en somme d’argent est souvent imposée pour la validité même de l’opération (au regard du principe de l’irrévocabilité spéciale des donations). Si les parties perdent l’avantage de figer les valeurs, en décidant d’exécuter la deuxième obligation, nous privons de sens les donations optionnelles. Le choix du client doit être libre et ne doit pas être contraint par la perte d’un avantage civil.

Deuxièmement, l’équivalence de valeur entre les deux branches de l’obligation doit être appréciée au jour de l’exécution, et non au jour de la donation. Aussi, il nous semble que si la donation porte sur un immeuble de 100 et une somme de 100, et qu’au jour de l’exécution, le donateur opte pour la somme d’argent, mais qu’à cette date l’immeuble est estimé à 150, l’exécution devra porter sur une somme de 150. Le donataire subit-il dans ce cas une dépréciation monétaire ? Il nous semble que non.

Pour ces raisons, nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’assimiler une obligation alternative ou facultative ayant pour objet une somme d’argent, à une réserve d’usufruit sur sommes d’argent, à une soulte payable à terme, et à une créance à terme.

Toutefois, et pour ceux qui préfèrent se prémunir de tout risque, il peut éventuellement, être envisagé de reporter conventionnellement le blocage des valeurs au jour de l’échéance du terme (et non au jour de l’exécution) à défaut de la valeur au jour de l’acte.

30401

Les donations optionnelles à l’épreuve des notions de dessaisissement et d’irrévocabilité spéciale des donations

Le droit des libéralités est fondé sur deux grands principes que sont l’irrévocabilité des donations et le dessaisissement du donateur.

De prime abord, les donations optionnelles semblent contrevenir à ces deux principes, et pourtant il n’en est rien.

– Donner et retenir ne vaut. – Une donation nécessite un dessaisissement immédiat du donateur. À l’évidence, la donation optionnelle (donation à terme), en ce qu’elle permet de retarder le transfert de propriété à un terme fixé, celui de l’option, ne contient pas de dessaisissement du donateur au jour de la donation.

Cette absence de dessaisissement ne priverait-elle pas la donation de l’un de ses éléments de validité ? L’article 894 du Code civil, analysé en début de propos, évoque un dépouillement actuel du donateur. Le même débat concerne toutes les libéralités entre vifs affectées d’un terme.

Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que le dépouillement dont il est fait état à l’article 894 du Code civil signifie que le bien doit exister au jour de la donation. Il doit s’agir d’une donation de biens présents, ce qui différencie la donation des donations de biens futurs, dont seule l’exécution est retardée.

Cette affirmation résulte de l’analyse faite par le professeur Grimaldi et présentée lors du 108e Congrès des notaires de France :

Analyse du Professeur M. Grimaldi, quant à la notion de dessaisissement traitée dans le 108e Congrès des notaires de France

– Donner, c’est donner, et reprendre, c’est voler. – En outre, la donation optionnelle semble se heurter au sacro-saint principe de l’irrévocabilité spéciale des donations. Il faut rappeler que l’acte de donation, en tant que contrat, est soumis au principe d’irrévocabilité ordinaire des contrats (l’acte tient lieu de loi pour les parties). Mais, en tant que libéralité, cette irrévocabilité des contrats est renforcée, en ce sens où l’acte de donation ne pourra pas contenir de clauses qui permettraient au donateur de s’en défaire, et ce même avec l’accord du donataire.

Toutefois, cette irrévocabilité ne s’est jamais opposée à certaines modalités de stipulation d’une réversion d’usufruit.

La donation optionnelle se heurte-t-elle au principe de l’irrévocabilité spéciale des donations ?

Non, la validité des donations dites « alternatives » ou « facultatives » est admise de longue date par la jurisprudence. Toutefois, certaines conditions existent pour en assurer la validité : l’équivalence économique des objets qui s’apprécie au jour de l’exécution. Et c’est pour cette raison qu’il est souhaitable que le deuxième objet soit une somme d’argent.

Le 108e Congrès des notaires de France avait présenté les thèses doctrinales à ce sujet :

Thèses doctrinales, quant à la notion de d’irrévocabilité spéciale des donations, analysées dans le 108e Congrès des notaires de France

Enfin, il y a lieu de rappeler qu’à côté des donations optionnelles, il existe les donations avec faculté de substitution (dite aussi « faculté conventionnelle de modification unilatérale de l’objet »). Cette dernière n’a aucun fondement textuel. Elle se différencie des donations optionnelles par son mécanisme même. Il ne s’agit pas d’une donation à terme. Le transfert de propriété est immédiat, mais le donateur se réserve la possibilité d’y substituer une autre.

Nous renvoyons sur ce point au 108e Congrès des notaires de France :

Extrait du 108e Congrès des notaires de France : Chapitre 2 Les donations avec faculté de substitution


301) Cass. 1re civ., 11 août 1880 : S. 1881, 1, p. 15. – CA Dijon, 22 janv. 1896 : D. 1896, 2, p. 235.
302) 4 ha = 400 a × 50 € = 20 000,00 €.
303) M. Gayet, Ingénierie patrimoniale et familles recomposées, in L’ingénierie patrimoniale, LexisNexis, 2020, p .67.
304) G. Champenois et M. Klaa, Les donations-partages conjonctives et cumulatives : Defrénois 2014, Dossier « Les libéralités-partages, fonctions, conditions, remèdes… », p. 338, spéc. p. 374.
305) La doctrine considère de façon unanime qu’il n’existe aucune objection à ce qu’une donation-partage conjonctive soit réalisée par des parents non mariés au profit de leurs enfants, malgré les termes des articles 1076-1 et 1077-2 du Code civil.
306) G. Champenois et M. Klaa, Les donations-partages conjonctives et cumulatives, op. cit.
307) Cass. 1re civ., 14 oct. 1981 : JurisData no 1981-003018 ; JCP N 1982, II, p. 146, obs. M. Dagot ; JCP N 1983, II, p. 54, obs. Ph. Rémy ; Defrénois 1982, art. 32852-26, p. 431, obs. G. Champenois ; D. 1982, inf. rap. p. 236, obs. D. Martin ; RTD civ. 1982, p. 646, obs. J. Patarin ; Journ. not. 1983, art. 57071, p. 91, obs. A. Raison.
308) F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions, les libéralités, Dalloz, 4e éd., 2013, no 1250. Sur l’exposé de la doctrine, de la jurisprudence et du dispositif consacré en 2006, V. M. Klaa, Donation-partage conjonctive de biens communs et enfants de lits différents : JCP N 2008, 1068.
309) C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil, t. XI, 6e éd., 1956, par P. Eismein, texte et note 10. – G. Baudry-Lacantinerie et A. Colin, Des donations et testaments, t. II, no 3598. – M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil, t. V, Donations et testaments, LGDJ, 2e éd., 1956, no 832, par Trasbot et Loussouarn. – G. Ripert et J. Boulanger, Traité élémentaire de droit civil, t. IV, 5e éd., 1959, no 3965.
310) P. Catala, La réforme des liquidations successorales, Defrénois, 3e éd., 1982, no 111. – Dans le même sens, G. Morin, La loi du 3 juill. 1971 sur les rapports à succession, la réduction des libéralités et les partages d’ascendants, Defrénois, 2e éd., 1972, no 109.
311) Cass. 1re civ., 14 oct. 1981 : JurisData no 1981-003018 ; JCP N 1982, II, p. 146, obs. M. Dagot ; JCP N 1983, II, p. 54, obs. Ph. Rémy ; Defrénois 1982, art. 32852-26, p. 431, obs. G. Champenois ; D. 1982, inf. rap. p. 236, obs. D. Martin ; RTD civ. 1982, p. 646, obs. J. Patarin ; Journ. not. 1983, art. 57071, p. 91, obs. A. Raison.
312) M. Mathieu et J.-F. Pillebout : JCl. Notarial Formulaire, Vo Donation-partage, fasc. 22, Donation-partage – Enfants de différents lits, 28 juin 2021.
313) P. Catala, La réforme des liquidations successorales, Defrénois, 3e éd., 1982, no 111.
314) M. Grimaldi, Libéralités, partages d’ascendant, Litec, 1re éd., 2000, no 1766.
315) JCP N 1982, II, p. 146, obs. M. Dagot ; D. 1982, inf. rap. p. 236, obs. D. Martin ; Journ. not. 1983, art. 57071, p. 91, obs. A. Raison.
316) D. Epailly, 70 questions de donation-partage, éd. Cridon Sud Ouest, févr. 2017, nos 56 et s.
317) J. Patarin, obs. préc. ss Cass. 1re civ., 14 oct. 1981 : JurisData no 1981-003018 ; JCP N 1982, II, p. 146, obs. M. Dagot ; JCP N 1983, II, p. 54, obs. Ph. Rémy. – V. égal. M. Grimaldi, Libéralités, partages d’ascendant, Litec, 1re éd., 2000, spéc. no 1766. – JCl. Civil Code, Art. 1075 à 1080, fasc. 20.
318) BOI-ENR-DMTG-20-20-10-20120912, nos 140 et 150 ; Doc. fisc. Lefebvre, Enr., div. X, nos 49410 et s.
319) JOAN Q 11 mars 2008, p. 2135 : Defrénois 2008, p. 1248, no 38786 ; JCP N 21 mars 2008, no 12, act. 313.
320) D. Epailly, 70 questions de donation-partage, op. cit.
321) QE no 17299 de M. Claude Malhuret (Allier – Les Indépendants) : JO Sénat 16 juill. 2020, p. 3252.
322) Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, no 73-13.556, Jacques Vabre.
323) Les conditions de logement en France, Insee Références, éd. 2017, p. 134.
324) Qui détient les résidences secondaires ? : Insee Analyses févr. 2021, no 91.
325) Fondation Irène (Institut de recherches et d’études notariales européen). Siège : 74, avenue Victor Hugo, L-1750 Luxembourg, RCS Luxembourg no G.49. Email : irene@fondation-irene.lu ; Tél. : +352 803 51 61. Site : https://fondation-irene.lu/index.php.
327) Tableau établi à l’aide de : JCl. Liquidations-Partages, Vo Successions internationales, fasc. 40, par G.-A.-L. Droz et M. Revillard.
329) 87e Congrès des notaires de France, Montpellier, 5-8 mai 1991, Patrimoine privé : stratégie fiscale.
330) 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 23-26 sept. 2012, La transmission.
331) Cass. 1re civ., 21 janv. 1969 : Bull. civ. 1969, I, no 34 et TA Paris, 15 mai 2019, nos 1709435, 1709436 et 1709437.
332) BOI-ENR-DG-20-20-70, 12 sept. 2012, no 250.
333) B. Jadaud, La donation à terme : JCP N 20 janv. 2006, no 3, 1024 : « Ainsi aucune règle ne paraît s’opposer à ce que l’exonération de 75 % de la valeur des parts sociales ou d’actions, instituée par l’article 787 B du CGI modifié par l’article 28 de la loi no 2005-882 du 2 août 2005, dont la donation opère transmission d’une entreprise, s’applique dès lors que le donateur souscrirait avec d’autres un engagement collectif de conservation et que, au jour de l’exécution de la donation et du transfert de la propriété des titres sociaux, le donataire prendrait un engagement personnel de conservation, toutes autres conditions étant satisfaites. La même faculté peut être admise pour la transmission d’une entreprise individuelle dans les conditions prévues par l’article 787 C du CGI ».
334) R. Gentilhomme, Les donations complexes : JCP N 17 nov. 2006, no 46, 1353 : « S’agissant de l’application d’exonérations partielles relatives à certains biens, et spécialement celle de l’article 787 B du Code général des impôts, on ne peut que souscrire à l’opinion du professeur Jadaud lorsqu’il considère qu’un tel régime pourrait trouver à s’appliquer en matière de donation à terme, dès lors que, toutes les conditions visées au texte étant par ailleurs réunies, le donataire prendrait l’engagement personnel de conserver les titres pendant six ans, à compter du jour de l’exécution de la donation, c’est-à-dire du transfert de propriété des titres concernés. Ce raisonnement vaut donc pour les donations à terme de droits sociaux ».
335) X. Bouché et X. Guédé, Les donations optionnelles englobent les donations alternatives et facultatives : JCP N 18 mai 2012, no 20, 1229 : « Typiquement, une donation alternative dont l’une des deux branches serait constituée par des titres sociaux éligibles au dispositif Dutreil (CGI, art. 787 B) pourrait bénéficier de cette solution avantageuse. Les droits seraient ainsi liquidés sur une assiette égale à 25 % des parts sociales ou actions ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation. Faute de pouvoir être pris dans l’acte de donation (le transfert de propriété étant différé), l’engagement individuel du donataire serait acté au jour de l’exercice de l’option, de sorte que le délai de quatre ans ne courrait qu’à compter de cette date. Si l’option exercée par le donateur portait finalement sur la prestation alternative (une somme d’argent par exemple), les droits seraient recalculés et exigibles en fonction de sa valeur au jour de l’option ».
336) X. Boutiron et O. Giacomini, Aspects fiscaux des donations alternatives et facultatives : Defrénois 1er oct. 2020, no 40, no 163×6, p. 26.
337) Cass. civ., 15 juill. 1808 : S. 1808, 1, p. 543. – Cass. civ., 20 août 1827 : S. 1827, 1, p. 670 ; Décision ministérielle, 3 févr. 1817 ; Maguéro, Traité alphabétique de l’enregistrement, 1929.
338) En ce sens : B. Jadaud, La donation à terme : JCP N 20 janv. 2006, no 3, 1024 ; X. Bouché et X. Guédé, Les donations optionnelles englobent les donations alternatives et facultatives : JCP N 18 mai 2012, no 20, 1229.
339) X. Boutiron et O. Giacomini, Aspects fiscaux des donations alternatives et facultatives : Defrénois 1er oct. 2020, no 40, no 163×6, p. 26.
340) X. Boutiron et O. Giacomini, Aspects fiscaux des donations alternatives et facultatives, op. cit.
341) TA Paris, 15 mai 2019, nos 1709435, 1709436 et 1709437 : Defrénois 9 juill. 2020, p. 32.
342) B. Jadaud, La donation à terme, op. cit.
343) R. Gentilhomme, Les donations complexes : JCP N 2006, no 46, 1353. V. égal. en ce sens : X. Boutiron et O. Giacomini, Aspects fiscaux des donations alternatives et facultatives : Defrénois 1er oct. 2020, no 40, p. 26.
344) D. Epailly, 70 questions de donation-partage, op. cit., p. 347, cf. note de bas de page 841.
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