30131 – Deux régimes matrimoniaux mixtes. – À côté des régimes matrimoniaux classiques que sont la communauté de biens réduite aux acquêts et la séparation de biens pure et simple, il existe deux régimes mixtes : la participation aux acquêts (Section I) et la séparation de biens avec société d’acquêts (Section II).
Ces deux régimes relèvent incontestablement de l’ingénierie notariale dès lors que le sur-mesure de la convention, contrat de mariage ou changement de régime, est de rigueur ; si tant est que cela soit possible, en vertu des dispositions légales.
30132 – Sentiment de paradoxe. – Sophie Gaudemet souligne le paradoxe de ce régime matrimonial entre, d’une part, « la réalité des contrats de mariage » (§ I) et, d’autre part, « le discours d’une doctrine qui s’attache à convaincre le notariat, et à travers lui les époux, de l’équilibre que peut opportunément offrir à certains couples ce régime conventionnel ; tant et si bien que les universitaires ont leur légitimité dans la présentation de la pratique de cette participation aux acquêts dont on a d’ailleurs parfois dit, non sans humour, qu’elle serait le régime matrimonial des professeurs de droit (J. Maury, Les atouts de la participation aux acquêts : Dr. et patrimoine déc. 1994, p. 40, cité par L. Mauger-Vielpeau, La participation aux acquêts, cette mal-aimée, in Quelle association patrimoniale pour le couple ?, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2010, p. 44) »150 (§ II).
Les développements à suivre de nos travaux sont consultables sur le site du Congrès en flashant le QR Code suivant.
30132-1
– Échec de longue date. – L’histoire nous apprend que ce régime matrimonial de la participation aux acquêts a d’abord été évincé en qualité de régime légal (A), puis qu’il a été totalement écarté par la pratique notariale qui est réticente à le proposer aux concitoyens comme régime conventionnel (B).
Afin de prendre la mesure de la situation, et plutôt que de paraphraser d’illustres auteurs, il sera reproduit ci-après plusieurs de leurs propos.
30132-2
– Propos de Cornu. – La promotion du régime de la participation aux acquêts « au rang de régime légal avait ses partisans. La conciliation qu’il opère entre les tendances communautaires et individualistes a de quoi séduire.
Sans doute était-il prématuré d’adopter ex nihilo, comme régime légal, un régime totalement ignoré du public – et de la pratique notariale. « Au moins pour un certain temps, sa place est au banc d’essai des régimes conventionnels ».
C’était une façon de laisser parler les mœurs et la formule sous-entendait qu’après une période de rodage, l’éventuel succès du régime pourrait lui mériter une promotion. En 1977, l’échec avéré de la participation aux acquêts, dont l’existence est parfois remise en cause comme régime conventionnel (en l’absence d’ailleurs d’essai réel), fait voir la dérision actuelle d’un tel avancement, la réforme qui en est demandée ne laissant apercevoir, au mieux, qu’une amélioration du régime conventionnel »151.
30132-3
– Plusieurs réformes. Un même constat. – Avant (I) comme après (II) la loi no 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, qui a permis de remodeler ce régime matrimonial délaissé, et après l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 décembre 2019 sur les avantages matrimoniaux en participation aux acquêts (III), rien ne change : ce régime de la participation aux acquêts est totalement évincé des régimes matrimoniaux conventionnels proposés aux concitoyens par la pratique notariale.
30132-4
– Propos de Cornu. – « Franchement hostile à l’adoption de la participation aux acquêts comme régime légal, le notariat, avant 1985, était très réservé à l’égard du régime conventionnel. Son adoption n’était pas conseillée. Elle était très rare. Il arrivait que le régime fût adopté, même pendant le mariage, par mutation contrôlée. Mais le pourcentage annuel des contrats de mariage qui l’adoptaient était très faible (2 % à 3 % dans les années 1980, d’après certaines évaluations). Conformes aux suggestions de la pratique notariale, les retouches apportées au régime par la loi du 23 décembre 1985 pourraient lui donner un « second souffle ». S’il n’y a relance, au moins n’y a-t-il plus handicap. Ce régime pourrait demeurer le choix d’une minorité fortement motivée »152.
30132-5
– Propos de L. Mauger-Vielpeau. – « Pourtant, la participation aux acquêts est mal-aimée. Elle fait l’objet des plus vives critiques. En pratique, elle est ignorée par de nombreux notaires qui refusent de s’y intéresser. Au mieux, dans certaines études, elle donne lieu à une ou deux liquidations par an. Justement, son défaut principal résiderait dans la complexité de sa liquidation. Celle-ci serait tellement compliquée et incertaine que beaucoup déconseillent ce régime de peur d’avoir à assumer plus tard les conséquences d’une liquidation infaisable ou trop aléatoire, particulièrement lorsque le mariage dure, en raison du manque d’éléments nécessaires à cette liquidation. Ce désintérêt touche cependant moins certains jeunes notaires qui, au contraire, en sont parfois de fervents défenseurs. C’est la méconnaissance du régime qui est à l’origine de sa désaffection car en l’étudiant, on s’aperçoit qu’il n’est pas si compliqué à liquider, et même parfois plus facile à régler que la communauté. N’oublions pas que certains pays l’ont adopté comme régime légal »153.
30132-6
– Propos du 110e Congrès des notaires de France. – « La participation aux acquêts… un régime séduisant. Pourtant, au mieux il est ignoré, au pire il est déconseillé. (…)
Avec la même constance, la participation aux acquêts nourrit, de la part des praticiens, de nombreuses critiques. Son fonctionnement ne serait pas véritablement séparatiste et sa liquidation serait difficile voire impossible. (…)
Malgré sa promotion par la doctrine et les améliorations apportées par la loi du 23 décembre 1985, la participation aux acquêts reste « cette mal-aimée » (L. Mauger-Vielpeau, La participation aux acquêts, cette mal-aimée, op. cit., p. 43). Seuls 0,1 à 0,3 % des couples français (F. Letellier, Un nouveau régime matrimonial à la disposition de tous les couples : le régime commun franco-allemand : Gaz. Pal. 31 juill. 2010, p. 24) se soumettent au régime conventionnel de la participation aux acquêts. Dès lors, n’est-ce pas pure vanité que de se porter au chevet de ce régime ? »154.
30132-7
– Cour de cassation, 1re chambre civile, 18 décembre 2019, no 18-26.337. – Cette décision attendue, à propos d’une clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans un contrat de participation aux acquêts, présente l’intérêt de confirmer la doctrine très dominante selon laquelle les régimes de participation aux acquêts sont éligibles aux avantages matrimoniaux. Elle est la première à traiter de la question depuis 1965.
Néanmoins, elle semble juger qu’exclure les biens professionnels du calcul de créance de participation constitue un avantage matrimonial, qui serait, en tant que tel, révocable de plein droit en cas de divorce, au visa de l’article 265 du Code civil, puisque ne prenant effet qu’à la dissolution du régime matrimonial. Effectivement, en n’évoquant pas la protection dérogatoire apportée par le deuxième alinéa de l’article 1527 du Code civil aux avantages correspondant aux « simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux des deux époux », cette décision laisse planer sur toutes les clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation, même celles n’accordant qu’un avantage limité à une partie des « simples bénéfices », une menace de révocation.
30132-8
Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry, 10 septembre 2018.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2018), M. M… et Mme E… se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution du régime pour une autre cause que le décès des époux, que « les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des futurs époux lors de la dissolution, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seront exclus de la liquidation ». Leur divorce a été prononcé par jugement du 26 septembre 2008. Lors des opérations de liquidation et de partage de leur régime matrimonial, M. M… a demandé que soit constatée la révocation de plein droit de la clause d’exclusion des biens professionnels figurant dans leur contrat de mariage et que ces biens soient intégrés à la liquidation de la créance de participation.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
2. M. M… fait grief à l’arrêt de juger que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage ne constitue pas un avantage matrimonial et, en conséquence, d’ordonner l’exclusion des biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux alors « qu’en matière de participation aux acquêts, une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, en cas de dissolution du régime pour une cause autre que le décès de l’un des époux, s’analyse en un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu’en jugeant, en l’espèce, que la clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation insérée dans le contrat de mariage des époux M… E… ne constitue pas un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime et donc révoqué de plein droit par le jugement de divorce en application de l’article 265 du Code civil, la cour d’appel a violé les articles 265, 1570 et 1572 du Code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 265 du Code civil :
3. Les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial. Ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
4. Il en résulte qu’une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial en cas de divorce.
5. Pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonner, en conséquence, l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul de leurs patrimoines originaires et finaux, l’arrêt retient que la notion d’avantage matrimonial est attachée au régime de communauté et que les futurs époux, en excluant leurs biens professionnels, ont voulu se rapprocher partiellement du régime séparatiste, sans pour autant en tirer toutes les conséquences sur leurs biens non professionnels. Il ajoute qu’en adoptant un tel régime, dès lors que Mme E… était pharmacienne et M. M… directeur d’un laboratoire d’analyses, ils entendaient rester maîtres chacun de la gestion de leur outil de travail et de son développement futur tout en permettant à l’autre de profiter pendant le mariage des revenus tirés de l’activité, voire à le protéger si le bien professionnel était totalement déprécié.
6. En statuant ainsi, alors que cette clause constituait un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit et juge que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et de Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonne en conséquence l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux, l’arrêt rendu le 10 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;
Condamne Mme E… aux dépens ;
En application l’article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXÉ au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. M…
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et de Mme E… ne constituait pas un avantage matrimonial et d’avoir, en conséquence, ordonné l’exclusion des biens professionnels de M. M… et Mme E… du calcul des patrimoines originaires et finaux ;
Aux motifs que, « Attendu que conformément à l’article 1569 du Code civil le régime de la participation aux acquêts fonctionne pendant la durée du mariage comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et à la dissolution du régime, chacun des époux a alors le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final ;
Que le régime né séparatiste bascule au final dans une aspiration communautaire en permettant d’associer au moment de la dissolution les deux époux à leurs gains mutuels acquis durant le mariage par le biais d’une créance de participation ;
Attendu que tout en optant pour ce régime, et non pour un régime séparatiste, les époux ont entendu exclure de la créance de participation leurs biens professionnels ;
Attendu que conformément à l’article 1527 du Code civil les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier, ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations ;
Attendu qu’enfin et conformément à l’article 265 alinéa 2 du Code civil, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis ;
Attendu que par application de l’article 1581 du Code civil, en stipulant la participation aux acquêts, les époux peuvent adopter toutes clauses non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389 ;
Attendu que l’intention des deux futurs époux en insérant cette clause d’exclusion dans leur contrat de mariage est parfaitement claire et non équivoque, que la clause est ainsi libellée :
« Sauf si la dissolution du régime résulte du décès des deux futurs époux, les biens affectés l’exercice effectif de la profession des futurs époux lors de la dissolution, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seront exclus de la liquidation » ;
Qu’elle est par ailleurs complétée par l’énumération des biens devant être exclus du patrimoine final, à savoir :
– des équipements matériels divers servant aux soins et à la réception de la clientèle,
– la valeur du droit de présentation de la clientèle à tout successeur,
– le droit au bail des locaux dans lesquels ils exerceront leur activité professionnelle,
– les parts ou actions de toutes sociétés de moyens, sociétés civiles professionnelles ou sociétés de toute forme dont I’objet sera l’exercice de leur profession libérale ou commerciale,
Qu’il ne s’agit donc pas d’une simple clause de style mais bien d’une volonté des futurs époux de rechercher dans le cadre de leur liberté contractuelle, tout en adoptant le régime de la participation aux acquêts, une double protection à savoir celle relative à leurs biens professionnels et celle relative au conjoint qui pourra ainsi bénéficier au cours du mariage de l’accroissement des revenus de l’autre du fait de son activité ;
Qu’il est même prévu au contrat que si au jour de la dissolution, il apparaissait que les futurs époux avaient anormalement investi des biens à usage professionnel, dans l’intention de réduire le montant de leurs acquêts, l’excédent serait ajouté au patrimoine final, ce qui est bien la preuve de la volonté des époux de rechercher effectivement cette double protection au regard du régime qu’ils ont choisi ;
Attendu que la notion d’avantage matrimonial est attachée au régime de communauté, que comme rappelé ci-dessus, le régime de la participation aux acquêts fonctionne pendant la durée du mariage comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et ce n’est qu’à la dissolution du régime qu’il bascule dans une aspiration communautaire ;
Attendu qu’au cas d’espèce les deux futurs époux, en excluant leurs biens professionnels, ont voulu se rapprocher partiellement du régime séparatiste, sans pour autant en tirer toutes les conséquences sur leurs biens non professionnels ;
Qu’en adoptant un tel régime, dès lors que Mme C… E… était pharmacienne et M. Y… M… directeur d’un laboratoire d’analyses, ils entendaient rester maîtres chacun de la gestion de leur outil de travail et de son développement futur tout en permettant à l’autre de profiter pendant le mariage des revenus tirés de l’activité, voire à le protéger au final si le bien professionnel était totalement déprécié ;
Attendu que dès lors et au cas d’espèce la clause d’exclusion insérée dans le contrat de mariage des deux époux ne constitue pas un avantage matrimonial qui est révoquée de plein droit par le jugement de divorce, les biens professionnels devant dès lors être exclus du calcul des patrimoines originaires et finaux de M. Y… M… et de Mme C… E… » (arrêt, pp. 5-6).
Alors que, en matière de participation aux acquêts, une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, en cas de dissolution du régime pour une cause autre que le décès de l’un des époux, s’analyse en un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu’en jugeant, en l’espèce, que la clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation insérée dans le contrat de mariage des époux M… E… ne constitue pas un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime et donc révoqué de plein droit par le jugement de divorce en application de l’article 265 du Code civil, la cour d’appel a violé les articles 265, 1570 et 1572 du Code civil.
30132-9
– Propos de F. Letellier. – « Par cet arrêt du 18 décembre 2019, la Cour de cassation a mis fin à près de quarante ans de controverse doctrinale. D’une logique juridique imparable, cette décision n’est pas exempte de critiques pratiques. Les notaires doivent tirer les conséquences des principes ainsi dégagés. Le régime de participation aux acquêts risque d’être encore moins conseillé et pratiqué. Cela est regrettable (…).
La pratique ne peut se satisfaire d’une telle décision qui met à mal la participation aux acquêts et ainsi la volonté pour l’époux professionnel de partager ses revenus tout en protégeant son outil de travail. Une telle jurisprudence peut sembler injuste et pénalisante. Il serait souhaitable qu’un texte précis vienne exclure de l’article 265 ces clauses qui sont impulsives et déterminantes dans le choix du régime matrimonial. Les efforts de certains praticiens et universitaires pour promouvoir ce régime de la participation aux acquêts sont, par ce seul arrêt, en grande partie ruinés et désavoués »156.
Nous renvoyons au 116e Congrès des notaires de France et à sa Proposition no 2 (adoptée) intitulée « Restaurer la protection de l’époux professionnel dans le régime matrimonial de la participation aux acquêts » :
30132-10
– Propos de Th. Le Bars et L. Mauger-Vielpeau. – « Concernant plus particulièrement la participation aux acquêts, il risque fort de marquer un coup d’arrêt à la relative croissance que commençait à connaître ce régime. Avec le temps, les notaires le maîtrisent de mieux en mieux et ils le conseillent de plus en plus volontiers à ceux de leurs clients qui souhaitent cumuler les avantages de la communauté et de la séparation de biens. Leurs craintes quant à la difficulté qu’il y aurait à liquider la créance de participation ont été largement atténuées, grâce au développement de l’approche autonomiste (V. à ce sujet : T. Le Bars, Pour une conception autonomiste du régime matrimonial de la participation aux acquêts, in Mél. G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 487 et s.) de ce régime qui a été adoptée à diverses reprises par la Cour de cassation (V. Cass. 1re civ., 4 mai 2011, no 10-15.787 : D. 2011, 1348, obs. J. Marrocchella, 2005, note L. Mauger-Vielpeau ; D. 2012, 2476, obs. J. Revel ; AJF 2011, 332, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2011, 579, obs. B. Vareille ; Defrénois 2011, 1226, note D. Autem ; Dr. famille 2011, no 100, obs. B. Beignier ; Rev. Lamy dr. civ. 2011/84, no 4317, note R. Mésa. – Cass. 1re civ., 2 déc. 2015, no 14-25.756 : D. 2016, 771, note L. Mauger-Vielpeau, 674, obs. M. Douchy-Oudot, et 2086, obs. V. Brémond ; AJF 2016, 60, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2016, 916, obs. B. Vareille. – Cass. 1re civ., 31 mars 2016, no 14-24.556 : D. 2016, 1803, note L. Mauger-Vielpeau, et 2086, obs. V. Brémond ; RTD civ. 2016, 919, obs. B. Vareille ; JCP N 2016, no 1236, note E. Naudin ; Gaz. Pal. 2016, 916, obs. S. Piédelièvre). La possibilité d’aménager le régime conventionnel proposé par le Code civil, en fonction de la situation particulière des époux, a également contribué à sa promotion (C. civ., art. 1581. (18) Dans cette société d’acquêts, on pourrait placer divers biens non professionnels. Au passage, la Cour de cassation a vu un avantage matrimonial dans la constitution d’une société d’acquêts en régime de séparation de biens, Cass. 1re civ., 29 nov. 2017, no 16-29.056 : AJF 2018, 241, obs. P. Hilt, et 55, obs. N. Levillain ; RTD civ. 2018, 201 et 204, obs. B. Vareille ; JCP N 2018, 1002, note B. Beignier et F. Collard. (19) Elle relèverait alors de l’alinéa 1er de l’article 265 du Code civil qui prévoit que « le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage »). La participation aux acquêts sortait donc peu à peu de l’ombre. L’arrêt commenté dissuadera désormais les praticiens d’y avoir recours car ils ne pourront plus éviter ses effets négatifs en cas de divorce. (…) Cette regrettable jurisprudence déjoue les prévisions contractuelles des parties et met à mal la liberté des conventions matrimoniales, tout en compromettant gravement l’avenir du régime de la participation aux acquêts dans notre pays »157.
30132-11
– Propos de B. Beignier. – « La Cour de cassation a été suspectée de vouloir annihiler l’attractivité – très relative en France ! – de la participation aux acquêts. En jugeant que l’exclusion des biens professionnels du calcul de créance de participation constituait un avantage matrimonial révocable de plein droit en cas de divorce, l’arrêt ferait figure de « coup d’arrêt ». Pour certains, ce serait la mort programmée de la participation aux acquêts »158.
30133 – Question. – Pour reprendre une célèbre maxime, un schéma (B) vaut-il mieux qu’un long discours (A) ?
30134 – Propos de S. Gaudemet. – « Les intérêts de la participation aux acquêts n’en sont pas moins demeurés ; ils tiennent à ce qu’elle emprunte et à la séparation de biens et à la communauté en conciliant indépendance et association : indépendance de gestion en principe pour chacun des époux, seul propriétaire des biens acquis en son nom ; indépendance en termes d’actif mais aussi de passif, chaque époux étant seul tenu des dettes nées de son chef avant comme pendant le cours du régime ; et association aux gains tirés du fonctionnement du régime matrimonial, qui se traduit, à la dissolution, par le calcul et le règlement en valeur d’une créance de participation empreinte cette fois d’un esprit communautaire »159.
30135 – Propos du 110e Congrès des notaires de France. – « Si le régime de la participation apparaît séduisant, il souffre de la réputation d’être quasi impossible à liquider. Il convient de vérifier si cette mauvaise réputation est fondée. Le régime français de la participation aux acquêts comporte des difficultés liées au suivi des flux entre patrimoines originaire et final et aux règles d’évaluation. Les exemples de liquidation démontrent que cette complexité peut être maîtrisée, comme en matière de liquidation de communauté »160. « Une fois les problèmes de preuves levés, la participation aux acquêts se liquide aisément »161.
Pour un rappel des principes et des exemples de liquidation, nous renvoyons au rapport du 110e Congrès des notaires de France :
Rapport du 110e Congrès des notaires de France, Marseille, 15/18 juin 2014, Vie professionnelle et famille, place au contrat, 1re commission,
pour un rappel des principes : nos 1266 à 1274, p. 116 à 120.
pour des exemples de liquidation : nos 1275 à 1298, p. 120 à 132.
30136 – Schémas inspirés de ceux proposés par N. Duchange. – « La participation aux acquêts, avant d’être un régime matrimonial, est d’abord un mécanisme juridique. C’est la vision précise et chiffrée de ce mécanisme qui permet de comprendre ce qui distingue ce régime matrimonial original des constructions communautaires : participer aux acquêts consiste simplement à organiser des flux d’un époux vers l’autre.
Pour tempérer une séparation de biens, quoi de plus élémentaire qu’une participation aux acquêts : au terme d’une union où leurs patrimoines respectifs seront demeurés séparés, les époux se contenteront de calculer une créance assise sur des acquêts comptables. À cet effet, ils compareront leurs acquêts respectifs : l’excédent d’acquêts de l’un par rapport à l’autre formera l’assiette de la créance de participation. Une fois cette assiette mesurée, il suffira de lui appliquer un taux de participation »162.
30137 – Patrimoines final et originaire. – Dans toute participation aux acquêts, on débute par la comparaison pour chacun des époux de deux patrimoines que le Code civil français nomme « patrimoine final »163 et « patrimoine originaire »164. Cette comparaison suppose de définir la composition de ces patrimoines et leurs modalités d’évaluation.
30138 – Acquêts nets. – Puis, « les acquêts d’un époux sont représentés par l’accroissement de son patrimoine final, par rapport à son patrimoine originaire, c’est-à-dire, en valeur, par les gains qu’il a réalisés pendant le mariage. (…) Les acquêts n’existent donc, pour un époux, que si son patrimoine final est supérieur à son patrimoine originaire. En outre, la participation n’a lieu pour l’autre que sur cet accroissement, mais non, dans le cas inverse, sur le déficit. Le régime n’associe pas les époux aux pertes, mais seulement aux gains »165.
Patrimoine final – Patrimoine originaire = Acquêts nets
30139 – Créance de participation. – Sur les acquêts nets ainsi définis, la participation se détermine par son taux. Le taux de participation permet de déterminer le montant de la créance de participation. « C’est à ce moment – c’est dans cette opération – que le régime remplit le vœu qui lui a donné son nom, en faisant participer chacun des époux aux bénéfices de l’autre »166.
Toutefois, bien que la participation ait classiquement lieu pour moitié, l’inégalité est permise. Les époux peuvent, à cet égard, déterminer un taux de participation distinct selon la cause de la dissolution du régime matrimonial.
Un taux de 0 % (ni créance ni dette) : le régime est une séparation de biens pure et simple.
Taux de participation de 0 %
Un taux de 25 % (25 de créance et 25 de dette dans notre exemple puisque monsieur a 100 acquêts de plus que madame) : le régime est plus participatif qu’une séparation de biens pure et simple, mais sans atteindre le résultat comptable d’une communauté de biens réduite aux acquêts.
Taux de participation de 25 %
Un taux de 50 % (50 de créance et 50 de dette dans notre exemple puisque monsieur a 100 acquêts de plus que madame) : le régime se rapproche d’une communauté de biens réduite aux acquêts. En effet, chacun des époux détient finalement la moitié de la valeur des acquêts cumulés mais de manière séparée ; c’est tout l’attrait de ce régime.
30140 – Droit comparé. – Une fois le droit positif explicité, intéressons-nous désormais au droit comparé des régimes mixtes de participation aux acquêts. L’idée serait de s’inspirer de cette analyse afin de rendre ce régime matrimonial mixte plus compétitif dans le panorama français. Certains aménagements s’avéreront alors indispensables et seront préconisés aux notaires dans le cadre de la rédaction des contrats de mariage contenant adoption du régime de la participation aux acquêts. Surtout, il reviendra au législateur contemporain d’intervenir… peut-être.
En droit comparé, deux types de régimes de participation aux acquêts existent. Certains régimes prévoient, à l’image de la participation aux acquêts française, une comparaison entre les patrimoines final et originaire pour définir les acquêts. D’autres, notamment suisse et québécois, prévoient que les acquêts constituent un patrimoine distinct des biens propres des époux. Ces derniers ne seront pas étudiés ici, car ils ne reflètent pas la participation aux acquêts telle que nous l’entendons en France, mais plutôt la société d’acquêts.
30141 – Forces et faiblesses de la conception allemande. – Inspiré de la conception allemande (§ I), ce mode de participation par comparaison entre le patrimoine final et le patrimoine originaire livre la clé de tout le système français, aussi bien dans son principe que dans ses conséquences. Ne serait-ce pas précisément sur ce dernier point, sur cette comptabilité trop précise et complexe que notre régime de participation aux acquêts présente des failles ? Une autre solution, celle de la participation en nature, serait-elle envisageable et à conseiller (§ II) ?
30142 – Régime légal allemand : la participation aux acquêts. – La dénommée participation aux acquêts est le régime matrimonial légal en Allemagne.
Fondamentalement, la participation aux acquêts allemande correspond à une séparation de biens. Les biens de chaque époux n’entrent pas dans le patrimoine commun du couple. Il en est ainsi même pour les biens qu’un époux acquiert après la célébration du mariage. Les époux ne sont, en règle générale, pas soumis à des restrictions pour disposer de leurs biens et ne répondent pas des dettes de l’autre.
Cependant, l’accroissement de fortune que les époux réalisent pendant le mariage fait l’objet d’une péréquation lorsque le régime prend fin (par le divorce ou par le décès). L’époux dont les acquêts sont supérieurs à ceux de l’autre époux est obligé de payer la moitié de l’excédent à l’autre époux sous forme d’une créance de participation. Les acquêts respectifs sont calculés en déduisant le patrimoine initial du patrimoine final. Le montant de la créance de participation est limité à la valeur du patrimoine du débiteur existant après déduction des dettes.
30143 – Régime franco-allemand de participation aux acquêts. – Le récent régime de participation aux acquêts adopté par la France et l’Allemagne le 4 février 2010 constitue une référence utile. À l’occasion du douzième Conseil des ministres franco-allemand, a été signé un accord entre les deux pays instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts : l’objectif était la création d’un nouveau régime matrimonial commun à la France et à l’Allemagne et qui s’ajoutait aux régimes en vigueur dans les deux États. Cet accord bilatéral, entré en vigueur le 1er mai 2013, est le fruit de la coopération de deux pays européens qui souhaitent faire face à l’accroissement du nombre de couples franco-allemands en leur permettant de ne pas choisir leur législation nationale respective.
En outre, et avec une terminologie simple, l’article 3.3 dudit accord garantit la liberté contractuelle des époux avec une portée considérable : « Le contrat peut déroger aux règles du chapitre V », c’est-à-dire à celles concernant la détermination de la créance de participation à la dissolution du régime (à savoir la composition et l’évaluation du patrimoine originaire et final, le droit à une créance de participation et les limites de la créance de participation). Au contraire, il n’est absolument pas envisageable de déroger aux règles de disposition et aux actes relevant de l’entretien du ménage, conformément au régime primaire du mariage en France.
Nous renvoyons sur ce point au rapport du 110e Congrès des notaires de France :
Rapport du 110e Congrès des notaires de France, Marseille, 15/18 juin 2014, Vie professionnelle et famille, place au contrat, 1re commission, nos 1064 à 1077, p. 36 à 43.
30144 – Principe et exception. – En Allemagne comme en France, le principe est que la participation s’opère en valeur (A), non en nature (B).
30145 – Principe : règlement en argent de la créance de participation. – Conformément à l’article 1576, alinéa 1er du Code civil, le règlement de la créance de participation s’effectue en argent. Ce principe est conforme au mode participatif en valeur qui caractérise le régime de la participation aux acquêts à la française. Le montant de la créance de participation est immédiatement exigible et relève du droit commun des obligations.
L’époux créancier, chirographaire, a la possibilité d’inscrire dans l’année qui suit la dissolution du régime matrimonial (s’il ne l’a pas fait avant) une hypothèque légale pour garantir sa créance. Toutefois, l’article 1576 du Code civil prévoit que : « Si l’époux débiteur rencontre des difficultés graves à s’en acquitter entièrement dès la clôture de la liquidation, les juges peuvent lui accorder des délais qui ne dépasseront pas cinq ans, à charge de fournir des sûretés et de verser des intérêts ».
Lorsque les biens de l’époux débiteur sont insuffisants pour acquitter la créance de participation, l’article 1577 du Code civil institue une variété d’action paulienne (C. civ., art. 1578, al. 4) permettant à l’époux créancier de recouvrer sa créance, en commençant par les aliénations les plus récentes, sur les biens de l’article 1573 du Code civil (c’est-à-dire les acquêts) aliénés par donation entre vifs ou en fraude des droits du conjoint.
30146 – Limites. – En France comme en Allemagne, la part d’un époux se concrétise en une somme d’argent que l’autre époux lui doit :
d’une part, le titulaire du droit de participation apparaît comme le créancier de son époux ; créancier d’une somme d’argent ;
d’autre part, l’autre époux, simple débiteur d’une somme d’argent, conserve la propriété exclusive de ses biens.
« Les parties à la liquidation n’y viennent pas comme « copartageants », mais comme créancier et débiteur. Au moins en principe, le mode de participation emprunte sa technique au droit du paiement des obligations et non au droit du partage des successions et communautés. (…)
Négativement, un tel système exclut, même à la dissolution du régime, la formation d’une masse commune qui constituerait la masse partageable. La liquidation du régime ne passe pas par la réunion réelle de biens en nature au partage desquels les époux seraient appelés. Le régime de la participation aux acquêts se différencie par-là, en toute netteté, des systèmes de communauté posthume, qui font suivre la dissolution du régime de la constitution différée mais effective d’une masse à partager en nature.
Corrélativement, la liquidation prend le caractère qui fait son originalité. Purement comptable, elle repose, pour chaque époux, sur la comptabilisation globale de tout son patrimoine, et cette comptabilité se dédouble pour chaque patrimoine, puisqu’elle consiste à reconstituer son état originaire, et à saisir son état final, afin d’en comparer la valeur.
La nouveauté et la complexité du système liquidatif justifient que le législateur ait consacré toutes les autres dispositions à le réglementer, dans tous ses détails »167.
Et si c’était précisément ici, dans son approche « trop comptable » à l’image du régime allemand, la faille de ce régime matrimonial mixte ? Une complexité injustifiée pour rendre ce régime matrimonial compétitif sur le territoire français. Avant d’envisager une modification législative de ce régime matrimonial conventionnel, le règlement de la créance de participation en nature peut-il être envisagé et préconisé ? Serait-ce suffisant ?
30147 – Exception : règlement en nature de la créance de participation. – Conformément à l’article 1576, alinéa 2 du Code civil, le règlement de la créance de participation peut « donner lieu à un règlement en nature, soit du consentement des deux époux, soit en vertu d’une décision du juge, si l’époux débiteur justifie de difficultés graves qui l’empêchent de s’acquitter en argent ».
Effectivement, contrairement au modèle allemand le régime français admet que la créance de participation donne lieu à un règlement en nature. Dans ce cas, l’époux créancier est rempli de sa part non plus par le versement d’une somme d’argent, mais par l’attribution d’un bien en nature.
30148 – Ingénierie notariale. – En vertu des alinéas 2 et 3 de l’article 1581 du Code civil, le règlement en nature de la créance de participation peut être prévu par des conventions matrimoniales. Les époux « peuvent notamment convenir d’une clause de partage inégal, ou stipuler que le survivant d’eux ou l’un d’eux s’il survit, aura droit à la totalité des acquêts nets faits par l’autre.
Il peut également être convenu entre les époux que celui d’entre eux qui, lors de la liquidation du régime, aura envers l’autre une créance de participation, pourra exiger la dation en paiement de certains biens de son conjoint, s’il établit qu’il a un intérêt essentiel à se les faire attribuer ».
Deux clauses peuvent ainsi être envisagées par la pratique notariale : celle d’attribution des acquêts de l’époux prédécédé et celle d’attribution intégrale des biens de l’époux prédécédé.
Conformément à l’article 1581 du Code civil et à titre de convention de mariage, les futurs époux stipulent qu’en cas de dissolution du régime par le décès de l’un d’eux, l’époux survivant conservera l’intégralité des acquêts qu’il aura réalisés et aura droit, en outre, à la totalité des acquêts nets de l’époux prédécédé, à charge d’acquitter toutes les dettes de l’époux prédécédé autres que celles grevant ses biens originaires.
Cette stipulation constitue un avantage matrimonial visé à l’article 1527 du Code civil. Elle s’appliquera qu’il existe ou non des enfants du mariage.
Conformément à l’article 1581 du Code civil et à titre de convention de mariage, les futurs époux stipulent qu’en cas de dissolution du régime par le décès de l’un d’eux, l’époux survivant conservera l’intégralité des biens dont il sera propriétaire et aura droit, en outre, à la totalité des biens de l’époux prédécédé en toute propriété à charge d’acquitter le passif dont il sera grevé.
Cette stipulation constitue un avantage matrimonial visé à l’article 1527 du Code civil. Elle s’appliquera qu’il existe ou non des enfants du mariage.
30149 – Limites fiscales. – Si le règlement en nature s’analyse normalement comme une dation en paiement, le législateur, pour différentes raisons (et notamment fiscales), l’a qualifié d’acte de partage168.
Ainsi, lorsque la créance est payée au moyen d’immeubles, titres ou biens inscrits à un actif professionnel, une nouvelle problématique se pose. Doit-on estimer, lorsque le règlement est considéré par la loi civile comme une opération de partage, que les règles fiscales des partages s’appliquent ?
Aux termes d’une réponse ministérielle169, l’administration avait dans un premier temps refusé le régime de faveur en matière de droit de partage (CGI, art. 748) au règlement de la créance de participation, pour dans un second temps admettre l’application des règles de droit commun (CGI, art. 746 et 747) sur le fondement de l’article 1576 du Code civil.
30150
« Le régime de faveur prévu à l’article 748 du Code général des impôts170, selon lequel les partages des biens d’une communauté conjugale ne sont pas considérés comme translatifs de propriété dans la mesure des soultes ou plus-values, ne peut être appliqué ni aux opérations de partage de biens que des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts ont acquis en commun, ni au règlement de la créance de participation née de la liquidation de ce régime.
Cela étant, l’article 1576 du Code civil dispose que le règlement en nature de cette créance est considéré comme une opération de partage lorsque les biens attribués à l’époux créancier n’étaient pas compris dans son patrimoine originaire. Dès lors, ce règlement en nature est régi par les dispositions des articles 746 et 747 du Code général des impôts171 et, par voie de conséquence, le droit de 1 % est perçu sur l’attribution des droits correspondant à la créance de participation ».
Au demeurant, le taux de 1 % n’est plus applicable ; celui-ci est fixé à 2,50 %. Toutefois, à compter du 1er janvier 2022, il est ramené à 1,10 % uniquement pour les partages des intérêts patrimoniaux consécutifs à une séparation de corps, à un divorce ou à une rupture de Pacs.
30151 – Limites civiles. – L’article 1576, alinéa 4 du Code civil précise que « la liquidation n’est pas opposable aux créanciers des époux : ils conservent le droit de saisir les biens attribués au conjoint de leur débiteur », accordant ainsi un droit de suite (prérogative classiquement accordée aux titulaires de droits réels) à des créanciers chirographaires, titulaires d’un droit personnel.
L’époux bénéficiaire d’un règlement en nature est sacrifié. Il suffit de comparer la situation qui aurait été la sienne en cas de règlement en argent. Dans le premier cas, il sera primé par les créanciers qui bénéficieront d’une cause de préférence sur les biens attribués, donc d’un véritable privilège. Dans le second, tous les créanciers, y compris le conjoint, sont traités de manière égalitaire.
Cette règle exorbitante se justifie par la sauvegarde de l’indépendance des époux au cours du fonctionnement du régime172. En effet, sans cette règle, les créanciers, craignant de voir leur gage disparaître lors de la liquidation du régime en cas de règlement en nature, risqueraient de systématiquement requérir le consentement du conjoint. Dans ce cas, l’intérêt du régime de la participation aux acquêts serait réduit à néant. Économiquement, cette règle paraît malheureusement justifiée.
Une fois ces dispositions connus et maitrisés, et à condition de procéder à une réelle ingénierie notariale lors de la rédaction du contrat de mariage (voire du changement de régime matrimonial), il n’y a plus lieu de détourner les époux du règlement en nature, et plus généralement de ce régime matrimonial mixte qu’est la participation aux acquêts selon le modèle français actuel.
30152 – Sentiment de paradoxe. – « La société d’acquêts a toujours été entourée de mystère. Sa fonction même est essentiellement paradoxale, puisqu’elle consiste à contredire l’individualisme essentiel de la séparation de biens par l’introduction dans ce régime matrimonial d’une communauté de biens façonnée par la volonté des époux. Elle réalise, en somme, le mariage de la carpe et du lapin »173. À l’inverse du paradoxe souligné par S. Gaudemet pour la participation aux acquêts, mais dans une même logique, le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts semble osciller entre le discours d’une doctrine majoritaire réticente (§ I) et la réalité d’un régime plutôt séduisant pour les concitoyens (§ II).
Les développements à suivre de nos travaux sont consultables sur le site du Congrès en flashant le QR Code suivant.
30152-1
– Échec de longue date. – L’histoire nous apprend tout d’abord que l’origine de ce régime matrimonial de séparation de biens avec société d’acquêts est floue (A), puis qu’il a été totalement écarté par le législateur, celui-ci se refusant à le reconnaître comme régime conventionnel (B).
Afin de prendre la mesure de la situation, et plutôt que de paraphraser d’illustres auteurs, il sera reproduit ci-après plusieurs de leurs propos.
30152-2
– Propos de M. Clermon et P. Cenac. – « On trouve, dès le XIIe siècle, ses premières applications dans le sud de la France ! Mais c’est seulement au XIVe siècle que la pratique notariale l’a réellement consacrée. En effet, sous l’empire du Code civil de 1804 et en s’inspirant de son article 1581, relatif au régime dotal avec société d’acquêts, la pratique notariale avait forgé la société d’acquêts, au profit des futurs époux désireux de concilier indépendance des époux et communauté d’intérêts »174.
30152-3
– Propos de C. Brenner et B. Savouré. – « L’origine historique de la société d’acquêts demeure assez obscure. Elle serait née de la pratique des pays du Sud-Ouest dans l’Ancien droit. En tout cas, la technique fut consacrée par le Code Napoléon dans le régime dotal [au sein de son article 1581], puis étendue par la pratique au régime de la séparation de biens avec l’aval de la jurisprudence (V. C. Frelon, Le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts : Rev. not. enreg. 1932, art. 24273. – P. Déprez, Société d’acquêts ou participation aux acquêts sous un régime de séparation de biens, thèse, Lille, 1950 ; cf. Cass. req., 25 janv. 1904 : DP 1904, 1, 105). De fait, elle fut, à ce qu’il paraît, assez pratiquée avant 1965, parce qu’elle permettrait alors d’éviter le droit de jouissance de la communauté sur les propres des époux : seuls les revenus économisés entraient en communauté et la femme mariée conservait ainsi la libre gestion de ses biens personnels sans perdre le bénéfice de la communauté.
Mais deux conceptions de la société d’acquêts s’opposaient alors. Dans une première conception, défendue notamment par Boulanger, les revenus perçus entraient en société, de sorte que le mari pouvait contraindre sa femme à verser à la masse commune les économies faites sur ses revenus (Planiol et Ripert, Traité pratique de droit civil, t. 9, 2e éd., par J. Boulanger, no 1215, 1o). Dans une autre analyse, soutenue notamment par Fréjaville, la femme aurait conservé jusqu’à la dissolution du régime l’entière maîtrise de ses économies et biens acquis à leur moyen (ce serait des biens personnels), leur intégration à la masse ne devant se faire que dans le partage (Fréjaville, Les répercussions de la capacité de la femme sur le régime de séparation de biens avec société d’acquêts : JCP 1944, I, 397, no 4). En somme, dans cette seconde conception, la séparation de biens avec société d’acquêts aurait joué en nature le rôle actuellement dévolu au régime de la participation aux acquêts. À l’époque, la Cour de cassation avait tranché la question par interprétation de volonté, ce qui interdisait de poser en principe une solution (Cass. req., 17 nov. 1890 : DP 1891, 1, 477 [régime dotal]. – Cass. civ., 9 févr. 1897 : DP 1897, 1, 147 [idem].
(…) Plus généralement, on a pronostiqué le déclin de la société d’acquêts avec les réformes intervenues. En effet, a-t-il souvent été remarqué, la communauté légale assure aujourd’hui un juste équilibre entre l’indépendance des époux et la protection du conjoint pour ceux qui n’ont pas d’activité professionnelle risquée et, pour les autres, la participation aux acquêts est apte à concilier a posteriori les mêmes objectifs »175.
30152-4
– Propos de Cornu. – « Autrefois prévue comme une modalité du régime dotal, cette stipulation n’a plus aujourd’hui de support dans aucun texte. Mais elle n’est pas interdite. La séparation de biens avec société d’acquêts était simplement trop proche de la nouvelle communauté légale pour mériter dans la loi une mention expresse comme modalité conventionnelle »176.
30152-5
– Propos des rédacteurs du Journal des notaires et des avocats. – « Certains contrats de mariage établis antérieurement à la réforme comportent l’adjonction d’une société d’acquêts.
Cette clause n’a pas été prévue par la loi du 13 juillet 1965, mais la correction conventionnelle du régime de la séparation de biens par l’adjonction d’une société d’acquêts reste cependant possible en vertu du principe de la liberté des conventions matrimoniales, cependant on ne saurait la conseiller, en raison des difficultés qu’elle engendre et parce que les époux obtiendront le même résultat en adoptant le régime légal »177.
30152-6
– Propos de F. Collard. – « D’apparence contradictoire, la société d’acquêts correspond à des époux qui souhaitent tout à la fois les avantages du régime de séparation de biens et de la communauté mais sans leurs contrariétés. Avant la loi du 13 juillet 1965, parachevée par celle du 23 décembre 1985, la société d’acquêts permettait d’octroyer une indépendance patrimoniale aux époux tout en associant l’épouse à la prospérité du mari ; et ce, sur un même pied d’égalité. Si sa similitude avec le régime légal actuel, a conduit le législateur à ne pas consacrer ce régime dans le Code civil, le principe de liberté des conventions matrimoniales posé à l’article 1387 du Code civil permet d’adopter ce régime composite »178.
30152-7
– Propos de M. Clermon et P. Cenac. – « Sans être alors consacré par les réformes de 1965 et de 1985, [ce régime matrimonial] a connu un certain déclin trouvant difficilement sa place entre le nouveau régime légal de communauté réduite aux acquêts et celui de la participation aux acquêts.
En effet, dans son utilisation traditionnelle, le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts, que l’on appellera « quantitative », il s’agissait davantage de communautariser des flux de revenus : « Les futurs époux adoptent pour base de leur union le régime de la séparation de biens tel qu’il est établi par les articles 1536 et suivants. Par exception, les revenus des époux provenant soit de l’exercice d’une profession soit de leurs biens personnels serviront à supporter les charges du mariage. L’excédent de ces revenus appartiendra à la société d’acquêts que les futurs époux constituent entre eux et qui sera régie et liquidée conformément aux articles 1400 et suivants… ». Or, le nouveau régime légal, supplantant le régime de la communauté de biens meubles et acquêts, s’est fortement inspiré par ce régime hybride. La loi de 1965 ne l’ayant même pas prévu comme régime conventionnel, le notariat l’a naturellement délaissé.
Toutefois, ce régime a retrouvé récemment un certain écho en doctrine (Proposition du 75e et du 84e Congrès des notaires. J.-F. Pillebout a notamment proposé quelques formules, Société d’acquêts limitée au logement familial : JCP N 1998, p. 1214), dans une variante plus « qualitative ». (…) En toute hypothèse, la discussion naît le plus souvent d’une part de cette confusion entre société d’acquêts « quantitative » et « qualitative » et d’autre part dans les lacunes rédactionnelles des contrats dans ce régime sans loi. Sur ce dernier point, il est clair « la séparation de biens avec société d’acquêts suppose un contrat de mariage parfaitement rédigé afin de savoir exactement ce qui entre ou non dans la masse commune. À défaut, le risque évident est celui d’un contentieux de qualification, surtout en cas de divorce, un époux cherchant à tirer avantage de la qualification de bien commun, alors que l’autre opposera la qualification de bien personnel (comp. J.-L. Fillette, À propos des récentes tentatives de résurrection de la séparation de biens avec société d’acquêts : Defrénois 1996, art. 36369, étude critique) » »179.
30153 – Question. – Pour reprendre une célèbre maxime, un schéma (B) vaut-il mieux qu’un long discours (A) ?
30154 – Propos de F. Collard. – « La société d’acquêts a une philosophie bien différente du régime de communauté et répond pleinement aux aspirations contemporaines des époux. Elle n’a pas vocation à être alimentée, mais seulement à assouplir le double absolutisme que représente la séparation pure et simple en favorisant uniquement l’enrichissement et le renouvellement des biens personnels (R. Savatier, La séparation de biens en droit français, Dalloz-Defrénois, 1973, no 10. – B. Beignier, Séparation de biens avec société d’acquêts : la solution québécoise : Dr. famille 1997, chron. 1) et le régime communautaire (V. not. B. Beignier, préc. note 7. – R. Brochard, Le renouveau du régime de séparation de biens avec société d’acquêts : Brochure Cridon Ouest 1998. – H. Lécuyer et L. Taudin, Utilité, opportunité et actualité de la séparation de biens avec société d’acquêts : Rev. Lamy dr. civ. 2004, 4, no 43. – Ch. Le Martret, La société d’acquêts à objet restreint : un régime « sur mesure » à redécouvrir : Bull. Cridon Paris déc. 2013, p. 6. – Dossier spécial publié au Defrénois 2012, p. 1247 et s.) en absorbant tous les biens acquis et créés. Quant au régime de la participation aux acquêts, les complications qu’il induit et les questions toujours en suspens ne favorisent pas son essor, alors que dans le même temps la société d’acquêts apporte une réponse appropriée et sécurisée aux parties (sur ce point, B. Beignier, Manuel de droit des régimes matrimoniaux, PUF, 2003, no 105). Pour autant, l’adoption de ce régime n’est pas sans écueil. La rédaction du contrat ne doit pas souffrir d’incertitudes, d’autant que la Cour de cassation a tendance à lui appliquer les règles du régime de communauté (V. par ex. à propos de l’exigence des formalités de 1434 du Code civil en cas d’emploi ou de remploi, Cass. req., 25 janv. 1904 : S. 1904, 1, 305, note Lyon-Caen ; DP 1904, 1, 105, note Guillouard. – Cass. civ., 5 mai 1905 : DP 1907, 1, 316. – Cass. 1re civ., 15 mai 1974 : Bull. civ. 1974, I, no 148 ; JCP N 1975, II, 17910, obs. A. Ponsard. – Rappr. de la jurisprudence belge, Y.-H. Leleu, Examen de jurisprudence concernant les contrats de mariage : RCJB 1998, no 188, p. 337) même si cela va à l’encontre de son esprit (C. Aubry et C. Rau, préc. note 5, t. VIII, 6e éd., par P. Esmein, § 522, 3o. – Fréjaville, préc. note 6. – Contra, A. Ponsard, préc. note 5, § 532, no 357) à moins que les règles de composition et de fonctionnement y invitent. S’agissant d’un correctif de la séparation de biens, le magistrat doit être invité à lire les clauses sous ce prisme (pour une telle préconisation en droit belge, Ph. de Page, Le régime matrimonial, Bruylant, 2e éd., 2008, p. 335). L’emploi des termes ne doit pas donner lieu à confusion. Toute référence à des notions tirées d’un régime communautaire est à proscrire ; les termes « biens personnels » et « acquêts de société », par exemple, sont préférables. Et tout renvoi global au régime légal ne présenterait aucun intérêt, autant se soumettre directement à un régime de communauté (A. et Ph. Rieg et Fr. Lotz, Technique des régimes matrimoniaux, Litec, 3e éd., 1993, no 98. – G. Champenois et J. Combret, Quelle place pour la société d’acquêts dans les régimes matrimoniaux ? : Defrénois 2012, p. 1247).
Ce contrat sur-mesure oblige donc à tout prévoir. Mais – c’est là tout son attrait – il met en exergue les qualités de rédaction du notaire afin d’être au plus près de la vision que se font les époux de leur couple. Dans la limite de l’ordre public matrimonial (F. Niboyet, L’ordre public matrimonial, préf. J. Revel, LGDJ, t. 494), la liberté insufflée par ce régime autorise le rédacteur à définir la composition et l’administration des masses de biens. C’est aussi l’occasion d’optimiser les règles de liquidation et de partage en s’inspirant (ou non) des autres régimes »180.
30155 – Propos de J.-M. Mathieu. – « La liberté des conventions matrimoniales (en France, 16 % des couples établissent un contrat au moment du mariage et 3 % dans les années qui suivent [Source : CSN]) peut permettre de mettre en place un régime original (C. Bitbol, Le choix du régime matrimonial : une liberté encadrée : AJF 2008, p. 72). Dans cette recherche d’un régime optimal l’adjonction d’une société d’acquêts peut être l’une des solutions (pour une étude récente et d’actualité V. 106e Congrès des notaires de France, Bordeaux, 30 mai-2 juin 2010 : rapport p. 474. – V. égal. Débats animés lors de la deuxième commission : JCP N 18 juin 2010, no hors-série, p. 13). (…) La société d’acquêts est le fruit de la pratique notariale, elle n’a d’ailleurs de société que le nom. (…) Cette pratique est très ancienne, elle se retrouve dans les pays septentrionaux, elle est connue sous le nom de clause « bordelaise » (V. Hilaire, Les régimes des biens entre époux dans la région de Montpellier du début du XIIIe siècle à la fin du XVIe siècle, contribution aux études d’histoire du droit écrit, thèse, Montpellier, 1957, p. 217. – V. aussi, Tessier, Traité de la société d’acquêts, Librairie H. Duthu, 2e éd., 1957. – V. égal. Maurin, De la séparation des biens avec société d’acquêts, thèse, Dijon, imprimerie de l’est, Besançon, 1925). Elle a été développée après le Code civil de 1804 afin d’assurer l’indépendance des époux tout en maintenant une communauté. (…)
Elle a par ailleurs été en partie abandonnée par une partie de la pratique en raison de sa complexité liquidative et de la difficulté de rédaction des clauses (…). Ces arguments ne sont pas pertinents, la société d’acquêts permet de faire un régime équilibré suivant les souhaits des parties, permettant de combiner dans un régime matrimonial les règles du régime de la séparation de biens et les règles du régime de la communauté évitant le système « maximaliste » (« évite ainsi le système maximaliste du régime légal (toute création pendant le mariage constitue un acquêt) tout autant que le système minimaliste du régime de séparation classique (tout enrichissement demeure personnel) » (J. Casey, Les régimes matrimoniaux, Ellipses, no 316-1) du régime légal, tout en combinant le système « minimaliste » du régime de la séparation de biens (auteurs partisans de ce régime : Corpechot, Rapport au 75e Congrès des notaires de France in Le statut matrimonial des Français, t. 1. – J. Leroy, Perspectives sur le devenir du régime de la séparation de biens : RTD civ. 1985, p. 31, spéc. p. 68. – B. Beignier, Manuel du droit des régimes matrimoniaux, PUF, 2003, no 150. – F. Rouvière, Les multiples facettes de la séparation de biens avec société d’acquêts : Defrénois 2006, art. 38413).
La société d’acquêts ne permettrait-elle pas par ailleurs de créer le régime idéal correspondant aux souhaits et à l’intérêt des époux ? Le professeur Beignier, nous dit (Cass. 1re civ., 25 nov. 2003, no 02-12.942 : JurisData no 2003-021056 ; Dr. famille 2004, comm. 8, obs. B. Beignier) que la société d’acquêts est « le régime conventionnel par excellence ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle depuis quelques années ce régime connaît un nouvel engouement (J.-Fr. Pillebout, Formules particulières de contrat de mariage. Une séparation de biens limitée : JCP N 1993, I, p. 141. – R. Brochard, Le renouveau du régime de la séparation de biens avec société d’acquêts : Bull. Cridon Ouest janv. 1998. – H. Lécuyer et L. Taudin, Utilité, opportunités et actualité de la séparation de biens avec société d’acquêts : Rev. Lamy dr. civ. avr. 2004, p. 43) avec des discussions animées tant en pratique qu’en doctrine (V. tout récemment les débats lors du 106e Congrès des notaires de France et plus spécialement ceux de la deuxième commission). Outre la création d’une masse commune, l’adjonction d’une société d’acquêts est la possibilité de faire porter sur les biens qui y figurent les mêmes clauses qui peuvent être prévues pour un régime de communauté (préciput, partage inégal, règles de liquidation alternatives, etc.), ce qui présente aussi de nombreux intérêts dans le cadre d’un divorce ou d’un décès (V. infra). Ce régime sur mesure permettra de pallier s’agissant de l’outil de travail les conséquences du régime légal en cas de divorce ou de faillite (…).
Cependant l’adjonction d’une société d’acquêts à un régime n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Les difficultés de ce régime ont depuis longtemps (V. Fréjaville, Les répercussions de la capacité de la femme sur le régime de séparation de biens avec société d’acquêts : JCP 1944, I, 397. – Deprez, Société d’acquêts ou participation aux acquêts sous un régime de séparation de biens, thèse, Lille, 1950. – Planiol et Ripert, t. 9, par Boulanger, no 1212. – Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. 10 bis, par Raynaud, no 967. – Aubry et Rau, t. 8, 7e éd., par Ponsard, no 357) été soulignées (Si le contrat contient des clauses ambiguës il conviendra de l’interpréter, les juges pouvant se fonder sur les termes du contrat et en cas de difficultés sur les circonstances de la cause). Le notaire devra tout d’abord, en véritable « architecte du régime », vérifier la volonté des époux, il devra analyser les conséquences de chaque clause (R. Savatier, Les clauses pouvant aujourd’hui dans le contrat de mariage accompagner le régime de séparation de biens : Defrénois 1973, p. 417) ; qui n’interviendront que beaucoup plus tard lors du fonctionnement du régime ou de sa liquidation (lors d’un divorce ou lors du décès des époux) »181.
30156 – Propos de X. Grosjean. – « Les possibilités sont nombreuses. Société d’acquêts à titre universel d’abord qui est conçue largement en excluant uniquement tel ou tel actif de son assiette, comme l’outil professionnel ; société d’acquêts à titre particulier ensuite, laquelle est cantonnée à une catégorie de biens, voire à un bien déterminé, le plus souvent logement de la famille, dans le but d’assurer la protection du survivant »182.
30157 – Trois masses de biens. – Le mécanisme juridique réside dans le fait de créer un espace de communauté, sans pour autant adopter un régime communautaire, et ainsi permettre aux époux de conserver l’indépendance dans la gestion et l’organisation de leurs patrimoines respectifs. Adjoindre une société d’acquêts génère la création d’un espace de communauté conventionnelle qui doit rester l’accessoire de celui de la séparation de biens.
Cette adjonction d’une société d’acquêts à un régime de séparation de biens crée deux catégories de biens : les biens personnels de chaque époux (patrimoines jaune et bleu du schéma ci-dessous), et certains biens ou catégories de biens qui constitueront des acquêts (patrimoine vert du schéma ci-après).
30158 – Application distributive des règles des régimes matrimoniaux classiques. – Ce régime matrimonial mixte de la séparation de biens avec société d’acquêts répond à une application distributive des règles de la communauté (pour les biens formant des acquêts – patrimoine vert du schéma ci-dessus) et des règles de la séparation de biens (pour les biens personnels de chaque époux – patrimoines bleu et jaune du schéma ci-dessus).
« L’application distributive des règles de communauté et de séparation permet l’adoption d’un régime « deux en un », équilibré et lisible. (…) Souvent les clients visualisent même son fonctionnement au travers de schémas réalisés par les praticiens isolant entre les époux une « bulle communautaire ». Ajouter au contrat de mariage une clause de reprise en cas de divorce et une clause de préciput ou d’attribution intégrale en cas de décès, le tour est joué : le professionnel est compris, le client… séduit ! »183.
30159 – Droit comparé. – Le droit positif étant explicité, intéressons-nous maintenant au droit comparé des régimes mixtes de séparation de biens avec société d’acquêts. Certains régimes matrimoniaux, notamment suisse et québécois, prévoient que les acquêts constituent un patrimoine distinct des biens propres des époux.
L’idée serait de s’inspirer de cette analyse afin de rendre ce régime matrimonial mixte plus compétitif dans le panorama français. Certains aménagements s’avéreront alors indispensables et seront préconisés aux notaires dans le cadre de la rédaction des contrats de mariage contenant adoption du régime de la séparation de biens avec société d’acquêts. Surtout, il reviendra au législateur contemporain d’intervenir, peut-être…
30160 – Force des conceptions helvétique et québécoise. – Les modèles suisse et québécois (§ I) devraient pouvoir inspirer le législateur contemporain afin de créer un régime matrimonial mixte qui convienne mieux aux concitoyens français, et aux termes duquel l’ingénierie notariale pourrait pleinement s’exprimer, notamment par la possibilité d’aménagements.
Tous deux reposent sur l’existence d’un patrimoine représentant les acquêts de chaque époux, à côté de celui constitué de ses biens propres. N’est-ce pas notre régime de laséparation de biens avec société d’acquêts qui s’en dégage (§ II) ? Finalement, n’est-ce pas sur ce régime mixte que le législateur devrait intervenir ?
30161 – Régimes légaux. – Les régimes légaux de la Suisse (A) et du Québec (B), peu importe leur appellation (respectivement, participation aux acquêts et société d’acquêts), sont des régimes matrimoniaux aux termes desquels il existe quatre patrimoines distincts, dont ceux des acquêts et ceux des biens personnels de chaque époux.
Ces deux inspirations éventuelles méritent des développements tant avec des explications littérales qu’avec des schémas explicatifs.
30162 – Principe. – Adopté par la loi du 5 octobre 1984 et entré en vigueur après référendum populaire favorable du 22 septembre 1985, le régime ordinaire (légal) suisse de la participation aux acquêts a remplacé celui de l’union de biens.
30163 – Masses de biens en discours. – Dans le patrimoine de chaque époux, ses acquêts diffèrent de ses propres. Le régime de la participation aux acquêts suisse distingue deux types de biens pour chaque époux, donc quatre masses de biens.
D’une part, les biens propres sont les biens que chaque époux possédait avant le mariage (effets personnels, épargne, bijoux, terrain, bien immobilier, etc.) ou qu’il reçoit personnellement pendant le mariage à titre gratuit (héritage ou donation par exemple) ; le produit de la vente d’un bien propre reste un bien propre. À côté des biens propres qui le sont de plein droit, il peut y avoir, par l’effet d’un contrat de mariage, des biens propres conventionnels.
D’autre part, les acquêts représentent l’ensemble des biens acquis par chacun des deux époux pendant le mariage. Ils sont de plusieurs natures : le revenu professionnel et tout ce qui en découle (assurances sociales ou épargne par exemple), les biens matériels (mobilier, véhicule, objets divers) achetés avec le revenu professionnel, et les revenus des biens propres (loyers reçus de la location d’un bien propre). Chaque époux conserve la pleine propriété de ses acquêts.
30164 – Masses de biens en schéma.
30165 – Liquidation du régime. – Afin de procéder à la liquidation du régime matrimonial, il convient d’inventorier quatre masses de biens distinctes : les biens propres d’un époux, les biens propres de l’autre époux, les acquêts d’un époux et les acquêts de l’autre époux. Ensuite, chaque époux reprend ses biens propres (y compris leur éventuelle plus-value). Quant aux acquêts, s’ils sont bénéficiaires les époux se les répartissent par parts égales. En revanche, si les acquêts d’un des époux sont déficitaires, seul l’époux concerné assume sa dette, sans que celle-ci passe à son conjoint.
30166 – Aménagements du régime. – Les époux peuvent, tout en restant soumis au régime de la participation aux acquêts, apporter à celui-ci certaines modifications, indiquées (et limitées) par la loi. Ces modifications doivent faire l’objet d’un contrat de mariage notarié. Les époux peuvent notamment prévoir que, lors de la liquidation du régime matrimonial, le bénéfice des acquêts sera réparti dans une proportion autre que celle prévue par la loi ; dans la mesure où le couple n’a que des enfants communs, il peut même aller jusqu’à attribuer la totalité des acquêts au conjoint survivant. En outre, les époux peuvent décider que, contrairement à la présomption légale, les revenus des biens propres ne constitueront pas des acquêts mais resteront des biens propres, ou encore convenir que l’entreprise d’un des conjoints fera partie de ses biens propres. En revanche, le revenu que le conjoint propriétaire retirera de son entreprise (bien propre) constituera toujours des acquêts.
30167 – Principe. – Sous le nom de « société d’acquêts » et prévu aux articles 480 à 524 du Code civil du Québec, le nouveau régime légal est empreint de séparatisme.
30168 – Masses de biens en discours. – Dans le patrimoine de chaque époux, ses biens propres diffèrent de ses biens acquêts. Chacun des époux a la gestion de ses biens propres et de ses acquêts. Le régime de la société d’acquêts québécois distingue ainsi deux types de biens pour chaque époux, donc quatre masses de biens.
D’une part, chaque époux détient ses biens propres. Au sens de l’article 450 du Code civil québécois « [s]ont propres à chacun des époux :
Les biens dont il a la propriété ou la possession au début du régime ;
Les biens qui lui échoient au cours du régime, par succession ou donation et, si le testateur ou le donateur l’a stipulé, les fruits et revenus qui en proviennent ;
Les biens qu’il acquiert en remplacement d’un propre de même que les indemnités d’assurance qui s’y rattachent ;
Les droits ou avantages qui lui échoient à titre de titulaire subrogé ou à titre de bénéficiaire déterminé d’un contrat ou d’un régime de retraite, d’une autre rente ou d’une assurance de personnes ;
Ses vêtements et ses papiers personnels, ses alliances, ses décorations et ses diplômes ;
Les instruments de travail nécessaires à sa profession, sauf récompense s’il y a lieu ».
Chaque conjoint supporte également ses propres dettes.
D’autre part, les acquêts de chaque époux comprennent tous les biens non déclarés propres par la loi et, notamment, le produit de son travail au cours du régime et les fruits et revenus échus ou perçus au cours du régime, provenant de tous ses biens, propres ou acquêts.
La plus-value acquise par un bien ne doit pas être assimilée à des fruits et revenus ; il s’agit de capital qui suivra la qualification du bien auquel il se rattache.
Souhaitant favoriser le partage, le législateur établit une présomption d’acquêts.
30169 – Masses de biens en schéma.
30170 – Liquidation du régime. – Au jour de la dissolution du mariage, il convient de déterminer un droit de créance sur les acquêts. Chaque époux a une option en cas de divorce : il peut accepter ou renoncer au partage des acquêts de son conjoint. En cas d’acceptation, le partage par moitié des acquêts s’opère en nature, à moins que le titulaire du patrimoine ne préfère en tout ou en partie désintéresser son conjoint en valeur.
30171 – Bulle communautaire sur-mesure. – En Suisse et au Québec, comme en France, dans le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts, le contenu de cette bulle communautaire est primordial.
En droit positif français, plusieurs types de société d’acquêts coexistent ; finalement, ce qui diffère considérablement, c’est la composition de ce patrimoine. Certains privilégient la quantité en communautarisant des flux de revenus, tandis que d’autres privilégient la qualité en ne communautarisant qu’un bien particulier.
Des débats doctrinaux ont, fatalement, surgi à l’égard de ce régime non codifié ; ceux-ci sont nés, d’une part, de cette confusion entre des acquêts en quantité ou en qualité, et d’autre part, dans les lacunes rédactionnelles des contrats. Effectivement, ce régime mixte « suppose un contrat de mariage parfaitement rédigé afin de savoir exactement ce qui entre ou non dans la masse commune. À défaut, le risque évident est celui d’un contentieux de qualification, surtout en cas de divorce, un époux cherchant à tirer avantage de la qualification de bien commun, alors que l’autre opposera la qualification de bien personnel »184.
30172 – Question ouverte : une logique à inverser ? – Dans les régimes étrangers susvisés, les acquêts sont parfois tous les biens non déclarés propres par la loi. Les acquêts peuvent donc être déterminés négativement, contrairement à ce qui existe généralement dans les contrats français de séparation de biens avec société d’acquêts.
Classiquement, en France, dans les contrats de mariage contenant adoption du régime de la séparation de biens avec société d’acquêts, on définit « les acquêts ». Pour autant, ne serait-il pas plus opportun de définir les biens personnels à chaque époux, plutôt que les biens qui composent la société d’acquêts ? La question est ouverte suite à cette distinction majeure entre notre régime de séparation de biens avec société d’acquêts et ceux des autres pays analysés ci-avant.
30173 – Ingénierie notariale. – La liberté dans la composition de cette société d’acquêts a été affirmée par une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 novembre 2003 en ces termes : « la Cour d’appel a décidé à bon droit que les époux ayant adopté le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts peuvent convenir de clauses relatives à la consistance de la masse commune »185. Au demeurant, il est essentiel de déterminer, dans le contrat des époux, les biens et les ressources qui composent cette société d’acquêts.
Aussi, afin d’accompagner le lecteur dans la rédaction de ce contrat de mariage, les propos qui suivent consisteront à détailler chaque clause qui le compose : quel est le régime matrimonial choisi par les futurs époux (I), quels sont les biens qui composent la société d’acquêts (II), et quelles sont les règles d’administration de la société d’acquêts (III) ?
30174
Les futurs époux adoptent le régime de la SÉPARATION DE BIENS tel qu’il est établi par les articles 1536 à 1543 du Code civil, sauf les modifications résultant du présent acte et spécialement la constitution d’une SOCIÉTÉ D’ACQUÊTS comprenant les biens et droits ci-après désignés, et tous biens et droits acquis durant le régime en remploi.
EN CONSÉQUENCE, à l’exception des biens compris dans la société d’acquêts ci-après définie, les époux conserveront respectivement la propriété des biens, meubles et immeubles qui leur appartiennent et de ceux qui pourront leur advenir par la suite, à quelque titre que ce soit. Il s’agit des biens personnels des futurs époux.
Chacun d’eux conservera l’administration, la jouissance, et la libre disposition de ses biens personnels. Toutefois, les futurs époux ne pourront l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels sera assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il sera garni.
Les futurs époux ne seront pas tenus des dettes de l’un de l’autre, créées avant ou pendant le mariage, ou grevant les successions et libéralités recueillies par chacun d’eux. Cependant, ils seront solidaires de toute dette contractée par l’un d’eux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 du Code civil.
30175
À ce régime susvisé, les futurs époux conviennent d’adjoindre une société d’acquêts qui sera composée exclusivement des biens et droits mobiliers et immobiliers acquis à compter de ce jour avec leurs gains et salaires ou les revenus des biens propres, savoir :
1o/ Les droits par lesquels sera assuré le logement de la famille, que ces droits consistent, savoir :
en une maison d’habitation, ou en un appartement dans un immeuble en copropriété, dès lors que les époux ont manifesté ensemble leur volonté de faire intégrer lesdits biens et droits dans la société d’acquêts, aux termes d’une déclaration qui devra être insérée dans l’acte authentique d’acquisition ;
en des parts ou actions de société immobilière donnant vocation à la jouissance ou à la propriété d’un local d’habitation, dès lors que les époux ont manifesté ensemble leur volonté de faire intégrer lesdites parts ou actions dans la société d’acquêts aux termes des statuts.
2o/ Les meubles meublants et objets mobiliers de quelque nature qu’ils soient, sans exception, qui garniront le logement de la famille.
3o/ Les biens et droits immobiliers acquis à compter de ce jour par les époux en indivision entre eux par égales parts, dès lors que les époux ont manifesté ensemble leur volonté de faire intégrer lesdits biens dans la société d’acquêts aux termes d’une déclaration qui devra être insérée dans l’acte authentique d’acquisition, ainsi que tous droits dans des sociétés immobilières détenues de la même manière, dès lors que les époux ont manifesté ensemble leur volonté de faire intégrer lesdites parts ou actions dans la société d’acquêts aux termes des statuts.
4o/ Les biens meubles, objets mobiliers et effets personnels se trouvant dans lesdits biens et droits immobiliers ou leur remploi, ainsi que les objets sur lesquels aucun droit de propriété ne serait justifié, quelles que soient leurs valeur et consistance.
5o/ Tous actifs monétaires et financiers détenus par les époux sur tout compte joint ou tout support financier joint.
6o/ Les véhicules automobiles appartenant à l’un et l’autre des époux qu’ils possèdent actuellement ou pourront posséder dans l’avenir, et qui ont été acquis au moyen de deniers déposés sur tout compte joint.
7o/ Tous droits et titres sociaux détenus dans toutes sociétés civiles et/ou commerciales, dès lors que les époux ont manifesté ensemble leur volonté de faire intégrer lesdits droits et titres sociaux dans la société d’acquêts aux termes des statuts.
Par ailleurs, la société d’acquêts comprendra passivement toutes les dettes liées aux biens et droits mobiliers et immobiliers dont il est ci-dessus parlé.
30176
La société d’acquêts est administrée par les deux époux conformément aux dispositions des articles 1421 à 1425 du Code civil.
Chaque époux peut passer seul les actes d’administration et de disposition concernant les biens de la société d’acquêts, sous réserve de l’application des dispositions prévues par les articles 1422 à 1425 du Code civil.
30177 – Une rédaction admise ? – Et malheureusement, en l’état du droit positif, une telle rédaction reste particulièrement controversée. L’ingénierie notariale est bringuebalante sur cette thématique. Faut-il rédiger des contrats de mariage de la sorte avec un tel régime matrimonial sans loi ? En l’état actuel, cela revient à bâtir un château sur du sable mouvant. Qui s’y risquera ?
Dès lors, faut-il soumettre au législateur une proposition tenant à sécuriser les contrats de mariage ou les changements de régimes matrimoniaux contenant adoption du régime de la séparation de biens avec société d’acquêts ? L’objectif consisterait à obtenir un socle juridique solide afin de consolider l’ingénierie notariale propre à ce régime matrimonial attractif pour les concitoyens.
Si cette codification devait intervenir, il convient de rester vigilant à ce qu’un tel régime matrimonial conserve un vaste espace de liberté pour les parties et la pratique notariale.
Codifier le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts.