CGV – CGU

Partie IV – Hériter
Titre 1 – Les règles de conflit applicables à la succession
Sous-titre 1 – Vue mondiale sur les règles de conflit en matière successorale
Chapitre II – Les systèmes scissionnistes

3360 Également connus sous le nom de « systèmes dualistes », les systèmes scissionnistes appliquent des éléments de rattachement différents selon que l’on considère les biens mobiliers ou immobiliers dépendant d’une même succession. Plusieurs déclinaisons de combinaisons existent.

Section I – Le domicile pour les meubles et la lex rei sitae pour les immeubles

3361 Les États qui utilisent ce système disposent de deux éléments de rattachement. Concernant les biens mobiliers, c’est la loi de l’État dans lequel le défunt avait son domicile au moment où le décès qui trouvera application.

Par domicile, il faut entendre le domicile tel qu’il est défini au sein de la famille juridique de la common law478.

Concernant les biens immobiliers, ceux-ci seront dévolus selon la loi de leur situation (lex rei sitae).

De nombreux États utilisent en matière successorale cette paire d’éléments de rattachement, dont notamment : l’Australie, l’Afrique du Sud, les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade, le Botswana, la partie ouest du Cameroun, la partie anglophone du Canada, les îles Caïman, le Royaume-Uni, la Gambie, le Ghana, la Guyane, Hong Kong, la majeure partie de l’Inde, l’Irlande, la Jamaïque, le Kenya, le Lesotho, le Liberia, la Malaisie, le Malawi, Myanmar, la Namibie, la Nouvelle-Zélande, le Nigeria, l’Ouganda, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Seychelles, la Sierra Leone, Singapour, le Sri Lanka, Sainte Lucie, la Tanzanie, Trinité-et-Tobago, les États-Unis d’Amérique, la Zambie et le Zimbabwe.

D’autres États utilisent ce critère, toutefois assorti d’aménagements.

Section II – La dernière résidence pour les meubles et la lex rei sitae pour les immeubles

3362 Ce système s’apparente à celui exposé ci-dessus et fonctionne de la même manière. Il dispose de deux éléments de rattachement qui sont la dernière résidence pour les meubles et le lieu de situation (lex rei sitae) pour les immeubles.

Par « résidence », il faut retenir le lieu où se trouve en fait une personne, par opposition au domicile où elle est située en droit479.

Parmi les États qui utilisent ces éléments de rattachement, il est possible de citer : la République d’Afrique centrale, la Chine, Madagascar, la Moldavie, la Mongolie, la Russie, la Thaïlande, le Turkménistan.

Là encore, il convient de noter que d’autres États utilisent cette combinaison d’éléments de rattachement tout en prévoyant un certain nombre de correctifs en fonction du contexte d’espèce.

Section III – La nationalité pour les meubles et la lex rei sitae pour les immeubles

3363 Les États disposant de ce système retiennent la combinaison de deux éléments de rattachement pour déterminer la ou les lois applicables à une succession internationale.

Les biens mobiliers seront dévolus conformément à la loi dont le défunt avait la nationalité, ses immeubles se verront eux appliquer la loi de l’État ou ils sont situés.

Parmi les pays faisant usage de cette paire d’éléments de rattachement, on peut compter : l’Albanie, la République dominicaine, Saint-Marin. D’autres États utilisent également ce système avec certains aménagements.

Section IV – Autres éléments de rattachement

3364 Certains États retiennent des éléments de rattachement qui diffèrent selon les situations en cause et qui parfois, pour des situations quasi similaires, diffèrent.

C’est notamment le cas de la Tunisie qui retient, en fonction des cas : la loi de la nationalité, la loi du domicile ou la loi de situation des biens.

Le notaire, en présence d’une situation mettant en jeu l’un de ces États, sera donc être particulièrement vigilant.

Section V – Incertitude sur l’élément de rattachement retenu et absence d’élément de rattachement

3365 Il est important de garder à l’esprit que les éléments de rattachement exposés ci-dessus découlent soit de règles statutaires mises en place par les États, soit de leur jurisprudence.

Il en résulte que pour certains États, l’élément de rattachement est inconnu – c’est notamment le cas du Bhoutan et de la Corée du Nord – ou encore, s’il est connu, que l’élément de rattachement supposé adopté puisse donner lieu à des interrogations.

Il pourra ici être intéressant, pour le notaire français confronté à un État pour lequel il existe un doute sur l’élément de rattachement retenu, de se faire communiquer un certificat de coutume ou une legal opinion par un professionnel qualifié, compétent dans ledit État pour traiter des questions juridiques liées aux successions internationales.

Il faudra retenir par exemple que, pour les pays suivants, l’élément de rattachement semble être la loi nationale du défunt, mais qu’il subsiste un doute : ce sera le cas notamment pour Djibouti, La Guinée équatoriale, la Guinée-Bissau, le Mali, Oman.

Également, le même type de doute subsiste pour l’Érythrée et l’Éthiopie qui retiennent, a priori, pour élément de rattachement la dernière résidence du défunt.

De la même manière, des questionnements existent au sujet de la Bolivie, du Cambodge, de la Guinée, d’Haïti, de l’île Maurice et du Vietnam, qui retiendraient le système scissionniste de la dernière résidence du défunt pour les meubles et le situs (lex rei sitae) pour les immeubles.

Parallèlement, les mêmes interrogations se posent dans la branche cousine du dernier système évoqué, celle des États retenant pour éléments de rattachement le domicile du défunt pour les biens mobiliers et la lex rei sitae pour les biens immobiliers, parmi lesquels un doute subsiste pour le Belize, Fidji, les Maldives, Nauru, les îles Salomon, Samoa, et Tonga.

Enfin, il convient de ne pas oublier le Népal, au sujet duquel il existe un doute sur l’application de la lex fori comme élément de rattachement retenu.

Cette vue mondiale sur les règles de conflit dressée, il faudra, pour le notaire qui devra raisonner lege fori480, comprendre comment va s’articuler le droit international privé français en présence des éléments de rattachement dont disposent les autres États.


478) « Domicile is the connecting factor traditionally used in common law system. It has typically been a tricky concept to define but domicile is generally regarded to be the place where one has, or is deemed by law to have, his permanent home, thus giving effect to a relationship between an individual and a single system of territorial law. No person can be without a domicile, even if they lack a permanent home. Similary, one person that owns more tahn one home cannot have more than one domicile at a given time. An existing domicile is presumed to continue until a change is proven by the propositus ont he balance of probabilities. There is no uniform concept of domicile and so interpretation of its meaning is largly left open to the lex fori, however, a definition of domicile is given statutory effect in Civil Jurisdiction and Judgment Act 1982 and 1991, the Inheritance Act 1984 and the Brussel I Regulation. Habitual residence, on the other hand, is becoming ever more popular as a connecting factor, both in allocating jurisdiction and applicable law. This is principally due to the increasing use of habitual residence in modern harmonisation instruments, particularly in the field of family law, but also in the commercial arena. Currently habitual Residence lacks any specific meaning and has been left open for judicial interpretation. The absence of a definition from any of the legislating instruments it appears in is intentional in order to move away from technical rules which can produce rigidity and inconsistencies as between different legal system such is associated with concepts of the domicile and nationality. Nonetheless, case law doesn’t provide some guidance on how it works in practice. This openness of interpretation means that determination of its meaning may vary considerably from one territory to another and may even cause friction within the hierarchy of legal system » (www.lawteacher.net/free-law-essays/commercial-law/domicile-in-common-law-systems-commercial-law-essay.php).
479) « L’un des critères de la résidence est contrairement au domicile, une certaine instabilité. C’est pourquoi tous les actes d’état civil et les actes judiciaires se réfèrent au domicile et non à la résidence, en raison de la présomption de précarité de celle-ci. Cependant, les deux notions de domicile et de résidence peuvent être confondues lorsqu’une personne réside au lieu où elle possède son principal établissement » (www.universalis.fr/encyclopedie/domicile-et-residence).
480) Sur la nécessité du raisonnement lege fori, l’arrêt de principe Caraslanis, rendu par la Cour de cassation le 22 juin 1955, pose le principe selon lequel l’autorité saisie, en l’espèce le juge, doit qualifier lege fori, c’est-à-dire selon ses propres concepts et conceptions. Il semble donc qu’une telle démarche puisse être transposée au raisonnement que doit observer le notaire en charge d’analyser et régler une succession internationale. V. supra, commission 1, n° a1021.
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