CGV – CGU

Chapitre II – La détermination du régime matrimonial lors du mariage

Partie II – S’unir
Titre 2 – Les couples mariés
Sous-titre 2 – Le régime matrimonial
Chapitre II – La détermination du régime matrimonial lors du mariage

3172 En présence d’un élément d’extranéité il conviendra, dans un premier temps, de déterminer le régime matrimonial applicable lors du mariage des époux.

Ce régime matrimonial peut avoir fait l’objet d’un choix. À défaut, il est déterminé au moyen des règles applicables en fonction de la date du mariage.

Il y a donc un régime matrimonial subjectif (choisi) (Section I) et un régime objectif (non choisi) (Section II).

Section I – Le régime matrimonial subjectif (loi choisie)

3173 À l’occasion de la formation du mariage, le régime matrimonial en droit français résulte de l’établissement d’un contrat de mariage avant le mariage.

Lorsqu’il est célébré à l’étranger, ce choix peut s’exprimer sous d’autres formes, et notamment par déclaration devant l’officier d’état civil lors du mariage.

Sous-section I – La déclaration hors contrat

3174 Les hypothèses de déclaration hors contrat restent marginales. Certaines déclarations sont reconnues valables. D’autres ne le sont pas.

En dehors de tout contrat de mariage, le choix pour une loi ou un régime matrimonial est valable si la volonté des époux est certaine et si les époux peuvent en rapporter la preuve.

3175 En Italie, par exemple, l’article 162, alinéa 2 du Code civil prévoit que le choix des futurs époux en faveur du régime de séparation des biens peut être déclaré dans l’acte de célébration du mariage248.

Cette situation peut se présenter aussi dans la principauté de Monaco, mais uniquement pour les étrangers : en effet, les étrangers qui se marient à Monaco peuvent, si aucun contrat de mariage n’a été établi, faire connaître leur option en faveur du régime légal de leur loi nationale commune ou de la loi nationale de l’un des époux ou de la loi du domicile de l’un des époux. Cette option figurera dans l’acte de mariage249. À défaut de contrat ou d’option, le régime légal monégasque s’appliquera250.

Ce système d’option lors de la célébration du mariage est connu dans certains pays tels que le Mexique251, le Chili252, Madagascar253, la Tunisie254, la Turquie, le Pérou, le Gabon, le Mali ou encore la Roumanie255.

3176 Les déclarations faites avant le mariage ne sont toutefois pas toujours prises en compte : en effet, la preuve de la volonté expresse des époux doit être clairement établie.

Par ailleurs, certains pays connaissent plusieurs régimes légaux : ainsi au Brésil, le régime légal est de nature communautaire, mais le régime de séparation des biens s’impose en tant que régime légal lorsque l’un des futurs époux est âgé de plus de soixante ans256.

Lorsque la déclaration d’option est valable en la forme, il y a lieu toutefois de vérifier que la loi choisie est conforme aux règles de conflit de lois.

3177 – Avant la convention de La Haye. – Compte tenu de la règle de conflit de la loi d’autonomie de la volonté, il ne devrait pas y avoir de difficulté particulière à reconnaître la déclaration en faveur d’un régime matrimonial au moment du mariage.

3178 – Sous l’empire de la convention de La Haye. – Pour des époux dont le mariage a été célébré après le 1er septembre 1992, il y aura lieu de vérifier la régularité de l’option par rapport au choix de loi limité prévu à l’article 3 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978.

Les époux ne peuvent désigner avant le mariage que :

« 1. la loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;

2. la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ;

3. la loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage (…). »

Ainsi, lorsque deux époux souhaitaient se marier en Italie les cas suivants pouvaient se présenter :

couple mixte franco-italien : la déclaration d’option était valable, en application de la loi de la nationalité italienne de l’un d’eux ;

deux époux français : la déclaration d’option n’était valable que si l’un d’eux (ou les deux) avait sa résidence habituelle en Italie ou si les époux pensaient y établir leur résidence habituelle après le mariage.

Cependant, au regard de la validité en la forme, la convention des époux quant à leur choix de loi doit être formulée par écrit, datée et signée des deux époux et l’article 13 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 dispose : « La désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation. Elle doit toujours faire l’objet d’un écrit daté et signé des deux époux ».

Ainsi, une déclaration expresse des époux non signée par eux ne serait pas valable en la forme et n’emporterait pas choix de loi.

3179 – Sous l’empire du règlement « Régimes matrimoniaux ». – Le considérant 45 du règlement du 24 juin 2016 indique que le choix de loi applicable au régime matrimonial peut être fait à tout instant avant le mariage ou lors de la célébration du mariage257.

Cependant, comme pour les époux soumis à la convention de La Haye, cette option devra être appréciée en tenant compte du choix de loi limité prévu à l’article 22 du règlement258.

L’article 25.1 du règlement pose les mêmes exigences que l’article 13 de la convention de La Haye : « La convention matrimoniale est formulée par écrit, datée et signée par les deux époux. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite ». Par conséquent, une déclaration non signée par les deux époux ne saurait valoir choix de loi au sens du règlement.

Sous-section II – L’établissement d’un acte

3180 L’établissement d’un acte permet de déterminer la loi applicable et le régime matrimonial à l’intérieur de la loi désignée, sous réserve de ce qui vient d’être dit.

Cet acte peut être un acte de désignation de loi applicable ou un contrat de mariage.

§ I – Conditions de validité

3181 Le choix des époux quant à une loi applicable à leur régime matrimonial ou en faveur d’un régime conventionnel s’effectue par contrat de mariage. Comme tout acte, celui-ci doit respecter les conditions de capacité, de consentement des époux et de forme de l’acte.

A/ Capacité et consentement des époux

3182 La capacité des époux à établir un contrat de mariage doit se vérifier en fonction de la loi nationale de chacun d’eux. Cette règle a été édictée par la Cour de cassation pour la seconde fois en 1971259.

L’article 10 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 précise : « Les conditions relatives au consentement des époux quant à la loi déclarée applicable sont déterminées par cette loi ».

Le règlement (UE) n° 2016/1103 précise dans son article 24 : « 1. L’existence et la validité d’une convention sur le choix de la loi ou de toute clause de celle-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de l’article 22 de la convention si la convention ou la clause était valable. 2. Toutefois, pour établir son absence de consentement, un époux peut se fonder sur la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie s’il ressort des circonstances qu’il ne serait pas raisonnable de déterminer l’effet du comportement de cet époux conformément à la loi visée au paragraphe 1 ».

B/ Forme de la convention

3183 Avant le 1er septembre 1992, dans le système de droit commun, la forme du contrat dépendait du lieu de sa conclusion en vertu de la règle Locus regit actum260.

Entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019, la convention de La Haye édictait deux règles concernant la validité formelle de la convention :

L’article 12 précisait que le contrat de mariage était valable quant à la forme si celle-ci répondait soit à la loi interne applicable au régime matrimonial, soit à la loi interne en vigueur au lieu où le contrat avait été passé. Il devait toujours faire l’objet d’un écrit daté et signé des deux époux. Quant à l’article 13, il disposait que : « La désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation. Elle doit toujours faire l’objet d’un écrit daté et signé des deux époux ».

Depuis le 29 janvier 2019, l’article 23 du règlement n° 2016/1103 pose les conditions de validité formelles de la convention portant sur le choix de la loi applicable au régime matrimonial de la façon suivante :

Le paragraphe premier du texte commence par imposer un formalisme minimal au moyen d’une règle matérielle de droit internationale privé : « 1. La convention visée à l’article 22 [de choix de loi] est formulée par écrit, datée et signée par les deux époux. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite ».

Puis, l’article 23 pose également des règles de conflit de lois dans certaines situations où il y aura lieu de respecter une loi imposant un formalisme particulier.

« 2. Si la loi de l’État membre dans lequel les deux époux ont leur résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions matrimoniales, ces règles s’appliquent.

3. Si, au moment de la conclusion de la convention, les époux ont leur résidence habituelle dans des États membres différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes pour les conventions matrimoniales, la convention est valable quant à la forme si elle satisfait aux conditions fixées par l’une de ces lois.

4. Si, au moment de la conclusion de la convention, seul l’un des époux a sa résidence habituelle dans un État membre et si cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions matrimoniales, ces règles s’appliquent. »

Ainsi, si les époux ont leur résidence habituelle en France, la convention de choix de loi devra prendre la forme d’un acte notarié, même si elle est établie hors de France : la forme française s’imposera quelle que soit la nationalité des époux.

Si les époux ont leur résidence habituelle dans des États membres différents, la convention sera valable si elle satisfait aux conditions fixées par l’une des ces lois. Si l’un des époux réside en France et l’autre dans un État membre qui prévoit que les conventions matrimoniales puissent être passées par acte sous seing privé, les époux pourront opter pour cette loi plus libérale261.

En droit français, la convention doit être passée par acte notarié. Le notaire français, en présence de futurs époux résidant tous deux dans le même État membre, devra vérifier si un formalisme supplémentaire s’applique : tel peut être le cas de la publicité de la convention sur un registre spécifique.

§ II – Lois pouvant être choisies

3184 Les lois pouvant être choisies par les époux diffèrent en fonction de la date du mariage. Une fois de plus, il y a lieu de distinguer les trois périodes.

A/ Époux mariés avant le 1er septembre 1992

3185 Pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, c’est le droit commun qui s’applique.

La désignation du régime matrimonial applicable peut être effectué de façon expresse dans un contrat de mariage. Les époux peuvent choisir n’importe quelle loi pour régir leurs rapports patrimoniaux, quand bien même celle-ci ne présenterait aucun lien avec le couple.

Ils ont une liberté totale de choix. Toutefois, dans la pratique, on observe que les époux ne choisissent jamais une loi d’un pays qui ne présente aucun lien avec leur situation.

La loi ainsi choisie s’applique à l’ensemble du patrimoine. La seule limite à cette grande liberté est le respect de l’ordre public et des dispositions impératives du droit français.

Ainsi, un contrat de mariage assignant des tâches ménagères à l’épouse exclusivement ou prévoyant des règles différentes de partage selon le sexe serait considéré comme contraire à l’ordre public international français.

B/ Époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019

3186 Pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019, il sera fait application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992, dont les seuls États signataires sont les Pays-Bas, le Luxembourg et la France.

Celle-ci maintient le principe d’autonomie de la volonté, mais de façon limitée en matière de régime matrimonial : « Le régime matrimonial est soumis à la loi interne désigné par les époux avant le mariage »262.

La référence à la loi interne exclut le renvoi.

Contrairement à la règle jurisprudentielle applicable à des époux mariés avant le 1er septembre 1992, la convention de La Haye limite le choix des époux à des lois présentant des liens avec eux (I) et permet dans certaines situations l’application de plusieurs lois (II).

I/ Un choix limité de lois

3187 Les époux ont le choix de la loi applicable à leur régime matrimonial, mais ce choix est limité.

L’une des lois suivantes peut être choisie263 :

« 1. La loi d’un État dont l’un des époux à la nationalité du moment de la désignation ;

2. La loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ;

3. La loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage.

La loi ainsi désignée s’applique à l’ensemble de leurs biens. Toutefois, que les époux aient ou non procédé à la désignation prévue par les alinéas précédents, ils peuvent désigner, en ce qui concerne les immeubles ou certains d’entre eux, la loi du lieu où ces immeubles sont situés. Ils peuvent également prévoir que les immeubles qui seront acquis par la suite seront soumis à la loi du lieu de leur situation ».

3188 – Choix de la nature du régime matrimonial. – La Convention de La Haye du 14 mars 1978 et son rapport explicatif sont restés silencieux sur le fait de savoir si des époux qui désignaient la loi applicable à leur régime matrimonial pouvaient, dans le cadre de cet acte, désigner l’un des régimes matrimoniaux proposés par la loi désignée, ou s’ils étaient automatiquement soumis au régime légal de la loi désignée.

Pour combler ce silence, chaque État signataire a précisé ses règles de droit interne applicables.

La doctrine française considérait que c’était le régime légal de la loi désignée qui s’appliquait aux époux. Le choix d’un régime conventionnel ne pouvait s’effectuer qu’en respectant les règles de changement de régime matrimonial de la loi désignée. Ainsi, en France, les époux devaient-ils attendre deux années d’application du régime matrimonial pour ensuite pouvoir changer de régime, sous réserve de respecter les conditions énoncées à l’article 1397 du Code civil, tandis que les Pays-Bas et le Luxembourg avaient adopté une position plus souple en acceptant le choix immédiat lors de la désignation de la loi applicable d’un régime conventionnel264.

Afin d’unifier l’interprétation des États signataires et de contribuer à l’efficacité de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997 a ajouté à l’article 1397-3 du Code civil un troisième alinéa en ces termes : « À l’occasion de la désignation de la loi applicable, avant le mariage ou au cours de celui-ci, les époux peuvent désigner la nature du régime matrimonial choisi par eux ».

Ainsi, les époux qui désignent la loi française comme loi applicable à leur régime matrimonial pourront, lors de cette déclaration, désigner l’un des régimes conventionnels prévus par la loi française.

II/ Unicité ou pluralité de lois applicables

3189 La loi ainsi désignée s’applique en principe à l’ensemble des biens des époux265.

Si la convention de La Haye énonce le principe de l’unicité de la loi applicable, celui souffre toutefois d’une exception : les époux peuvent choisir pour les immeubles leur lieu de situation266.

Ce rattachement a largement été utilisé (surtout avant l’entrée en vigueur du règlement européen en matière successorale) au profit des couples anglo-saxons souhaitant favoriser leur conjoint. Ainsi, l’adoption d’un régime de la communauté avec attribution intégrale de cette communauté sur les immeubles situés en France permettait de donner satisfaction à ces couples qui s’étaient d’ailleurs protégés au regard de leur propre loi successorale exempte de réserve héréditaire.

Ce choix s’effectuait plutôt, il est vrai, dans le cadre d’un changement de loi, au moment de l’acquisition d’un bien immobilier en France.

Cette pluralité de lois applicables n’a pas été retenue dans le règlement européen du 24 juin 2016 qui consacre l’unicité de la loi applicable sur l’ensemble des biens.

C/ Époux mariés à compter du 29 janvier 2019

3190 En matière de lois pouvant être choisies, le règlement du  24 juin 2016 opère un changement :

mesuré s’agissant des lois potentiellement applicables ;

radical s’agissant de l’unicité de la loi applicable.

I/ Un choix limité de lois

3191 C’est l’article 22 du règlement du 24 juin 2016 qui détermine les lois pouvant être choisies :

« 1. Les époux ou futurs époux peuvent convenir de désigner ou de modifier la loi applicable à leur régime matrimonial, pour autant que ladite loi soit l’une des lois suivantes :

a) la loi de l’État dans lequel au moins l’un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ; ou

b) la loi d’un État dont l’un des époux ou futurs époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention ».

Une différence existe par rapport à la convention de La Haye : le règlement n’a pas retenu le choix en faveur la loi de la future résidence habituelle des époux, ni de scission possible du régime matrimonial concernant les biens immobiliers.

Une question se pose en présence d’époux ou de futurs époux ayant plusieurs nationalités : ont-ils la faculté d’effectuer un choix parmi toutes leurs nationalités ou sont-ils limités dans leur choix ? À ce sujet, il est renvoyé aux développements effectués pour les partenaires dans le cadre du règlement n° 2016-1104 dont la rédaction est identique sur ce point267.

3192 – Choix de la nature du régime matrimonial. – La question se pose de savoir si les époux peuvent désigner le régime conventionnel de la loi choisie.

La réponse n’est pas certaine.

En effet, l’article 1397-3, alinéa 3 du Code civil issu de la loi du 28 octobre 1997268vise expressément la convention de La Haye.

Ainsi il ne semble pouvoir s’appliquer que dans le cadre de la convention.

Certains auteurs, tout en regrettant que le règlement ne précise pas clairement cette option, estiment toutefois que les époux devraient pouvoir désigner le régime conventionnel de la loi choisie.

Ainsi Mme Hélène Péroz et M. Éric Fongaro indiquent269que « la lecture du 18e considérant du règlement pourrait nous donner une piste. En effet [celui-ci précise que] la notion de régime matrimonial doit englober non seulement les règles auxquelles les époux ne peuvent déroger, mais aussi toutes les règles facultatives qui peuvent être fixées par les époux conformément à la loi applicable. On peut déduire de ce 18e considérant que la loi choisie par les époux vise non seulement le régime légal, mais aussi les régimes conventionnels en tant que règles facultatives ».

Le Cridon de Paris270précise : « Mais, peut-être pourrions-nous dire que, quand bien même la loi de 1997 est une loi d’application de la convention de La Haye, l’article 1397-3 est rédigé d’une manière suffisamment générale pour qu’il trouve application dans les règlements ».

II/ Unicité de la loi applicable

3193 Le règlement européen ne reprend pas la possibilité de « dépeçage » admise par la convention de La Haye.

En effet, l’article 21 du règlement précise : « Unité de la loi applicable : La loi applicable au régime matrimonial en vertu de l’article 22 ou 26 s’applique à l’ensemble des biens relevant de ce régime, quel que soit le lieu où les biens se trouvent ».

Les rédacteurs du règlement ont voulu favoriser l’unicité du patrimoine.

Hier, les couples investisseurs anglo-saxons utilisaient la convention de La Haye avec désignation de la loi applicable aux immeubles situés en France ; aujourd’hui, ils vont se tourner vers une autre disposition : ils peuvent recourir au règlement européen sur les successions et effectuer une professio juris en faveur de leur loi nationale. Cette possibilité sera étudiée dans la cinquième partie271.

§ III – Réception en France et reconnaissance à l’étranger des contrats de mariage

3194 Le nombre d’expatriés français ne cesse d’augmenter. Au 31 décembre 2017, ils étaient plus de 1 800 000272à être inscrits au registre des Français de l’étranger, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à l’exercice 2016. À vrai dire, ils sont plus nombreux. Comme l’inscription sur les listes consulaires n’est pas obligatoire, le quai d’Orsay estime qu’il y a entre 2 millions et 2,5 millions de Français expatriés partout dans le monde. Quasiment la moitié des expatriés français vit en Europe.

La Suisse reste la destination numéro un pour les expatriés français. On trouve ensuite les États-Unis puis le Royaume-Uni pour compléter le podium. Les Émirats arabes unis continuent d’attirer les Français : en 2013, il y avait un peu plus de 17 000 Français à Dubaï et Abu Dhabi et en 2007 plus de 23 000.

Dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie), les Français sont de plus en plus nombreux. En Amérique du Sud, le Brésil constitue la première destination.

Conseiller la rédaction d’un contrat de mariage dans un contexte de plus en plus international apparaît aujourd’hui comme un prérequis ; s’assurer de sa validité en la forme et au fond en pays étranger, une approche pragmatique absolument nécessaire.

3195 À l’inverse, le notaire pourra avoir à connaître du régime matrimonial d’époux ayant établi un contrat de mariage à l’étranger. Il se posera alors la question de la validité de ce contrat et de l’application de ses clauses. Il n’est pas possible, dans le cadre de la présente commission, de recenser la multitude de contrats pouvant exister. Il sera envisagé différents types de contrats pouvant le plus usuellement être rencontrés par le notaire français : le prenuptial agreement de droit anglo-saxon, d’une part (A), et les contrats de natures diverses, d’autre part (B).

A/ Le contrat de droit anglo-saxon : le prenuptial agreement

3196 Le nombre de Français installés au Royaume-Uni est estimé à 300 000 personnes dont 200 000 dans le Grand Londres273. Certains qualifient Londres de « XXIe » arrondissement de Paris.

Se pencher sur la validité, l’efficacité et l’opportunité des conventions matrimoniales françaises et britanniques est donc important. Pour le notaire français, il s’agit non d’une hypothèse d’école mais de situations pouvant être fréquemment rencontrées.

3197 Le contrat de mariage français et le prenuptial agreement de droit anglo-saxon présentent de multiples différences. Le notaire français sera confronté à deux questions :

comment accueillir un prenuptial agreement établi à l’étranger ?

et, bien entendu, comment procéder pour que son contrat de droit français soit reçu en pays de droit anglo-saxon ?

I/ Les différences entre les deux conventions

3198 Ces différences proviennent de la nature même des deux systèmes juridiques :

le Code civil français s’est inspiré du droit féodal et a eu longtemps pour objectif de maintenir les biens dans la famille par le sang ;

le droit anglo-saxon est plus attaché à la protection du conjoint.

Les différences les plus importantes portent sur cinq points274.

a) Champ d’application

3199 Le contrat de mariage a pour objectif de fixer les règles de pouvoir et de propriété des époux sur les biens durant le mariage et la liquidation de ces biens au jour de la dissolution du mariage par divorce ou par décès.

Le prenuptial agreement, quant à lui, a pour but d’encadrer les conséquences patrimoniales et financières de la rupture en précisant les compensations dues en cas de divorce.

En effet, le droit anglo-saxon ne connaît pas la notion de régime matrimonial.

b) Application de la convention

3200 En cas de divorce, l’obligation ou non d’appliquer le contrat sera différente selon la juridiction saisie.

En effet en France le juge est lié par le contrat de mariage et il l’appliquera (sauf bien entendu s’il est contraire à l’ordre public français).

Dans les pays anglo-saxon, à l’inverse, si le contrat est par principe appliqué, le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour l’écarter ou l’appliquer partiellement.

3201 Le cas des époux Radmacher/Granatino a alimenté la chronique people en 2010. En 1998 M. Granatino, de nationalité française, se marie à Londres avec Mme Radmacher, riche héritière allemande. L’union est précédée de la signature d’une convention matrimoniale établie par un notaire allemand prévoyant que le futur époux s’engageait à ne réclamer aucun bien sur le patrimoine de sa future épouse en cas de divorce.

Les époux s’installent et divorcent en Angleterre. Les juges de première instance condamnent Mme Radmacher à verser à son ex-mari la somme de 6,6 millions d’euros compte tenu de la différence de patrimoines. La cour d’appel puis la Cour suprême275appliquent le prenuptial agreement. Ainsi il est important de relever qu’un pays de common law a donné plein effet au contrat de mariage allemand conclu entre les époux.

De cette décision, il y a lieu de considérer que la convention matrimoniale sera ou non exécutée en fonction des circonstances dans lesquelles elle a été signée et de la situation des époux au moment du divorce.

Il est à noter que la Cour suprême n’a pas déclaré que les conventions de mariage devaient être obligatoirement appliquées.

Elle a simplement indiqué que ces contrats n’écartaient pas la compétence de la cour, mais que celle-ci devait « donner un poids approprié (décisif) a un tel contrat ».

c) Formalités requises lors de la rédaction de la convention matrimoniale

3202 En France, le contrat de mariage doit être établi avant le mariage par acte notarié.

En Angleterre, les formalités qui entourent la signature de la convention matrimoniale sont plus lourdes :

divulgation du patrimoine des époux (Financial Disclosure) : chaque époux doit dresser un inventaire de son patrimoine et le « divulguer » à son futur conjoint ;

indépendance des conseillers des parties : chaque époux doit être conseillé par son propre conseil (independance advice). Un époux pourra toujours invoquer l’absence d’avocat personnel pour demander la nullité du contrat ;

la date de signature de la convention : il est conseillé de signer le prenuptial agreement au moins vingt-huit jours avant la date de célébration du mariage, ceci étant considéré comme un délai de réflexion.

d) Prise en compte des circonstances du divorce

3203 La Cour suprême prend en compte les circonstances du divorce : l’existence d’enfants, l’enrichissement d’un seul époux grâce à l’investissement des deux époux…

Le juge anglais appliquera le prenuptial agreement s’il considère qu’il en résultera une situation équitable pour chacun des époux.

e) Stipulation d’éléments alimentaires dans le contrat

3204 En France, il semblerait que toute stipulation d’un contrat de mariage relative à l’existence ou au montant d’une prestation compensatoire due par un époux en cas de divorce pourrait être contraire à l’ordre public.

En droit anglais au contraire, les futurs époux fortunés ont toujours intérêt à prévoir dans le prenuptial agreement une pension alimentaire sous forme de capital, qui équivaut à notre prestation compensatoire. C’est même là sa vocation première.

Ces différences sont suffisamment importantes pour que les questions de la reconnaissance en France d’un prenuptial agreement, et dans les pays anglo-saxons d’un contrat de mariage français soient posées.

II/ Reconnaissance en France d’un prenuptial agreement
a) Sa validité

3205 En premier lieu, il convient de vérifier la validité du prenuptial agreement.

La jurisprudence française a tendance à soumettre la validité au fond d’un prenuptial agreement à la loi du divorce.

En conséquence, si la loi du divorce est la loi française, ce contrat risque d’être regardé comme non valable dès lors qu’il a pu être retenu que la prestation compensatoire faisant partie des droits indisponibles, l’ordre public français s’oppose à la validité de ces conventions.

b) Sa qualification

3206 Dans le cas de prenuptial agreement, il peut être prévu pour des couples franco-anglais une compensation financière au moment du divorce. Le droit anglais, qui ne connaît pas la notion de régime matrimonial, traite les époux comme des étrangers l’un envers l’autre sur le plan patrimonial. Il peut donc être difficile pour le juge français de qualifier cette compensation financière et de déterminer si elle a une finalité alimentaire (non valable) ou une finalité de compensation de la disparité créée par la rupture de l’union.

On rappellera que la notion de régime matrimonial peut se définir comme « l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux des époux entre eux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution »276.

Cette notion est assez large et il peut être difficile de distinguer entre les rapports patrimoniaux résultant du divorce et la notion d’obligation.

La Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt Van Den Boogaard du 22 février 1997, a été interrogée sur la ligne de partage entre les catégories « régimes matrimoniaux » et  « obligations alimentaires »277.

Elle a posé les principes suivants :

la décision prise par le juge a un caractère alimentaire si la somme d’argent tend à assurer l’entretien de l’un des époux dans le besoin ou si les ressources et besoins de chacun sont pris en considération ;

la décision concerne les régimes matrimoniaux lorsqu’elle vise uniquement à la répartition des biens entre les époux ;

lorsque la décision combine les deux fonctions, il appartient au juge de distinguer entre les deux aspects alimentaire et/ou patrimonial.

3207 Lorsque des époux français établiront un prenuptial agreement dont les juridictions françaises pourront être amenées à connaître, ils devront bien préciser dans le contrat ce qui relève du régime matrimonial et ce qui relève des obligations alimentaires. Pour les règles relatives au choix du régime matrimonial, il est recommandé d’indiquer expressément, et ce même si l’Angleterre n’est pas partie à cette convention, que le choix du droit anglais pour régir les rapports patrimoniaux entre les époux est fait conformément au règlement (UE) sur les régimes matrimoniaux.

S’agissant des dispositions ayant vocation à s’appliquer en cas de divorce et fixant par avance le montant dû par l’un des époux, il est recommandé d’insister sur la notion de besoin ou de ressources des époux afin que le juge français comprenne qu’il s’agit de dispositions relevant de la catégorie « obligations alimentaires »278.

En tout état de cause, il conviendra d’être très prudent lors des conseils qui pourraient être délivrés lors de la rédaction de ces contrats.

III/ Reconnaissance en Angleterre d’un contrat de mariage français

3208 Alors que le juge français est tenu par les termes du contrat, les juridictions anglaises ne sont pas tenues par les accords passés entre les époux lors du mariage : en effet, le système anglais accorde au juge la faculté d’écarter ou de modifier un accord même librement consenti par les parties.

Cependant, depuis l’arrêt Radmacher contre Granatino279, les juges ont pris en compte la convention passée entre les époux lorsqu’ils ont statué sur les conséquences financières du divorce.

Le notaire français appelé à établir un contrat de mariage pouvant être connu du juge anglais devra prendre des précautions. Trois sont essentielles afin d’adapter le contrat au formalisme du prenuptial agreement :

chaque partie doit être assistée de son propre conseil ;

le contrat doit inclure une présentation détaillée du patrimoine respectif des futurs époux et de leurs revenus. Cet état pourra être joint en annexe du contrat ;

le contrat doit être signé bien avant le mariage (pour le prenuptial agreement, un délai de vingt-huit jours est en général requis280.

Le notaire français devra donc rédiger un véritable contrat « sur mesure » qui exprime clairement le choix réfléchi des futurs époux.

Pour assurer le respect du contradictoire, deux types de précautions pourraient être prises :

assurer la réception du contrat par deux notaires, chacun assistant un des époux ;

ou recevoir l’acte en présence des deux avocats conseillant chacun des époux, cette seconde solution répondant davantage aux impératifs anglo-saxons.

Toutes ces précautions devront être prises afin que ce contrat soit susceptible d’être accepté par le juge anglo-saxon.

B/ Autres types de conventions matrimoniales

3209 Il sera envisagé divers autres types de contrats auxquels le notaire pourra être confronté qui, pour certains d’entre eux, bien qu’établis à l’occasion d’un mariage, ne pourront pas être qualifiés de contrat de mariage.

I/ Les limites à la liberté contractuelle

3210 Dans les pays dits de droit civil ou civil law, il existe indéniablement, dans l’esprit du législateur, un rapport intellectuel entre l’organisation des relations pécuniaires entre époux et leurs droits successoraux.

On sait qu’une des raisons de la place très modeste faite à l’origine au conjoint survivant en droit français dans l’ordre successoral a été la croyance qu’il bénéficierait nécessairement de la moitié de la communauté.

La possibilité pour les époux de soumettre leur union sur le plan patrimonial à un autre régime que le régime légal ou d’aménager ce dernier au moyen d’un contrat est généralement admise, avec toutefois certaines restrictions.

Ainsi en Roumanie est-il possible d’adopter par contrat un régime de séparation de biens ou un régime communautaire permettant d’élargir la composition de la communauté, de modifier les règles de partage de cette communauté ou de permettre au conjoint de prélever tel ou tel bien avant le partage de la succession, mais la convention matrimoniale ne peut modifier l’ordre légal des successions et ne peut anéantir les règles propres à la réserve héréditaire considérées comme d’ordre public281.

Il est dès lors facilement imaginable que les avantages matrimoniaux stipulés dans les contrats de mariage ne seront pas toujours bien accueillis dans certains pays défenseurs de la réserve successorale au titre de l’ordre public. Il conviendra en tout état de cause de vérifier que cet avantage pourra bien s’exécuter au moment du décès de l’un des époux, au regard des règles de conflit de lois, d’une part, et de l’ordre public, d’autre part.

II/ Les pièges de la terminologie : l’exemple de la société conjugale

3211 D’une manière générale, les conventions matrimoniales portant adoption d’un régime de communauté seront d’une lecture assez aisée pour le notaire français habitué à liquider des régimes de ce type.

Toutefois, le droit comparé recèle parfois quelques pièges liés à la terminologie. Les régimes de communauté font parfois référence à la notion de « société conjugale ». Il en est ainsi au Mexique282, en Uruguay283, au Vénézuela284, en Argentine285pour ne citer qu’eux, que ce soit au titre du régime légal ou au titre d’une communauté conventionnelle.

Cette société conjugale diffère considérablement de la société de droit commun. En réalité, elle n’a en commun avec la société que l’appellation. Originairement cette référence à la notion de société a été imaginée pour permettre au mari de conserver l’administration des biens. Ainsi, si une propriété était léguée aux deux époux, sans la référence à la société, ce bien devenait commun et le mari ne pouvait plus administrer ni disposer de ce bien sans respecter les formalités nécessaires à l’administration des biens réservés de son épouse. Quand cette propriété entrait dans l’actif social, le mari pouvait administrer et disposer librement des biens sociaux et l’épouse ne possédait alors qu’un droit de créance portant sur la moitié de l’actif social au moment de sa dissolution.

Autre curiosité pour le notaire français, celle de « la communauté continuée » qui peut se rencontrer dans les pays scandinaves. Au-delà du décès, le conjoint survivant reste en possession des biens de communauté dont il peut disposer seul à titre onéreux (sans l’autorisation des enfants majeurs et communs au couple). Cette communauté continuée fait en réalité penser à notre notion de quasi-usufruit, les enfants ayant un droit de créance au décès du second des époux.

La diversité des régimes matrimoniaux et des clauses contenues dans les contrats de mariage nécessite une faculté d’adaptation dans l’analyse qui en sera faite par le notaire français. Les contrats de séparation de biens pure et simple se ressemblent et ne devraient pas poser de difficulté, sauf éventuellement en ce qui concerne les modalités de calcul de créances entre époux. En revanche, les contrats de participation aux acquêts ou de communauté différée des augments sont par nature plus compliqués à appréhender. Récemment (le 4 février 2010) et pour la première fois, il a été imaginé un contrat commun à deux pays, en l’occurrence la France et l’Allemagne.

III/ Exemple inédit d’un régime matrimonial contractuel commun : le régime de participation aux acquêts franco-allemand

3212 Depuis le 1er mai 2013, existe en droits français et allemand un nouveau régime matrimonial s’ajoutant à ceux déjà connus par ces États : il s’agit du régime optionnel franco-allemand de participation aux acquêts issu d’un accord entre la France et l’Allemagne. Cet accord bilatéral, signé le 4 février 2010 par la République fédérale d’Allemagne et la République française, est entré en vigueur le 1er mai 2013, suite à sa ratification par ces deux États, respectivement par les lois du 15 mars 2012 et du 28 janvier 2013286. L’objectif fixé au groupe de travail était de proposer un régime unique, qui s’applique et se liquide de manière identique dans les deux pays.

Si une place lui a été réservée dans le BGB287, on peut regretter qu’aucune mention n’en ait été faite dans le Code civil français.

Ce régime est une forme de participation aux acquêts déjà connue comme régime conventionnel en France et régime légal en Allemagne sous l’appellation de « communauté différée des augments ». Il est le fruit d’un compromis, les deux régimes présentant des différences significatives. En effet, les solutions retenues empruntent aux deux législations et bousculent quelque peu les principes français en matière d’évaluation des biens.

L’accord franco-allemand a retenu dans ses grandes lignes un régime de participation aux acquêts classique. Il ne déroge pas au principe de base qui est la séparation des biens288pendant le mariage. La participation prend la forme d’une créance, exigible après la dissolution du régime et correspondant à la moité du surplus d’enrichissement de l’un des époux par rapport à l’autre289.

3213 – Les candidats au régime optionnel franco-allemand. – Selon les documents de présentation du décret de 2013, le « cœur de cible » est constitué des couples franco-allemands. Mais le domaine d’application qui résulte de l’article 1er est plus large, puisque « le régime optionnel de la participation aux acquêts peut être choisi par des époux dont la loi applicable au régime matrimonial est celle d’un État contractant », donc la loi française ou la loi allemande, sans même qu’il soit besoin d’établir un élément d’extranéité.

Ce régime s’adresse bien entendu principalement aux couples franco-allemands, mais aussi aux couples français vivant en Allemagne et aux couples allemands vivant en France. Mais, s’agissant d’un régime supplémentaire intégré dans le droit interne de chacun des deux États, il peut être choisi aussi par des époux, peu importe leur nationalité ou leur lieu de résidence, dès l’instant où ils ont pu effectuer un choix de loi en faveur de la loi française ou allemande290.

Pour éviter toute ambiguïté, il est conseillé d’effectuer un choix de loi exprès dans l’acte.

3214 – La composition et l’évaluation du patrimoine originaire. – La composition du patrimoine originaire est sensiblement la même dans le régime optionnel que dans les deux régimes déjà connus en droits français et allemand. Il s’agit des biens composant le patrimoine des époux à la date où le régime prend effet ainsi que ceux qui leur adviennent par successions ou libéralités. Il a été ajouté « les indemnités perçues en réparation d’un dommage corporel ou moral »qui ne figurent pas dans le patrimoine originaire dans le régime légal allemand.

Du patrimoine originaire sont déduites les dettes afférentes à ces biens « même lorsqu’elles excèdent le montant de l’actif ».

C’est au regard de l’évaluation du patrimoine originaire que les régimes divergent. Il a fallu trouver un compromis entre la règle française de l’évaluation au jour de la liquidation et la règle allemande de l’absence de réévaluation. En effet, si l’article 1571 du Code civil français dispose que les biens originaires sont estimés d’après leur valeur au jour de la liquidation du régime matrimonial, le droit allemand, lui, prend en considération la valeur qu’avaient ces biens au jour de la naissance du régime matrimonial, sans aucune réévaluation.

Dans le régime allemand, les plus-values réalisées sur le patrimoine originaire ont vocation à se partager en valeur alors qu’en droit français elles restent acquises au seul époux propriétaire.

Le résultat, exprimé dans l’article 9 du décret du 10 juin 2013, est mixte, inspiré pour partie du droit français et pour partie du droit allemand. La règle d’évaluation n’est pas la même selon que le bien est mobilier ou immobilier :

le principe : il s’inspire du droit allemand. Les biens originaires sont évalués à la naissance du régime ou lors de leur acquisition, mais leur valeur est indexée sur la variation moyenne de l’indice des prix à la consommation des États contractants291 ;

l’exception : elle s’inspire du droit français. Les immeubles et droits réels immobiliers sont évalués à la date de dissolution du régime, mais sans tenir compte des modifications qui auraient pu y être apportées292.

En cas d’aliénation d’un bien immobilier pendant le régime, on ne tient pas compte de son éventuel remplacement. Le mécanisme de la « subrogation liquidative » prévue par la loi française n’a pas été retenu.

3215 – Composition et évaluation du patrimoine final. – Les solutions retenues sont plus simples : le patrimoine final est composé de tous les biens appartenant à l’époux à la date de dissolution du régime, déduction faite des dettes, même si elles excédent le montant de l’actif.

Sont ajoutés au patrimoine final les biens donnés (sauf si la donation n’était pas excessive ou si elle a été consentie à des parents en ligne directe et a porté sur un bien originaire), les biens aliénés frauduleusement ou les biens dissipés293.

Ces adjonctions au patrimoine final n’ont lieu que si ces aliénations sont intervenues moins de dix ans avant la dissolution du régime, à moins que l’autre époux n’y ait consenti. Il apparaît une règle inédite en droit français294, laissant la faculté à un époux de vider son patrimoine final en donnant ses biens, puisque la réunion fictive ne se fait plus après dix ans pour les biens « sortis » du patrimoine, même s’ils avaient été acquis au cours du régime.

L’évaluation des biens est faite à la date de la dissolution du régime, sauf pour les biens réunis fictivement où l’évaluation est faite à la date de l’aliénation.

3216 – Détermination de la créance de participation. – Comme en droit français et en droit allemand, les acquêts de chaque époux sont déterminés en déduisant du patrimoine final le patrimoine originaire. Il convient ensuite de comparer les acquêts des deux époux, et celui dont les acquêts sont les plus faibles peut faire valoir contre son conjoint une créance de participation égale à la moitié de la différence295.

Une particularité existe dans le régime optionnel. L’article 14296prévoit un plafonnement de la créance de participation à la moitié du patrimoine de l’époux débiteur, montant qui peut être relevé dans certaines hypothèses.

Il est à noter que le contrat de mariage peut, conformément à la liberté des conventions matrimoniales, « déroger aux règles du chapitre V »297de l’accord franco-allemand, c’est-à-dire déroger aux règles permettant de calculer la créance de participation298. Ainsi peuvent être écartés le plafonnement de la créance, le quota de la créance de participation… Il peut être également prévu l’exclusion de certains biens pour calculer la créance de participation ainsi qu’une clause d’attribution des acquêts en cas de décès.

Peu utilisé en pratique, ce régime commun aux deux États constitue une avancée au regard de l’uniformisation des règles en la matière.

IV/ La réception en France des « contrats de mariage » rédigés dans les pays de droit religieux

3217 Dans la religion juive, la kétouba est un document rédigé avant le mariage et remis à la mariée pendant la cérémonie. Outre la constatation du mariage, la kétouba contient des dispositions relatives au montant que le mari devra verser à son épouse lors de la dissolution du mariage afin de lui assurer des moyens de subsistance. La kétouba contient également le rappel d’obligations du mari envers son épouse comme celles de cohabiter avec elle, de la nourrir, de la vêtir…

Parfois il est fait état des biens dont la femme a la propriété au jour du mariage, qu’elle conservera à titre de biens personnels.

La kétouba peut-elle être analysée comme équivalant à un contrat de mariage entre les époux ?

La réponse varie suivant le contenu des dispositions qui y figurent, car les clauses régissant les rapports pécuniaires entre les époux sont facultatives et la kétouba peut se contenter de rappeler des obligations d’ordre général du mari envers son épouse, de sorte qu’elle ne serait pas, dans ce cas, assimilable à un contrat de mariage. La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 6 juillet 1988, a reconnu valable l’adoption par deux époux marocains d’un régime contenu dans un acte de kétouba constatant la célébration du mariage299.

Il est à noter que chez les musulmans, il est fréquent et non contesté de dire que leur régime matrimonial est assimilable à une séparation de biens ; cependant, depuis quelques années, les contrats de mariage instaurant un régime de communauté sont possibles dans certains pays ; ainsi en Tunisie, il est possible d’adopter un régime de communauté par acte authentique depuis 1998, et le changement de régime après le mariage est possible. Au Maroc, l’article 49 de la Mudawanna offre la possibilité aux époux d’organiser la gestion et le partage de leurs biens dans un contrat subséquent à l’acte de mariage. Enfin, en Algérie, depuis 2005, les époux peuvent adopter le régime de la communauté d’acquêts par acte authentique. Dans les faits, ces contrats assez rares.

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 mars 2012, il a été jugé que la stipulation de dot figurant dans un acte de mariage célébré selon la forme musulmane ne permettait pas de considérer les époux placés sous le régime musulman de la séparation des biens. En effet, la stipulation de dot ne peut pas être assimilée à un contrat de mariage300.

Section II – Le régime matrimonial objectif (en l’absence de choix de loi)

3218 À défaut de choix des époux, le notaire ne sera pas pour autant confronté à une situation de vide.

En effet, dans ce cas, le régime matrimonial fera l’objet d’une détermination établie au moyen de critères objectifs.

Ces critères diffèrent selon la date du mariage. Là encore, trois dates clés existent en la matière.

La détermination du régime matrimonial a évolué au fil du temps. Tout d’abord, avant le 1er janvier 1992, la jurisprudence a dégagé le critère de l’autonomie de la volonté caractérisé par le « premier domicile commun ». Puis la Convention de La Haye du 14 mars 1978 a consacré le principe de la première résidence habituelle commune des époux, assorti de quelques exceptions notamment en faveur de la loi nationale commune. Le règlement n° 2016/1103, quant à lui, s’inspire largement des dispositions de la convention de La Haye.

Sous-section I – Mariage célébré avant le 1er septembre 1992

3219 Lorsque les époux n’ont pas clairement choisi leur régime matrimonial lors du mariage, il y a lieu de déterminer celui qu’ils ont implicitement choisi. La doctrine parle alors de « rattachement objectif ».

§ I – Détermination du choix tacite des époux

3220 En l’absence de choix exprès des époux, la jurisprudence aurait pu faire appel à des critères objectifs tels que le lieu du mariage ou la nationalité commune. Elle n’a toutefois pas fait ce choix et a retenu la volonté présumée des époux.

Il est vrai que cette volonté n’est pas facile à déterminer en présence d’époux qui, n’ayant pas fait de contrat de mariage, n’ont que peu de connaissances relatives à leur régime matrimonial.

Ce principe a été affirmé dès 1935 par la cour de Cassation dans les termes suivants : « Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement d’après les faits et circonstances de la cause, (…) le statut que des époux étrangers mariés sans contrat ont eu la volonté d’adopter pour le règlement de leurs intérêts pécuniaires »301.

Pour déterminer le régime matrimonial des époux, il y a lieu de rechercher leur volonté à l’aide de critères dégagés par la jurisprudence (A). Cette détermination pouvant être incertaine, la jurisprudence française a admis la possibilité d’introduire une action déclaratoire afin de déterminer la loi applicable au régime matrimonial  (B).

A/ Les éléments pris en compte pour déterminer la volonté des époux
I/ Élément prépondérant : premier domicile commun effectif

3221 Les époux qui n’ont pas choisi de loi applicable à leur régime matrimonial sont généralement présumés avoir fixé leurs intérêts pécuniaires au lieu de leur premier domicile commun.

La Cour de cassation a tout d’abord indiqué qu’il y avait lieu de tenir compte notamment de ce critère302, puis principalement de celui-ci303.

3222 La question s’est posée de la durée de ce premier domicile matrimonial : en effet, la Cour de cassation ne fixe pas de durée précise mais retient seulement un domicile effectif. Les Cridon, dans leurs consultations, ont estimé que seul un premier domicile commun de plus de deux ans pouvait présenter un tel caractère effectif. Cette solution a été approuvée par la doctrine.

3223 Il faut signaler que l’indice du premier domicile commun, s’il est prépondérant, constitue une présomption simple qui peut être détruite par tout élément de preuve pertinent ainsi que cela a été précisé par la Cour de cassation en 2005304.

Il y a lieu d’analyser les autres éléments pouvant être pris en compte pour déterminer la volonté implicite des époux.

II/ Les autres éléments pouvant être pris en compte

3224 Ces éléments à retenir peuvent être concomitants (a) ou postérieurs (b) au mariage.

a) Indices concomitants au mariage

3225 La jurisprudence a dans certains cas retenu :

le lieu de célébration du mariage, dans la mesure où il coïncide avec le domicile matrimonial : il permet de renforcer la présomption en faveur du premier domicile commun ;

la nationalité commune des époux : pour des époux vivant en France qui retournent se marier dans leur pays d’origine. La nationalité d’origine et le lieu de célébration du mariage peuvent exceptionnellement caractériser la volonté des époux et permettre d’identifier leur régime matrimonial.

b) Indices postérieurs au mariage

3226 La Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que pour déterminer le régime applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat, il y avait lieu de se placer au moment du mariage.

Toutefois, les juges peuvent prendre en compte des circonstances postérieures au mariage. Le plus souvent, cela sera pour renforcer la présomption en faveur du domicile commun. Certains arrêts utilisent cependant des éléments postérieurs à la célébration pour désigner la loi applicable au mariage suivant le principe de proximité305.

Cette possibilité de retenir des indices postérieurs au mariage a été critiquée en doctrine.

3227

Régime matrimonial mentionné dans un acte notarié

Dans certains cas, il arrive que le régime matrimonial des époux soit mentionné dans un acte notarié, par exemple un acte de vente établi après le mariage. Il faut souligner que même si l’acte a été conclu par les deux époux, cette déclaration faite postérieurement au mariage est sans effet. Afin d’éviter toute ambiguïté, le notaire devra recueillir la déclaration des époux sur leur premier domicile commun et définir ainsi leur régime matrimonial306.

Concernant les époux mariés en Algérie avant l’indépendance fixée au 1er janvier 1963, il convient de distinguer selon leur religion pour déterminer leur régime. En effet, la France reconnaissait avant l’indépendance le statut personnel des Algériens et pour les musulmans l’absence de régime matrimonial ou un régime assimilable à celui de la séparation de biens.

B/ L’action déclaratoire

3228 Lorsque les éléments de fait sont ambigus, notamment parce que le premier domicile commun est difficile à déterminer, l’action déclaratoire peut être utile.

Cette jurisprudence, élaborée par le tribunal de grande instance de Paris, a admis la possibilité d’introduire une telle action sur assignation du ministère public. L’action est exercée de façon conjointe par les époux, en dehors de tout litige et est dirigée contre le ministère public. Elle permet aux époux de s’adresser au juge pour lui demander de fixer leur régime matrimonial.

Toutefois, la portée de ce jugement est limitée : en effet, il n’est pas opposable aux tiers. Selon l’expression du professeur Philippe Malaurie il n’est qu’un « très habile pis-aller »307.

ll est vrai que depuis l’entrée en vigueur au 1er septembre 1992 de la Convention de La Haye sur les régimes matrimoniaux, cette action déclaratoire était devenue sans intérêt. En effet, les époux mariés avant cette date pouvaient utiliser l’article 6 de la convention à l’effet de désigner une loi interne à leur régime matrimonial autre que celle jusqu’alors applicable. Avec l’entrée en vigueur du règlement européen, cette possibilité leur est offerte par l’article 22.

§ II – Conséquences du choix tacite des époux

3229 Une fois la loi applicable au régime matrimonial déterminée, il y a lieu d’analyser son champ d’application.

A/ Indivisibilité du régime matrimonial

3230 Le régime matrimonial ainsi déterminé va s’appliquer à l’ensemble des relations patrimoniales des époux. Il va régir notamment la composition du patrimoine des époux, leurs pouvoirs quant à leurs biens et quant à la liquidation de leur régime matrimonial.

Ainsi la Cour de cassation a confirmé que la liquidation des biens d’époux ayant leur premier domicile conjugal à l’étranger doit s’effectuer selon les règles régissant leur régime matrimonial308.

B/ Exclusion du renvoi

3231 Il s’est posé la question de savoir si, à défaut de choix exprès de loi applicable, le choix tacite opéré par les époux s’est porté sur le droit interne de l’État ou sur ses règles de droit international privé autorisant ainsi le renvoi.

Cette question a été soumise à la Cour de cassation qui a très tôt écarté le renvoi, et ce à deux reprises à l’occasion des arrêts Lardans en 1969309et Goutherz en 1972.

Dans les deux cas, les conséquences étaient importantes car les époux passaient d’un régime de séparation des biens à un régime de communauté. La Cour de cassation a précisé que « les époux ont pensé au régime légal interne et non à la règle de conflit dont il n’est pas raisonnable qu’ils aient soupçonné l’existence ».

Plus récemment, la Cour de cassation a confirmé que « les époux sont présumés avoir soumis leur régime matrimonial à la loi interne de l’État sur le territoire duquel ils ont établi leur première résidence habituelle après le mariage »310.

C/ Évolution du droit interne

3232 Selon le système de droit commun, la loi qui détermine le régime matrimonial est fixée au jour du mariage. Elle n’est pas par la suite modifiée, par exemple par un changement de nationalité des époux ou un changement de résidence : on parle de fixité du rattachement dans le temps. Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation le 12 mai 2010311.

La question se pose de savoir ce qui se passe lorsque le droit interne ainsi désigné évolue : doit-on tenir compte des modifications du droit interne ou au contraire figer le régime matrimonial tel qu’il existait au jour du mariage ?

Cette situation est fréquente compte tenu des réformes souvent rétroactives qui ont eu lieu dans différents pays312.

Le droit français considère qu’il y a lieu de tenir compte des évolutions internes du droit étranger conformément aux dispositions de droit transitoire prévues par la loi étrangère. La Cour de cassation a énoncé de façon générale en 1987 « qu’en cas de modification ultérieure de la loi étrangère désignée, c’est à cette loi qu’il appartient de résoudre les conflits de lois dans le temps »313.

Une exception à ce principe existe toutefois pour les réfugiés : on parle alors de pétrification de la loi applicable.

Une difficulté est apparue pour les personnes ayant fui un régime totalitaire. Si on appliquait le principe ci-dessus, il aurait fallu leur appliquer la loi de l’État qu’ils ont fui en cas de changement rétroactif.

Pour éviter cette solution, la jurisprudence pétrifie leur régime matrimonial, c’est-à-dire qu’elle le fige au jour de la célébration du mariage. On appliquera donc la loi en vigueur au jour du mariage et non la nouvelle loi rétroactive314.

La Cour de cassation lie la pétrification au statut des réfugiés prévu par la convention de Genève du 23 juillet 1951. Cette pétrification a lieu même si par la suite les époux changent de nationalité.

Cela a été précisé par la Cour de cassation en 2006 pour le cas de deux époux de nationalité roumaine mariés sans contrat en Roumanie en 1941 et qui s’étaient installés en France en 1954 pour y être naturalisés. Il leur a été appliqué le régime de la séparation des biens, régime légal de la loi roumaine au jour de la célébration du mariage et non le nouveau régime légal roumain de la communauté315.

Sous-section II – Mariage célébré entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019

3233 En l’absence de choix effectué par les époux, la détermination de la loi applicable au régime matrimonial est définie par l’article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978.

Les critères retenus sont au nombre de deux : le principe est celui de la première résidence habituelle des époux et l’exception celui de la loi nationale commune.

§ I – Principe : loi de la première résidence habituelle des époux

3234 L’article 4, alinéa 1 de la convention désigne comme applicable la loi de la première résidence habituelle des époux après le mariage316.

– Résidence. – Il s’agit là de la résidence, notion de fait, et non du domicile, notion de droit, qui induit un élément intentionnel.

– Résidence habituelle. – La convention reprend le système du droit commun français qui applique le critère de premier domicile matrimonial. Avec toutefois une différence : dans la convention, il n’y a pas lieu de rechercher une durée minimale. Une installation des époux dans un pays quelques mois après le mariage est suffisante pour établir une résidence habituelle commune.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation en 2012317le précise : deux Français résidant aux États-Unis se marient dans l’État de New York et y vivent pendant un an avant de rentrer en France. La durée du séjour est courte (un an) et les époux ne semblent pas avoir eu l’intention de s’établir aux États-Unis. Mais la Cour de cassation considère que les époux se sont trouvés soumis à la loi de l’État de New York (équivalant à une séparation des biens), loi de leur résidence habituelle, et ce depuis leur mariage jusqu’à leur retour en France (lequel retour en France a provoqué la mutabilité de leur régime matrimonial en faveur du régime légal français ainsi qu’il sera étudié plus loin).

Pour déterminer cette résidence habituelle après le mariage, le notaire pourra utilement solliciter des époux divers documents administratifs tels que : taxe d’habitation ou équivalent, avis d’impôt sur le revenu, bulletins de salaire, abonnements divers ou encore enregistrement dans le cadre d’assurances sociales…

Dans certains cas toutefois, le critère de résidence principale s’effacera au profit de celui de la loi nationale commune des époux.

§ II – Exception : loi nationale commune des époux

3235 – Notion de loi nationale commune. – L’article 15 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 définit ce qu’elle entend par la notion de nationalité commune des époux.

Elle vise trois hypothèses :

les époux avaient la même nationalité avant le mariage ;

un des époux a acquis volontairement la nationalité de l’autre au moment du mariage ou après le mariage ;

les deux époux ont acquis volontairement cette nationalité après le mariage.

La convention exclut le cas (qui devrait être rare) où les époux ont plus d’une nationalité commune : dans ce cas, l’article 15 de la convention ne s’applique pas.

La loi nationale commune peut trouver à s’appliquer dans deux situations différentes :

le premier cas est simple : les époux n’ont pas de première résidence habituelle commune (C) ;

le second est plus complexe : les époux ont une première résidence habituelle commune. Toutefois, ils sont tous deux :

soit de nationalité néerlandaise (A),

soit de la nationalité d’un État non partie à la convention de La Haye et qui prescrit l’application de la loi nationale commune (B).

A/ Déclaration faite par l’État de la nationalité commune prévue à l’article 5 de la convention : cas des époux néerlandais

3236 – Principe d’application de la loi nationale commune. – L’article 4, alinéa 2-1318de la convention désigne la loi nationale commune des époux applicable lorsque l’État membre a effectué la déclaration prévue par l’article 5319. Seuls les Pays-Bas ont effectué cette déclaration.

Ainsi, concernant des époux néerlandais mariés et résidant en France après leur mariage, le notaire français appliquera à leur régime matrimonial la loi néerlandaise, loi de leur nationalité commune et non la loi française, loi de leur première résidence après le mariage.

– Exception à l’application de la loi nationale commune : loi de la résidence habituelle. – L’article 5, alinéa 2320de la convention limite les effets de cette déclaration. En effet, si les époux se sont installés de manière stable avant le mariage dans l’État de la résidence, c’est la loi de cet État qui s’appliquera.

Ainsi à des époux néerlandais qui résidaient en France depuis plus de cinq ans avant de s’y marier, le notaire français appliquera la loi française, loi de la résidence et non la loi néerlandaise, loi de la nationalité commune.

– Exception à l’exception : retour à l’application de la loi nationale commune. – L’article 5, alinéa 2 in fine321vise le cas où la règle de conflit de l’État de la résidence de plus de cinq ans désigne la loi nationale commune des époux. Dans ce cas, pour permettre aux différents pays concernés de donner une solution identique, il est fait retour à la loi nationale commune.

Les États dont le droit international privé prescrit l’application de la loi nationale commune sont les suivants : Afghanistan, Albanie, Algérie, Allemagne, Angola, Autriche, Belgique (jusqu’au 1er octobre 2004), Bulgarie, Cap-Vert, Corée, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Indonésie, Irak, Italie, Japon, Jordanie, Koweït, Liban, Liechtenstein, Maroc, Pologne, Portugal, Roumanie, Sénégal, Somalie, Suède, Syrie, Tchad, République tchèque, République slovaque, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Vatican, Yougoslavie, Haïti, République dominicaine, Surinam.

Ainsi, à des époux néerlandais résidant habituellement en Allemagne après le mariage et qui y résidaient depuis plus de cinq ans avant de s’y marier, le notaire français appliquera la loi néerlandaise, loi de la nationalité commune.

Récapitulatif pour des époux tous deux de nationalité néerlandaise :

a) qui établissement leur première résidence habituelle en France :

après le mariage : loi néerlandaise,

après le mariage et avant le mariage depuis plus de cinq ans : loi française ;

b) qui établissent leur première résidence habituelle dans un pays dont le droit international privé prescrit l’application de la loi nationale commune : loi néerlandaise.

Il est rappelé que cette situation ne se présentera que pour des époux de nationalité néerlandaise, les Pays-Bas ayant seuls fait la déclaration de l’article 5 de la convention.

B/ Convergence des systèmes de conflit de lois en faveur de la loi nationale

3237 La convention, dans son article 4, alinéa 2-2°322vise le cas où :

l’État de la nationalité commune des époux ;

et l’État de leur première résidence habituelle.

envisagent chacun l’application de la loi nationale commune des époux (V. liste des États ci-dessus).

Dans ce cas, la loi de la première résidence habituelle doit être écartée au profit de la loi nationale commune.

Ainsi, des époux tous deux de nationalité portugaise qui s’installent à Athènes juste après leur mariage seront soumis au régime légal portugais de la communauté : en effet, tant la Grèce que le Portugal prescrivent au titre de la détermination du régime matrimonial, la loi nationale commune des époux.

En pratique, le notaire devra :

détecter les époux de même nationalité ressortissant d’un État figurant sur la liste susvisée ;

puis vérifier s’ils se sont installés dans un État figurant sur cette même liste.

Et, dans l’affirmative, il devra leur appliquer la loi de leur nationalité commune à la place de la loi de leur résidence habituelle commune.

C/ Absence de résidence habituelle commune après le mariage

3238 L’article 4, alinéa 2-3° de la convention323envisage le cas où les époux n’ont pas de résidence habituelle après le mariage dans le même État : dans ce cas, on leur applique la loi nationale commune.

L’absence de résidence habituelle commune est souvent limitée dans le temps ; la convention a prévu qu’à partir du moment où les époux adoptent une résidence habituelle commune, cette loi viendra s’appliquer automatiquement et remplacer la loi nationale commune jusque-là applicable.

L’article 7 de la convention de La Haye précise : « La loi compétente en vertu des dispositions de la Convention demeure applicable aussi longtemps que les époux n’en ont désigné aucune autre et même s’ils changent de nationalité ou de résidence habituelle. Toutefois, si les époux n’ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l’État où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable, aux lieu et place de celle à laquelle leur régime matrimonial était antérieurement soumis : 1. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet État est leur nationalité commune, ou dès qu’ils acquièrent cette nationalité, ou 2. lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans, ou 3. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si le régime matrimonial était soumis à la loi de l’État de la nationalité commune uniquement en vertu de l’article 4, alinéa 2, chiffre 3 ».

§ III – Rattachement subsidiaire en faveur de l’État qui présente les liens les plus étroits avec les époux

3239 L’article 4, alinéa 3 de la convention vise des cas rares en pratique324 : lorsque des époux :

n’ont pas de résidence habituelle commune dans le même État après le mariage ;

et n’ont pas de nationalité commune (ou ont plusieurs nationalités communes).

Leur régime matrimonial « est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits ».

Il faut donc rechercher l’État avec lequel les époux sont les plus proches. Il pourra être pris en compte le centre de leurs intérêts pécuniaires, le lieu de situation de leurs biens, le domicile ou la nationalité d’un époux.

Pour ces époux, le notaire conseillera utilement un changement volontaire de loi avec rétroactivité325.

Sous-section III – Mariage célébré à compter du 29 janvier 2019

3240 Pour les époux dont le mariage est célébré à compter du 29 janvier 2019, il est fait application du règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016 qui a été présenté ci-dessus326.

C’est l’article 26 du règlement qui traite de la détermination de la loi applicable à défaut de choix exprès par les époux. Cet article s’inspire fortement de l’article 4 de la Convention deLa Haye du 14 mars 1978 en dressant une liste des facteurs de rattachement objectifs qui s’appliquent de façon hiérarchisée.

Fort heureusement, les règles édictées par le règlement sont plus simples que celles de la convention.

L’article 26 est ainsi rédigé :

1. « À défaut de convention sur le choix de la loi applicable conformément à l’article 22, la loi applicable au régime matrimonial est la loi de l’État :

a) de la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage; ou, à défaut,

b) de la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage; ou, à défaut,

c) avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances ;

2. Lorsque les époux ont plus d’une nationalité commune au moment de la célébration du mariage, seuls les points a) et c) du paragraphe 1 s’appliquent. »

§ I – Principe : loi de la première résidence habituelle commune des époux

3241 Si les époux n’ont pas exprimé un choix de façon expresse, l’article 26-1 du règlement du 24 juin 2016 prévoit l’application de leur première résidence habituelle commune après leur mariage.

À l’instar de la convention de La Haye, le règlement vise la résidence, notion de fait et non le domicile, notion de droit.

§ II – À défaut en faveur de la loi nationale commune des époux

3242 À défaut de première résidence habituelle commune après le mariage, c’est la loi de la nationalité commune qui s’appliquera.

Si les époux ont une double nationalité commune, le règlement (tout comme la convention de La Haye) exclut l’application de la loi nationale des époux.

§ III – À défaut en faveur de la loi de l’État avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage

3243 L’article 26-1-c du règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016 vise le cas des époux qui n’ont :

pas de première résidence habituelle commune ;

et pas de nationalité commune (ou une double nationalité commune).

Leur régime matrimonial est alors soumis à la loi de l’État avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Il faut donc rechercher (tout comme pour les époux soumis à la convention de La Haye) l’État avec lequel les époux sont le plus proches. Il pourra être tenu compte du centre de leurs intérêts pécuniaires, de la situation des biens, du domicile ou de la nationalité de l’un des époux…

§ IV – Clause d’exception : loi de la dernière résidence habituelle commune des époux

3244 À titre exceptionnel, la loi de la dernière résidence habituelle des époux peut trouver à s’appliquer. Il s’agit là d’une innovation du règlement du 24 juin 2016, contenue dans son article 26- 3327.

Les conditions d’application sont toutefois rigoureusement encadrées et cumulatives.

Il faut :

que l’un des époux en fasse la demande auprès d’une autorité judiciaire ;

et qu’il apporte une double preuve, c’est-à-dire démontre que les époux :

avaient leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État pendant une période significativement plus longue que celle de leur première résidence après le mariage,

s’étaient fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux.

Si cette double preuve est satisfaite, le juge peut alors appliquer la loi de la dernière résidence habituelle aux lieu et place de la loi de la première résidence habituelle.

Cette substitution s’opère de manière rétroactive à partir de la date de la célébration du mariage (à moins que l’un des époux ne s’y oppose), mais ne peut pas porter atteinte aux droits des tiers.

Cette exception vise le cas d’époux qui fixent leur première résidence habituelle dans un État avec lequel ils n’ont pas de lien particulier, puis s’installent par la suite durablement dans un autre État.

Bien entendu, si les époux sont tous deux d’accord pour modifier la loi applicable à leur régime matrimonial, ils utiliseront la procédure de l’article 22 du règlement sur le changement de loi applicable. Le recours à l’article 26-3 du règlement se fera lorsque les époux ne seront pas d’accord et n’auront pas conclu de convention matrimoniale avant la date d’établissement de leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État.

Les auteurs regrettent cette clause d’exception qui « remet en cause la prévisibilité et la sécurité juridique, même si une décision judiciaire intervient »328.


248) Cette désignation de loi applicable a récemment trouvé une application en droit fiscal. En effet, le tribunal administratif a eu à se prononcer sur le régime matrimonial de deux époux mariés en Italie et ayant déclaré dans leur acte de mariage choisir le régime de la séparation des biens en application du Code civil italien. Ces époux doivent être regardés comme séparés de biens au regard du droit fiscal français instaurant une imposition distincte des époux mariés en séparation de biens et ne vivant pas sous le même toit. « Considérant d’une part, qu’il résulte de l’instruction que les époux C. qui se sont mariés le 31 octobre 1994 en Italie, ont déclaré dans leur acte de mariage choisir le régime de la séparation de biens en application des articles 162 et 217 du Code civil italien ; que ce régime séparatiste dans le cadre duquel chaque époux peut conserver la propriété exclusive des biens acquis avant et après le mariage est assimilable au régime de la séparation de biens régi par le Code civil français » (TA Paris, 2e sect., 3e ch., 3 mai 2016).
249) L’article 1241 du Code civil monégasque dispose : « Sur interpellation de l’officier de l’état civil, les futurs époux et les personnes qui autorisent le mariage, présentes à la célébration, déclarent s’il a été fait un contrat de mariage. Dans l’affirmative, les déclarants indiquent la date de ce contrat ainsi que les noms et résidence du notaire qui l’a reçu. Lorsque les futurs époux ou l’un d’eux sont étrangers et qu’ils déclarent n’avoir pas fait de contrat de mariage, le régime légal s’applique, à moins que, sur interpellation de l’officier d’état civil, ils n’aient déclaré se soumettre au régime légal du pays dont ils ont ou dont l’un d’eux a la nationalité ».
250) Il s’agit de la séparation des biens.
251) Au Mexique, il existe deux régimes légaux : l’article 103 du Code civil mexicain prévoit que « l’acte de mariage comporte la déclaration des époux aux termes de laquelle ils contractent mariage sous le régime de la société conjugale ou celui de la séparation des biens ». Cette règle s’applique dans le Code civil du district fédéral et dans les territoires fédéraux, le Mexique connaissant un système plurilégislatif.
252) Le régime légal chilien est la société conjugale : les biens immeubles possédés au jour du mariage ainsi que ceux reçus par succession ou donation restent propres à chacun des époux. Les biens meubles quant à eux dépendent de la société conjugale à charge de récompense. Toutefois, les époux peuvent par simple déclaration émise lors du mariage adopter la séparation de biens ou la participation aux acquêts.
253) Le régime légal malgache est le régime du Kitay : les biens sont partagés pour 2/3 au mari et 1/3 à l’épouse. Toutefois, ils peuvent lors de la célébration du mariage et sur interpellation de l’officier d’état civil choisir le régime du partage par moitié ou le régime de la séparation des biens.
254) Le régime légal tunisien est celui de la séparation des biens. La loi tunisienne du 9 novembre 1988 permet aux époux d’opter dans l’acte de mariage lors de la célébration du mariage pour le régime de la communauté : il s’agit d’une communauté d’acquêts dont les époux peuvent élargir le domaine en faisant mention expresse dans l’acte (art. 2).
255) M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, p. 279, § 477.
256) C. civ. brésilien, art. 1641.
257) Consid. 45 : « Afin de faciliter la gestion de leurs biens par les époux, le présent règlement devrait leur permettre de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial, indépendamment de la nature ou de la localisation des biens, parmi les lois ayant un lien étroit avec les époux du fait de leur résidence habituelle ou de leur nationalité. Ce choix peut intervenir à tout moment, avant le mariage, lors de la célébration du mariage ou au cours de ce dernier ».
258) V. infra, n° a3191.
259) Cass. 1re civ., 16 juill. 1971, Chelly : « la capacité de chaque époux de conclure un contrat de mariage est déterminée par sa loi nationale ».
260) En principe cette règle est facultative. Toutefois, il semble que la jurisprudence hésite à faire application d’une autre règle que celle du lieu de conclusion du contrat s’agissant des régimes matrimoniaux.
261) Sur ces hypothèses, V. E. Fongaro, Le choix de la loi applicable au régime matrimonial : JCP N 2018, 1166.
262) Conv. La Haye 14 mars 1978, art.  3.
263) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 3, al. 2.
264) M. Revillard, op. cit., nos 483 et s.
265) Conv. La Haye, art. 3, al. 3 : « La loi ainsi désignée s’applique à l’ensemble de leurs biens ».
266) Conv. La Haye, art. 3, al. 4 : « Toutefois, que les époux aient ou non procédé à la désignation prévue par les alinéas précédents, ils peuvent désigner, en ce qui concerne les immeubles ou certains d’entre eux, la loi du lieu où ces immeubles sont situés. Ils peuvent également prévoir que les immeubles qui seront acquis par la suite seront soumis à la loi du lieu de leur situation ».
267) Sur les partenariats enregistrés, V. supra, n° a3114. Il convient de se reporter au considérant 50 et non au 49, ces deux considérants ayant toutefois une rédaction identique.
268) V. supra, n° a3188.
269) H. Péroz et E. Fongaro, Droit international privé patrimonial de la famille, LexisNexis, 2e éd. 2017, n° 568, dossier 28.
270) Bull. Cridon Paris 15 mars 2018.
271) V. infra, n° a3389.
272) 1 821 519 exactement (Source : Le blog voyage by Chapka. Chapka Assurances, 7 mai 2018 : blog.chapkadirect.fr/expatries-francais-2017/).
273) Source : site France diplomatie.
274) Aspects pratiques des contrats de mariages internationaux – L’expérience anglaise : Dr. famille 2015, dossier 31, étude W. Healing, sollicitor associé Kinsley Napley, Londres.
275) Arrêt Radmacher c/ Granatino, 2 juill. 2009.
276) Règl. n° 2016/1103, art. 3, sur les régimes matrimoniaux.
277) CJCE, 5e ch., 22 févr. 1997, aff. C-220/95, Antonius Van den Boogaard c/ Paula Laumen.
278) Les prenuptial agreement et les contrats de mariage : perspective franco-anglaise. Point de vue de l’avocat anglais : Dr. famille 2015, dossier 30, étude D. Eskenazi avocat aux barreaux de Paris et New York, Libra Avocats.
279) V. supra, n° a3201.
280) L’arrêt Radmacher susvisé a toutefois appliqué une convention matrimoniale signée peu avant le mariage.
281) Cf. C. Nicolescu, Corrélations entre les règles spécifiques des régimes matrimoniaux et celles du droit successoral dans le système du Code civil roumain : SUBB Iurisprudentia n° 2/2013 (studia.ubbcluj.ro/download/pdf/797.pdf).
282) C. civ. mexicain, art. 103.
283) C. civ. uruguayen, art. 1938 et 1941.
284) C. civ. vénézuelien, art. 148.
285) C. civ. argentin, art. 1261 et s.
286) Il a fait l’objet du décret n° 2013-488 du 10 juin 2013, portant publication de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts, signé à Paris le 4 février 2010.
287) Bürgerliches Gesetzbuch ou Code civil allemand.
288) Art. 2 : « Définition. Dans le régime optionnel de la participation aux acquêts, le patrimoine des époux reste séparé ».
289) Art. 2 in fine : « Les acquêts sont constitués du montant de la différence entre le patrimoine final d’un époux et son patrimoine originaire. À la dissolution du régime matrimonial, la créance de participation résulte de la comparaison des acquêts de chacun des époux ».
290) V. supra, n° a3191, Règl.  24 uin 2016, art.  22.
290) D. 10 juin 2013, art. 8.
291) D. 10 juin 2013, art. 9 : « 2. Les biens acquis après la date de prise d’effet du régime matrimonial et qui, en vertu du paragraphe 2 de l’article 8, font partie du patrimoine originaire, sont évalués à la date de leur acquisition. (…) (3) Lorsque les biens sont évalués à une date antérieure à la dissolution du régime matrimonial, leur valeur déterminée en application des paragraphes 1 et 2 est indexée sur la variation moyenne de l’indice général des prix à la consommation des États contractants ».
292) D. 10 juin 2013, art. 9 : « (2) Toutefois, les immeubles et droits réels immobiliers du patrimoine originaire, autres que l’usufruit et le droit d’usage et d’habitation, sont évalués à la date de la dissolution du régime. Si ces biens ont été cédés ou remplacés au cours du mariage, est retenue leur valeur. Les modifications de leur état entreprises au cours du mariage ne sont pas prises en compte dans l’évaluation du patrimoine originaire ».
293) D. 10 juin 2013, art. 10 : « Est ajoutée au patrimoine final la valeur des biens qu’un époux : 1. a donnés, sauf : a) si la donation n’est pas excessive eu égard au train de vie des époux ou b) la donation porte sur un bien du patrimoine originaire donné à des parents en ligne directe. Toutefois, la plus-value apportée par les améliorations réalisées sur ce bien, pendant la durée du régime matrimonial, avec des deniers ne dépendant pas du patrimoine originaire, est ajoutée au patrimoine final ; 2. a cédés dans le but de léser l’autre époux ou 3. a dissipés. Ces dispositions ne s’appliquent pas si la donation, l’aliénation frauduleuse ou la dissipation est intervenue plus de dix ans avant la dissolution du régime matrimonial ou si l’autre époux y a consenti ».
294) Cette règle est empruntée au droit allemand et figure à l’article 1375 du BGB.
295) D. 10 juin 2013, art. 12 : « Si à la dissolution du régime matrimonial, les acquêts d’un époux excèdent les acquêts de l’autre époux, ce dernier peut faire valoir à l’encontre de son conjoint une créance de participation égale à la moitié de la différence ».
296) D. 10 juin 2013, art. 14 : « La créance de participation est limitée à la moitié de la valeur du patrimoine de l’époux débiteur tel qu’il existe, après déduction des dettes, à la date retenue pour la détermination du montant de cette créance, La limite de la créance de participation est relevée de la moitié du montant ajouté au patrimoine final en application des dispositions du paragraphe 2 de l’article 10, à l’exception du cas visé à l’alinéa 1.b dudit article ».
297) Chapitre V : Détermination de la créance de participation à la dissolution du régime.
298) Il ne peut pas être dérogé aux règles relatives à l’administration, la jouissance et la disposition du patrimoine ainsi que celles relatives aux causes classiques de dissolution.
299) Cass. 1re civ., 6 juill. 1988 : deux époux de nationalité marocaine se sont mariés en 1967 à Casablanca devant deux rabbins notaires. L’acte de kétouba qui constate la célébration du mariage stipule que « le présent mariage est, en outre conclu, sous le régime dit Méghorachimes de Castille, adopté par les époux d’un commun accord (…) que le montant de cette kétouba, douaire en principal, augment et nédounia s’élève à (…) ». La cour d’appel de Paris avait écarté cette kétouba au motif qu’elle ne valait « que comme rite extérieur lié aux impératifs de la confession commune des époux ». La Cour de cassation a quant à elle reconnu cette déclaration comme valant choix exprès du régime matrimonial par les époux.
300) Cass. 1re civ., 28 mars 2012 : il s’agissait de deux époux de nationalité iranienne ayant prévu le sort des biens donnés en dot et les conséquences patrimoniales de la dissolution du mariage. La Cour de cassation a décidé toutefois que cet écrit « ne revêtait pas le caractère d’un contrat de mariage dès lors que ses dispositions déterminaient exclusivement les conditions du mariage ».
301) Cass. req., 4 juin 1935, Zelcer : GAJFDIP, n° 15.
302) Cass. req., 4 juin 1935, préc. : « Mais attendu qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement, d’après les faits et circonstances, et notamment en tenant compte du domicile matrimonial des époux, le statut matrimonial que des étrangers, se mariant en France sans contrat, on eu la volonté commune d’adopter pour le règlement de leurs intérêts pécuniaires ; que, dès lors, en la cause, le tribunal a pu décider, en se fondant à défaut d’autres circonstances, sur le fait que les époux Zelcer, lors de leur mariage à Paris, y étaient domiciliés, qu’ils sont réputés s’être référés au régime matrimonial français qui comporte pour eux, à défaut de contrat de mariage, la soumission au régime de la communauté légale et la défense de modifier ce régime par une convention postérieure ».
303) Cass. 1re civ., 14 nov. 2006 : « Mais attendu que la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat est déterminée principalement en considération de la fixation de leur premier domicile conjugal ; qu’en l’espèce, l’arrêt relève que les époux se sont installés en France quelques semaines après leur mariage civil célébré le 6 septembre 1963, (…) ; que le domicile matrimonial des époux s’est toujours trouvé en France jusqu’au décès du mari ; (…) que la cour d’appel (…) a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que ces circonstances étaient révélatrices de la volonté des époux, au jour de leur mariage, de localiser en France leurs intérêts pécuniaires et de les faire régir par la loi française ».
304) Cass. 1re civ., 22 nov. 2005 : « Mais attendu que la règle selon laquelle la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat, doit être déterminée en considération de la fixation de leur premier domicile matrimonial ne constitue qu’une présomption simple qui peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent ; qu’en relevant d’abord que les époux qui se trouvaient déjà en France, avaient manifesté en se présentant devant le Consul du Maroc leur volonté d’être mariés conformément à leur loi personnelle respective qui consacrait dans les deux cas le régime de la séparation de biens, ensuite que pendant la vie commune ils avaient adopté l’un et l’autre un mode de gestion séparatiste de leur intérêt patrimonial en acquérant et vendant divers biens et enfin que dans l’acte d’achat d’un fonds de commerce il était mentionné que les époux étaient mariés sous le régime de la loi coranique, la cour d’appel a, par une appréciation souveraine de ces éléments estimé que la volonté des époux au moment du mariage avait été d’adopter le régime de la séparation de biens ».
305) Cass. 1re civ., 28 janv. 2015 : « Mais attendu que, si, pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, il convient de se placer au moment du mariage, les juges du fond peuvent prendre en compte des circonstances postérieures qui éclairent la volonté des époux quant à la localisation de leurs intérêts pécuniaires après la célébration de leur union ; qu’après avoir relevé que M. X… et Mme B…, arrivés en France en 1977 avec leur fille, avaient obtenu la nationalité française en 1992, que M. X… exerçait de façon continue sa profession de médecin en France, où les époux avaient acquis un bien immobilier en 1980, et qu’ils n’avaient jamais eu de domicile stable en Afghanistan, la cour d’appel en a souverainement déduit, par motifs propres et adoptés, qu’ils avaient manifesté leur volonté de soumettre leur régime matrimonial au régime légal français ».
306) T. civ. Seine, 9 mai 1952 et T. civ. Paris, 6 mai 1953 : « l’arrêt retient qu’il ressort de la déclaration de M. Z… et Mme Y… contenue dans un acte d’achat d’un bien immobilier du 15 septembre 2000 et dans un acte de donation entre eux du 7 septembre 2001, selon laquelle ils sont “soumis au régime de la communauté, selon le droit français”, que ceux-ci ont, en cours de mariage, désigné leur régime matrimonial comme étant le régime français de la communauté des biens, comme les y autorise l’article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, applicable avec effet rétroactif ; Qu’en statuant ainsi, alors que cette déclaration, mentionnée dans des actes notariés poursuivant un autre objet, ne traduisait pas la volonté non équivoque des époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle le régissant jusqu’alors et ne pouvait constituer une stipulation expresse portant désignation de la loi applicable, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
307) Defrénois 1972, art. 30020.
308) Cass. 1re civ., 3 janv. 1985 : deux époux de nationalité hollandaise s’étaient mariés sans contrat en 1956 à Amsterdam où ils s’étaient fixés pendant quatre ans pour s’installer ensuite en France où ils avaient acquis une propriété. La Cour de cassation a confirmé que « la loi du régime matrimonial détermine selon quelles règles s’effectue la liquidation de ce régime (…) ».
309) Cass. 1re civ., 27 janv. 1969 : Defrénois 1970, art.  29731.
309) Cass. 1re civ., 1er févr. 1972 : JCP G 1972, II, 17096, concl. Gégout.
310) Cass. 1re civ., 3 déc. 1991, aff. Siboni : JCP N 1992, II, p. 358, note E. Kerckhove.
311) « S’agissant d’époux mariés avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les régimes matrimoniaux, le rattachement du régime matrimonial légal ou conventionnel à la loi choisie par les époux à la date du mariage est permanent et un changement de leur nationalité est sans effet à cet égard. »
312) Notamment : Italie, Turquie, Pologne.
313) Cass. 1re civ., 3 mars 1987, arrêt Leppert.
314) Cass. 1re civ., 28 nov. 2006 : Bull. civ. 2006, I, n° 672.
315) Cass. 1re civ., 28 nov. 2006, préc.
316) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 1 : « Si les époux n’ont pas, avant le mariage, désigné la loi applicable à leur régime matrimonial, celui-ci est soumis à la loi interne de l’État sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage ».
317) Cass. 1re civ., 12 avr. 2012.
318) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 2-1 : « Toutefois, dans les cas suivants, le régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État de la nationalité commune des époux : 1. lorsque la déclaration prévue par l’article 5 a été faite par cet État et que son effet n’est pas exclu par l’alinéa 2 de cet article ».
319) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 5 : « Tout État pourra, au plus tard au moment de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion, faire une déclaration entraînant l’application de sa loi interne, selon l’article 4, alinéa 2, chiffre 1 ».
320) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 5, al. 2 : « Cette déclaration n’aura pas d’effet pour des époux qui conservent tous deux leur résidence habituelle sur le territoire de l’État où, au moment du mariage, l’un et l’autre avaient leur résidence habituelle depuis cinq ans au moins, (…) ».
321) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 5, al. 2 in fine : « (…) sauf si cet État est un État contractant ayant fait la déclaration prévue par l’alinéa premier du présent article, ou un État non Partie à la Convention et dont le droit international privé prescrit l’application de la loi nationale ».
322) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 2-2° : « Toutefois, dans les cas suivants, le régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État de la nationalité commune des époux : (…) 2. lorsque cet État n’est pas Partie à la Convention, que sa loi interne est applicable selon son droit international privé, et que les époux établissent leur première résidence habituelle après le mariage : a) dans un État ayant fait la déclaration prévue par l’article 5, ou b) dans un État qui n’est pas Partie à la Convention et dont le droit international privé prescrit également l’application de leur loi nationale ; ».
323) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 2-3° : « Toutefois, dans les cas suivants, le régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État de la nationalité commune des époux : (…) 3. lorsque les époux n’établissent pas sur le territoire du même État leur première résidence habituelle après le mariage ».
324) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 3 : « À défaut de résidence habituelle des époux sur le territoire du même État et à défaut de nationalité commune, leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits ».
325) Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 6.
326) Section III du chapitre préliminaire du présent sous-titre II traitant des régimes matrimoniaux.
327) Règl. (UE) n° 2016/1103, art. 26-3 : « À titre exceptionnel et à la demande de l’un des époux, l’autorité judiciaire compétente pour statuer sur des questions relatives au régime matrimonial peut décider que la loi d’un État autre que l’État dont la loi est applicable en vertu du paragraphe 1, point a), régit le régime matrimonial si l’époux qui a fait la demande démontre que : a) les époux avaient leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État pendant une période significativement plus longue que dans l’État désigné en vertu du paragraphe 1, point a) ; et b) les deux époux s’étaient fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux. La loi de cet autre État s’applique à partir de la date de la célébration du mariage, à moins que l’un des époux ne s’y oppose. Dans ce dernier cas, la loi de cet autre État produit ses effets à partir de la date de l’établissement de la dernière résidence habituelle commune dans cet autre État. L’application de la loi de l’autre État ne porte pas atteinte aux droits des tiers résultant de la loi applicable en vertu du paragraphe 1, point a) ».
328) H. Péroz et E. Fongaro, Droit international privé patrimonial de la famille, LexisNexis, 2e éd. 2017, § 576. V. aussi C. Nourissat et M. Revillard : Defrénois 2016, n° 17, § 49.


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