CGV – CGU

Chapitre II – Les conditions de fond de l’adoption

Partie I – Établir une filiation
Titre 2 – L’adoption internationale
Sous-titre 2 – Le notaire et l’adoption prononcée en France
Chapitre II – Les conditions de fond de l’adoption

3036 Les conditions de fond pour une adoption internationale devront être vérifiées par le notaire afin d’examiner la faisabilité du projet.

La loi du 6 février 2001 a fixé des règles de conflit de lois contenues dans les articles 370-3 et 370-4 du Code civil.

L’article 370-3 du Code civil52, applicable à défaut de convention bilatérale contenant une règle de conflit de lois, distingue les conditions relatives à l’adoptant (Section I), celles concernant l’adopté (Section II), et celles tenant au consentement du représentant légal (Section III).

Section I – Les conditions relatives à l’adoptant

3037 S’agissant des conditions de fond de l’adoption, l’article 370-3, alinéa 1er du Code civil53prévoit deux facteurs de rattachement : loi nationale de l’adoptant ou loi des effets du mariage.

Lorsqu’une personne seule souhaite procéder à une adoption, il sera fait application de sa loi nationale.

Lorsqu’un couple marié souhaite adopter, sera applicable « la loi qui régit les effets de leur union ». Dès lors, il convient de se référer à la jurisprudence Rivière54, précisant que la loi applicable aux effets du mariage est :

la loi de la nationalité commune des époux ou ;

à défaut de nationalité commune, la loi du domicile commun.

L’article 370-3 du Code civil tempère toutefois la désignation de la loi des effets du mariage dans l’hypothèse où la loi nationale des époux prohiberait l’adoption.

En effet, « l’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe ».

De nombreuses législations, en majorité des pays de droit musulman, interdisent l’adoption. C’est notamment le cas des législations marocaine et algérienne.

Ainsi, deux époux de nationalité marocaine ne peuvent adopter, quand bien même ils seraient domiciliés sur le territoire français.

En revanche, lorsque la loi d’un seul des époux est prohibitive, l’adoption pourra être prononcée. Ainsi, un couple dont l’un des époux est de nationalité française, l’autre de nationalité marocaine pourra adopter si sa résidence est en France.

3038 Une fois la loi ainsi désignée, il y a lieu de vérifier si celle-ci n’est pas susceptible d’être évincée par le for (juge français) au nom d’une contrariété à l’ordre public international. En la matière, l’exception d’ordre public est limitée par la rédaction même de l’article 370-3 du Code civil qui prévoit que si la loi de l’un des adoptants prohibe l’adoption, celle-ci ne peut être prononcée. L’exception d’ordre public ne saurait donc être invoquée sur ce point.

De même, cette exception ne saurait être invoquée lorsque, dans le but de protéger l’enfant, la loi étrangère applicable énoncerait des conditions plus strictes que la loi française ou lorsque la loi étrangère ne connaît pas l’une des formes admises par la loi française55.

Outre l’exception d’ordre public, il convient de vérifier l’application de la fraude à la loi.

Celle-ci devrait trouver peu d’application en pratique. Il pourrait être imaginé le cas d’une personne ou d’époux dont la loi applicable en matière d’adoption poserait des conditions strictes (notamment des conditions d’âge) et qui choisiraient artificiellement un autre rattachement afin de se soumettre à une loi plus favorable.

3039 Certaines législations, qui admettent l’adoption, prohibent celles de majeurs56.

Ainsi, en droit français, est souvent pratiquée l’adoption simple de l’enfant mineur ou majeur par le second époux d’un de ses parents. Celle-ci ne pourra pas avoir lieu pour adopter un majeur si l’adoptant est de nationalité britannique ou portugaise par exemple, ces deux pays ne connaissant pas l’adoption de majeurs.

Adoption simple de l’enfant majeur de son conjoint

Une personne de nationalité britannique souhaite adopter l’enfant de son conjoint de nationalité française et britannique. « L’enfant » est majeur et de nationalité britannique.

Analyse juridique :

loi applicable : loi de l’adoptant57, c’est-à-dire la loi anglaise ;

la loi anglaise interdit l’adoption des majeurs et ne connaît pas l’adoption simple.

L’adoption ne pourra donc pas être réalisée.

Si l’adoptant possédait la double nationalité française et britannique, l’adoption pourrait être réalisée en vertu de la loi française, la nationalité (britannique) de l’adopté n’ayant pas d’incidence.

Section II – Les conditions relatives à l’adopté

3040 L’alinéa 2 de l’article 370-3 du Code civil concerne la prohibition de l’adoption par la loi nationale de l’adopté mineur. Cette interdiction est assortie d’une exception. Ainsi, lorsque l’enfant est né en France et réside sur le territoire national, en raison de liens l’y rattachant (ce qui conduira cet enfant à obtenir la nationalité française dans le futur), l’adoption sera alors possible.

Il existe de nombreuses législations interdisant l’adoption. La Cour de cassation a rappelé plusieurs fois l’interdiction d’adopter en France des mineurs de statut personnel prohibitif58.

Dans le même ordre d’idées, l’enfant recueilli en kafala59peut par la suite être valablement adopté s’il a acquis la nationalité française60. L’approche française relative à la kafala a d’ailleurs été validée par la Cour européenne des droits de l’homme61.

En pratique, les notaires devront, le cas échéant, avertir leur client de l’impossibilité d’adopter un enfant dont la loi personnelle prohibe l’adoption sauf si cet enfant est né et réside en France.

L’enfant recueilli par kafala ne doit pas être considéré comme un « enfant » en droit français, en ce sens notamment qu’il n’a aucune vocation successorale, cette institution n’étant pas assimilée à une adoption. Si une vocation héréditaire est souhaitée, il y aura lieu de « convertir » cette kafala en adoption, ce qui sera possible si l’enfant est de nationalité française.

« Adopter » un enfant marocain ?

Un couple de binationaux français et marocain vivant en France souhaite adopter un enfant marocain. L’enfant a été abandonné à sa naissance et vit dans une institution au Maroc. Quel conseil leur donner ?

Le notaire devra informer tout d’abord les clients de l’impossibilité d’adopter dans l’immédiat l’enfant en raison de sa loi nationale prohibitive.

Il pourra être conseillé la procédure suivante :

solliciter au Maroc une kafala dans le respect des conditions posées par le droit marocain ;

déposer une demande de visa long séjour afin que l’enfant rejoigne les titulaires de l’autorité parentale en France ;

après trois ans de résidence en France auprès de ses parents recueillants, il pourra être demandé pour l’enfant la nationalité française par déclaration auprès du tribunal d’instance62 ;

une fois Français, l’enfant devient alors adoptable dans le respect des conditions fixées par la loi française63.

Section III – Le consentement du représentant légal

3041 En droit français, l’adoption d’un majeur ne requiert que son propre consentement tandis que l’adoption d’un mineur requiert le consentement du représentant légal de l’enfant (ainsi que le consentement personnel du mineur si celui-ci a plus de treize ans).

La Convention de La Haye du 29 mai 1993 prévoit un mécanisme de contrôle du ou des consentements requis qui s’appuie sur les autorités centrales.

Pour déterminer les exigences relatives au consentement dans le cadre d’une adoption internationale, il convient de distinguer :

les adoptions qui relèvent de la convention du 29 mai 1993 ou d’une autre convention (§ I) ;

et celles qui en sont exclues (§ II).

§ I – Adoptions soumises à la convention du 29 mai 1993

3042 Il ne sera étudié que l’application de la convention de 1993. Si des conventions bilatérales64ont vocation à s’appliquer, il conviendra de s’y reporter.

La convention du 29 mai 1993 a pour objectif de moraliser les adoptions internationales et d’empêcher l’enlèvement, la vente ou le trafic d’enfants.

Elle met en place une procédure de coopération entre autorités centrales qui repose essentiellement sur des obligations mises à la charge de l’autorité centrale de l’État d’origine de l’enfant.

En application de l’article 4 de la convention de 1993, une adoption internationale ne peut avoir lieu que si :

les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l’adoption ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées des conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou la rupture des liens de droit entre l’enfant et sa famille d’origine ;

le consentement a été donné librement et par écrit ;

le consentement n’a pas été obtenu moyennant paiement ou contrepartie et n’a pas été retiré ;

le consentement de la mère a été donné après la naissance de l’enfant.

Par ailleurs, l’État d’origine doit avoir, eu égard à l’âge et au degré de maturité de l’enfant :

entouré l’enfant de conseils et l’avoir informé sur les conséquences de son consentement lorsqu’il est requis ;

pris en compte les souhaits et avis de l’enfant.

Le consentement de l’enfant, lorsqu’il est requis, doit être libre et donné par écrit et ne doit pas avoir été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte.

Si l’autorité centrale de l’État d’origine considère que l’enfant est adoptable, elle doit transmettre à l’autorité centrale de l’État d’accueil un rapport sur l’enfant et la preuve des consentements requis65.

§ II – Adoptions non soumises à la convention du 29 mai 1993

3043 Lorsque le consentement du représentant légal est recueilli dans un pays non signataire de la convention de La Haye, le contrôle du consentement à l’adoption donné à l’étranger doit être plus rigoureux, puisqu’il n’y a pas de coopération entre autorités centrales.

Dans ce cas, les juges français doivent contrôler que le consentement donné à l’étranger l’a été dans des conditions conformes à l’ordre public français, ce qui n’est pas toujours aisé.

Il est fait application de l’article 370-3, alinéa 3 du Code civil inspiré de l’article 4 de la convention de La Haye susvisé qui précise : « Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».

La personne habilitée à donner son consentement ainsi que la forme de ce consentement est définie d’après la loi de l’État d’origine de l’enfant, en matière de représentation.

Il convient de noter que l’article 384-5 du Code civil66, qui exige la remise de l’enfant de moins de deux ans au service social de l’enfance lorsqu’il n’existe pas de lien de parenté ou d’alliance, n’est pas applicable lorsque l’adoption est prononcée à l’étranger même lorsque l’adoptant est français67.

Adoption internationale : les consentements à obtenir

Deux époux de nationalité norvégienne résident en France. L’un des époux a un enfant de quatorze ans issu d’une première union, qui réside en France avec eux. Son conjoint souhaite l’adopter. Le père biologique de l’enfant réside en Norvège. Quelles seront les étapes du raisonnement à suivre ?

1. Non-application de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 : il n’y a pas déplacement du mineur qui réside déjà en France.

2. Article 370- 3 du Code civil : il y a lieu d’appliquer la loi nationale de l’adoptant donc la loi norvégienne.

3. Recherche dans le droit matériel norvégien :

l’adoption est valable si elle est prononcée dans le pays de résidence de l’adoptant ;

l’adoption ne doit pas être contraire à l’ordre public norvégien ;

l’adoption de l’enfant du conjoint est permise ;

le consentement de la ou des personnes exerçant l’autorité parentale est requis ;

le mineur de plus de douze ans doit consentir à son adoption ;

l’adoption simple n’est pas connue, mais l’adoption plénière de l’enfant du conjoint ne fait pas cesser les liens avec son parent biologique, époux de l’adoptant.

Il y aura donc lieu de solliciter le prononcé d’une adoption plénière en recueillant :

le consentement de l’enfant mineur par acte notarié français ;

le consentement du père biologique au moyen d’un acte établi par un avocat local spécialisé en matière d’adoption et signé en présence d’un Notarius publicus norvégien ;

le consentement de la mère de l’adopté, épouse de l’adoptant.


52) C. civ., art. 370-3 : « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe. L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».
53) Qui reprend la solution de l’arrêt Torlet (Cass. 1re civ., 7 nov. 1984 : GAJFDIP 2006, n° 67).
54) Cass. civ., 17 avr. 1953, Rivière : « Attendu, en l’espèce, que les époux Petrov-Roumiantzeff, ayant une nationalité différente, mais étant domiciliés l’un et l’autre en Équateur, c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que leur divorce était régi par la loi du domicile qui se trouvait, au surplus, être identique à la loi personnelle du mari et à la loi du for ».
55) Ainsi n’est pas contraire à l’ordre public international français la loi étrangère refusant l’adoption plénière. Cette solution résulte du célèbre arrêt Pistre : Cass. 1re civ., 31 janv. 1990 : GAJFDIP 1990, n° 68 : « Ne sont pas contraires à la conception française de l’ordre public international français, ni aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 [JO 4 mai 1974] ou à celles du Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 [JO 1er févr. 1981], les dispositions de la loi brésilienne qui prohibent l’adoption d’un enfant en sa forme plénière par un étranger ne résidant pas au Brésil ».
56) Pour la liste, V. M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, § 663.
57) C. civ., art. 370-3.
58) Cass. 1re civ., 10 oct. 2006, n° 06-15.261, et Cass. 1re civ., 28 janv. 2009, n° 08-10.034.
59) La kafala a suscité une abondante jurisprudence. Ainsi, la Cour de cassation refuse d’assimiler la kafala à l’adoption simple. Il en résulte que si l’enfant recueilli n’acquiert pas la nationalité française et ne réside pas en France, il ne peut être adopté. En ce sens : Cass. 1re civ., 10 oct. 2006 (M. Farge, Pas de passerelle entre la kafala et l’adoption : JCP G 2007, n° 18, II, 10072). – Cass. 1re civ., 9 juill. 2008. – Cass. 1re civ., 28 janv. 2009 n° 08-10.034 : JCP G 2009, n° 9, IV, 1348. – Cass. 1re civ., 25 févr. 2009, n° 08.11033 (M. Farge, La Cour de cassation refuse d’atténuer la conception abstraite de l’intérêt de l’enfant retenue par le législateur : Dr. famille 2009, n° 6, comm. 82. – A. Gouttenoire, Les enfants interdits d’adoption : la Cour de cassation refuse le recours aux droits fondamentaux : JCP G 2009, n° 18, II, 10072). – Cass. 1re civ., 15 déc. 2010 : JDI 2011, n° 3, 10, note C. Chalas. La Cour de cassation a permis, dans des conditions très limitées, que l’enfant recueilli par acte de kafala et devenu Français, puisse faire l’objet d’une adoption (Cass. 1re civ., 4 déc. 2013 : AJF 2014, p. 180, note A. Boiché).
60) Sur ce point, V. Circ. 22 oct. 2014, relative aux effets juridiques du recueil légal en France. V. aussi récemment la question posée au garde des Sceaux concernant la situation des enfants recueillis en kafala (refus d’adoption) : www.senat.fr/questions/base/2014/qSEQ14020716S.html.
61) CEDH, 4 oct. 2012, req. n° 43631/09, Harroudj c/ France.
62) C. civ., art. 21-12, al. 3 : « Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française : 1° L’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ».
63) V. Circ. 22 oct. 2014, relative aux effets juridiques de la kafala : « 3.1 L’adoptabilité de l’enfant en vertu de l’application de la loi française. Dès lors qu’il est de nationalité française, l’enfant recueilli par “kafala” est adoptable au regard du droit français ».
64) V. supra, n° a3028.
65) Conv. La Haye 29 mai 1993, art. 16.2.
66) C. civ., art. 384-5 : « Sauf le cas où il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré inclus entre l’adoptant et l’adopté, le consentement à l’adoption des enfants de moins de deux ans n’est valable que si l’enfant a été effectivement remis au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption ».
67) V. M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, p. 392, § 681.


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