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Chapitre II – Effets à l’étranger du divorce conventionnel<

Partie III – Se séparer
Titre 1 – La procédure de divorce
Sous-titre 3 – Circulation du divorce : reconnaissance et exécution
Chapitre II – Effets à l’étranger du divorce conventionnel

3326 Dans un contexte international, la convention de divorce a vocation à circuler, être reconnue et exécutée dans d’autres États. La circulation de ce divorce se réalisera plus facilement dans l’Union européenne (Section I) que dans les États tiers (Section II).

Section I – Au sein de l’Union européenne
§ I – Rupture du lien matrimonial et responsabilité parentale : article 39 du règlement Bruxelles II bis

3327 Comme il a été indiqué précédemment, les décisions en matière de divorce bénéficient au sein de l’Union européenne d’une circulation facilitée en vertu de l’article 21 du règlement Bruxelles II bis434.

La question se pose de savoir si le divorce conventionnel français entre dans le champ d’application de ce règlement, ce qui, en l’état actuel des textes et de la jurisprudence de la Cour de justice, demeure discuté.

Il pourrait être invoqué l’article 2, § 4 du règlement435qui retient une acception large de la notion de « décision ». Celui-ci ne peut toutefois pas englober le divorce conventionnel français où le notaire n’a pas joué de rôle constitutif lors de l’enregistrement de la convention.

Un autre article du règlement est susceptible de s’appliquer : celui-ci prévoit en effet dans son article 46 que certains actes circulent de la même façon que les décisions436.

Si la convention contresignée par avocats et déposée au rang des minutes du notaire n’est pas un « acte authentique », il s’agit bien en revanche « d’un accord entre les parties exécutoire » en France. Ainsi, cette formulation large a permis au décret du 28 décembre 2016 puis à la circulaire du 26 janvier 2017 de fonder la reconnaissance de ce nouveau divorce au sein de l’Union européenne. Attention toutefois, cette solution est limitée à ce qui, dans le divorce conventionnel, relève du règlement Bruxelles II bis, c’est-à-dire au principe du divorce en lui-même, mais il n’est a priori pas possible d’utiliser ce raisonnement pour ce qui concerne les effets patrimoniaux du divorce (sauf à imaginer de conférer à la convention elle-même la forme authentique, par un dépôt avec reconnaissance d’écriture et de signature, lui permettant ainsi de circuler comme acte authentique).

La circulation du principe du divorce, par laquelle les époux pourront être considérés à l’étranger comme divorcés, sera assurée au moyen du certificat de l’article 39 du règlement437.

Le décret d’application du 28 décembre 2016 a introduit une disposition à l’article 509-3 du Code de procédure civile438, donnant compétence au notaire ayant reçu l’acte de dépôt de la convention de divorce pour délivrer le certificat article 39, permettant ainsi sa reconnaissance dans les autres États membres.

L’article 39 donne deux modèles de formulaires :

l’un relatif à la rupture du lien conjugal ;

l’autre relatif aux décisions matrimoniales.

Or ces formulaires visent une décision rendue par une juridiction.

On le voit, même si le règlement Bruxelles II bis pourrait offrir quelques pistes en faveur de la circulation de cette nouvelle forme de divorce, l’interprétation des textes par les autorités étrangères ne peut pas être considérée comme certaine à ce jour.

§ II – Droit de visite : article 41 du règlement Bruxelles II bis

3328 Si le Code de procédure civile vise expressément le certificat de l’article 39, il n’envisage pas la délivrance du certificat spécifique au droit de visite de l’article 41 du règlement.

Cet « oubli » tient vraisemblablement au fait que les conditions de délivrance des deux certificats sont différentes : la délivrance du certificat de l’article 41439suppose notamment que toutes les parties aient été entendues, en ce compris l’enfant dès lors qu’il est doté d’un discernement suffisant. Cela n’est pas le cas dans le divorce conventionnel. Les questions relatives au droit de visite ne bénéficieront donc pas d’une circulation facilitée.

La fiche 10 de la circulaire du 26 janvier 2017 donne deux solutions440aux époux souhaitant rendre exécutoires les dispositions relatives à un droit de visite contenues dans une convention de divorce. L’époux devra :

soit saisir le juge étranger d’une requête en déclaration de la force exécutoire ;

soit saisir le juge français d’une demande en homologation de la convention portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

L’une ou l’autre des solutions préconisées impose le recours au juge, qu’il soit Français ou étranger.

§ III – Obligations alimentaires

3329 La circulation du divorce conventionnel, dans ses dispositions portant sur les obligations alimentaires, pose une autre difficulté : celui-ci n’entre pas dans le champ d’application du règlement « Aliments » n° 4/2009 du 18 décembre 2008441.

En effet, seuls les « décisions », les « transactions » et les « actes authentiques » peuvent bénéficier des facilités de circulation prévues par ce règlement442.

Le divorce conventionnel n’entre dans aucune de ces catégories.

La fiche technique 10 de la circulaire du 26 janvier 2017 préconise443au créancier d’aliments de s’adresser au juge étranger afin d’obtenir soit l’homologation de la convention, soit son incorporation dans une décision.

Section II – Hors Union européenne

3330 Dans un État tiers, la reconnaissance et l’exécution du divorce sans juge seront très aléatoires, les parties ne pouvant produire ni jugement ni acte authentique. Cette difficulté existera que cet État applique une convention internationale ou son droit commun.

La France n’est liée par aucune convention multilatérale portant sur le divorce. Toutefois, diverses conventions multilatérales applicables en France concernent certaines conséquences du divorce telles les obligations alimentaires ou des mesures relatives aux enfants. Mais ces conventions, lorsqu’elles traitent de la reconnaissance ou de l’exécution, envisagent des décisions ou des transactions judiciaires, des mesures prises par des autorités ou des actes authentiques.

Le divorce conventionnel n’entre dans aucune de ces catégories. De plus, certains États, attachés à la forme judiciaire du divorce, pourraient estimer qu’un divorce sans juge est contraire à leur ordre public international.

Des décisions ont ainsi été rendues dans les pays d’Afrique du Nord :

Une première décision a été rendue en Tunisie, par le tribunal de grande instance de Tunis le 14 novembre 2017. Les faits étaient très classiques : deux époux ayant la double nationalité française et tunisienne choisissent de divorcer par consentement mutuel en France, où ils résident depuis de nombreuses années. Ils rédigent et signent avec leurs avocats une convention qui est déposée au rang des minutes d’un notaire en juin 2017. Ils s’adressent alors aux services de l’état civil en Tunisie afin que la mention du divorce soit portée en marge de leurs actes d’état civil. L’administration tunisienne refuse, n’étant tenue de transcrire que « les décisions émanant des autorités judiciaires ». L’époux s’adresse au tribunal de première instance de Tunis qui accepte de reconnaître ce divorce sans juge. Il considère que ce divorce est conforme à l’ordre public international tunisien, qu’il n’est pas entaché de fraude, et qu’il n’y a pas eu saisine préalable des juridictions tunisiennes. Le tribunal a ainsi cherché à dépasser les nombreux obstacles dressés devant la reconnaissance pour faire prévaloir l’intérêt des particuliers.

Cependant, d’autres décisions ont été rendues n’accordant pas la reconnaissance au divorce sans juge : au Maroc, le tribunal de première instance d’Oujda, le 29 janvier 2018, a refusé d’accorder l’exequatur de ce divorce, l’estimant contraire à l’ordre public. En Algérie, le tribunal de Sidi M’Hamed, dans une décision du 26 septembre 2017, l’a également estimé contraire à l’ordre public au motif que l’article 49 du Code de la famille algérien exige que le divorce soit prononcé par jugement.

Avant de recourir à ce type de divorce, il s’avère indispensable de se renseigner préalablement auprès des ambassades ou consulats sur les effets qu’il pourra ou non déployer dans le pays de résidence.


434) Art. 21 : « Reconnaissance d’une décision. 1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ».
435) Art. 2 : « Définitions. Aux fins du présent règlement en entend par : (…) 4) “décision” toute décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation d’un mariage, ainsi que toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes “arrêt”, “jugement” ou “ordonnance” ; ».
436) Art. 46 : « Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions ».
437) Art. 39 : « Certificat concernant les décisions en matière matrimoniale et certificat concernant les décisions en matière de responsabilité parentale. La juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe I (décisions en matière matrimoniale) ou à l’annexe II (décisions en matière de responsabilité parentale) ».
438) CPC, art. 509-3, dernier al. : « Par dérogation à l’article 509-1, sont présentées au notaire ou à la personne morale titulaire de l’office notarial ayant reçu en dépôt la convention de divorce par consentement mutuel prévue à l’article 229-1 du Code civil les requêtes aux fins de certification du titre exécutoire en vue de sa reconnaissance et de son exécution à l’étranger en application de l’article 39 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 ».
439) Art. 41 : « Droit de visite (…) 2. Le juge d’origine ne délivre le certificat visé au paragraphe 1, en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe III (certificat concernant le droit de visite), que si : (…) ; b) toutes les parties concernées ont eu la possibilité d’être entendues; et c) l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité ».
440) « Dès lors, le notaire ne pourra pas délivrer le certificat visé à l’article 41 du règlement du 27 novembre 2003 et devra refuser toute requête en ce sens. Les parties, si elles souhaitent rendre exécutoire dans un État requis la convention de divorce portant sur l’exercice d’un droit de visite transfrontière, pourront néanmoins saisir l’État requis d’une demande en déclaration de la force exécutoire selon la procédure simplifiée applicable aux actes portant sur la responsabilité parentale. Elles pourraient également saisir le juge aux affaires familiales d’une demande d’homologation d’une convention portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale qui pourra statuer sans audience, en application de l’article 1143 du Code de procédure civile. »
441) Cons. UE, règl. (CE) n° 4/2009, 18 déc. 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires.
442) Règl. n° 4/2009, art. 16 et 48.
443) « Le créancier qui sollicite le recouvrement de l’obligation alimentaire prévue par la convention de divorce devra, à défaut d’accord bilatéral prévoyant une procédure simplifiée d’exequatur portant sur un acte, solliciter l’homologation de la convention par le juge étranger ou de tout autre manière l’incorporation de l’accord à une décision de ce juge, si une telle homologation s’avère impossible en raison des règles de compétence internationale ou parce que le droit national ne prévoit pas de mécanisme d’homologation. »


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