CGV – CGU

Chapitre III – Établir et accueillir la dévolution successorale

Partie IV – Hériter
Titre 1 – Les règles de conflit applicables à la succession
Sous-titre 2 – Méthode de traitement d’une succession internationale
Chapitre III – Établir et accueillir la dévolution successorale

3424 Une fois le cheminement opéré, le notaire devra, à ce stade, décider de l’opportunité des actes qu’il lui appartient de rédiger pour assurer l’efficacité de la dévolution successorale constatée en France devant produire des effets à l’étranger, ou ceux qu’il devra demander à ses clients afin d’assurer l’accueil d’une dévolution successorale constatée à l’étranger devant produire des effets en France.

Il convient à ce stade de déterminer quelle est l’autorité qui a été saisie pour régler la succession en cause. Il peut s’agir du notaire français ou de toute autre autorité compétente étrangère. Dans le premier cas, il sera considéré que le notaire français est saisi à titre principal, dans le second, à titre subsidiaire.

Dans la première hypothèse, le praticien devra, lorsqu’il va rédiger ses actes, envisager l’efficacité que ceux-ci devront assurer à l’étranger (Section I).

Dans la seconde, une autorité étrangère aura déjà établi des actes. Le notaire français à qui ils vont être fournis devra les accueillir et leur donner pleine efficience (Section II).

Section I – L’établissement en France des actes dévolutifs devant produire des effets à l’étranger : « l’export »

3425 Le notaire français saisi d’une succession internationale devra, après avoir déterminé la ou les loi(s) applicable(s) et identifié ainsi la ou les dévolution(s) adéquate(s) à chaque groupe de biens, s’assurer de l’efficacité des actes qu’il va devoir dresser.

La situation visée par cette hypothèse d’export est celle où :

le notaire français est saisi à titre principal de la succession en cause ;

la succession est testamentaire ou ab intestat ;

la loi matérielle successorale applicable est indifféremment la loi française ou la loi étrangère ;

la succession est composée de biens situés hors de France, sis dans un État membre ou un État tiers.

La dévolution successorale doit être constatée dans un acte.

Cet acte pourra être du fait de la présence de biens situés à l’étranger, amené à être produit au-delà des frontières.

L’interrogation du fichier français des dernières volontés doit être réalisée. Également il appartient au praticien d’interroger les fichiers étrangers. À ce titre en Europe, le fichier d’interconnexion mis en place par l’Association du réseau européen des registres testamentaires doit être consulté565.

Sous-section I – En présence d’une disposition testamentaire : « l’export » de la dévolution volontaire

3426 Le terme de disposition testamentaire, avant le 17 août 2015, ne correspond qu’aux testaments. Après le 17 août 2015 en revanche, il désigne toute disposition à cause de mort répondant aux dispositions déterminant le champ d’application matériel du règlement « Successions » (testaments, pacte sur succession future, etc.).

Il peut s’agir d’une disposition testamentaire française ou étrangère.

§ I – Vérifications préalables afférentes à la disposition testamentaire

3427 Il convient de vérifier la forme (A) et le fond (B).

A/ Vérifications quant à la forme de la disposition testamentaire
I/ Disposition testamentaire française

3428 La disposition testamentaire devra faire l’objet d’une vérification de droit interne classique quant à sa forme.

II/ Disposition testamentaire étrangère

3429 La disposition testamentaire étrangère devra respecter les conditions de forme édictées par l’article 1 de la Convention de La Haye du 1er octobre 1961 et/ou de l’article 27 du règlement (UE) n° 650/2012566.

B/ Vérifications quant au fond de la disposition testamentaire

3430 La vérification au fond de la disposition testamentaire ne présente pas réellement de difficulté puisque le fond dépend de la loi successorale.

La disposition testamentaire pourra le cas échéant faire état d’un choix de loi applicable qu’il conviendra d’analyser (V. supra, n° a3389).

La détermination de la réserve et de la quotité disponible devra être opérée sur la masse des biens soumise à la loi successorale française.

Les biens soumis à la loi étrangère ne seront pas concernés par la réserve héréditaire et la quotité disponible dont dispose le droit français. Il faudra leur appliquer la réserve dont dispose potentiellement le droit étranger567.

Si celui-ci ne dispose pas d’un système réservataire, il n’y aura pas de calcul particulier à opérer sur cette masse de biens.

Il convient de signaler que c’est à ce stade que peuvent le cas échéant jouer les correctifs liés à l’ordre public, notamment lorsque la disposition testamentaire aboutit à un résultat qui heurte l’ordre public international du for.

§ II – Enregistrement de la disposition

3431 Il faut distinguer entre les dispositions testamentaires françaises et les dispositions testamentaires étrangères.

A/ Disposition testamentaire française

3432 La disposition testamentaire devra, selon sa forme, faire l’objet des formalités classiques de dépôt et d’enregistrement découlant de la pratique notariale classique.

B/ Disposition testamentaire étrangère

3433 Elle devra être traduite et, le cas échéant, être revêtue, en l’absence de convention internationale de dispense, de la formalité de la légalisation ou de l’apostille568.

Lorsque les concepts dont elle dispose sont inconnus du droit français, il conviendra pour le notaire chargé de la succession de requérir un document explicatif complémentaire de la part d’une autorité compétente étrangère (notaire, avocat, professeur, etc.), tels un certificat de coutume, un affidavit, une legal opinion, etc. Ce document expliquera en quoi consiste ce concept. Il sera conseillé de requérir à l’occasion de son établissement qu’il soit indiqué quelle est la dévolution précise qui en découle.

La disposition devra faire l’objet des formalités de dépôt et d’enregistrement.

La traduction (apostillée, légalisée ou non), ainsi que le document explicatif complémentaire devront faire l’objet d’un exposé dans l’acte de dépôt et devront être annexés à celui-ci.

Il faut noter que lorsqu’une disposition testamentaire est relatée dans un certificat de succession européen (CSE)569, on pourrait légitimement penser qu’elle n’a de ce fait plus besoin de faire l’objet de la formalité de l’enregistrement. À ce jour, il semblerait qu’il faille néanmoins toujours procéder à l’enregistrement : on ne peut que souhaiter une évolution sur ce sujet, vers une dispense d’enregistrement.

Sous-section II – En l’absence d’une disposition testamentaire : « l’export » de la dévolution ab intestat

3434 La dévolution est dressée conformément à la solution donnée par la loi successorale matérielle applicable.

Si la loi successorale matérielle applicable est la loi française, la dévolution sera établie sur la base des documents habituels que le notaire requiert pour établir une dévolution en droit interne.

Si la loi successorale matérielle applicable est la loi étrangère, il pourra être nécessaire de requérir :

des héritiers, le cas échéant si ces documents existent :

un livret de famille ou tout équivalent et sa traduction,

des extraits de naissance avec filiation, ou tous documents similaires et leur traduction,

tous actes de mariage ou de partenariat, ou documents similaires et leur traduction ;

d’un homologue étranger, un document explicatif complémentaire et sa traduction qui permettra au notaire français :

de connaître le contenu de la loi matérielle applicable,

la dévolution qui en découle,

d’obtenir une déclaration sur l’honneur officielle des héritiers confirmant qu’ils sont seuls concernés par la succession.

L’ensemble de ces documents devra, le cas échéant, en l’absence de convention internationale de dispense, faire l’objet de la formalité de la légalisation ou de l’apostille.

S’il existe un doute sur la dévolution déclarée, le notaire français devra solliciter, comme il le fait dans la pratique successorale classique de droit interne, l’intervention d’un généalogiste.

Dans un contexte international, le généalogiste devra alors être un professionnel exerçant dans l’État dont la loi matérielle successorale est applicable.

Sous-section III – Actes à dresser

3435 Les actes à dresser peuvent varier en fonction de l’État en présence duquel se trouve le praticien.

§ I – Dispositions générales

3436 L’acte de notoriété ou l’acte de dépôt du testament devront contenir un exposé précisant :

la présence d’éléments d’extranéité570 ;

la détermination de la loi applicable571 ;

le cas échéant les correctifs appliqués au cas d’espèce572 ;

au besoin la règle de droit matériel étrangère applicable en se prévalant du document explicatif complémentaire.

Il faudra en outre attirer l’attention des héritiers sur le fait que certains droits constatés dans la notoriété en application du droit français ou autre (comme un démembrement) poseront vraisemblablement un problème d’adaptation dans certains pays méconnaissant ce type d’institution. Il y aura donc un aléa quant à l’interprétation que pourra réaliser l’autorité étrangère amenée à utiliser l’acte dressé par le notaire français, et devant assurer l’efficacité juridique de celui-ci.

Cet aléa sera variable en fonction de la compatibilité de l’ordre juridique des pays en cause avec l’ordre juridique français.

§ II – En présence de biens situés dans un État membre

3437 En présence d’un testament (sauf testament français authentique), il conviendra de dresser un dépôt de testament.

Par ailleurs, il est conseillé de dresser une notoriété et un certificat successoral européen573.

Le certificat successoral européen, aussi appelé CSE, a pour vocation de déterminer la dévolution successorale du défunt établissant ainsi les qualités des personnes appelées à participer à la liquidation d’une succession : conformément à l’article 63 du règlement (UE) n° 650/2012, il s’agit d’un instrument autonome à portée probatoire d’établissement de la preuve des qualités des héritiers et autres personnes intéressées par la succession.

Il conviendra pour le praticien de s’assurer qu’un CSE n’a pas déjà été établi en interrogeant le fichier dédié mis en place par l’Association pour le développement du service notarial (ADSN).

On notera la décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne574aux termes de laquelle, à propos de la délivrance d’une notoriété par une juridiction, la Cour a estimé que la compétence pour dresser l’acte de notoriété est désormais rattachée à celle prévue pour dresser le CSE. En outre, mention doit être faite d’une affaire actuellement pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne qui aborde le cas où la notoriété est délivrée par le notaire. La question sera donc celle de savoir si la solution retenue pour le juge sera étendue au notaire575.

§ III – En présence de biens situés dans un État tiers

3438 Il ne sera dressé qu’un dépôt de testament le cas échéant, et une notoriété, comportant les précisions et paragraphe dont il a été question ci-dessus576.

Section II – La réception d’actes étrangers devant produire des effets en France : « l’import »

3439 La situation visée par cette hypothèse d’accueil est celle où :

le notaire français est saisi à titre subsidiaire de la succession en cause. Celle-ci a déjà fait l’objet de la saisine d’une autorité étrangère, laquelle aura établi les documents requis selon le droit local ;

la loi matérielle successorale applicable est une loi étrangère ;

la succession est composée de biens situés en France.

La dévolution successorale, qu’elle soit testamentaire ou ab intestat, a fait l’objet d’une constatation par l’autorité étrangère. Celle-ci doit être réitérée dans un acte en France qui sera produit notamment auprès de tous organismes, établissements bancaires, de toutes administrations (fiscale, service de publicité foncière, etc.) en rapport avec les héritiers ayant un lien avec la France ou les biens du défunt situés sur le territoire français.

Sous-section I – La dévolution successorale provenant d’un État membre

3440 La dévolution successorale aura normalement été constatée dans un CSE.

Le CSE est généralement rédigé dans la langue du pays émetteur. Il n’y a aucune obligation de traduction qui en découle. Il ne se posera généralement que peu de problèmes de traduction puisque le CSE dispose d’un support normalisé traduit dans la plupart des langues des États membres.

Seul le contenu des renseignements fournis par l’autorité compétente peut le cas échéant faire l’objet d’une traduction.

Dans l’hypothèse où un CSE aura été émis, il sera impératif de vérifier que l’autorité qui a dressé celui-ci et en a délivré une copie était compétente pour le faire.

§ I – Vérification de la compétence matérielle

3441 Les États membres ont déclaré les autorités compétentes sur leur territoire pour dresser un CSE577.

Il s’agit :


§ II – Vérification de la compétence territoriale

3442 Les règles de compétence territoriale sont celles dont dispose le règlement (UE) n° 650/2012 au sujet de la compétence juridictionnelle578.

§ III – Problèmes pratiques relatifs au CSE

3443 Plusieurs difficultés peuvent être rencontrées en pratique.

A/ Incompétence de l’autorité ayant dressé le CSE

3444 Si, après vérification de la compétence matérielle et territoriale, le notaire relève l’incompétence de l’autorité ayant émis le CSE, il devra demander à cette dernière de le retirer. Le règlement (UE) n° 650/2012 ne prévoit dans un tel cas que le retrait579.

Après retrait, le notaire pourra demander aux héritiers de lui fournir un CSE dressé par l’autorité réellement compétente, ou dresser lui-même ledit CSE s’il s’avère qu’il est en fait compétent pour le faire.

Si l’autorité qui a dressé le CSE par erreur ne veut pas le retirer, le règlement prévoit que le CSE est alors inexistant. Il n’est pas nul.

Il semble alors qu’il faille que le notaire dresse une notoriété conformément aux dispositions générales dont il a été question ci-dessus580et qu’il complète l’exposé qui y est préconisé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant sa demande de retrait et le refus opposé. Il devra demander aux héritiers de réitérer leur requête d’instrumenter.

B/ CSE comportant une erreur

3445 Le notaire peut être confronté à l’accueil d’une copie d’un CSE comportant une erreur. Il devra dans ce cas demander à l’autorité compétente ayant commis celle-ci de rectifier le CSE. Le règlement (UE) n° 650/2012 prévoit cette possibilité de rectification581.

Après rectification, le notaire pourra utiliser la copie du CSE.

Si l’autorité qui a dressé le CSE erroné ne souhaite pas rectifier l’erreur, le notaire saisi à titre subsidiaire se verra contraint de dresser un acte de notoriété, reprenant les dispositions générales dont il a été question ci-dessus582. Il devra compléter l’exposé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant les demandes et le refus d’exécution, et en réitérant la requête d’instrumenter émanant des héritiers.

C/ Refus de dresser le CSE

3446 Le CSE « n’est pas obligatoire » et n’a pas vocation à se substituer « aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres »583.

Il se peut que l’autorité saisie, bien que compétente pour dresser le CSE, ne souhaite pas s’exécuter ou affirme à tort ne pas être compétente. Le praticien saisi à titre subsidiaire n’aura d’autre choix que de dresser un acte de notoriété reprenant les dispositions générales dont il a été question ci-dessus584et de compléter l’exposé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant les demandes et le refus d’exécution, et en réitérant la requête d’instrumenter émanant des héritiers.

D/ Difficultés liées à la validité du CSE

3447 Le notaire à qui il est remis une copie du CSE devra s’assurer de la validité de celle-ci. En effet, chaque copie du CSE n’est valable que six mois585.

Si l’on ajoute à ce caractère provisoire de la validité de la copie du CSE son caractère facultatif, il est possible de se demander si les praticiens seront véritablement enclins à y recourir. Ils pourraient privilégier notamment d’autres documents poursuivant le même objectif probatoire des qualités héréditaires, mais dont la validité des copies n’est pas sujette à péremption (par ex., une notoriété).

E/ Difficultés liées au contenu du CSE

3448 Il découle d’une lecture combinée des articles 63586et 69587du règlement (UE) n° 650/2012, et du principe de confiance mutuelle qui existe entre les États membres, que le notaire à qui il est présenté une copie d’un CSE n’a pas à vérifier le raisonnement conflictuel ayant abouti à la détermination de la loi applicable. Il en est de même pour ce qui est de la dévolution.

Ces deux points doivent être tenus pour justes.

En revanche, toutes les informations contenues dans le CSE qui ne sont pas couvertes par le règlement (UE) n° 650/2012, dont notamment le régime matrimonial, ne lient pas le notaire à qui il est remis une copie du CSE.

Au sujet du régime matrimonial, il convient de noter que pour le décès d’une personne mariée après le 29 janvier 2019, l’application combinée des règles dont disposent les règlements (UE) nos 650/2012 et 2016/1103588devrait conduire, pour le règlement d’unesuccession mettant en présence des États ayant ratifié les deux règlements, à tenir, en pratique, le régime matrimonial indiqué dans le CSE pour acquis.

CSE et régime matrimonial : illustration

Hypothèse 1 : M. A, de nationalité allemande et Mme A, de nationalité française, se sont mariés sans contrat en Allemagne le 1er août 1993. De leur union sont nés deux enfants. Le 10 juillet 2001, le couple vient s’installer en France.

M. A décède le 30 septembre 2018, laissant des biens immobiliers et mobiliers en France et en Allemagne. Tous les biens ont été acquis pendant le mariage.

Le notaire français est requis par la veuve pour établir un CSE.

Le CSE contiendra la mention du régime matrimonial du couple. À cet égard, le notaire français appliquera la mutabilité automatique prévue par l’article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978. Il considérera ainsi les époux soumis à la communauté de biens réduite aux acquêts de droit français. La moitié des biens du couple formera donc la masse successorale de M. A.

La loi successorale applicable à la succession de M. A sera la loi française en vertu de l’article 21 du règlement (UE) n° 650/2012.

Sur la moitié des biens du couple : le conjoint survivant pourra donc à son choix hériter du quart en pleine propriété ou de l’usufruit de l’intégralité.

Si Mme A exerce l’option en pleine propriété, à l’issue de la succession de son époux, Mme A sera donc propriétaire de 5/8e du patrimoine du couple.

Hypothèse 2 : M. A, de nationalité allemande et Mme A, de nationalité française, se sont mariés sans contrat en Allemagne le 1er août 1993. De leur union sont nés deux enfants. Le 10 juillet 2001, le couple vient s’installer en France. Le 17 novembre 2010, le couple repart s’installer en Allemagne.

M. A décède le 30 septembre 2018, laissant des biens immobiliers et mobiliers en France et en Allemagne. Tous les biens ont été acquis pendant le mariage.

Le notaire allemand est requis par la veuve pour établir un CSE.

Le CSE contiendra la mention du régime matrimonial du couple. À cet égard, le notaire allemand n’appliquera pas la mutabilité automatique prévue par l’article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 puisque l’Allemagne n’a pas ratifié cette convention. Il considérera ainsi les époux soumis à la communauté différée des augments de droit allemand. Au titre de la liquidation du régime, et hors demande de péréquation mathématique formulée par la veuve, le notaire allemand appliquera la péréquation forfaitaire prévue par l’article 1371 du BGB, la moitié des biens du couple formera donc la masse successorale de M. A. Il sera imputé sur cette moitié de biens ¼ au titre de la péréquation forfaitaire prévue par l’article sus-énoncé.

La loi successorale applicable à la succession de M. A sera la loi allemande en vertu de l’article 21 du règlement (UE) n° 650/2012.

La veuve aura, par application de celle-ci, droit à un autre quart en pleine propriété.

À l’issue de la succession de son époux, Mme A sera donc propriétaire de 6/8e du patrimoine du couple.

Dans les deux hypothèses, le notaire qui importera la copie du CSE dressé par l’autorité compétente étrangère devra adapter l’acte translatif de propriété qu’il devra rédiger pour muter les immeubles situés sur son territoire (attestation de propriété immobilière en France), en considérant le régime matrimonial indiqué dans le CSE comme une simple information589.

Ainsi, le notaire français transférera 1/8e des biens français à la veuve. Le notaire allemand transférera quant à lui 2/8e des biens allemands à la veuve.

F/ Absence de CSE

3449 Pour les cas où la dévolution successorale n’aura pas été constatée dans un CSE, ou pour ceux où le CSE sera invalidé à la suite d’une des difficultés ci-dessus évoquées, le notaire pourra être amené à observer deux positions :

une première position pourrait consister à se substituer à l’autorité normalement compétente. Encore faudrait il pour cela qu’il puisse invoquer un chef de compétence à son profit, le règlement prévoyant que la compétence pour émettre le CSE suit celle des juridictions ;

dans la mesure où l’établissement d’un CSE ne présente aucun caractère obligatoire, il sera toujours possible au notaire de requérir des héritiers qu’il lui soit fourni l’acte rédigé en la forme locale faisant état de la dévolution (notoriété, etc.).

Cette seconde position met le notaire dans la même situation que celle qu’il rencontrera dans un cas d’import d’une dévolution provenant d’un État tiers.

Sous-section II – La dévolution successorale provenant d’un État tiers

3450 Le notaire français chargé de faire produire des effets en France sur les biens situés en France, à l’acte dévolutif dressé par l’autorité étrangère, devra rédiger lui-même un acte de notoriété (par ex., pour débloquer des avoirs bancaires détenus par le défunt auprès d’un établissement bancaire français, etc.), ou attestation de propriété immobilière (pour muter un bien immobilier au profit des héritiers du défunt, etc.) sur la base de la pièce fournie.

Celle-ci devra avoir été traduite, et avoir fait, sauf convention internationale de dispense, l’objet de la formalité de la légalisation ou de l’apostille selon le cas.

Si la dévolution successorale ne ressort pas de façon univoque de cet acte, il conviendra d’obtenir de l’autorité compétente étrangère ayant réglé la succession un document explicatif complémentaire précisant la dévolution. Il peut s’agir d’une legal opinion, d’un certificat de coutume, d’un affidavit590, etc.

La copie591de l’acte, le document explicatif complémentaire et leur traduction592devront être annexés à l’acte rédigé par le notaire français et faire l’objet d’un exposé relatant le raisonnement de droit international mis en œuvre.

L’ensemble de ces étapes (objets des développements contenus dans les chapitres I, II, et III) aura permis au notaire de déterminer la loi applicable à la succession, d’appréhender la dévolution qui en découle et d’assurer l’établissement et la circulation des actes qui doivent être établis pour garantir efficacement aux héritiers la reconnaissance de leur droit au-delà des frontières des États.

De façon à parfaire sa mission de conseil, le notaire devra vérifier la compétence juridictionnelle en cas de contentieux.


565) www.arert.eu/
566) V. supra, n° a3390.
567) M. Revillard, Droit international privé et européen : pratique notariale, Defrénois, 9e éd. 2018, p. 544, n° 958.
568) V. site internet de la Conférence de La Haye de droit international privé (HCCH) mis à jour régulièrement (hcch.net).
569) Pour le CSE, V. infra, n° a3440.
570) V. supra, n° a3369.
571) V. supra, n° a3378 ou n° a3387.
572) V. supra, n° a3409.
573) Statistiques sur le CSE : du 17 août 2015 au 13 juin 2018, 276 CSE ont été inscrits dans toute l’Union européenne, 570 recherches ont été effectuées, et moins de dix interrogations à l’ARERT ont été réalisées.
574) CJUE, 21 juin 2018, aff. C-20/17, Vincent Pierre Oberle.
575) Aff. C-658/17, WB : JOUE n°C 134, 16 avr. 2018, p. 12.
576) V. supra, n° a3436.
577) Informations accessibles sur le site https://e-justice.europa.eu/content_Œsuccession-380-bg-fr.do?member=1.
578) V. infra, n° a3451.
579) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 71.
580) V. supra, n° a3436.
581) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 71.
582) V. supra, n° a3436.
583) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 62.
584) V. supra, n° a3436.
585) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 70.

586) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 63 : « 1. Le certificat est destiné à être utilisé par les héritiers, les légataires ayant des droits directs à la succession et les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession qui, dans un autre État membre, doivent respectivement invoquer leur qualité ou exercer leurs droits en tant qu’héritiers ou légataires, et/ou leurs pouvoirs en tant qu’exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession.

2. Le certificat peut être utilisé, en particulier, pour prouver un ou plusieurs des éléments suivants :

a) la qualité et/ou les droits de chaque héritier ou, selon le cas, de chaque légataire mentionné dans le certificat et la quote-part respective leur revenant dans la succession ;

b) l’attribution d’un bien déterminé ou de plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession à l’héritier/aux héritiers ou, selon le cas, au(x) légataire(s) mentionné(s) dans le certificat ;

c) les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire ou de l’administrateur de la succession mentionné dans le certificat ».

587) Règl. (UE) n° 650/2012, art. 69 : « 1. Le certificat produit ses effets dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2. Le certificat est présumé attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l’héritier, le légataire, l’exécuteur testamentaire ou l’administrateur de la succession est réputée avoir la qualité mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d’autres conditions et/ou restrictions que celles qui sont énoncées dans le certificat.

3. Toute personne qui, agissant sur la base des informations certifiées dans un certificat, effectue des paiements ou remet des biens à une personne désignée dans le certificat comme étant habilitée à accepter des paiements ou des biens est réputée avoir conclu une transaction avec une personne ayant le pouvoir d’accepter des paiements ou des biens, sauf si elle sait que le contenu du certificat ne correspond pas à la réalité ou si elle l’ignore en raison d’une négligence grave.

4. Lorsqu’une personne désignée dans le certificat comme étant habilitée à disposer de biens successoraux dispose de ces biens en faveur d’une autre personne, cette autre personne, si elle agit sur la base des informations certifiées dans le certificat, est réputée avoir conclu une transaction avec une personne ayant le pouvoir de disposer des biens concernés, sauf si elle sait que le contenu du certificat ne correspond pas à la réalité ou si elle l’ignore en raison d’une négligence grave.

5. Le certificat constitue un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent d’un État membre, sans préjudice de l’article 1er, paragraphe 2, points k) et l) ».

588) Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/1103, 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance, et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux.

Ce règlement a été ratifié par la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Finlande, la Suède et Chypre.

589) En ce sens, CJUE, 1er mars 2018, aff. 558/16.
590) Affidavit est un terme qui nous vient du droit romain. Les parties l’invoquent dans les procès dans lesquels le droit anglo-saxon s’applique. Il s’agit d’une déclaration faite sous serment dans les pays de la common law par une partie ou par un témoin devant un sollicitor.
591) Il est recommandé que celle-ci soit certifiée conforme par toute autorité compétente.
592) Il est recommandé que la traduction soit réalisée par un traducteur assermenté.


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