CGV – CGU

Partie I – Établir une filiation
Titre 2 – L’adoption internationale
Sous-titre 3 – Le notaire et l’adoption prononcée à l’étranger
Chapitre I – Accueil du jugement d’adoption prononcé à l’étranger

3045 Les États sont libres d’autoriser ou non l’adoption et, le cas échéant, d’en organiser les modalités. Il s’ensuit que les procédures d’adoption peuvent grandement diverger d’un État à un autre.

Aussi, lorsqu’une ou des personnes de nationalité française souhaitent adopter un enfant à l’étranger, elles seront bien soumises à la procédure telle qu’elle est édictée dans ce pays. Il est donc nécessaire de se référer aux lois de l’État d’origine de l’enfant afin de savoir comment procéder.

Évidemment, si l’État d’origine est lié par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, les étapes prévues par ce texte devront être respectées68.

Une fois l’adoption valablement prononcée à l’étranger, encore faut-il qu’elle puisse produire effet en France.

La difficulté se situera le plus souvent au niveau de la qualification de l’adoption : plénière ou simple. Lorsque l’adoption est prononcée dans un État partie à la Convention de La Haye du 29 mai 1993, le jugement sera en principe explicite sur ce point. Lorsque le jugement d’adoption est rendu dans un État tiers, il sera fait application du droit interne et l’analyse sera souvent plus complexe.

Section I – Adoption prononcée dans un État partie à la Convention de La Haye du 29 mai 1993

3046 Les conventions bilatérales ou multilatérales applicables doivent être examinées en priorité pour connaître le statut à accorder au jugement rendu à l’étranger en matière d’adoption.

Il ne sera envisagé dans le présent paragraphe que l’application de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 : celle-ci prévoit un chapitre V relatif à la reconnaissance et aux effets de l’adoption.

Les décisions d’adoption sont reconnues de plein droit dans les autres États contractants à condition d’avoir été certifiées conformes à la convention par l’autorité compétente de l’État contractant où elles ont été rendues69.

La reconnaissance de l’adoption ne peut être refusée qu’en cas de contrariété à l’ordre public, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant70.

En France, c’est la Mission pour l’adoption internationale (MAI) en lien avec l’Agence française de l’adoption (AFA) au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui est l’autorité compétente pour délivrer ce certificat.

Quels sont les effets matériels en France de l’adoption prononcée à l’étranger ?

L’article 26.1 de la convention du 29 mai 1993 fixe les effets de l’adoption dans les autres États contractants. Elle emporte reconnaissance :

du lien de filiation entre l’enfant et ses parents adoptifs ;

de la responsabilité parentale des parents adoptifs à l’égard de l’enfant ;

de la rupture du lien de filiation préexistant entre l’enfant, sa mère et son père, si l’adoption produit cet effet dans l’État où elle a eu lieu.

L’article 26.2 de la convention impose de reconnaître les effets de l’adoption plénière dans l’État d’accueil et dans les autres États contractants si l’adoption a cet effet dans l’État où l’adoption a eu lieu.

L’article 27 de la convention permet de convertir une adoption simple en adoption plénière si le droit de l’État d’accueil le permet et si les consentements requis ont été donnés en vue d’une telle adoption.

Reconnaissance d’un jugement étranger

Un couple de Français adopte un enfant à Madagascar (État partie à la Convention de La Haye du 29 mai 1993). L’adoption est certifiée conforme à la Convention de La Haye de 1993 par les autorités malgaches. Or, sa transcription est refusée par le procureur de la République de Nantes au motif que le consentement n’a pas été donné par la mère biologique de l’enfant, mais par son grand-père désigné subrogé tuteur par un tribunal malgache. Que faire pour obtenir cette transcription ?

– La décision étrangère d’adoption a bénéficié d’un certificat délivré après accord des autorités française et malgache : elle bénéficie donc de la reconnaissance de plein droit en application de la convention de 1993.

– La reconnaissance ne peut être refusée que pour contrariété à l’ordre public.

– Le grand-père avait été désigné comme subrogé tuteur par le tribunal malgache. C’est donc son consentement qui était requis au sens de l’article 4 de la convention, et non celui de la mère biologique.

– Les parents adoptifs peuvent donc exercer un recours devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de transcription.

Section II – Adoption prononcée dans un État tiers

3047 Selon une jurisprudence traditionnelle, les jugements d’adoption prononcés à l’étranger, en tant que jugements rendus en matière d’état des personnes, ont effet en France de plein droit sans exequatur, tant que leur régularité internationale n’est pas contestée devant un tribunal français.

Toutefois, la décision étrangère ne peut pas avoir une portée plus large que celle résultant de la loi étrangère appliquée.

Ainsi, il y a lieu de vérifier si le jugement étranger a prononcé une adoption qui peut être assimilée à une adoption plénière.

C’est l’article 370-5 du Code civil71qui prévoit les effets des décisions étrangères d’adoption en France.

Selon cet article, la décision étrangère peut-être qualifiée d’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant.

Elle est qualifiée d’adoption simple dans les autres cas.

C’est non l’adoption elle-même qui doit être irrévocable dans le pays d’origine, mais la rupture du lien de filiation.

En raison de la très grande variété des législations étrangères, des difficultés d’interprétation peuvent naître quant à la législation applicable à la portée du consentement donné à l’étranger.

La reconnaissance de l’adoption effectuée par des concubins à l’étranger semble possible. La Cour de cassation a en effet estimé que les dispositions du Code civil français réservant l’adoption aux couples mariés ne font pas partie de l’ordre public international72.


68) Sur lesquelles, V. supra , n° a3042.
69) Conv. La Haye 29 mai 1993, art. 23, § 1 :  « [u]ne adoption certifiée conforme à la Convention par l’autorité compétente de l’État contractant où elle a eu lieu est reconnue de plein droit dans les autres États contractants. Le certificat indique quand et par qui les acceptations visées à l’article 17, lettre c), ont été données ».
70) Conv. La Haye 29 mai 1993, art. 24 : « La reconnaissance d’une adoption ne peut être refusée dans un État contractant que si l’adoption est manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
71) C. civ., art. 370-5 : « L’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. À défaut, elle produit les effets de l’adoption simple. Elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ».
72) Cass. 1re civ., 7 juin 2012, nos 11-30.262 et 11-30.261 : « Mais attendu que l’article 346 du Code civil qui réserve l’adoption conjointe à des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français ».
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