Une vertu environnementale mal récompensée a10095

– Une société ingouvernable. – Il est difficile d'imaginer une politique environnementale exigeante sans une forte demande de la population. Or, au sein de celle-ci, on constate les comportements les plus opposés. à un extrême, une « éco-anxiété » (pour adopter ce néologisme) dont l'intensité peut conduire aux actions les plus absurdes : comme recouvrir de sauce tomate « Les Tournesols » de van Gogh, dans la National Gallery de Londres – on cherche évidemment la logique, même si van Gogh fut un remarquable peintre du climat, et spécialement du mistral provençal. à l'autre extrême, des touristes hilares, se photographiant à côté de thermomètres témoignant du record de chaleur autour d'eux (notamment, à Furnace Creek, dans la « Vallée de la mort » en Californie, qui détient le record absolu de la température mondiale, l'un discuté de 56,6 °C en 1913, et l'autre indiscuté de 54,4 °C en 2021) – comme des dinosaures qui feraient un selfie devant l'astéroïde.
Et entre ces deux extrêmes, une grande majorité, pas vraiment silencieuse mais pas vraiment vindicative non plus. Deux études régulières et annuelles essayent de mesurer l'opinion de cette population : une étude de l'ADEME et du CREDOC, d'une part , et une étude IPSOS, d'autre part . Leurs résultats ne se recoupent pas entièrement. Mais il s'en dégage quand même certaines tendances pour la France. D'une part, une large majorité constate des vagues de chaleur de plus en plus intenses et de plus en plus fréquentes, et comprend ce phénomène comme le signe d'un changement du climat. D'autre part, le réchauffement est devenu pour la population le problème environnemental majeur, devant, notamment, les problèmes de pollution ou d'atteintes à la biodiversité. Le sujet environnemental reste néanmoins un problème second : nombre de personnes sont d'abord inquiètes des questions liées au coût de la vie, à la santé ou à la sécurité.
Conséquence de ce qui précède, les mesures faisant consensus sont limitées en nombre : la substitution du train aux vols courts, la taxation des véhicules les plus polluants, l'amélioration de l'isolation du logement. Au-delà, les sondages semblent observer le paradoxe suivant : plus les personnes sont convaincues du changement par l'observation des phénomènes climatiques, moins elles sont convaincues que leur comportement individuel y changera quelque chose, et moins elles sont disposées à accepter des contraintes les concernant. Aussi, les options ne semblent envisagées qu'avec l'illusion de pouvoir être financées par d'autres, sans mise à contribution de son propre portefeuille. Ceci sans compter qu'un gros tiers de la population n'est pas convaincu par l'existence d'un réchauffement climatique, ou bien explique ce réchauffement exclusivement par des causes naturelles, et n'est donc pas disposé à reconna ître la légitimité de la moindre contrainte pour motif climatique. Et ce groupe est particulièrement militant à ce sujet sur les réseaux sociaux .
Dans ces conditions, il est fort difficile à un gouvernement de répondre au défi environnemental par la voie de la contrainte ou de l'autorité. La stratégie principalement suivie est donc plus subtile – particulièrement celle de l'Union européenne. Elle repose sur un art du gouvernement qui consiste à orienter les comportements par la poursuite de l'intérêt économique . Un exemple permettra de saisir le propos de ce que peut être le gouvernement par l'intérêt économique. S'agissant de la vente de boissons, la situation la plus répandue désormais est l'usage de contenants en plastique ou en aluminium : cela oblige à la mise en place d'une industrie du recyclage, et conduit à culpabiliser le consommateur afin qu'il gère ses déchets et ne les jette pas n'importe où . Sur le plan environnemental, on pourrait juger plus efficace de revenir à ce qui était la norme antérieurement : des bouteilles en verre réutilisables, que le consommateur est incité à ramener – sans y être obligé – par le paiement d'une consigne lors de l'achat, laquelle est rendue lors du retour de l'objet vide.