Le contentieux des autorisations d'urbanisme bouleversé par le droit de l'environnement a30552

– La question environnementale, la grande oubliée des réformes du contentieux percute de plein fouet le contentieux des autorisations d'urbanisme. – Comme le soulignait Christine Maugüé en 2018 : « Depuis plus de vingt ans, l'aspect contentieux du droit de l'urbanisme suscite l'intérêt du législateur et du pouvoir réglementaire afin d'améliorer la sécurité juridique des pétitionnaires (…). En dépit du développement de ces dispositions particulières, on observe malgré tout la permanence de certains problèmes : les recours retardent, voire rendent impossibles les opérations ; ces recours ont un impact sur le coût des constructions. L'origine de ces difficultés tient en grande partie au mode de réalisation des opérations, par le biais de la vente en l'état futur d'achèvement – le recours à un financement bancaire et la commercialisation des logements avant leur réalisation s'accommodent mal d'un risque contentieux, tant les banquiers que les notaires attendant que le permis soit définitif avant de financer la construction et de passer les actes permettant la vente des biens immobiliers à usage d'habitation –. Quoique étant, en droit, non suspensifs, les recours ont en pratique un tel effet. (…) Même s'il ne faut pas surestimer l'importance quantitative du nombre des recours – le nombre total de recours représente de 1,2 à 1,6 % des permis ; 50 % des permis attaqués correspondent à des constructions individuelles, entre un quart et un tiers à des habitats collectifs ; 10 % des recours émanent d'associations, 10 autres % des préfets –, la perception de la réalité par les acteurs économiques, aménageurs, constructeurs et porteurs de projets, est toujours que les « dérives » du contentieux de l'urbanisme sont un sujet préoccupant et un facteur de frein pour la production de logements. L'objectif de réduction de l'incertitude juridique pesant sur les projets de construction et de prévention des recours abusifs susceptibles de décourager les investissements est quant à lui d'intérêt général, ainsi que vient de le juger le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2017-672 QPC du 10 novembre 2017 ».
Force est de constater que durant toutes ces années, le législateur n'a eu qu'une seule préoccupation en ce qui concerne le contentieux de la légalité des autorisations d'urbanisme : sécuriser le pétitionnaire pour favoriser la construction et notamment la construction de logements. La question économique a été prégnante dans l'approche du législateur.
Or, le 1er mars 2005 est adoptée la loi constitutionnelle no 2005-205 relative à la Charte de l'environnement, dont le préambule dispose :
« Considérant :
Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;
Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ;
Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».
La question de l'environnement a été pendant de nombreuses années hors du champ des réformes du contentieux de la légalité des autorisations d'urbanisme. Pendant trente ans, on a réformé et sécurisé le pétitionnaire, on a donné aux juges les moyens de sauver des permis de construire entachés d'illégalité.
Mais la question environnementale, sans que l'on en prenne encore la mesure, heurte de plein fouet le contentieux des autorisations d'urbanisme. Le tome II du rapport Rebsamen ne s'y trompe pas lorsqu'il fait de nouvelles propositions de réforme du contentieux des autorisations d'urbanisme : « Les propositions ci-dessus sont de nature à prolonger des efforts engagés depuis de nombreuses années pour fluidifier le contentieux de l'urbanisme. Elles ne traitent pas des procédures prévues par le Code de l'environnement qui doivent – pour nombre de projets prioritaires – être conduites parallèlement aux procédures prévues par le Code de l'urbanisme. Il en est de même du contentieux qui intervient lors de la maîtrise foncière préalable aux projets de construction (fixation judiciaire du prix en cas de préemption ou d'expropriation, contentieux lié aux déclarations d'utilité publique…). Une réflexion spécifique devrait toutefois être engagée à l'avenir en ce qui les concerne ». Il faut également rappeler que cette question limite fortement, comme cela a été expliqué dans le titre I, la solution assurantielle.
Le droit de l'environnement commence à impacter le contentieux des autorisations d'urbanisme. Cette situation est lourde de conséquences. En effet, dans ce cas le permis devient difficilement régularisable (Chapitre I). Par ailleurs, même si le permis passe le cap du contentieux, sa mise en œuvre peut être conditionnée par l'obtention d'autorisations ou de dérogations susceptibles de recours (Chapitre II). Enfin, la question du risque naturel amplifiée avec le changement climatique pourrait avoir des conséquences sur la mise en œuvre des permis de construire (Chapitre III).