Comment réaliserun projet immobilierou d'aménagementpour faire face aux enjeux environnementaux ? a30239

– Performance et sobriété énergétiques, confort d'été, immeuble bas-carbone, décarbonation, végétalisation, biodiversité, autant de notions ô combien importantes que le notariat n'a pas encore infusées. – Lors de la première partie, nous nous sommes concentrés sur le « où » et nous avons notamment examiné la question de la sobriété foncière, plus particulièrement l'objectif ZAN au regard des grands enjeux du territoire et des projets stratégiques.
Une fois traitée la question du « où », le porteur de projet n'est pas pour autant arrivé au bout du chemin. Il va devoir s'occuper du « comment ». La question du changement climatique et de la perte de la biodiversité ne passe pas en effet seulement par la sobriété foncière, la densification et la transformation de l'existant dans le cadre de la mise en œuvre de l'objectif ZAN. La lutte contre le changement climatique et la perte de la biodiversité nécessitent encore de construire et d'aménager en tenant compte de ces données essentielles, ce qui implique pour le porteur de projet d'intégrer de nombreuses et nouvelles contraintes : la sobriété et l'efficacité énergétiques, les énergies renouvelables, le confort d'été, la réduction de l'impact carbone, la non-imperméabilisation ou la désimperméabilisation des espaces libres, la végétalisation du bâti et des espaces libres, la récupération et l'utilisation des eaux pluviales. Le Code de l'urbanisme et le Code de la construction et de l'habitation contiennent les principales règles que vont devoir respecter les projets. Plus la question environnementale se fait urgente, notamment du fait de l'augmentation des phénomènes liés au réchauffement climatique, plus les règles augmentent et se durcissent et plus les champs d'investigation des autorités productrices de normes s'élargissent.
À cet égard, force est de constater que notre pays, avec la crise immobilière et du logement qu'il est en train de vivre, est à la croisée des chemins. L'objectif de la nécessaire protection de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique fait face à l'idée que ces normes sont responsables de la crise car elles surenchérissent les coûts qui ne peuvent plus être absorbés par les porteurs de projets.
Deux grands thèmes sont prégnants dans le débat et méritent d'être approfondis d'un point de vue juridique dans le cadre du présent rapport, car ils impactent la manière de faire les projets, mais aussi la valeur des biens immobiliers et nous obligent à nous réinterroger sur nos modes de faire juridiques. Il s'agit, d'une part, de la décarbonation de l'immobilier, qui va permettre de limiter le réchauffement climatique et, d'autre part, de la nature en ville, qui va permettre à la fois de lutter contre les effets du réchauffement climatique et de préserver la biodiversité.
Les PLUi sont de plus en plus prescriptifs sur ces questions. La qualité environnementale des constructions et la nature en ville sont des objectifs récents du droit de l'urbanisme. En 2000, la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU) prônait, au travers du plan local d'urbanisme (PLU), un équilibre entre le renouvellement et le développement urbains, la préservation et la gestion économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, ainsi que la préservation de la qualité de l'air, de l'eau et des sous-sols. À partir des années 2010, la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 puis la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, complétées par la loi ALUR du 24 mars 2014, ont renforcé la dimension environnementale et territoriale des documents d'urbanisme en leur fixant de nouveaux objectifs. Le PLU devient un outil-clé pour contribuer à la prise en compte de l'environnement dans la réalisation des projets. Le PLU, à côté des règles de construction, peut désormais prévoir que les constructions, les travaux et les installations doivent respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées dans certains secteurs ; il peut également prévoir une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, afin de contribuer au maintien de la biodiversité et de la nature en ville.
Parallèlement, les normes de construction ont été profondément remaniées et impactées par la question environnementale. Depuis 1974, plusieurs réglementations thermiques successives ont été mises en place dans le cadre d'une action continue et progressive en faveur de bâtiments moins énergivores. La RT 2012, issue du Grenelle de l'environnement, fixait déjà des exigences de résultats élevées en matière de conception du bâtiment, de confort d'été et de consommation d'énergie ainsi que des exigences de moyens. La loi ELAN a prévu la mise en place de la RE 2020, une nouvelle réglementation environnementale – plus seulement thermique – des bâtiments neufs. Son objectif est de poursuivre l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone. Elle s'articule autour de trois axes principaux :
  • poursuivre l'amélioration de la performance énergétique et la baisse des consommations des bâtiments neufs. La RE 2020 va au-delà de l'exigence de la RT 2012, en insistant en particulier sur la performance de l'isolation quel que soit le mode de chauffage installé, grâce au renforcement des exigences sur l'indicateur de besoin bioclimatique, Bbio ;
  • diminuer l'impact sur le climat des bâtiments neufs en tenant compte de l'ensemble des émissions du bâtiment sur son cycle de vie, de la phase de construction à la fin de vie (matériaux de construction, équipements), en passant par la phase d'exploitation (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, éclairage…), via une analyse en cycle de vie ;
  • permettre aux occupants de vivre dans un lieu de vie et de travail adapté aux conditions climatiques futures en poursuivant l'objectif de confort en été. Les bâtiments devront mieux résister aux épisodes de canicule, qui seront plus fréquents et intenses du fait du changement climatique.
Les normes législatives et réglementaires, nationales ou locales sont foison. Toutefois, force est de constater qu'elles concernent beaucoup la construction neuve et très peu la transformation de l'existant alors même que le législateur, comme le 119e Congrès des notaires de France l'a montré, incite à reconstruire la ville sur elle-même. Notre droit et nos normes n'ont pas encore pris pleinement la mesure du fait que désormais la ville se reconstruit ou se recycle sur elle-même et ne se crée plus ab initio.
La première partie tentera de décrypter l'ensemble des nouvelles règles devant être respectées par les porteurs de projets de construction et de préciser comment un notaire doit désormais accompagner ses clients sur ces questions. Par ailleurs, elle montrera comment la question environnementale a profondément transformé la pratique de l'aménagement et comment l'outil contractuel a pallié les silences du Code de l'urbanisme (Titre I).
Cette première partie montrera la complexité des normes auxquelles les porteurs de projets doivent faire face. Les normes sont aussi bien des freins que des moteurs pour les opérations immobilières. Très souvent elles en surenchérissent le coût et les délais. Elles font l'objet de nombreuses critiques. L'enjeu est de trouver un chemin équilibré pour leur mise en œuvre afin d'éviter un retour en arrière important alors même qu'elles défendent des objectifs fondementaux.