L'information environnementale relative aux ICPE

L'information environnementale relative aux ICPE

– La notion « d'installation ». – L'emplacement de l'article L. 514-20 au sein du Code de l'environnement nous renseigne sur les installations concernées. Figurant au titre Ier « Installations classées pour la protection de l'environnement » (ICPE) du livre V du Code de l'environnement, ce texte ne vise que les installations relevant de cette législation.
Que faut-il entendre par « ICPE » ? L'article L. 511-1 dudit code ne donne pas de définition. Mais il précise, dans une de ces énumérations sans fin dont ce code a le secret, que : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier ».
Il ne faut pas se méprendre, les sites à vocation industrielle ne sont donc pas les seuls concernés par la réglementation ICPE. Les sites ou autres activités concernés sont répertoriés au sein d'une nomenclature, la classification se faisant en fonction de la substance concernée ou de l'activité exercée. Ce texte impose au vendeur d'un terrain sur lequel une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée d'en informer son acquéreur, et ce par écrit.

Conseil

Point de vigilance

Le texte de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, qui impose au vendeur d'informer par écrit l'acheteur, ne vise que l'hypothèse où une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain. Autrement dit, les installations simplement déclarées, c'est-à-dire celles considérées comme moins polluantes et moins dangereuses, sont exclues (à tort ?) du texte en question. Une vigilance s'impose également en cas de passage de l'installation sous les seuils de la nomenclature. Comme lors de l'exposé précédent, s'illustre toute la dichotomie entre le droit national (qui fonctionne avec des effets de seuil, liés à une nomenclature) et le droit européen (ainsi avec la « clause-filet », qui envisage la question sous l'angle de son impact plutôt qu'à partir de seuils administratifs).
– Une installation passée. – Le texte de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement précise que l'installation « a été exploitée », ce qui exclut toute installation en cours d'exploitation . Toutefois, loin de nous l'idée de conseiller au vendeur d'une exploitation en cours d'en dissimuler l'existence ! à quelle date doit-on se placer pour apprécier l'exploitation ? Le texte ne concerne-t-il que les exploitations postérieures à 1976 ?
La Cour de cassation répond par la négative : l'obligation vaut également lorsqu'une installation classée a été exploitée sur le terrain antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 1976, fondatrice de la matière actuelle . La cour d'appel avait formulé la règle suivante, d'un apparent bon sens, selon laquelle « les dispositions de l'article L. 514-20 sont applicables aux installations de nature de celles soumises à autorisation sous l'empire de la loi du 19 juillet 1976 modifiée alors même qu'elles auraient cessé d'être exploitées antérieurement à son entrée en vigueur dès lors que ces installations restent susceptibles, du fait de leur existence même, de présenter des dangers ou inconvénients ». La Cour de cassation censure ce raisonnement, au motif qu'il convient auparavant de « déterminer si l'activité exercée [jadis] était, au regard de la législation et réglementation en vigueur à cette époque, déjà soumise à autorisation ».
En tout cas, la tâche se complique puisqu'il faut, tout à la fois :
  • s'intéresser à la nomenclature applicable à l'époque de l'exploitation passée. Avant 1976, il existait peu de textes relatifs à la protection de l'environnement, et peu d'installations étaient soumises à autorisation – la majorité relevant de la simple déclaration, non visée par le texte. Cette première approche restreint en tout cas l'obligation d'information ;
  • dans le même temps, il faut effectuer des parallèles douteux entre des terminologies différentes afin de trouver des correspondances entre les installations relevant à l'époque d'une autorisation et celles relevant aujourd'hui d'une autorisation ou d'un enregistrement. à ce titre, on ne saurait que conseiller au vendeur d'en dire plus que pas assez, et de lister sans distinction les exploitations passées.
– Une information délivrée par écrit. – L'information doit être donnée par écrit, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle doit figurer dans l'acte de vente. Un courrier séparé pourrait suffire, si l'on s'en tient à une interprétation littérale du texte . Toutefois, la preuve sera facilitée si l'exécution de son obligation d'information par le vendeur figure dans l'acte. Cette information sera d'ailleurs utilement communiquée dès le stade de l'avant-contrat, avec les mêmes précautions probatoires.
– Qui est le débiteur de l'obligation ? – Il s'agit du « vendeur », qu'il soit exploitant ou non, professionnel ou profane. Ainsi tout propriétaire, quel qu'il soit, et peu importe à quel moment se situe la vente au regard de la cessation de l'exploitation, est censé savoir que, par le passé, le bien vendu a supporté une telle installation. Depuis 2003, rappelons que le texte met à la charge du vendeur exploitant une obligation supplémentaire : « Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entra îné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives » (C. env., art. L. 514-20, al. 2). Relevons cette fois-ci une précaution probatoire supplémentaire, puisque l'alinéa en question, in fine, précise que « l'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité ».
– à l'occasion de la vente. – Le moment de la vente est celui choisi pour contraindre le vendeur à sortir de l'ignorance et du silence, et suppose que ce dernier se renseigne sur l'historique du site . Le texte vise la vente, à l'exclusion des autres opérations : cessions de fonds, fusion, apport, etc. Toutefois, on ne peut que conseiller au débiteur de l'obligation d'adopter la même conduite dans ces hypothèses – le risque étant que l'obligation précontractuelle d'information aboutisse au même résultat concret d'exigence.
– Une obligation de résultat. – Des investigations doivent être menées, et l'on ne saurait que conseiller au client, dès le moindre doute, de diligenter une étude spécifique du site répondant aux critères de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, c'est-à-dire à visée essentiellement historique .
L'obligation qui pèse sur le vendeur est en effet une obligation de résultat . La portée est lourde de conséquences. Raison pour laquelle, lors des travaux du 118e Congrès des notaires de France, en 2022 , la première commission a fait adopter la proposition de réduire l'information par le vendeur non professionnel à une simple obligation de moyens . En tout cas, la clause de style selon laquelle « le vendeur déclare qu'à sa connaissance le terrain n'a pas supporté une installation ICPE » est totalement inefficace .
– Le créancier de l'information est l'acquéreur – , et sa connaissance préalable du site du site n'exempte pas le vendeur de son obligation d'information – y compris dans l'hypothèse de l'acquéreur qui a connaissance de l'ancienne installation . Tout au plus cette connaissance permettrait, dans certaines hypothèses, d'écarter les sanctions tirées du droit commun des contrats .
Ainsi que le souligne Me Herrnberger, autoriser l'acquéreur à réaliser des travaux avant la vente a le mérite pragmatique de permettre au vendeur de rendre le risque apparent. Toutefois cette pratique semble à déconseiller car, en cas de litige, se poseront les traditionnelles questions de remise en état du bien et coûts y associés. En allant au-delà, cette réflexion permet d'entrevoir des pistes au niveau de la stratégie contractuelle, et il sera plus qu'opportun d'organiser dans nos actes les actions et diligences qui seront menées par chacune des parties à l'acte en période conditionnelle.

de l'information due au titulaire du droit de préemption ?

Spécialement, il s'agit de savoir si le titulaire du droit de préemption urbain bénéficie du
même droit à l'information. La chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la
négative en 2016, s'agissant d'une acquisition réalisée sous l'empire des anciennes dispositions
du Code de l'urbanisme relatives au droit de préemption urbain

.

Depuis, la loi ALUR a modifié l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme, qui dispose désormais
que, outre les prix et les conditions de l'aliénation projetée, la déclaration d'intention
d'aliéner comporte obligatoirement « les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du Code
de l'environnement »

. Cette démarche permet une meilleure information des collectivités, participant ainsi à
l'alimentation des bases de données. Nous notons toutefois que le formulaire a été modifié il y a
peu, au titre de la rubrique D “usage - occupation”. Les informations dues au titre de l'article
L. 514-20 seront jointes à l'imprimé.

– Que faut-il entendre par « terrain » ? – Me Lièvre et Me Dupie relevaient, en 2008, que l'obligation s'étend à tout terrain, « sans autre considération et sans référence à l'usage au moment de la vente ». L'obligation n'est notamment pas limitée aux terrains supportant une installation classée lors de la vente, ni à ceux qui sont destinés à changer d'affectation – ce qui revient à dire qu'une part substantielle du territoire est concernée, puisqu'une installation classée peut a priori avoir été implantée n'importe où . Cette analyse du champ géographique de l'obligation d'information a été confirmée par la Cour de cassation . Cette obligation existe même si, après division foncière, l'emprise vendue n'est pas celle qui supportait physiquement l'installation en question .
Il faut donc (vendeur et notaire) rechercher quelle était l'assiette de l'autorisation. Dès l'instant où le terrain vendu est détaché de cette assiette, et initialement situé dans son emprise, l'obligation a vocation à s'appliquer.
– Difficultés géographiques. – La difficulté matérielle tient à la détermination en pratique du périmètre de l'autorisation. A déjà été opposée à un notaire interrogeant la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) une réponse selon laquelle le logiciel mis à la disposition de l'administration ne renseigne pas les parcelles cadastrales. En effet, les autorisations sont délivrées au regard d'une adresse postale, parfois très vague pour les plus anciennes, et non au regard des parcelles concernées. Au contraire de ce qui est pratiqué pour les SIS, de manière plus efficace et moderne.
Me Herrnberger suggère d'analyser les documents qui sont en annexe de la demande d'autorisation, pour voir s'il existe des éléments textuels de description ou des éléments graphiques permettant de préciser son assiette réelle – sinon identifier le tènement foncier dont le pétitionnaire avait la jouissance ou la propriété à l'adresse postale considérée lorsqu'il a déposé sa demande d'autorisation . On sent l'angoisse poindre le bout de son nez ! Où retrouver ce dossier ? Comment concilier cette exigence avec les développements précités au sujet des installations soumises à autorisation sous l'empire des législations antérieures à 1976 ? La tâche est ardue... et l'on ne peut que souhaiter que l'administration mette en lien autorisation et assiette cadastrale.
Voyons le bon côté des choses (dans les hypothèses les plus simples et les plus chanceuses toutefois) : l'établissement de la filiation cadastrale antérieure dans les actes, pratique habituelle et conseillée, conduira à considérer que l'information est due, sans devoir « se livrer à une analyse hasardeuse de la géographie de l'ICPE » .