Travaux sur l’existant et droit de l’urbanisme

Travaux sur l’existant et droit de l’urbanisme

Depuis le 1er octobre 2007, le régime des autorisations travaux sur l’existant se veut simplifié (§ I), alors que le non-respect des règles édictées continue pour sa part à être largement sanctionné (§ II), à moins d’une possible régularisation (§ III).

Les règles d’urbanisme applicables

– Un principe de liberté… vite tempéré. – À l’inverse du principe selon lequel une autorisation est requise en cas de construction nouvelle, en cas de travaux sur l’existant la règle est celle de la dispense de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme, ainsi qu’il résulte de l’alinéa premier de son article R. 421-13.
Ce principe est toutefois immédiatement tempéré notamment par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du même code, soumettant lesdits travaux, pour le premier à déclaration préalable et pour le second à permis de construire.
Les travaux d’agrandissement de l’existant seront donc alternativement soumis aux exigences suivantes :
  • Dispense totale d’autorisation : travaux ne créant pas plus de 5 m² d’emprise au sol et de surface de plancher.
  • Déclaration préalable de travaux : travaux créant plus de 5 m² d’emprise au sol et/ou de surface de plancher, dans la limite de 20 m² d’emprise au sol et de surface de plancher. Le seuil de 20 m² est porté à 40 m² dans les zones urbaines des plans locaux d’urbanisme ou documents d’urbanisme en tenant lieu.
  • Permis de construire : travaux créant plus de 20 m² d’emprise au sol et/ou de surface de plancher (ou 40 m² dans les zones urbaines des plans locaux d’urbanisme ou documents d’urbanisme en tenant lieu).
Finalement, ne sont réellement dispensés de toute formalité que les travaux ne créant pas plus de cinq mètres carrés de surface de plancher et d’emprise au sol (sauf sur monument historique), ainsi que les travaux d’entretien et de réparation.
La densification voulue par les pouvoirs publics pour éviter l’artificialisation des sols pose, dès lors, la question de l’adéquation de ces règles. Il n’est certes pas acceptable de dispenser de tout contrôle les travaux sur les existants ; mais ne pourrait-on concevoir, à leur égard, d’étendre le champ d’application de la déclaration préalable au détriment de celui du permis de construire, notamment essentiellement en cas de surélévation ?

Les sanctions encourues

La palette des sanctions encourues par un contrevenant est large : sanctions pénales (amende et mesures de restitution sous astreinte : démolition, mise en conformité) ; sanctions civiles (démolition, mise en conformité, dommages et intérêts) ; sanctions administratives (interdiction de raccordement aux réseaux) ; sanctions fiscales enfin. Une étude détaillée de ces sanctions a été faite par le 112e Congrès des notaires de France, au rapport duquel nous renvoyons le lecteur. Relevons toutefois que depuis son édition (2016), le délai de prescription des sanctions pénales a été porté de trois à six ans.
Parmi ces sanctions, les pouvoirs publics locaux disposent de deux textes particulièrement redoutables, puisque faciles à mettre en œuvre et lourds de conséquences pour le contrevenant.

L’action en démolition ou mise en conformité de l’article L. 480-14

En application de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, le maire ou l’EPCI compétent en matière de PLU peut demander au juge judiciaire la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage réalisé sans l’autorisation requise ou en méconnaissance de celle-ci pendant un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux. Cette action est particulièrement dangereuse pour le contrevenant puisque, d’une part, elle est autonome par rapport aux autres actions ouvertes aux pouvoirs publics et, d’autre part, il n’est pas nécessaire de démontrer un préjudice personnel et directement lié à l’infraction, l’action visant à faire cesser une situation illicite.
Cette action, souvent méconnue des élus locaux, est pourtant très efficace pour reprendre en main une situation irrégulière qui n’aurait pas été appréhendée sous l’angle des sanctions administratives de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme.

La mise en demeure sous astreinte et consignation de l’article L. 481-1

Afin de leur permettre d’agir rapidement contre des travaux irréguliers, la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019, dite « Engagement et Proximité », a doté les maires et les EPCI d’une nouvelle sanction administrative par l’insertion de l’article L. 481-1 au Code de l’urbanisme.
Après avoir dressé procès-verbal de l’’infraction et invité le contrevenant à présenter ses observations, l’autorité compétente peut le mettre en demeure de régulariser les travaux entrepris, soit en procédant aux travaux requis pour se mettre en conformité, soit en sollicitant l’autorisation nécessaire. Cette mise en demeure indiquera le délai de régularisation octroyé et pourra être assortie d’une astreinte d’un montant maximal de 500 euros par jour de retard.
Ce dispositif, déjà dissuasif en tant que tel, a été complété :
  • d’une part, par l’insertion de l’article L. 481-3, pour le cas où la mise en demeure resterait sans effet. En pareille hypothèse, l’autorité compétente est en droit de faire consigner, entre les mains du comptable public, une somme équivalant au montant des travaux à réaliser ; somme restituée au contrevenant au fur et à mesure de l’exécution des mesures de régularisation prescrites ;
  • d’autre part, par une réponse ministérielle du 12 janvier 2023, s’appuyant sur une décision du Conseil d’État du 23 décembre 2022, selon laquelle, usant de son pouvoir de police spéciale, un maire peut mettre en demeure un propriétaire de démolir l’ouvrage non conforme ou irrégulier. La démolition doit cependant être justifiée par un risque de trouble à l’ordre public et doit être proportionnée à l’ampleur de ce risque. À défaut, le maire engagerait la responsabilité de sa commune.
On retiendra néanmoins que les pouvoirs publics reconnaissent que, désormais, l’autorité judiciaire n’est plus seule compétente pour ordonner une démolition en cas d’infraction aux dispositions du Code de l’urbanisme.
– Appréciation critique. – Pour faire cesser rapidement l’irrégularité, la mesure d’astreinte nous semble pertinente et adéquate ; en revanche, la consignation nous paraît plus illusoire. Elle suppose, en effet, l’estimation du coût de la régularisation, c’est-à-dire un devis. Comment un homme de l’art pourrait-il l’établir à distance, sachant qu’il lui sera difficile de pénétrer chez le contrevenant, (forcément récalcitrant, puisque n’ayant pas obtempéré à la mise en demeure) ?
Reste une certitude : pour éviter de tomber définitivement sous le coup de sanctions administratives et civiles, le contrevenant aura tout intérêt à régulariser sa situation auprès de l’administration.

Les permis modificatifs et de régularisation

Dans le langage des praticiens, les termes de permis modificatif (A) et de permis de régularisation (B), sont fréquemment utilisés indistinctement. Cette confusion est compréhensible, leur objectif étant le même, ni l’un ni l’autre n’ayant de fondement textuel mais tous deux tirant leur source du droit prétorien. Il y a pourtant bien lieu de faire une différence sémantique entre un permis modificatif et un permis de régularisation ; leurs conditions d’application sont, en effet, tout à fait différentes.

Le permis modificatif

– Une création pratique et prétorienne. – Né de la pratique et modelé par la jurisprudence, le permis modificatif n’est « reconnu » par le Code de l’urbanisme qu’au travers de son article A. 431-7 relatif au modèle cerfa idoine.
Trois conditions s’imposent pour pouvoir solliciter un permis modificatif :
  • il doit se rattacher à un permis en cours de validité (donc non annulé et non périmé) ;
  • il doit être sollicité avant que le permis initial n’ait épuisé ses effets. En ce sens, il ne peut être sollicité après entière exécution des travaux prévus et a fortiori après dépôt de la déclaration d’achèvement .
  • La demande doit porter sur des modifications qui n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même . Ce critère étant soumis à l’appréciation souveraine des juges.
Une autorisation dépendante du permis initial. Le permis modificatif doit être délivré selon les règles en vigueur au jour de la décision et non selon celles au jour de la délivrance du permis initial. Il ne se substitue pas au permis initial mais forme un ensemble avec lui. De ce fait, s’il est exercé un recours contre le permis modificatif, il ne peut porter que sur les éléments modifiés. Autrement formulé, un permis modificatif ne rouvre pas un délai de recours à l’encontre du permis initial.

Le permis de régularisation

– Un champ d’application différent. – Le permis de régularisation a, lui, pour objet de mettre en conformité, après leur réalisation, des travaux effectués soit sans délivrance de l’autorisation requise, soit sans la respecter. Son domaine d’application est donc temporellement postérieur au permis modificatif et matériellement plus large que celui-ci.
En effet, un permis de régularisation peut être délivré « même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
À l’instar du permis modificatif, un permis de régularisation ne pourra être délivré que si les travaux irrégulièrement exécutés sont eux-mêmes conformes aux règles d’urbanisme applicables au jour de la délivrance de l’autorisation (et non à la date de l’autorisation initiale ou, à défaut, de la réalisation des travaux).
– Une autorisation nouvelle, indépendante du permis initial. – Mais, à la différence du permis modificatif, un permis de régularisation constitue une nouvelle autorisation d’urbanisme à part entière, sans lien avec celle qui a pu être délivrée initialement. De ce fait, il ne peut écarter ni les sanctions pénales (amende), ni les sanctions fiscales, ni le cas échéant la sanction civile des dommages et intérêts au profit des tiers lésés.
En somme, cette création jurisprudentielle a essentiellement pour objet de permettre au pétitionnaire contrevenant, mais repentant, de l’absoudre de la peine la plus grave, à savoir la démolition.

Schéma de synthèse des permis modificatifs et de régularisation

comm1_fig14
Image
Schéma de synthèse des permis modificatifs et de régularisation
– Observation conclusive. – Au terme de cette rapide synthèse, notons qu’avant même de pouvoir entreprendre des travaux sur l’existant, le pétitionnaire, souvent en toute bonne foi, peut ignorer que le bâtiment qui doit en être l’objet porte en lui les vices d’une non-conformité ou d’une irrégularité. Or, cette situation peut parfois compromettre irrémédiablement son projet.