La nature de la prestation compensatoire

La nature de la prestation compensatoire

Au cours des années suivant l'entrée en vigueur de la loi de 1975, la question de la nature de la prestation est régulièrement posée et systématiquement c'est le caractère indemnitaire de la prestation qui sera mis en avant. Il ne s'agit pas de pourvoir aux besoins de l'épouse divorcée, mais de verser une somme visant à l'indemniser compte tenu de la disparité des ressources. Une réponse de Robert Badinter, alors garde des Sceaux, lors de l'examen d'une proposition de loi de 1984, précise que la prestation vise à réparer « le préjudice que le divorce cause à un conjoint au moment où se produit la dissolution du mariage ».
Le débat parlementaire préalable à l'adoption de la loi du 30 juin 2000 portant réforme de la prestation compensatoire relance l'ambiguïté sur les objectifs poursuivis par la loi de 1975 quand elle a instauré la prestation. D'un côté, il est avancé qu'il faut, avec la prestation, régler en une seule fois les conséquences pécuniaires du divorce pour éviter de retarder la sortie effective du mariage. Les parlementaires souhaitent veiller à ce que l'abaissement des revenus ne présente pas de conséquences trop brutales pour l'un des conjoints. D'un autre côté, le mariage reste considéré comme créateur d'obligations devant assurer au minimum un devoir d'assistance. Il engage la responsabilité des époux et justifie de compenser le préjudice causé par la rupture.
C'est ainsi que certaines réformes de la prestation compensatoire ont renforcé le caractère indemnitaire de celle-ci (perte éventuelle de droits en matière de pension de réversion en 2000, conséquences des choix professionnels en 2004…), quand d'autres réformes (recours à la durée du mariage avec la réforme de 2000, renforcement de la possibilité de révision à la baisse de la prestation en 2000 et 2004) se fondaient sur les capacités contributives du débiteur, renforçant ainsi le caractère alimentaire de la prestation.
La doctrine, depuis 1975, ne semble pas avoir livré de propositions théoriques sur les fondements de la prestation compensatoire. C'est essentiellement sur les modalités de mise en œuvre de la nouvelle notion de prestation que la doctrine a travaillé, sans discuter des logiques alimentaires, compensatoires, redistributives ou indemnitaires de la prestation. La justification de la compensation serait donc simplement abordée sur le mode de son efficacité juridique sans qu'il soit besoin d'engager une analyse de l'évolution des familles, voire de la place de la femme dans le couple.
Partant de ces discussions entre la prestation analysée comme une obligation née du mariage et la prestation mise à la charge de l'époux qui doit assumer les conséquences des choix posés pendant le mariage, il convient de s'interroger sur les possibilités pour les époux de peser sur le calcul de la prestation compensatoire.