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2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 1 – Chapitre II – La signature dématérialisée

PARTIE II – Les attributs numériques de la personne
Titre 1 – L’identité numérique
Sous-titre 2 – La reconnaissance de l’identité numérique

Chapitre II – La signature dématérialisée

1237 La notion de signature dématérialisée est très vaste461. Elle fait référence bien évidemment à des considérations juridiques, mais aussi et peut-être essentiellement à une incontestable dimension technique. Partant, le choix des rédacteurs a été de définir par la technique différents types de signature dématérialisée (Section I) pour examiner ensuite quels peuvent en être les usages (Section II).

Section I – L’identification des signatures dématérialisées

1238 En droit positif, la signature est définie par l’article 1367 du Code civil (C. civ., art. 1367). L’alinéa premier définit de manière générale la signature comme étant la manifestation de l’identité et du consentement, quand le second alinéa reconnaît l’existence d’une signature électronique tout en posant des contraintes techniques. Lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en effet « en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » (C. civ., art. 1367, al. 2). Pour être jugé fiable, le procédé en question doit assurer l’identité du signataire et garantir l’intégrité de l’acte signé. La législation européenne462 et le Code civil463 reconnaissent ainsi trois types de signature électronique – simple, avancée ou qualifiée – qui présentent chacune des caractéristiques techniques et des niveaux de sécurité distincts (Sous-section II). Ces trois catégories de signature électronique au sens du règlement eIDAS se distinguent de la simple image de la signature, non constitutive juridiquement d’une signature électronique (Sous-section I).
Sous-section I – Les images non constitutives de signatures électroniques
1239 Les procédés techniques de signature dématérialisée aujourd’hui utilisés ne sont pas nécessairement des signatures électroniques au sens du règlement eIDAS et du Code civil produisant les effets juridiques qui y sont attachés. Pour être jugé fiable, le procédé en question doit assurer l’identité du signataire et garantir l’intégrité de l’acte signé.
1240 – La signature scannée. – La jurisprudence a ainsi eu l’occasion de préciser qu’une signature simplement scannée et apposée sur un document ne pouvait pas être assimilée à une signature électronique car ne présentait pas des garanties suffisantes de fiabilité464. La signature scannée ne permet pas en effet de vérifier l’identité du signataire, de sorte que l’engagement juridique du signataire ne peut pas être garanti. Il suffit effectivement de scanner le graphisme d’une signature pour obtenir une signature scannée sans qu’un lien d’identité soit établi entre le document et le scan de la signature. Il est par ailleurs tout à fait possible que la signature scannée soit utilisée à l’insu de son titulaire. On comprend donc aisément que la jurisprudence n’ait pas souhaité faire produire des effets juridiques à ce type de procédé pour des raisons évidentes de sécurité. Il convient toutefois d’observer que certaines décisions ont reconnu l’efficacité des signatures scannées comme simples signatures sous réserve que la signature, « qui identifie celui qui l’appose, manifeste, conformément aux dispositions de l’article 1316-4 du Code civil (…) son consentement aux obligations découlant de l’acte (…) »465.
1241 – La signature « préimprimée ». – D’une manière générale, les procédés techniques conduisant à simplement reproduire ou établir une signature sans que l’identité de son auteur soit vérifiée ne peuvent pas par principe être considérés juridiquement comme des signatures électroniques. Ce sera par exemple le cas de la signature « préimprimée » qui, comme la signature scannée, ne constitue pas une signature électronique dans la seule mesure où ce type de signature ne permet pas de déterminer avec certitude l’identité de la personne qui l’a apposée466.
1242 – La signature sur tablette. – La signature sur tablette numérique avec l’usage d’un stylet est sans doute le procédé de signature le plus connu en pratique et pourtant, il n’existe pas formellement de critères techniques permettant de la définir. Il s’agit d’un procédé aisément utilisable, non encadré, permettant à une personne de tracer sa signature sur une tablette qui n’est ni plus ni moins qu’une image techniquement non sécurisée. Contrairement aux signatures effectuées à l’aide d’un certificat467, le document signé sur tablette ne fera l’objet d’aucun contrôle d’intégrité, laissant la porte ouverte à des facilités de falsifications ultérieures. Dès lors, dans la seconde qui suit une signature sur tablette, le destinataire pourra, à l’aide d’un logiciel très simple à trouver sur le marché, falsifier la signature de l’émetteur. Aucun contrôle n’est par ailleurs effectué sur l’identité du signataire au moment de l’apposition de la signature. Si cette solution a l’avantage de la facilité, elle a donc l’inconvénient de l’absence de sécurité.
1243 – Valeur probatoire. – Comme le précise Éric A. Caprioli, ces solutions de signature scannée ou sur tablette sont des « objets juridiques non identifiés dans la mesure où elles ne relèvent ni du régime de l’original électronique, ni de la copie numérique »468. On en déduit, s’agissant de leur force probante, que ces procédés de signature sont sans doute ad minima des commencements de preuve par écrit plutôt que de véritables signatures conférant à un document la valeur d’un écrit469. Il appartiendra toutefois aux juges du fond de vérifier au cas par cas si la signature préimprimée, scannée ou sur tablette a été entourée de garanties particulières relatives à l’identité du signataire et à l’utilisation du procédé de signature par ce dernier, ce qui permet d’ériger ledit procédé au rang de signature simple au sens du règlement eIDAS. Tout dépendra alors du type d’acte en cause et des moyens de preuve admis.
1244 En effet, n’étant prohibé ni par le droit français ni par le droit européen, l’usage d’un tel procédé de signature préimprimée, scannée ou sur tablette peut être fait, tout en ayant conscience que ni l’intégrité du document ni l’identité du signataire ne seront assurées par ce procédé de signature. Il conviendra alors de garantir ces éléments par l’usage d’autres procédés techniques, tels le cloud ou la blockchain, qui pourront garantir l’intégrité des documents qui y sont stockés (mais pas l’identité des signataires), ou par l’intervention humaine, comme par exemple l’intervention du notaire dans le cadre de la signature d’un acte authentique électronique470,
Sous-section II – Les trois catégories de signature électronique au sens du règlement eIDAS
1245 La question de la hiérarchie des signatures au sens de la réglementation eIDAS a déjà été parfaitement analysée dans les rapports des 113e et 116e Congrès des notaires de France471. Pour mémoire, la réglementation européenne sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques définit trois niveaux de signature : la signature électronique simple, avancée et qualifiée (§ I), cette dernière signature reposant sur la délivrance de certificats particuliers (§ II).

§ I – Les signatures électroniques simple, avancée et qualifiée

1246 – La signature par cryptographie asymétrique. – Les informaticiens ont inventé un procédé technique de signature distinct de la signature manuscrite. Il s’agit d’une opération de dématérialisation absolue : le dessin olographe de la signature manuscrite n’est pas transposé à l’écran par un système numérique, mais est substitué par plusieurs lignes de codes inintelligibles pour un être humain. Quant à l’action de dessiner sa signature, elle est remplacée par des clics de souris et des frappes de touches de clavier, voire par une identification biométrique.
Ainsi le signataire, après avoir visualisé le document, lance un logiciel de signature, s’identifie au moyen d’un système sécurisé et donne son accord sur le contenu du document au moyen de ce logiciel. Immédiatement le logiciel adjoint au document d’origine les données techniques de la signature ainsi réalisée, scelle le tout et le crypte au moyen d’une clé privée. Au document ainsi crypté, il est rattaché une clé publique qui permet en tout temps et à quiconque le contrôle de son intégrité.
Il est à noter que la plupart de ces solutions de signature intègrent un module de signature olographe. Ainsi le signataire, avant de valider définitivement la signature du document par la frappe d’un code, appose une image de sa signature olographe, voire de son paraphe, sur le document. Cela présente deux intérêts majeurs : psychologiquement, l’utilisateur occasionnel aura le sentiment d’avoir signé et donc d’être engagé ; pratiquement, le destinataire du document signé pourra aisément identifier les signataires et leur nombre.
Les procédés techniques envisagés par les législateurs français et européens sont des solutions de signature avec cryptage asymétrique.
Pour mémoire, la réglementation européenne sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques définit trois niveaux de signature : la signature électronique simple, avancée et qualifiée.
1247 La signature électronique simple, premier niveau de signature, ne répond « à aucune exigence particulière, offrant ainsi quant à sa création très peu de garantie »472.
1248 La signature électronique avancée répond à « des exigences offrant de sérieuses garanties de son authenticité puisqu’elle est liée au signataire de manière univoque, permettant de l’identifier et est sous son contrôle »473.
1249 La signature électronique qualifiée, « outre un dispositif de création de signature plus sécurisée encore, nécessite l’intervention d’un tiers certificateur – pour la vérification de l’identité du porteur du certificat – qui remet au signataire un certificat numérique lui permettant de s’identifier de manière sûre »474.

§ II – Les certificats qualifiés de signature électronique

1250 Le plus haut niveau de signature, la signature qualifiée, repose sur la délivrance d’un certificat répondant à des exigences techniques établies par la réglementation européenne (A). Ces exigences techniques liées à la délivrance d’une signature qualifiée sont toutefois justifiées par les effets juridiques qui y sont attachés (B).
A/ Les textes
1251 À l’inverse de la signature manuscrite, le certificat servant de support à la signature électronique doit répondre à des exigences techniques définies depuis fort longtemps. Dès 2010, s’appuyant sur un décret de 2001475 transposant la directive européenne 1999/93/CE du 13 décembre 1999, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI)476 énonce dans un référentiel général de sécurité (RGS) les contraintes techniques pour qualifier des puces électroniques conformes au décret de 2001. Ces dispositions s’appliquent aux prestataires de services de confiance les obligeant en conséquence à être qualifiés par l’ANSSI pour délivrer leurs services.
1252 En 2014, un règlement européen sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques est voté477. Il entre en application le 1er juillet 2016. Dès lors, les exigences techniques relatives aux certificats qualifiés de signature électronique sont définies à l’article 28 de ce règlement, ce dernier renvoyant à l’annexe 1 du même règlement. Au nombre de dix, et sans toutes les détailler, il faut relever que les certificats doivent contenir « un ensemble de données représentant sans ambiguïté le prestataire de services de confiance qualifié délivrant les certificats qualifiés… » et des précisions « sur le début et la fin de la période de validité du certificat ».
1253
1254 En synthèse, le référentiel général de sécurité (RGS) et le règlement eIDAS cohabitent aujourd’hui. En matière de sécurité, l’ensemble des acteurs économiques français, entreprises et administrations françaises devront respecter les prescriptions du RGS et/ou de l’ANSSI. Dans tous les cas, les critères techniques liés aux certificats qualifiés de signature électronique devront répondre aux contraintes imposées par l’ANSSI en charge de la qualification sur ces deux référentiels. L’obtention d’une signature qualifiée par un prestataire est donc coûteuse, tout comme le maintien de la qualification obtenue. À titre d’exemple, l’Association pour le développement du service notarial (ADSN) consacre une part importante de son budget annuel pour répondre aux exigences de l’ANSSI, et c’est au prix de moyens humains importants que chaque année les audits sont passés avec succès et la qualification régulièrement reconduite.
Toutes ces contraintes très encadrées juridiquement présentent des intérêts majeurs pour les opérateurs, emportant d’importantes conséquences en pratique.
B/ Les effets juridiques
1255 – Valeur probatoire. – Les effets juridiques liés au niveau de signature qualifiée se mesurent surtout à la force probatoire qui y est attachée. En effet, toute contestation d’une signature autre que qualifiée fait peser la charge de la preuve sur celui qui la conteste. À l’inverse, une présomption de fiabilité est attachée à la signature qualifiée478.

Section II – Les usages des signatures dématérialisées

1256 Très tôt, alors même que les contours de la technologie de la signature électronique n’étaient pas précisément maîtrisés comme ils le sont à ce jour, le notariat a choisi de s’appuyer sur un certificat qualifié de signature électronique. C’est ainsi qu’en 1998 est créée la carte Oscar, qui donna naissance à la carte Real devenue en 2005 la clé Real. Au-delà des actes nécessitant le degré le plus élevé de sécurité, ce qui est le cas des actes authentiques sur support électronique (Sous-section II), une foultitude d’échanges dématérialisés occupe aujourd’hui le quotidien des Français. Très logiquement donc, la signature manuscrite sur une tablette graphique, la signature électronique simple et la signature électronique avancée ont trouvé leur place dans de nombreux cas d’usage (Sous-section I). Ces très nombreux usages à vocation multiple, d’inégal degré de sécurité, soulèvent des difficultés en termes d’archivage et donc de preuve (Sous-section III).
Sous-section I – Les cas d’usage des signatures électroniques non qualifiées
1257 Réserver la signature qualifiée en pratique principalement aux actes authentiques, aux actes produisant des effets hors de France et dans l’Union européenne, et aux actes auprès d’organismes publics exigeant des niveaux de confiance et de sécurité élevés (marchés publics) revient à dire qu’il reste pour un utilisateur trois autres catégories d’usage des signatures dématérialisées. Les premières reposent sur une signature manuscrite apposée sur une tablette (§ I) ; les deuxièmes impliquent une signature électronique simple proposée par un fournisseur externe (§ II) ; les troisièmes se trouvent scellées par une signature électronique avancée (§ III).

§ I – Les usages de la signature manuscrite sur tablette graphique

1258 Les exemples de conclusion d’une transaction par l’apposition d’une signature manuscrite sur une tablette graphique ou un smartphone sont fréquents, tout simplement parce que ce procédé peu sécurisé suffit à répondre aux contraintes de sécurité peu élevées entourant de nombreux actes de la vie courante. Ce sera par exemple le cas de la signature liée à la livraison d’un colis par La Poste ou par un opérateur privé.

§ II – Les usages de la signature électronique simple

1259 Le niveau de sécurité restant faible mais suffisant pour des actes courants emportant des risques juridiques ou financiers faibles, cette signature est le plus souvent utilisée pour des contrats d’adhésion (assurance de complémentaire santé, conditions générales d’utilisation), des états des lieux d’entrée et de sortie d’un logement, des devis, contrats de bail, contrats fournisseurs.
L’identité n’étant pas vérifiée, il est assez loisible au signataire de contester le fait d’avoir signé. C’est la raison pour laquelle, sans pour autant remplir les conditions plus strictes d’une signature avancée, certains opérateurs ont renforcé le processus de la signature simple en ajoutant une étape d’authentification au moyen d’un SMS482.
1260 Quand bien même la vérification de l’identité du signataire ne serait guère développée, il reste les problématiques de stockage de documents pouvant constituer un faisceau de preuves relatives à l’identité du signataire. C’est ainsi que des fournisseurs de signatures simples proposent d’archiver dans un dossier de preuves horodatées les éléments tels que le numéro de téléphone, ou l’adresse IP de l’ordinateur utilisé pour signer le document.
Tout ceci reste très aléatoire en termes de preuve, et c’est la raison pour laquelle la signature avancée est un outil précieux conseillé dans le cadre d’opérations emportant des enjeux juridiques importants.

§ III – Les usages de la signature électronique avancée

1261 L’utilisateur d’une signature électronique avancée ne peut se prévaloir de la présomption légale de fiabilité prévue par l’alinéa 2 de l’article 1367 du Code civil. Cependant, la signature avancée met en œuvre le téléchargement et la vérification de la pièce d’identité sans face à face. Le choix de cette signature peut être fait lorsque la portée des engagements au contrat ou le risque éventuel de contentieux ultérieur exclut l’usage d’une signature de niveau inférieur.
1262 Cette signature est de plus en plus souvent proposée par les agents immobiliers pour la signature de compromis. Ainsi, une fois la négociation terminée, l’agent immobilier adresse aux parties, par courrier électronique, un projet de compromis de vente. Après d’éventuelles modifications opérées à la demande des clients, l’agent immobilier adresse aux parties, par le biais d’une plateforme proposant un service de signature avancée, un fichier numérique dénommé « enveloppe » à signer électroniquement. Cette enveloppe est signée par un premier signataire au moyen d’un clic. Il appose ensuite sa signature manuscrite sur le document, soit en la traçant sur l’écran tactile de son appareil, soit en la choisissant parmi celles proposées à l’écran. Enfin, il s’identifie au moyen d’une pièce d’identité présentée à la caméra de son smartphone ou de son ordinateur. Un dernier contrôle est opéré par l’envoi d’un code de validation sur le téléphone ou la boîte mail du signataire.
Cette première signature apposée, l’enveloppe est adressée au signataire suivant. Une fois toutes ces opérations terminées, l’agent immobilier, en qualité d’émetteur de l’enveloppe, réceptionne le compromis signé dans un fichier « pdf » complexe intégrant les attestations de signature de l’ensemble des parties et un certificat d’intégrité du fichier.
La plupart des établissements bancaires proposent la même solution de signature avancée pour la signature des offres de prêt.
1263
Sous-section II – L’usage de la signature qualifiée dans le notariat
1264 Alain Lambert, alors président du Conseil supérieur du notariat484, a le premier jeté l’ancre de l’authenticité dans l’univers numérique en contribuant fortement à la parution de la loi du 13 mars 2000485, et à l’éclairage des précisions apportées par le décret du 31 mars 2001486.
Partant du principe que « l’authenticité et ses modalités ne résultent pas de la volonté du notariat mais de celle du pouvoir législatif ou réglementaire »487, le notariat a dû réfléchir à des outils répondant aux contraintes fortes de l’authenticité. Ainsi, très tôt, le Conseil supérieur du notariat a doté la profession d’un réseau sécurisé et les notaires d’une signature électronique répondant au plus haut degré de sécurité.
C’est sur ces deux socles – le réseau sécurisé, d’une part, et la signature sécurisée, d’autre part – que le notariat a construit et fait techniquement évoluer l’acte authentique électronique avec la constante préoccupation de faire en sorte que l’authenticité soit indépendante du support et que les diligences attendues d’un officier public ne changent pas.
1265 Ainsi la notion d’authenticité reste la même alors que son support évolue. C’est ce principe qui sous-tend le décret du 10 août 2005488 permettant de recevoir un acte authentique sur support électronique (§ I). Si le support instrumentum de l’acte authentique évolue, c’est également le cas de son negotium puisque les décrets du 3 avril 2020489 d’application limitée et du 20 novembre 2020490 autorisent désormais la réception du consentement des parties à distance, sans présence obligatoire de deux notaires « à chaque bout de la chaîne » (§ II).

§ I – La signature qualifiée à la suite du décret du 10 août 2005

1266 L’article 17 du décret du 10 août 2005 précise les modalités de signature des parties et des témoins à l’acte (A) et impose au notaire d’authentifier l’acte au moyen d’un procédé de signature qualifiée (B).
A/ La signature des parties et des témoins
1267 Présents physiquement, que ce soit devant le notaire instrumentaire491 ou devant un notaire dit « en participation »492, les parties et les témoins utilisent « un procédé permettant l’apposition sur l’acte notarié, visible à l’écran, de l’image de leur signature manuscrite ». Cette modalité de signature, bien que répondant à des consignes de sécurité minimale493, ne pose aucune difficulté car elle se trouve intégrée dans la cérémonie de signature d’un acte authentique, consacrant ainsi les prérogatives du notaire recevant physiquement les parties. Comme pour un acte reçu sur support papier, dès lors que les parties sont physiquement présentes, le notaire qui reçoit un acte sur support électronique vérifie l’identité des comparants et la signature de ces derniers. Le support de signature n’est donc pas un élément déterminant de l’authenticité.
B/ La signature du notaire au moyen d’un procédé de signature qualifiée
1268 Le notaire signe son acte authentique sur support électronique au moyen de sa clé Real, répondant ainsi aux exigences de l’article 17 du décret du 10 août 2005 imposant un acte signé « au moyen d’un procédé de signature électronique sécurisé », expression modifiée par le décret du 20 novembre 2020 qui impose maintenant une « signature électronique qualifiée ». Cette obligation de recourir à une signature électronique qualifiée n’a aucune conséquence pour le notariat qui a fait le choix, depuis le début de la dématérialisation de l’acte authentique, de recourir à une signature électronique présentant le plus haut degré de sécurité494.
1269 Ainsi depuis fort longtemps, de manière très pragmatique, la signature électronique qualifiée des notaires repose sur deux piliers :

un certificat de signature électronique délivré par un prestataire de services de confiance qualifié (prestataire de services de certification électronique qualifié [PSCE]). Le PSCE doit s’assurer de l’identité du titulaire du certificat au travers de ses propres procédures ou bien en faisant appel à un prestataire de vérification d’identité reconnu, avant de lui délivrer le certificat ;

un dispositif de création de signature qualifiée (Qualified electronic Signature Creation Device ou QSCD) qui contient la clé privée de signature du titulaire du certificat de signature qualifié.

1270 Le règlement eIDAS ne précise pas, même au travers de sa législation secondaire, les exigences techniques nécessaires pour qualifier un PSCE et un QSCD. Chaque État membre a désigné un organe de contrôle se chargeant de qualifier les prestataires de services de confiance et les dispositifs techniques. En France, l’ANSSI assure cette fonction et a défini ses propres exigences de qualification.
Le Conseil supérieur du notariat est le prestataire de services de certification électronique qualifié (PSCE) alors que l’ADSN assume le rôle d’opérateur de service de certification (QSCD).
La clé Real est délivrée au notaire qui a respecté strictement ces règles que le notariat maîtrise totalement. Ainsi l’identité du notaire prétendant à l’obtention d’un outil de signature qualifiée (la puce) est vérifiée par le Conseil supérieur du notariat alors même que cette puce est livrée par un prestataire qualifié, en l’espèce l’ADSN.
Cet environnement ne vaut que pour la délivrance des clés Real au notaire.

§ II – La signature qualifiée à la suite des décrets des 3 avril 2020 et 20 novembre 2020

1271 Nombre de notaires ont découvert la notion même de signature qualifiée avec l’avènement de l’acte par comparution à distance et le décret du 3 avril 2020495. La qualité du certificat intégré à la clé Real étant intégralement gérée par le CSN et l’ADSN, les notaires n’ont jamais eu à s’en soucier individuellement.
Afin de permettre le maintien de l’activité notariale dans le respect le plus strict des règles sanitaires alors en vigueur, le décret du 3 avril 2020 a instauré, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, un acte authentique par comparution à distance. Le fonctionnement de cet acte authentique est le suivant : le notaire donne lecture de son acte authentique aux parties en visioconférence ; à l’issue de la lecture, il recueille le consentement de chaque partie à cet acte en leur adressant par voie électronique une formule de recueil de consentement qu’elles doivent immédiatement signer au moyen d’une signature qualifiée et retourner au notaire, qui les annexe à son acte authentique électronique avant de le signer. Le tout doit se faire en visioconférence sans interruption de flux.
Le notaire doit donc s’assurer de l’usage par ses clients d’un dispositif de signature qualifiée. Dans les faits, il incombe au notaire d’adresser la formule de recueil de consentement au moyen d’un outil de signature qualifiée. Le notaire doit donc disposer d’un outil adapté. À la suite de la parution du décret du 3 avril 2020, le Conseil supérieur du notariat a publié une circulaire496, une note d’information497 et une foire aux questions498 soulevant cette difficulté pratique et informant les notaires que seule la société DocuSign était en mesure de proposer une telle solution.
Le décret du 3 avril 2020 a pris fin le 10 août 2020. Les retours d’usage de cet acte authentique par comparution à distance étant positifs, la Chancellerie a décidé de le pérenniser en autorisant par décret du 20 novembre 2020499, et pour une période de cinq années, la signature de procurations authentiques par comparution à distance, selon des modalités techniques d’échange de consentement et de signature équivalentes.
Les questions de fond sur la signature d’un acte authentique par comparution à distance sont traitées par la troisième commission du présent rapport500.
Sous-section III – L’archivage des signatures électroniques à l’épreuve de la pratique
1272 Le recours à un procédé de signature électronique qualifiée est évidemment très contraignant et coûteux dans le temps non seulement pour obtenir la qualification mais aussi pour la maintenir. Les difficultés ne s’arrêtent pas à cela. Les obligations liées à l’archivage des documents signés sont aussi importantes (§ I) et c’est sans compter les obstacles liés à la combinaison des signatures utilisées par d’autres professionnels (§ II).

§ I – Les normes d’archivage des documents signés au moyen d’une signature qualifiée

1273 Les professionnels utilisant une signature qualifiée sont soumis à des obligations de conservation. L’archivage à long terme d’une signature électronique qualifiée doit apporter des garanties d’intégrité, de traçabilité, d’imputabilité, de disponibilité et de pérennité du document signé.
Plus précisément, la pérennité ne suppose pas simplement de s’assurer de la persistance du fichier informatique mais de garantir aussi sa lisibilité comme l’exige expressément l’article 28 du décret du 10 août 2005503 : « L’acte établi sur support électronique doit être conservé dans des conditions de nature à en préserver l’intégrité et la lisibilité. (…) ».
1274 Pour apporter la meilleure garantie possible de lisibilité et d’affichage fidèle des actes authentiques dressés sur support électronique au cours du temps, le notariat a naturellement fait le choix de la standardisation et s’est tourné vers l’usage du PDF/A, version normalisée au niveau international504.
Le format PDF/A avance un certain nombre de conditions et restrictions relatives à la reproduction fiable de l’aspect visuel d’un document. Il est autonome, autodescriptif et indépendant du système utilisé pour l’exploiter.
Pour ce qui concerne l’acte authentique électronique, le Minutier central électronique du notariat (Micen) est ainsi conçu pour n’accepter que des documents au format PDF/A-1, pour l’acte lui-même comme pour ses annexes. Cette contrainte est la meilleure garantie de lisibilité des actes dans le temps.
1275 Mais si le notariat, précurseur de l’archivage électronique et de la dématérialisation, a créé un écosystème garantissant le respect du format PDF/A-1 (via les outils de la profession mais également par le respect des exigences de la profession par les éditeurs de logiciels de rédaction d’actes), l’usage croissant de la dématérialisation et de la signature électronique chez ses nombreux partenaires génère aujourd’hui un défi supplémentaire : comment combiner la sécurité des documents échangés et leur conservation à long terme ?

§ II – Les difficultés relatives à l’archivage des documents combinant des signatures électroniques

1276 Deux nouveaux cas d’usages de combinaison de signatures se font jour. Ainsi l’article 25 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019505 modifiant l’article 1175 du Code civil prévoit la possibilité de dématérialiser les conventions de divorce contresignées par les avocats (B). De même, la possibilité reconnue au comparant à distance de signer électroniquement une procuration à l’aide d’un procédé de signature qualifiée impose de nouvelles évolutions (A). Dans ces deux hypothèses, des évolutions sont nécessaires.
A/ L’archivage de la signature électronique d’une procuration d’un client comparaissant à distance au moyen d’une signature qualifiée
1277 En l’état, et comme il est rapporté dans la « foire aux questions » mise en ligne sur le site du Conseil supérieur du notariat, la société DocuSign (seul prestataire en mesure de proposer à des particuliers d’effectuer une signature qualifiée à distance) propose à ses clients des polices de caractère non compatibles avec la norme PDF/A. Au regard des contraintes d’archivage du Micen rapportées ci-avant506, il est donc nécessaire de faire signer des documents distincts pour conserver la validité des signatures électroniques des différentes parties.
Cette solution est bien évidemment juridiquement fondée, mais techniquement pas totalement satisfaisante.
Dans l’attente que la profession puisse proposer à ses clients un outil de signature qualifiée, pour apporter plus de confort dans la réception d’une procuration à distance, il est nécessaire que DocuSign entame des développements permettant au client de signer un document au format PDF/A.
B/ L’archivage d’une convention de divorce contresignée électroniquement par un avocat
1278 La convention signée par les avocats doit respecter le format PDF/A-1. C’est un prérequis avant d’apposer leur signature électronique sur le document. Au fur et à mesure du développement de la dématérialisation avec ses partenaires, le notariat s’engage dans un nouveau partenariat pour s’assurer du bon usage du format PDF/A dans les cycles de traitement des documents.
Cela implique également des adaptations au sein des systèmes d’information du notariat. Ainsi l’ADSN et les éditeurs de logiciels de rédaction d’actes devront régulièrement adapter leurs outils pour gérer spécifiquement les annexes dématérialisées reçues par les notaires en validant leurs signatures, en vérifiant leurs formats et en les transformant en PDF/A-1 si nécessaire.

461) Les règles et principes applicables à la signature électronique ont déjà été très bien analysés par les rapports des 113e et 116e Congrès des notaires de France auxquels nous renvoyons le lecteur, les développements de ce chapitre étant complémentaires de ces derniers : Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Protéger les vulnérables, les proches, le logement, les droits, Paris, oct. 2020, 4e commission, nos à . Rapport du 113e Congrès des notaires de France, #Familles#Solidarités#Numériques, Lille, Sept. 2017, 3e Commission, nos 3198 à 3206.
462) Notamment PE et Cons. UE, règl. (UE) no 910/2014, 23 juill. 2014.
463) Sur la définition et la portée probatoire de la signature électronique : V. infra, nos 3200 et s.
464) Cass. 2e civ., 30 avr. 2003, no 00-46.467 : JurisData no 2003-018798 ; Bull. civ. 2003, II, no 118. – CA Besançon, 20 oct. 2000 : JCP G 2001, II, 10606, note É. A. Caprioli et P. Agosti. – CA Nîmes, 14 sept. 2006, no 04/03800 : JurisData no 2006-329939. – CA Paris, 3e ch., sect. A, 10 oct. 2006, no 05-18789 : JurisData no 2006-312712 ; RD bancaire et fin. 2007, comm. 33, obs. É. A. Caprioli. – CA Fort-de-France, ch. civ., 14 déc. 2012, no 2012/00311 : JurisData no 2012-033784 ; Comm. com. électr. mai 2013, no 5, comm. 60, obs. É. A. Caprioli.
465) CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 27 avr. 2017, no 2017/96 : JurisData no 2017-009894. En ce sens également : CA Aix-en-Provence, 9 mars 2017, no 14/16204 et 27 avr. 2017, no 15/06339. – CA Rouen, ch. soc., 5 févr. 2020, no 17/01401. – CA Paris, pôle 6, ch. 13, 13 sept. 2019. – Cass. 2e civ., 28 mai 2020, no 19-11.744 : JurisData no 2020-007074.
466) Cass. 2e civ., 17 mars 2011, no 10-30.501 : JurisData no 2011-005036.
467) V. infra, no 1245.
468) Comm. com. électr. nov. 2020, no 11, comm. 85, obs. É. A. Caprioli. – C. civ., art. 1379. – D. no 2016-1673, 5 déc. 2016, relatif à la fiabilité des copies numériques : Comm. com. électr. 2017, comm. 17, obs. É. A. Caprioli.
469) É. A. Caprioli, Signature et dématérialisation, LexisNexis, 2014, p. 108. Pour rappel, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sous forme papier sous réserve notamment que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane : C. civ., art. 1366 : V. infra, nos 3212.
470) V. infra, no 1267.
471) V. infra, nos 1247 et s.
472) Définition donnée par le rapport du 116e Congrès des notaires de France, Protéger les vulnérables, les proches, le logement, les droits, Paris, oct. 2020, no 4170. Pour plus de développements sur les effets juridiques de la signature simple, V. les rapports des 113e et 116e Congrès des notaires de France, préc.
473) Définition donnée par le rapport du 116e Congrès des notaires de France, Protéger les vulnérables, les proches, le logement, les droits, Paris, oct. 2020, no 4170. Pour plus de développements sur les effets juridiques de la signature avancée, V. les rapports des 113e et 116e Congrès des notaires de France, préc.
474) Définition donnée par le rapport du 116e Congrès des notaires de France, Protéger les vulnérables, les proches, le logement, les droits, Paris, oct. 2020, no 4170. Pour plus de développements sur les effets juridiques de la signature qualifiée, V. les rapports des 113e et 116e Congrès des notaires de France, préc.
475) D. no 2001-272, 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1316-4 du Code civil et relatif à la signature électronique. Ce décret a été abrogé par le décret no 2017-1416, 28 sept. 2017, pris pour l’application de l’article 1367 du Code civil et relatif à la signature électronique.
476) Agence assurant la mission d’autorité nationale en matière de sécurité des systèmes d’information. L’ANSSI a des homologues dans les autres pays européens, comme par exemple le Bundesamt für Sicherheit in der Informationstechnik (BSI) en Allemagne.
477) PE et Cons. UE, règl. (UE) no 910/2014, 23 juill. 2014, sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
478) La force probatoire de la signature électronique sera plus amplement développée par la troisième commission : V. infra, nos 3200 et s.
479) D. no 2017-1416, 28 sept. 2017, abrogeant le décret no 2001-272 du 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1367 du Code civil et relatif à la signature électronique.
480) Le décret du 28 sept. 2017 énonce en son premier article que : « La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée ».
481) V. infra, nos 3570 et s.
482) C’est le cas de YouSign, opérateur qui ne propose pas de service de signature qualifiée à distance certifiée par l’ANSSI.
483) Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Protéger les vulnérables, les proches, le logement, les droits, Paris, oct. 2020, no 4170.
484) Alain Lambert a été président du Conseil supérieur du notariat de 1996 à 1998.
485) L. no 2000-230, 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique.
486) D. no 2001-272, 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1316-4 du Code civil et relatif à la signature électronique.
487) Affaires juridiques du Conseil supérieur du notariat, La procuration authentique avec comparution à distance. Aspects juridiques. Observations sur le décret no 2020-1422 du 20 nov. 2020, 21 nov. 2020.
488) D. no 2005-973, 10 août 2005, modifiant D. no 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires.
489) D. no 2020-395, 3 avr. 2020, autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire.
490) D. no 2020-1422, 20 nov. 2020, instaurant la procuration notariée à distance.
491) Le troisième alinéa de l’article 17 du décret du 10 août 2005 précise que : « Pour leur signature, les parties et les témoins doivent utiliser un procédé permettant l’apposition sur l’acte notarié, visible à l’écran, de l’image de leur signature manuscrite ».
492) Le premier alinéa de l’article 20 du décret du 10 août 2005 précise que : « Lorsqu’une partie ou toute autre personne concourant à un acte n’est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l’établissement de l’acte ».
493) Toutefois, le Conseil supérieur du notariat impose aux notaires d’utiliser des tablettes graphiques recevant la signature manuscrite validées techniquement par l’ADSN.
494) La première signature électronique utilisée par le notariat répondait déjà aux exigences du RGS trois étoiles.
495) D. no 2020-395, 3 avr. 2020, autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire.
496) Affaires juridiques du Conseil supérieur du notariat, 16 avr. 2020, Circulaire modificative no 2020-1, Application du décret no 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
497) Affaires juridiques du Conseil supérieur du notariat, 4 avr. 2020, Note d’information sur les procurations sous seing privé électroniques et la comparution à distance pour les actes authentiques électroniques.
498) Affaires juridiques du Conseil supérieur du notariat, 20 mai 2020, FAQ comparution à distance.
499) D. no 2020-1422, 20 nov. 2020, instaurant la procuration notariée à distance ; voir infra no2535.
500) V. infra, nos 3583 et s.
501) V. supra, no 1267.
502) V. supra, no 1236.
503) V. supra, no 1265, réf. préc.
504) PDF/A-1 établi le 1er oct. 2005 en tant que standard ISO 19005 (International Standard Organization) dans une perspective de conservation à long terme des documents électroniques. V. infra, no 2449.
505) L. no 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : JO 24 mars 2019, no 0071.
506) V. supra, no 1273.


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