2258 Les défrichements forestiers opérés jadis ont donné lieu en réaction à la mise en place de mesures de contrôle ou d’interdiction376permettant de conserver, voire d’étendre le territoire forestier. La législation actuelle relative au défrichement a pour objectif de limiter le changement de destination du sol forestier (Section I).
Plus récemment, les pouvoirs publics se sont souciés d’une juste répartition du territoire, notamment entre les zones agricoles et la forêt. La législation concernant l’autorisation de boiser permet dans certains cas d’interdire le boisement, voire le reboisement (Section II).
2259 Le contrôle du défrichement recouvre des situations variées. Ainsi, il convient de préciser son champ d’application (Sous-section I), avant d’envisager ses modalités de mise en œuvre (Sous-section II).
2260 – État boisé. – Pour qu’il y ait défrichement, il est nécessaire que le terrain soit préalablement en état boisé. En l’absence de définition légale, la caractérisation de l’état boisé ou de la vocation forestière résulte d’une constatation de fait et non de droit, soumise au contrôle du juge377.
2261 – Destruction volontaire de l’état boisé et suppression de la destination forestière. –Le défrichement consiste cumulativement à détruire volontairement l’état boisé d’un terrain (coupe rase des arbres, généralement avec enlèvement ou enfouissement des souches) et à supprimer sa destination forestière (C. for., art. L. 341-1). La seule destruction du boisement, volontaire (coupe) ou involontaire (chablis), ne caractérise pas le défrichement. En effet, la parcelle nue pouvant être reboisée de la main de l’homme ou par régénération naturelle ne perd pas sa destination forestière. Ainsi, l’intention de supprimer la destination forestière est la caractéristique première du défrichement.
2262 – Défrichement indirect. – Le défrichement est qualifié d’indirect si l’opération volontaire entraîne à terme les mêmes conséquences que le défrichement direct, bien que l’état boisé soit maintenu temporairement378.
2263 – Les opérations exclues de la qualification de défrichement. – Les opérations suivantes ne constituent pas un défrichement (C. for., art. L. 341-2) :
1. les opérations ayant pour but de remettre en valeur d’anciens terrains de culture, de pacage ou d’alpage envahis par une végétation spontanée, ou les terres occupées par les formations telles que garrigues, landes et maquis379 ;
2. les opérations portant sur les noyeraies, oliveraies, plantations de chênes truffiers et vergers à châtaignes380 ;
3. les opérations portant sur les taillis à courte rotation normalement entretenus et exploités, implantés sur d’anciens sols agricoles depuis moins de trente ans ;
4. un déboisement ayant pour but de créer à l’intérieur des bois et forêts les équipements indispensables à leur mise en valeur et à leur protection ou de préserver ou restaurer des milieux naturels, sous réserve que ces équipements ou actions ne modifient pas fondamentalement la destination forestière et ne constituent que des annexes indispensables381, y compris les opérations portant sur les terrains situés dans les zones délimitées et spécifiquement définies comme devant être défrichées pour la réalisation d’aménagements (C. env., art. L. 562-1 à L. 562-7).
2264 – Servitude d’utilité publique. – Le déboisement suivi du changement de destination du sol dans le cadre de la mise en place d’une servitude d’utilité publique ne constitue pas un défrichement (C. for., art. L. 341-1, al. 2).
2265 – Dispense d’autorisation en raison de la nature des biens. – Certaines opérations constituant un défrichement sont dispensées d’autorisation en raison de leur nature (C. for., art. L. 342-1). Il s’agit des défrichements :
1. dans les bois et forêts d’une superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et quatre hectares, fixé par département ou partie de département par arrêté préfectoral, sauf s’ils font partie d’un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil382 ;
2. dans les parcs ou jardins clos et attenants à une habitation principale, lorsque l’étendue close est inférieure à dix hectares383 ;
3. dans les zones de contrôle du boisement (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1, al. 1)384dans lesquelles la reconstitution des boisements après coupe rase est interdite ou réglementée, ou ayant pour objectif la mise en valeur agricole et pastorale de bois situés dans une zone agricole délimitée (C. rur. pêche marit., art. L. 123-21) ;
4. dans les bois de moins de trente ans, sauf s’ils ont été conservés à titre de réserves boisées, plantés à titre de compensation lors d’un précédent défrichement, ou exécutés dans le cadre de la restauration des terrains en montagne ou de la protection des dunes385.
2266 – Exemption d’autorisation en raison de la qualité du propriétaire. – Aucune autorisation de défrichement n’est à solliciter pour :
les bois et forêts de l’État. En effet, l’État n’a pas besoin de s’autoriser lui-même à déboiser386. En revanche, les bois des collectivités publiques et personnes morales assimilées (C. for., art. L. 211-1, I, 2°) sont soumis à la législation relative au défrichement (C. for., art L. 214-3). Cette solution s’applique également aux forêts des particuliers gérées par l’ONF en vertu d’une convention Audiffred387(C. for., art. R. 341-3) ;
un défrichement dans une commune classée en zone de montagne dont le taux de boisement dépasse 70 % du territoire, pour des raisons paysagères ou agricoles dans le cadre d’un schéma communal concerté388. Cette hypothèse ne concerne pas les forêts soumises au régime forestier. Par ailleurs, elle ne peut entraîner une réduction du taux de boisement inférieur à 50 % du territoire de la commune concernée (C. for., art. L. 214-13-1).
2267 – Le demandeur. – La demande d’autorisation de défrichement est présentée par le propriétaire ou son mandataire (C. for., art. R. 341-1). En cas de démembrement de propriété, l’usufruitier et le nu-propriétaire formulent la demande conjointement389. En présence d’une indivision, l’unanimité est requise390. Le locataire, l’emphytéote et le concessionnaire ne détiennent pas le pouvoir d’effectuer seuls la demande. L’accord du propriétaire est indispensable.
D’autres personnes sont également habilitées à présenter une demande de défrichement. Il s’agit :
des personnes morales ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
des personnes suivantes, ayant qualité pour bénéficier d’une servitude d’utilité publique :
les concessionnaires pour le transport et la distribution d’électricité (C. énergie, art. L. 323-4) ou de gaz (C. énergie, art. L. 433-6),
les titulaires d’une autorisation de construire et d’exploiter une canalisation de transport de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques (C. env., art. L. 555-27),
les communes, groupements de communes, départements ou syndicats mixtes pour l’aménagement des pistes de ski (C. tourisme, art. L. 342-20) ;
des personnes susceptibles de bénéficier de l’autorisation d’exploiter une carrière (C. env., art. L. 512-1 et L. 512-7-1), d’une autorisation de recherches ou d’un permis exclusif de carrières (C. minier, art. L. 322-1 et L. 333-1).
2268 – Dossier de demande. – La demande est formulée sur l’imprimé CERFA n° 13632 transmis au préfet de département391par lettre recommandée ou par téléprocédure392.
Les pièces suivantes sont jointes au dossier (C. for., art. R. 341-1) :
1. justificatifs de la qualité du demandeur ;
2. hormis le cas d’expropriation, production du mandat du propriétaire ou, dans certains cas, de l’accusé de réception de la notification au propriétaire de la demande d’autorisation (C. énergie, art. L. 323-4 et L. 433-6. – C. env., art. L. 555-27) ;
3. adresse du demandeur et du propriétaire du terrain s’il n’est pas le demandeur ;
4. si le demandeur est une personne morale, acte habilitant le représentant à déposer la demande ;
5. présentation des terrains à défricher ;
6. plan de situation permettant de localiser la zone à défricher ;
7. extrait du plan cadastral ;
8. indication de la superficie à défricher par parcelle cadastrale et du total des superficies à défricher ;
9. s’il y a lieu, étude d’impact (C. env., art. R. 122-2) ;
10. déclaration du demandeur indiquant si, à sa connaissance, les terrains ont été parcourus par un incendie durant les quinze années précédant la demande ;
11. destination des terrains après défrichement ;
12. échéancier prévisionnel dans le cas d’une exploitation de carrière.
Si la forêt relève du régime forestier, certaines pièces sont produites par l’ONF pour le compte du propriétaire (C. for., art. R. 341-2)393.
2269 – Défrichements soumis à évaluation environnementale. – Une évaluation environnementale (C. env., art. L. 122-1) est requise préalablement au dépôt du dossier dans les cas suivants (C. env., art. R. 122-2) :
1. systématiquement :
pour les défrichements portant sur une superficie totale, même morcelée, supérieure ou égale à vingt-cinq hectares,
pour La Réunion et Mayotte, pour toute superficie, pour les opérations d’urbanisation, d’implantation industrielle ou d’exploitation de matériaux394 ;
au cas par cas pour les défrichements portant sur une superficie totale, même morcelée, de plus de cinquante ares (et de moins de vingt-cinq hectares).
Lorsque l’étude environnementale est facultative, l’autorité environnementale décide de la nécessité de la réaliser ou non (C. env., art. R. 122-3). Le cas échéant, une attestation indiquant que le défrichement n’est pas soumis à étude environnementale est délivrée395.
2270 – Enquête publique. – Si le défrichement implique une étude environnementale, une enquête publique est réalisée (C. env., art. R. 123-1)396. Cette enquête dure un mois, sauf prorogation décidée par le commissaire enquêteur ou par la commission d’enquête (C. for., art. R. 341-6).
L’enquête publique est également requise si l’opération est soumise à déclaration d’utilité publique (C. env., art. L. 110-1). Dans ce cas, une seule enquête publique est diligentée, à condition que l’avis de mise à l’enquête indique qu’elle porte également sur le défrichement et que le dossier fasse apparaître la situation et l’étendue des bois concernés et des défrichements envisagés (C. for., art. R. 341-6).
2271 – Évaluation des incidences Natura 2000. – Si le site est classé Natura 2000 et qu’une étude environnementale s’impose, une évaluation des incidences Natura 2000 est requise (C. env., art. R. 414-19, 3°)397. Une évaluation des incidences est également réalisée si la demande de défrichement bénéficie d’une dispense d’étude d’impact, dès lors que le site Natura 2000 figure sur la liste nationale ou sur la liste locale complémentaire (C. env., art. L. 414-4, III)398.
2272 – Accusé réception. – L’administration préfectorale (direction départementale des territoires) accuse réception du dossier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si aucune demande de pièces complémentaires n’est formulée dans un délai de deux mois, le dossier est déclaré complet d’office au jour de la réception399.
2273 – Délai de réponse. – Le délai de réponse est de deux mois à compter de la réception du dossier complet. Il est porté à quatre mois si la reconnaissance du terrain400est jugée nécessaire (C. for., art. R. 341-4). Le préfet peut proroger le délai d’une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance des bois impossible. En cas d’enquête publique, le délai de réponse est de six mois (C. for., art. R. 341-7).
2274 – Reconnaissance du terrain. – Le demandeur (et le propriétaire s’il est différent) est informé de l’opération de reconnaissance au moins huit jours à l’avance (C. for., art. R. 341-5). Si la demande est susceptible d’être rejetée (C. for., art. L. 341-5) ou subordonnée à au moins une condition (C. for., art. L. 341-6), le procès-verbal de reconnaissance est notifié au demandeur, disposant d’un délai de quinze jours pour formuler ses observations.
2275
L’autorisation de défrichement doit être obtenue avant la délivrance de toute autorisation administrative pour la réalisation de travaux (C. for., art. L. 341-1). Cette obligation est reproduite dans le Code de l’urbanisme (C. urb., art. L. 425-6). Cependant, le dépôt de la demande de permis de construire peut être effectué dès réception de l’accusé de réception constatant que la demande d’autorisation de défrichement est complète (C. urb., art. R. 431-19). Une seule exception à ce principe de priorité est prévue pour les autorisations de travaux de transport de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques (C. env., art L. 555-1 et s.).
2276 – Autorisation tacite. – Pour les bois des particuliers, l’autorisation est tacite à défaut de réponse dans le délai légal, éventuellement prorogé en cas de reconnaissance du terrain (C. for., art. R. 341-4)401. Le demandeur a la possibilité d’obtenir une attestation d’autorisation tacite.
Toutefois, le régime de l’autorisation tacite n’est pas applicable au défrichement soumis à enquête publique402, ni au défrichement ayant pour objet l’exploitation d’une carrière autorisée au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (C. for., art. L. 341-3).
2277 – Bois et forêts des personnes publiques. – Une autorisation expresse est requise pour les bois et forêts des collectivités et personnes morales assimilées (C. for., art L. 211-1, I, 2°), relevant ou non du régime forestier (C. for., art. L. 214-13 et R. 214-30). Si le régime forestier est applicable, l’ONF rend un avis sur la demande de défrichement (C. for., art. R. 214-30). L’autorisation de défrichement ne prend effet qu’après distraction des parcelles concernées du régime forestier403.
2278 – Rejet de plein droit de la demande. – Si la forêt est située dans un espace boisé classé, la demande de défrichement est rejetée (C. urb., art. L. 113-2), sauf pour l’exploitation de produits minéraux importants pour l’économie nationale ou régionale, et dont les gisements ont fait l’objet d’une reconnaissance avant le 10 juillet 1973404. Si le territoire est classé en forêt de protection, tout changement d’affectation ou de mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements est également proscrit (C. for., art. L. 141-2)405.
2279 – La Réunion et Mayotte. – Des dispositions très restrictives au droit de défricher sont applicables à La Réunion (C. for., art. L. 374-1 et L. 374-2) et à Mayotte (C. for., art. L. 375-4). L’autorisation est nécessairement expresse (C. for., art. R. 374-3).
2280 – Refus d’autorisation. – Le préfet a la faculté de refuser de délivrer l’autorisation de défrichement lorsque la conservation des bois ou des massifs forestiers qu’ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à l’une ou plusieurs des fonctions suivantes (C. for., art. L. 341-5) :
1. le maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ;
2. la défense du sol contre les érosions et envahissements des fleuves, rivières ou torrents406 ;
3. l’existence des sources, cours d’eau et zones humides, et plus généralement à la qualité des eaux ;
4. la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et les envahissements de sable ;
5. la défense nationale ;
6. la salubrité publique ;
7. la valorisation des investissements publics consentis pour l’amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière, lorsque les bois ont bénéficié d’aides publiques à la constitution ou à l’amélioration des peuplements forestiers ;
8. l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l’écosystème ou au bien-être de la population407 ;
9. la protection des personnes et des biens et de l’ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches408.
2281 – La compensation forestière. – Toute autorisation de défrichement comporte une ou plusieurs conditions particulières imposées au demandeur (C. for., art. L. 341-6). Il s’agit de la compensation forestière. Des exceptions sont néanmoins prévues dans le cadre d’autorisations de défrichement accordées pour des motifs « de préservation ou de restauration du patrimoine naturel ou paysager » dans les réserves naturelles, parcs nationaux et régionaux, sites Natura 2000, sites classés, réserves biologiques et espaces gérés par les conservatoires d’espaces naturels409.
Les conditions particulières imposées dans le cadre d’un défrichement sont les suivantes :
1. le boisement ou le reboisement sur d’autres terrains d’une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d’un coefficient multiplicateur compris entre un et cinq, ou la réalisation d’autres travaux d’amélioration sylvicoles d’un montant équivalent. Le représentant de l’État dans le département peut imposer que le boisement compensatoire soit réalisé dans un même massif forestier ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable410 ;
2. la remise en état boisé du terrain lorsque le défrichement a pour objet l’exploitation du sous-sol à ciel ouvert ;
3. l’exécution de mesures ou de travaux de génie civil ou biologique en vue de réduire les impacts sur les fonctions énumérées à l’article L. 341-5 du Code forestier411et exercées soit par les bois et forêts concernés par le défrichement, soit par le massif qu’ils complètent ;
4. l’exécution de travaux ou mesures visant à réduire les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches et/ou la conservation sur le terrain de réserves boisées suffisamment importantes pour remplir les rôles utilitaires définis par l’article L. 341-5 du Code forestier.
En zone de montagne, les travaux de boisement, de reboisement ou d’amélioration ne s’appliquent pas au défrichement de boisements spontanés de première génération, sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans412.
S’agissant du défrichement pour l’exploitation d’une carrière soumise à la réglementation ICPE, l’autorisation comporte un échéancier des surfaces à défricher sur une durée maximale de trente ans. Le non-respect de l’échéancier a pour effet de suspendre l’autorisation de défrichement (C. for., art. L. 341-3, 2°).
2282 – L’affichage de l’autorisation. – L’autorisation de défrichement est soumise à un affichage sur le terrain visible de l’extérieur, ainsi qu’à la mairie, à la diligence du demandeur (C. for., art. L. 341-4). L’affichage est effectué quinze jours au moins avant le début des opérations de défrichement. Il est maintenu à la mairie pendant deux mois et pendant toute la durée des travaux sur le terrain. En cas d’autorisation tacite, le demandeur affiche le courrier l’informant que le dossier est complet. Le défaut d’affichage est passible d’une contravention de troisième classe (C. for., art. L. 363-1). L’affichage constitue le point de départ du délai de recours des tiers contre la décision413.
2283 – La durée de validité de l’autorisation. – La validité d’une autorisation de défrichement est de cinq ans (C. for., art. D. 341-7-1). Ce délai est prorogeable dans une limite globale de trois ans :
en cas de recours devant la juridiction administrative contre l’autorisation de défrichement ou contre une autorisation nécessaire à la réalisation des travaux en vue desquels le défrichement est envisagé. La prorogation est égale à la durée écoulée entre la saisine de la juridiction et le prononcé d’une décision juridictionnelle définitive au fond ou la date à laquelle aurait expiré l’autorisation de défrichement ;
sur décision de l’autorité administrative, en cas d’impossibilité matérielle d’exécuter les travaux de défrichement. Dans cette hypothèse, la prorogation correspond à la durée pendant laquelle les travaux ont été impossibles à réaliser.
2284 – Concurrence entre agriculture et sylviculture. – La forêt française a doublé de surface au cours des deux derniers siècles414. L’abandon de certaines exploitations suite à l’exode rural en est l’une des causes415. Cette évolution, positive en apparence, engendre néanmoins certains problèmes. Par exemple, le boisement est parfois en « timbre-poste », comprenant de multiples bosquets isolés. Il emporte un effet de lisière416limitant les capacités de production des parcelles agricoles contiguës. Il crée des risques nouveaux en cas de proximité avec des habitations ou des voies de circulation.
Le contrôle du boisement présente des particularités relatives à son champ d’application (Sous-section I). Il fait l’objet d’une procédure spécifique (Sous-section II).
2285 – Motivations du contrôle. – Le contrôle du boisement vise à favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural. Il permet également d’assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1). Il s’agit notamment de concourir au maintien de terres agricoles contribuant à un meilleur équilibre économique des exploitations417, à la gestion équilibrée de la ressource en eau (C. env., art. L. 211-1), et à la prévention des risques naturels (C. rur. pêche marit., art. R. 126-1).
2286 – Nature du contrôle. – Le contrôle consiste à interdire ou à réglementer les plantations et les semis d’essences forestières ou la reconstitution après une coupe rase dans des zones définies418. Ce contrôle n’est toutefois pas applicable aux parcs ou jardins attenant à une habitation (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1). Par ailleurs, les interdictions de reconstitution de boisements sont obligatoirement compatibles avec les objectifs définis par le programme régional de la forêt et du bois (PRFB)419.
2287 – Parcelles déjà boisées. – Si le terrain est déjà boisé, le contrôle ne s’applique qu’aux parcelles isolées ou attachées à un massif dont la superficie est inférieure à un seuil défini par grande zone forestière homogène. En effet, le contrôle du boisement du Code rural et de la pêche maritime se heurte à l’obligation de reboisement après coupe rase issue de la législation forestière applicable dans tout massif forestier d’une étendue supérieure à un seuil fixé par le préfet (C. for., art. L. 124-6)420. Dans ce cas, le propriétaire est tenu, en l’absence de régénération ou de reconstitution naturelle satisfaisante, de prendre les mesures nécessaires au renouvellement des peuplements forestiers dans un délai de cinq ans à compter de la date de début de la coupe définitive421. Cette apparente opposition entre deux législations traduit la volonté du législateur de réserver l’interdiction ou la limitation du reboisement aux seules petites parcelles422. À ce titre, le seuil fixé par le conseil départemental, à l’instar des autres dispositions du contrôle du boisement, est obligatoirement compatible avec le PRFB.
2288 – Interdictions de contrôle du boisement. – La reconstitution après coupe rase ne peut pas être interdite dans les deux cas suivants (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1) :
lorsque la conservation des boisements ou le maintien de la destination forestière des sols concernés est nécessaire pour un des motifs mentionnés à l’article L. 341-5 du Code forestier423. Il s’agit de terrains dont le défrichement, s’il était demandé, pourrait être refusé en raison de leur rôle utilitaire (équilibre biologique de la région et bien-être de la population, maintien des terres sur les pentes, préservation de la ressource en eau, etc.) ;
lorsque les boisements sont classés à conserver ou à protéger (C. urb., art. L. 113-1)424.
2289 – Les sapins de Noël. – La culture de sapins de Noël n’est pas soumise aux interdictions et réglementations de boisement (C. rur. pêche marit., art. R. 126-8-1). Les producteurs souhaitant procéder à des semis, plantations ou replantations de sapins de Noël, adressent simplement une déclaration annuelle de production au président du conseil départemental pour contrôle.
2290 – Débroussaillement. – Dans les zones concernées par le contrôle du boisement, le conseil départemental peut imposer aux propriétaires de débroussailler les terrains sans occupation agricole ou pastorale et dont le boisement spontané risque de porter atteinte à la sécurité de constructions ou de voiries ouvertes à la circulation publique, au maintien de fonds agricoles voisins ou à la préservation de milieux naturels ou paysages remarquables (C. rur. pêche marit., art. L. 126-2). Lorsque le propriétaire ne procède pas à ce débroussaillement, il peut être exécuté par les collectivités territoriales425.
2291 – Conseil départemental. – Le conseil départemental prend l’initiative de la création du contrôle du boisement. À cet effet, il établit un projet de délibération fixant (C. rur. pêche marit., art. R. 126-1) :
1. les orientations poursuivies en matière de réglementation des boisements426 ;
2. s’il prévoit de réglementer le reboisement après coupe rase, le seuil de surface pour chaque grande zone forestière homogène (C. rur. pêche marit., art. L. 126-1, al. 2)427 ;
3. les zones dans lesquelles des plantations et des semis d’essences forestières peuvent être interdits ou réglementés, ainsi que la reconstitution après coupe rase428 ;
4. les obligations déclaratives des propriétaires dans les périmètres réglementés, préalablement à tout semis, toute plantation ou toute replantation.
Un rapport recensant les territoires suivants est également établi (C. rur. pêche marit., art. R. 126-1-1) :
1. les massifs forestiers protégés ;
2. les zones agricoles protégées (C. rur. pêche marit., art. L. 112-2) ;
3. les zones et espaces protégés au titre de l’environnement et des paysages ;
4. les zones figurant dans les inventaires de patrimoine naturel et des paysages.
2292 – Avis. – Le conseil départemental recueille l’avis de la chambre départementale d’agriculture et du CNPF sur le projet de délibération.
2293 – Commission communale. – Dans les communes concernées par le contrôle du boisement, le département charge la commission communale ou intercommunale429de proposer des mesures de réglementation des boisements et de délimitation des périmètres correspondants, dans un délai prescrit ne pouvant être inférieur à un an. Sur la base de cette proposition, le département établit un projet de réglementation des boisements précisant la délimitation parcellaire du ou des périmètres et la teneur des interdictions ou restrictions envisagées (C. rur. pêche marit., art. R. 126-3). Le conseil départemental a la faculté de prescrire des mesures transitoires d’interdiction ou de restriction des semis, plantations ou replantations d’essences forestières. Ces mesures sont caduques à compter de la publication des règlements définitifs et au plus tard quatre ans à compter de leur édiction (C. rur. pêche marit., art. R. 126-7).
2294 – Enquête publique. – Le projet de contrôle du boisement est soumis à enquête publique (C. rur. pêche marit., art. R. 126-4)430. Le président du conseil départemental exerce les compétences dévolues au préfet au titre des enquêtes publiques.
Le dossier d’enquête publique comprend les pièces suivantes :
1. la délibération du conseil départemental approuvant le contrôle du boisement ;
2. un plan comportant le tracé du ou des périmètres délimités (C. rur. pêche marit., art. R. 126-3, al. 2) ;
3. le détail des interdictions et des restrictions de semis, plantations ou replantations d’essences forestières pour chacun des périmètres ;
4. la liste des parcelles cadastrales comprises dans le ou les périmètres et de leurs propriétaires.
2295 – Consultations. – À l’issue de l’enquête, le département sollicite l’avis du conseil municipal de chaque commune concernée, des établissements publics de coopération intercommunale le cas échéant, du CNPF et de la chambre départementale d’agriculture. Les avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai de trois mois (C. rur. pêche marit., art. R. 126-5).
2296 – Mise en place et publicité. – Au vu des résultats de l’enquête publique et des avis, le conseil départemental arrête la délimitation des périmètres et les règlements applicables. Cette délibération est transmise à chaque commune concernée. Elle est affichée en mairie pendant au moins quinze jours. La décision est à la disposition du public. Un avis est inséré dans un journal local diffusé dans tout le département. Les périmètres de réglementation des boisements sont reportés sur les documents graphiques des plans locaux d’urbanisme (C. rur. pêche marit., art. R. 126-6).
2297 – Acquisition forcée. – Si un terrain faisant l’objet d’une interdiction de reconstituer le boisement ne peut être mis en valeur dans des conditions économiques normales après déboisement, le propriétaire a la possibilité de mettre en demeure la collectivité publique ayant édicté la réglementation ou s’étant opposée au boisement de procéder à son acquisition (C. urb., art. L. 152-2). À défaut d’accord amiable sur le prix ou de levée de l’interdiction de reconstituer le boisement dans un délai de trois mois, le juge de l’expropriation saisi par le propriétaire ou la collectivité publique concernée prononce le transfert de propriété et fixe le prix du bien.