CGV – CGU

Chapitre III – L’aménagement foncier et les biens sans maître en forêt

Partie I – De la protection à l’exploitation de la forêt
Titre 1 – Le regroupement de la propriété forestière
Sous-titre 2 – Les outils au service du regroupement de la propriété
Chapitre III – L’aménagement foncier et les biens sans maître en forêt

2219 Au cours des années 2000, la prise de conscience collective des dommages engendrés par le morcellement de la forêt française a entraîné l’extension aux bois et forêts de deux dispositifs créés à l’origine pour le territoire agricole : l’aménagement foncier, visant à regrouper les propriétés grâce à une nouvelle distribution des parcelles (Section I), et l’appropriation des biens sans maître (Section II).

Section I – L’aménagement foncier

2220 Le remembrement agricole est né à l’issue de la Première Guerre mondiale357. En 2001 seulement, les spécificités des bois et forêts ont fait l’objet de dispositions particulières dans le cadre de la loi d’orientation sur la forêt358. Puis, la politique de remembrement a été entièrement refondue en 2005 pour donner naissance à l’aménagement foncier agricole et forestier décentralisé359, piloté par le conseil départemental. Depuis, les outils favorisant le regroupement du parcellaire forestier revêtent deux formes :

une forme obligatoire pour l’aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière (Sous-section I) ;

et une forme amiable pour les échanges et cessions amiables d’immeubles forestiers et ruraux (Sous-section II).

Sous-section I – L’aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière

2221 L’aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière (AFAF en zone forestière) est une adaptation de l’AFAF général au territoire forestier, codifié aux articles L. 123-18 à L. 123-23 du Code rural et de la pêche maritime. Seules les dispositions particulières de l’AFAF en zone forestière sont exposées dans le présent chapitre, le lecteur étant invité à se reporter aux travaux de la première commission relatifs à l’AFAF pour toutes les dispositions régissant la fixation du périmètre d’intervention, la nouvelle distribution parcellaire, l’établissement du projet de remembrement, l’enquête publique, les chemins et travaux connexes, la détermination des attributions, la publicité foncière et les effets de l’AFAF360.

2222 – Composition de la commission communale ou intercommunale. – Afin de prendre en compte les spécificités de la forêt lors des AFAF en zone forestière, la commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier est complétée par huit propriétaires forestiers de la commune, quatre d’entre eux étant désignés par la chambre d’agriculture sur proposition du Centre national de la propriété forestière (CNPF), les quatre autres étant désignés par le conseil municipal (C. rur. pêche marit., art. L. 121-5). À défaut de propriétaires forestiers en nombre suffisant, les membres de la commission sont désignés parmi des personnalités qualifiées en raison de leur expérience en matière d’aménagement forestier. Si des parcelles relevant du régime forestier sont concernées par l’AFAF, un représentant de l’Office national des forêts fait partie de droit de la commission.

2223 – Professionnels préparant et exécutant les opérations d’aménagement. – Le géomètre-expert désigné pour la préparation et l’exécution de l’opération d’AFAF peut être assisté par un expert forestier361ou par un homme de l’art, agréé par un organisme de gestion et d’exploitation forestière en commun362(C. rur. pêche marit., art. L. 121-16).

2224 – Travaux forestiers pendant l’AFAF. – Afin d’assurer l’équilibre économique de l’AFAF en zone forestière, le président du conseil départemental a la faculté d’interdire la destruction de tous les espaces boisés jusqu’à la clôture des opérations (C. rur. pêche marit., art. L. 121-19). Les travaux forestiers, y compris les travaux d’exploitation forestière et les plantations, peuvent également être soumis à l’autorisation du président du conseil départemental, après avis de la commission d’aménagement foncier. En cas d’infraction, une indemnité compensatrice fixée par la commission d’aménagement est reversée à l’attributaire des parcelles (C. rur. pêche marit., art. L. 123-22).

2225 – Critères particuliers d’équivalence des biens apportés et attribués. – La commission détermine les divers peuplements forestiers compris dans le périmètre de l’aménagement. Pour chacun de ces peuplements, chaque propriétaire reçoit dans la nouvelle distribution, des terrains dont la surface est équivalente en valeur de productivité et des peuplements dont la valeur d’avenir est équivalente aux peuplements apportés (C. rur. pêche marit., art. L. 123-19)363. Ces calculs prennent en compte les servitudes maintenues ou créées, ainsi que la surface nécessaire aux ouvrages collectifs tels que les chemins d’exploitation, les travaux de protection des sols ou de remise en état des continuités écologiques et les travaux de protection des forêts (C. rur. pêche marit., art. L. 123-8).

2226 – Dérogation limitée à l’équivalence. – Après avis du Centre national de la propriété forestière, la commission départementale détermine les écarts tolérés en pourcentage par type de peuplement entre biens apportés et biens reçus pour la valeur de productivité réelle des terrains (20 % maximum) et la valeur d’avenir des peuplements (5 % maximum) (C. rur. pêche marit., art. L. 123-19, al. 3). La commission détermine également une surface en dessous de laquelle les apports d’un certain type de peuplement peuvent être compensés par des attributions dans un type différent, sans que la surface n’excède quatre hectares.

Une compensation entre parcelles forestières et parcelles agricoles est possible dans une limite fixée par la commission départementale après avis de la chambre d’agriculture et du Centre national de la propriété forestière, cette limite ne pouvant excéder quatre hectares (C. rur. pêche marit., art. L. 123-23).

Les écarts donnent lieu au paiement d’une soulte en espèces ou en nature sur convention des intéressés (C. rur. pêche marit., art. L. 123-4).

2227 – Dérogation illimitée à l’équivalence sur accord exprès. – Des écarts d’équivalence en valeur ou en nature ne tenant pas compte des limites légales peuvent être convenus en vertu d’un accord exprès entre les propriétaires concernés (C. rur. pêche marit., art. L. 123-19 et L. 123-20).

2228 – Distance par rapport aux voies de desserte. – La distance moyenne entre les parcelles attribuées et leurs voies de desserte ne peut être plus longue que la distance moyenne des parcelles apportées et leurs voies de desserte initiales, sauf accord des propriétaires (C. rur. pêche marit., art. L. 123-18). La distance est toutefois majorée de 10 % dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire. Dans le cadre de la compensation entre parcelles forestières et parcelles agricoles, les parcelles forestières attribuées peuvent être plus éloignées des centres d’exploitation ou des voies de desserte existantes que les parcelles agricoles apportées.

2229 – Réattribution des immeubles. – Les immeubles à utilisation spéciale sont réattribués à leurs propriétaires (C. rur. pêche marit., art. L. 123-3, al. 5). En matière forestière, la jurisprudence interprète cette notion de façon très restrictive. Elle refuse ainsi de considérer comme immeubles à utilisation spéciale les parcelles plantées d’arbres fruitiers ou de toutautre bois, les haies d’arbres et d’arbustes, les pépinières et les peupleraies364. Toutefois, un bois taillis sous futaie bien entretenu et régulièrement exploité a été jugé comme « terrain à utilisation spéciale »365.

2230 – Analyse des AFAF en zone forestière. – La procédure d’AFAF en forêt est lourde et coûteuse. Elle permet néanmoins le regroupement de propriétés forestières et la création ou l’amélioration des voies d’accès, simplifiant ainsi l’exploitation des bois et forêts. Les propriétaires forestiers y sont souvent hostiles en raison des craintes inhérentes à toute procédure obligatoire. Elle mérite toutefois d’être encouragée, surtout dans les massifs où la propriété est très morcelée. À ce titre, la mobilisation de moyens financiers à court terme est indispensable.

Sous-section II – Les échanges et cessions d’immeubles forestiers

2231 Indépendamment de l’aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière, la loi organise les échanges et cessions amiables d’immeubles forestiers (ECIF). L’article L. 331-18 du Code forestier en définit l’objet et renvoie au Code rural et de la pêche maritime pour leur mise en œuvre (C. rur. pêche marit., art. L. 124-1 à L. 124-12). L’objectif des ECIF est d’améliorer la structure des fonds forestiers par voie d’échanges et de cessions de parcelles et au moyen d’un regroupement d’îlots de propriété, en vue de favoriser une meilleure gestion sylvicole. Deux régimes coexistent : les ECIF dans le cadre d’un périmètre d’aménagement foncier (§ I) et les ECIF hors périmètre d’AFAF (§ II).

Les dispositions générales sont similaires à celles des échanges et cessions amiables d’immeubles ruraux (ECIR), traitées par la première commission366.

§ I – Les ECIF dans un périmètre d’aménagement

2232 – Commission communale ou intercommunale d’aménagement. – La commission communale ou intercommunale d’aménagement est présidée par un commissaire enquêteur désigné par le tribunal de grande instance. Elle est composée de quinze membres (C. rur. pêche marit., art. L. 121-5-1) :

le maire et un conseiller municipal désigné par le conseil municipal ;

un exploitant agricole de la commune et son suppléant désignés par la chambre d’agriculture ;

une personne qualifiée en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages désignée par le président du conseil départemental ;

un fonctionnaire désigné par le président du conseil départemental ;

un délégué du directeur départemental des finances publiques ;

un représentant du président du conseil départemental désigné par le président de cette assemblée ;

quatre propriétaires forestiers désignés par la chambre d’agriculture sur proposition du Centre national de la propriété forestière ;

et quatre autres propriétaires forestiers nommés par le conseil municipal.

2233 – Assistance de professionnels. – À l’instar de l’AFAF en zone forestière, le géomètre-expert désigné par le président du conseil départemental a la faculté de se faire assister par un expert forestier ou par une personne agréée par un organisme de gestion et d’exploitation forestière en commun (C. rur. pêche marit., art. L. 124-10, al. 1).

2234 – Une procédure amiable. – Malgré l’existence d’un périmètre d’aménagement foncier, les propriétaires ne sont pas tenus d’accepter les échanges proposés. Cette procédure, adaptée aux petites parcelles, permet de regrouper les propriétés forestières par acte administratif et de bénéficier de la prise en charge des frais par le département. Des soultes peuvent être prévues dans les échanges, dans la limite de 7 500 € (C. rur. pêche marit., art. L. 124-10).

2235 – Une procédure lourde et longue. – La procédure nécessite deux enquêtes. Sur demande d’un ou plusieurs conseils municipaux ou de propriétaires forestiers, le conseil départemental institue une commission communale ou intercommunale et ordonne une première enquête d’aménagement préalable. Si l’opération d’échanges et de cessions d’immeubles forestiers est acceptée, le conseil départemental en fixe le périmètre. La commission communale ou intercommunale lance ensuite la deuxième enquête publique, visant à recueillir l’avis des personnes concernées (propriétaires et titulaires de droits réels et personnels) et à inventorier les biens sans maître. Enfin, les propriétaires régularisent les échanges, amiablement entre eux.

Cette procédure dure entre trois et cinq ans. Ses effets sont limités compte tenu du caractère facultatif des mutations, alors que des fonds publics sont engagés. En pratique, elle ne rencontre aucun succès en raison de ses inconvénients. Elle mérite ainsi d’être amendée.

En revanche, les ECIF hors périmètre d’aménagement foncier s’attirent davantage les faveurs de la pratique.

§ II – Les ECIF hors périmètre d’aménagement

2236 – Un ECIR forestier. – Le Code rural et de la pêche maritime ne comporte pas de disposition particulière relative aux échanges et cessions d’immeubles forestiers hors périmètre d’aménagement. Ainsi, il convient d’appliquer les dispositions relatives aux échanges et cessions d’immeubles ruraux en l’absence de périmètre d’aménagement foncier (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3 à L. 124-4-1).

2237 – Un mécanisme souple. – Les propriétaires intéressés établissent les projets d’échanges des immeubles dans le même canton, dans le canton et une commune limitrophe, ou entre immeubles contigus (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3, al. 2). Les échanges peuvent comporter des soultes. Ces projets d’échanges sont ensuite transmis à la commission départementale d’aménagement foncier. Si elle en reconnaît l’utilité au regard des objectifs fixés par la loi, ces projets sont transmis au conseil départemental. Si celui-ci approuve l’opération, le président du conseil départemental la rend exécutoire (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3, al. 1). Les mutations emportent alors les mêmes effets que l’AFAF, notamment en ce qui concerne la protection des titulaires de droits réels sur les biens échangés (C. rur. pêche marit., art. L. 124-1, al. 2). Ces opérations comprennent parfois des ventes de petites parcelles et des usucapions.

2238 – Vente de petites parcelles. – Les propriétaires ont également la faculté d’inclure dans l’ECIF la vente de toute parcelle boisée ne faisant pas partie des biens réattribuables, dans la limite de 7 500 € par propriétaire, lorsque ces ventes améliorent les fonds forestiers (C. rur. pêche marit., art. L. 124-3, al. 4 et art. L. 121-24, al. 2).

2239 – Usucapion. – Pour les parcelles d’une superficie et d’une valeur inférieures à certains seuils (C. rur. pêche marit., art. L. 121-24, al. 1)367, le président de la commission départementale d’aménagement foncier est habilité à constater l’usucapion par acte administratif de notoriété (C. rur. pêche marit., art. L. 121-25).

2240 – Acte notarié ou acte administratif. – Les mutations peuvent être réalisées par acte notarié. Les cessions d’immeubles forestiers d’une valeur inférieure à 7 500 € peuvent également être réalisées en dehors de tout acte d’échange amiable. Il s’agit alors d’un acte administratif comme dans le cadre de l’AFAF (C. rur. pêche marit., art. L. 124-4-1).

2241 – Prise en charge des frais d’acte. – Lorsque les échanges sont établis par acte notarié, le département prend en charge les frais si la commission départementale d’aménagement foncier reconnaît leur utilité pour l’aménagement foncier (C. rur. pêche marit., art. L. 124-4). Cette solution s’applique également aux échanges comportant des parcelles forestières d’une valeur inférieure à 7 500 € (C. rur. pêche marit., art. L. 121-24, al. 2) et des usucapions (C. rur. pêche marit., art. L. 121-25).

Les mutations opérées dans le cadre des ECIF hors périmètre d’aménagement foncier sont exonérées de droits de mutation (CGI, art. 1023, par renvoi de textes).

2242 – Conclusion. – L’ECIF hors périmètre d’aménagement foncier est suffisamment souple pour être mis en place avec l’assistance d’un maître d’œuvre dans une commune motivée. Il permet en effet de procéder à un aménagement foncier volontaire à coûts réduits, dans des délais relativement courts. Son caractère amiable suppose néanmoins une énergie et une force de persuasion, permettant d’effacer les réticences naturelles des propriétaires. Par ailleurs, cette voie ne permet pas de contourner l’obstacle des biens sans maître.

Section II – La valorisation des biens sans maître

2243 Les parcelles abandonnées, engendrant un véritable mitage du territoire forestier, constituent un obstacle à l’exploitation des peuplements et au regroupement de la propriété. L’appropriation des biens sans maître participe à la lutte contre le morcellement forestier.

Sous-section I – Les biens sans maître, propriété des communes

2244 – Un regain d’intérêt. – Les biens sans maître connaissent un regain d’intérêt après deux siècles d’endormissement. De 1804 à 2004, les biens sans maître appartenaient à l’État.

Depuis 2004368, les biens sans maître appartiennent à leur commune de situation (C. civ., art. 713). Cette disposition, retouchée en 2014369, a été remaniée en dernier lieu en 2016370.

La définition des biens sans maître figure dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP, art. L. 1123-1)371.

2245 – Trois catégories de biens sans maître. – Il en existe trois catégories, concernant les forêts à des degrés divers.

2246 – Première catégorie : succession ouverte depuis plus de trente ans. – Il s’agit des biens faisant partie d’une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté (CGPPP, art. L. 1123-1, 1°).

2247 – Deuxième catégorie : propriétés bâties. – Cette deuxième catégorie regroupe les immeubles n’ayant pas de propriétaire connu et pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés bâties n’a pas été acquittée depuis plus de trois ans ou a été acquittée par un tiers, ces dispositions ne faisant pas obstacle à la prescription de droit commun (CGPPP, art. L. 1123-1, 2°). A priori, elle n’a pas vocation à s’appliquer aux bois et forêts372.

2248 – Troisième catégorie : propriétés non bâties. – Cette dernière catégorie se rencontre fréquemment en territoire forestier. Il s’agit des immeubles n’ayant pas de propriétaire connu, non assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés non bâties n’a pas été acquittée depuis plus de trois ans ou a été acquittée par un tiers. À l’instar des biens de la deuxième catégorie, ces dispositions ne font pas obstacle à l’application des règles de droit civil relatives à la prescription (CGPPP, art. L. 1123-1, 3°).

2249 – Possibilité de renonciation volontaire en faveur d’un EPCI pour les biens des première et deuxième catégories. – La commune peut renoncer à exercer ses droits sur les biens des première et deuxième catégories lui revenant en tout ou en partie au profit de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont elle est membre. Ces biens deviennent alors la propriété de cet EPCI (C. civ., art. 713, al. 1). Il s’agit d’une décision volontaire de la commune ne concernant pas les biens de la troisième catégorie (propriétés non bâties), le texte ne prévoyant pas cette possibilité (CGPPP, art. L. 2311-4).

2250 – Appropriation par défaut par l’État. – Si la commune ou l’EPCI renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit à l’État (C. civ., art. 713, al. 2). Toutefois, ces biens sont dévolus au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres pour les zones relevant de sa compétence (C. env., art. L. 322-1) ou, à défaut, au conservatoire régional d’espaces naturels, si ces organismes en font la demande.

Sous-section II – La mise en œuvre de l’appropriation

2251 Chaque catégorie de biens sans maître dispose de sa propre procédure d’appropriation par la commune.

2252 – Simplicité de la procédure pour la première catégorie. – L’incorporation dans le patrimoine communal des biens de la première catégorie est de droit et immédiate (CGPPP, art. L. 1123-2, renvoyant à C. civ., art. 713). Une circulaire de 2006 fixe les modalités de la procédure373. Après s’être entouré des précautions d’usage374, le conseil municipal constate la réunion des deux conditions suivantes :

la succession est ouverte depuis plus de trente ans ;

aucun successible ne s’est présenté.

Il autorise ensuite le maire à procéder à l’acquisition. La prise de possession est constatée par un procès-verbal affiché en mairie. Il est recommandé de publier ce procès-verbal au service de publicité foncière, même s’il n’est pas créateur de droit contrairement aux termes de la circulaire de 2006.

Si la commune renonce à exercer son droit de propriété, elle en informe la préfecture.

2253 – Procédure pour les propriétés bâties (deuxième catégorie). – Cette procédure est plus formelle que la précédente. Elle se décompose en deux temps (CGPPP, art. L. 1123-3) :

1. après avis de la commission communale des impôts directs (CGPPP, art. R. 1123-1), un arrêté du maire constate que les biens immobiliers répondent aux conditions du texte (pas de propriétaire connu, taxe foncière sur les propriétés bâties non acquittée depuis plus de trois ans ou acquittée par un tiers). Cet arrêté est publié et affiché en mairie. Il est notifié, s’il y a lieu, aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu, à l’habitant ou à l’exploitant de l’immeuble, au tiers ayant acquitté les taxes foncières, ainsi qu’au préfet de département.

Passé un délai de six mois à compter de la dernière formalité et en l’absence de propriétaire se faisant connaître, l’immeuble est présumé sans maître ;

2. dans cette hypothèse, la commune l’incorpore dans son domaine par délibération du conseil municipal. Un arrêté constatant l’incorporation est ensuite pris par le maire.

Les formalités sont identiques si elles sont menées par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

À défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la vacance présumée du bien, la propriété est attribuée à l’État, sauf transfert au Conservatoire du littoral ou au conservatoire régional d’espaces naturels (C. civ., art. 713, al. 2). Le transfert du bien est constaté par un acte administratif.

2254 – Procédure pour les propriétés non bâties (troisième catégorie). – Cette procédure, créée en 2014375, est plus longue et plus compliquée que les deux précédentes (CGPPP, art. L. 1123-4). Elle se décompose en sept phases :

1. au 1er mars de chaque année, les centres des impôts fonciers signalent au préfet du département les immeubles satisfaisant aux conditions de la troisième catégorie ;

2. au plus tard le 1er juin, le préfet arrête la liste de ces immeubles par commune et la transmet à chaque commune concernée ;

3. le préfet et le maire de chaque commune concernée procèdent à une publication et à un affichage de cet arrêté en mairie. Cet arrêté est notifié, s’il y a lieu, aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu, à l’habitant ou à l’exploitant de l’immeuble, au tiers ayant acquitté les taxes foncières ;

4. passé un délai de six mois à compter de la dernière formalité et en l’absence de propriétaire se faisant connaître, l’immeuble est présumé sans maître ;

5. le préfet notifie cette présomption au maire de la commune de situation du bien ;

6. dans ce cas, par délibération du conseil municipal, la commune l’incorpore dans son domaine. Un arrêté constatant l’incorporation est pris par le maire. À défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la notification de la vacance présumée du bien, la propriété est attribuée à l’État, sauf transfert au Conservatoire du littoral ou au conservatoire régional des espaces naturels (C. civ., art. 713, al. 2). Le transfert du bien est constaté par un acte administratif ;

7. les bois et forêts acquis dans le cadre de cette procédure sont soumis au régime forestier (C. for., art. L. 211-1) à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’incorporation dans le domaine communal ou du transfert dans le domaine de l’État. Dans ce délai, les biens acquis peuvent être cédés.

2255 – Analyse critique. – Le transfert de la propriété des biens sans maître à la commune est cohérent. Il s’agit en effet du seul échelon administratif en mesure de les suivre sur un territoire. Une fois propriétaire, la commune est autorisée à céder les bois et forêts acquis dans le délai de cinq ans, soit de gré à gré, soit dans le cadre d’un ECIF/ECIR. En revanche, il est regrettable que la mise en œuvre de la procédure relative aux biens non bâtis repose sur un trop grand nombre d’intervenants : les services fiscaux, la préfecture et la commune. Pour gagner en efficacité, il conviendrait de simplifier la procédure, la commune en devenant l’acteur principal.


357) Lois Chauveau des 27 novembre 1918 et 4 mars 1919, modifiées par L. 9 mars 1941.
358) L. n° 2001-602, 9 juill. 2001 : JO 11 juill. 2001, n° 159.
359) L. n° 2005-157, 23 févr. 2005 : JO 24 févr. 2005, p. 3073.
360) V. n° a1038.
361) L’expert forestier est un professionnel inscrit sur la liste mentionnée à l’article L. 171-1 du Code rural et de la pêche maritime.
362) OGEC : V. n° a2453.
363) La valeur de productivité est la méthode traditionnelle retenue pour l’AFAF. La valeur d’avenir du peuplement consiste à considérer la valeur du peuplement comme s’il était à maturité. Pour chaque peuplement, la commission communale ou intercommunale d’aménagement distingue une ou plusieurs classes. Pour chaque classe, elle fixe le nombre de points exprimant la valeur de productivité réelle des fonds et les modalités de calcul de la valeur d’avenir des peuplements par unité de surface : C. rur. pêche marit., art. R. 123-21.
364) V. la jurisprudence citée in JCl. Rural,  Aménagement foncier agricole et forestier, fasc. 10, n° 30.
365) CE, 8 janv. 1960, Bridgewater : Rec. CE 1960, p. 899.
366) V. n° a1117.
367) Superficie inférieure à un seuil fixé par la commission départementale dans la limite d’un hectare et demi et d’une valeur inférieure à 1 500 €.
368) L. n° 2004-809, 13 août 2004 : JO 17 août 2004.
369) L. n° 2014-366, 24 mars 2014 : JO 26 mars 2014.
370) L. n° 2016-1087, 8 août 2016 : JO 9 août 2016.
371) L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014 : JO 14 oct. 2014.
372) Sauf bâtiments d’exploitation forestière et pavillons de chasse.
373) Circ. n° NOR MCT/B/06/00026C, 8 mars 2006.
374) Des éléments d’information sont recueillis auprès du cadastre, de la publicité foncière, du service de recouvrement des taxes foncières, et des notaires. Des enquêtes de voisinage peuvent également être diligentées.
375) L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014 : JO 14 oct. 2014.

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