CGV – CGU

Chapitre I – Les moyens de production

Partie II – Les énergies renouvelables liées aux technologies modernes
Titre 2 – L’exploitation d’une énergie renouvelable
Chapitre I – Les moyens de production

2586 – Le triptyque des moyens. – Aucune énergie n’est exploitable sans asseoir des ouvrages sur une portion du territoire. Ainsi, la première contrainte pour le producteur est d’avoir la maîtrise du support foncier de l’exploitation (Section I). La production de toute énergie implique ensuite le recours à un dispositif plus ou moins élaboré. Se pose alors la question juridique du statut de l’ouvrage utilisé (Section II). Enfin, toutes les énergies renouvelables ne proviennent pas nécessairement de res nullius librement appropriables. Il convient à ce titre de se soucier du contrôle de la source d’énergie exploitée (Section III).

Section I – La maîtrise du foncier, support de l’énergie renouvelable

2587 – Contraintes d’implantation. – Certains ouvrages peuvent être implantés uniquement sur le domaine public maritime ou fluvial : barrages hydroélectriques, hydroliennes, usines marémotrices, éoliennes en mer, etc. Il convient d’obtenir les autorisations nécessaires à ce titre (§ I). Néanmoins, la plupart des énergies renouvelables nouvellement installées relèvent seulement de la propriété privée (§ II).

§ I – L’utilisation du domaine public

2588 – Nécessité d’une autorisation. – Nul ne peut occuper une dépendance du domaine public ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage appartenant à tous sans disposer d’un titre régulier (CGPPP, art. L. 2122-1). L’exploitation d’une énergie renouvelable sur le domaine public nécessite ainsi une permission de voirie ou une concession de voirie896. Une première possibilité est l’autorisation (unilatérale) ou la convention (contractuelle) d’occupation du domaine public assortie de droits réels (CGPPP, art. L. 2122-6, al. 1). Sa durée ne peut excéder soixante-dix ans (CGPPP, art. L. 2122-6, al. 3). Le droit réel ainsi conféré est susceptible d’être hypothéqué pour garantir les emprunts destinés au financement de l’ouvrage situé sur le domaine public occupé (CGPPP, art. L. 2122-7). La redevance financière tient alors compte des avantages conférés (CGPPP, art. L. 2125-3). Une seconde possibilité est le recours au bail emphytéotique administratif, les nouvelles énergies relevant des opérations d’intérêt général pour lesquelles ce contrat a été créé897. Ce bail confère à son titulaire un droit réel sur la dépendance domaniale occupée, ainsi que la propriété des constructions édifiées pendant la durée du contrat. Ces droits sont susceptibles d’hypothèque, mais uniquement pour la garantie des emprunts contractés pour la réalisation des ouvrages du preneur (CGCT, art. L. 1311-3, 2°). Les constructions réalisées dans ce cadre peuvent également faire l’objet d’un crédit-bail (CGCT, art. L. 1311-3, 5°). La jurisprudence se montre toutefois tolérante dans le cas des énergies renouvelables. Ainsi, des éoliennes surplombant un sentier de grande randonnée empruntant tant des voies publiques que privées ne nécessitent pas une autorisation des collectivités publiques traversées par ledit sentier898.

Les éoliennes en mer

Le domaine public maritime naturel de l’État comprend le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer (CGPPP, art. L. 2111-4). Les dépendances du domaine public maritime, hors des limites administratives des ports, peuvent faire l’objet de concessions en vue de leur affectation à une opération d’intérêt général. Cette occupation du domaine public maritime implique le paiement d’une redevance (CGPPP, art. L. 2125-1). Les concessions d’ouvrages en mer de production d’énergie renouvelable bénéficient d’un régime dérogatoire favorable. Elles sont conclues pour une durée ne pouvant excéder quarante ans (CGPPP, art. R. 2124-1). Ce territoire maritime reste toutefois d’étendue limitée, puisque la mer territoriale s’étend au plus à douze milles marins des côtes899. Il est toutefois possible d’implanter des énergies renouvelables au-delà de ce domaine public, dans la zone économique exclusive (ZEE). La Convention des Nations unies prévoit expressément que sur sa ZEE, l’État côtier a des droits souverains, notamment à des fins économiques tels que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents900. Cette ZEE s’étend jusqu’à 200 milles marins901. L’implantation d’énergies renouvelables dans cette zone relève de textes spécifiques902. Pour permettre une acceptation du public, les principaux gisements sont précisément situés dans cette ZEE, à une certaine distance des côtes. L’éolien en mer est un levier important de la transition énergétique car il bénéficie de vents plus fréquents, plus forts et plus réguliers qu’à terre. La France possède d’ailleurs le deuxième gisement européen à ce titre, après la Grande-Bretagne.

§ II – L’utilisation de la propriété privée

2589 Le moyen le plus évident de contrôler le foncier est d’en être propriétaire. Toutefois, comme souvent en matière industrielle et commerciale, l’exploitant d’une énergie renouvelable souhaite généralement dissocier propriété et jouissance. En pratique, la maîtrise pérenne du foncier est assurée de trois manières différentes. Tout d’abord, par le recours à des techniques légales (A). Ensuite, par l’emploi de techniques contractuelles, essentiellement l’emphytéose et le bail à construction (B). Enfin, par l’usage de techniques appartenant au droit des biens (C).

A/ Les techniques légales

2590 – Servitudes légales en géothermie. – En matière d’énergies renouvelables, diverses servitudes légales permettent d’utiliser le terrain d’autrui de manière pérenne903. Ces servitudes existent pour la géothermie. Ainsi, à l’intérieur du périmètre minier, voire à l’extérieur au moyen d’une déclaration d’utilité publique, l’exploitant peut être autorisé par l’administration à jouir des terrains nécessaires à son exploitation (C. minier, art. L. 153-3). Sauf pour les gîtes géothermiques à basse température, cette servitude ne peut toutefois être imposée à moins de cinquante mètres d’une habitation ou de ses dépendances closes de murs sans le consentement du propriétaire (C. minier, art. L. 153-2). Une servitude légale similaire permet l’implantation de tout câble ou canalisation nécessaire à l’exploitation géothermique (C. minier, art. L. 153-8). Le propriétaire grevé de servitudes peut toutefois requérir l’achat ou l’expropriation de son bien, si l’utilisation normale de son fonds est rendue impossible (C. minier, art L. 153-10).

2591 – Servitudes légales en hydroélectricité. – De telles servitudes existent également en matière hydroélectrique904. Elles sont subordonnées à une déclaration d’utilité publique (C. énergie, art. L. 521-7). Ces servitudes octroient alors le droit d’ancrage et d’appui, le droit de passage et d’élagage des arbres, le droit de submersion et d’occupation temporaire, nécessaires à l’exploitation (C. énergie, art. L. 521-8). Là encore, les bâtiments et les dépendances d’habitation ne sont pas grevés de cette servitude (C. énergie, art. L. 521-8), et le propriétaire peut exiger l’achat de sa terre si celle-ci n’est plus propre à la culture (C. énergie, art. L. 521-10). Par contre, la servitude n’est indemnisée que si son institution entraîne un préjudice direct, matériel et certain (C. énergie, art. L. 521-11).

Droit à l’expropriation

Si les servitudes légales se révèlent insuffisantes, la législation réserve la possibilité de requérir l’expropriation pour permettre l’exploitation des énergies renouvelables. Ainsi, à la demande de l’exploitant géothermique, l’expropriation des immeubles nécessaires peut être poursuivie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du périmètre minier (C. minier, art. L. 153-14). Le même recours à l’expropriation peut être sollicité par l’exploitant hydroélectrique (C. énergie, art. L. 521-7).

B/ Les techniques contractuelles

2592 – Bail commercial. – L’exploitation professionnelle d’une énergie renouvelable est possible dans le cadre d’un bail commercial. Le bail commercial s’applique en effet aux immeubles dans lesquels un fonds appartenant à un commerçant est exploité (C. com., art. L. 145-1). Or, la transformation d’énergie, spécialement la production d’électricité à partir de panneaux photovoltaïques, est en principe un acte de commerce905. Cette production est en effet assimilée à une activité de manufacture parmi la liste des actes de commerce prévue à l’article L. 110-1 du Code de commerce. La personne produisant de l’énergie à titre habituel bénéficie ainsi de la qualité de commerçant (C. com., art. L. 121-1). Pour autant, le bail consenti à un tel professionnel ne relève pas nécessairement du statut d’ordre public des baux commerciaux906. En effet, le bail commercial s’applique à un terrain nu, à condition que des « constructions à usage commercial, industriel ou artisanal » y soient édifiées avant ou après le bail avec le consentement du bailleur (C. com., art. L. 145-1, I, 2°). Or, la jurisprudence entend le terme « construction » au sens de ce texte comme un « local » où est exercée une activité907. Il est donc douteux que la location d’un terrain en vue d’y installer un parc d’éoliennes ou une ferme photovoltaïque relève de ce texte. Par comparaison, des locations pour l’implantation de pylônes de téléski908ou d’antennes-relais909ne sont pas considérées comme des baux commerciaux. Le bail commercial concerne en effet la location de « locaux » (C. com., art. L. 145-1, I, 1°). La condition n’est pas davantage remplie pour les installations intégrées en surface des bâtiments telles que les panneaux photovoltaïques sur la toiture d’un immeuble910.

2593 – Préférence pour les baux conférant un droit réel. – Il est toujours possible de conclure un bail selon le droit commun du Code civil, dont les dispositions ne sont que supplétives, particulièrement quant à la durée ou les obligations respectives du bailleur ou du preneur. Mais ces baux présentent l’inconvénient de ne conférer que des droits personnels. Ils ne peuvent être l’objet de sûretés immobilières, comme les baux à long terme les plus usités dans la pratique des énergies renouvelables : bail à construction et emphytéose.

2594 – Bail à construction. – Le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier pouvant être hypothéqué, à l’instar des constructions édifiées sur le terrain loué (CCH, art. L. 251-3). Ce contrat a l’avantage de fournir une grande stabilité à l’exploitant, étant conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, sans possibilité de tacite reconduction (CCH, art. L. 251-1). Cette durée peut toutefois être une contrainte pour le preneur devant être certain de la pérennité de son activité. Dans le cadre de ce bail, le preneur s’engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain loué et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail (CCH, art. L. 251-1). Le sort des constructions en fin de bail fait l’objet de stipulations entre les parties (CCH, art. L. 251-2) : accession au bailleur, propriété du seul preneur, démantèlement. Ce cadre en fait ainsi un contrat privilégié pour les parcs d’éoliennes ou les fermes photovoltaïques911. Il est en revanche inadapté pour une simple location de toit en vue d’y implanter des panneaux photovoltaïques. En effet, on peut douter que la simple pose de panneaux solaires sur un bâtiment existant satisfasse l’obligation de construire dont est débiteur le preneur912.

2595 – Bail emphytéotique. – L’emphytéose présente de nombreuses similitudes avec le bail à construction : droit réel immobilier susceptible d’hypothèque, durée de dix-huit à quatre-vingt-dix-neuf ans (C. rur. pêche marit., art. L. 451-1). Le preneur profite également de l’accession pendant la durée du contrat (C. rur. pêche marit., art. L. 451-10). Les clauses d’usage du contrat sont ainsi très similaires à celles du bail à construction énoncées ci-dessus. Néanmoins, l’emphytéose n’impose pas au preneur d’édifier une construction913. Cette souplesse accrue est souvent préférée par les exploitants d’énergies renouvelables. Au surplus, la jurisprudence considère qu’un bail emphytéotique ne peut pas comporter de clause limitant l’usage des biens par le preneur, interdisant ainsi au bailleur d’imposer une certaine destination aux lieux loués914. En fin de bail, les constructions deviennent en principe la propriété du bailleur (C. rur. pêche marit., art. L. 451-7). Cette règle n’étant pas d’ordre public, il est possible d’imposer à l’exploitant l’obligation de démanteler ses installations en fin de bail915. Seul le bailleur peut mettre fin au bail avant le terme en cas de non-paiement de la redevance, inexécution par le preneur de ses obligations, ou détériorations graves (C. rur. pêche marit., art. L. 451-5). En revanche, le preneur n’a pas la faculté de se libérer de la redevance, ni de se soustraire à l’exécution des conditions du bail emphytéotique en délaissant le fonds (C. rur. pêche marit., art. L. 451-6). En pratique, les exploitants souhaitent souvent insérer une clause de résiliation anticipée à leur profit en cas de perte de rentabilité du projet916. Le risque lié à l’application de cette clause est une requalification du bail emphytéotique en bail régi par le droit commun du Code civil, avec notamment la perte des sûretés immobilières, particulièrement si le jeu de la clause réduit la durée du bail à moins de dix-huit ans.

Clauses particulières des baux à long terme

L’acte notarié comporte tous les éléments habituels d’un bail à construction ou d’un bail emphytéotique : comparution des parties, capacité, désignation de l’immeuble loué, loyer, origine de propriété, vérifications hypothécaires, déclarations fiscales, état des risques naturels et technologiques, déclarations pour l’environnement, charge des frais, etc. Dans le cadre du bail à construction, les ouvrages à édifier sont évidemment détaillés : nature et caractéristiques techniques, délai de réalisation, sort en fin de bail, etc. Au surplus, des points spécifiques méritent une attention particulière.

Il s’agit :

des servitudes nécessaires à l’exploitation, concernant le voisinage immédiat de l’emplacement loué : servitude de passage des câbles électriques, servitude de passage des engins nécessaires à l’installation des ouvrages, servitude de surplomb des éoliennes, servitude non aedificandi préservant l’ensoleillement de l’exploitation ou son exposition au vent, etc. La servitude de passage pour le temps de la construction est particulièrement critique pour les ouvrages de grande taille, comme les éoliennes, car elle doit permettre l’accès à des convois exceptionnels : outre une assiette particulièrement large, avec des aires de manœuvre suffisantes, il est nécessaire de stipuler la possibilité de modifier le sous-sol de la chaussée afin de supporter le poids des engins ;

des autorisations nécessaires pour l’exploitation en droit de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie ;

de l’ensemble des éléments permettant l’exploitation au sens large, tels que les contrats de raccordement au réseau électrique ou la revente de l’électricité produite.

En raison des délais importants pour obtenir ces informations, il est d’usage de régulariser une promesse de bail à long terme sous conditions suspensives.

C/ Les techniques du droit des biens

2596 – Le volume. – Le territoire n’étant pas infini, il est nécessaire de multiplier les affectations dans un même espace. Pour cette raison, il devient courant d’utiliser la toiture des bâtiments existants pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Si ces panneaux ne sont pas destinés à l’autoconsommation mais à une exploitation commerciale par un tiers, le recours aux volumes permet de dissocier la propriété de chacun917. Deux volumes sont ainsi créés : un premier comprenant le bâtiment jusqu’à la sous-face de la toiture, et un second pour l’espace situé au-dessus918. Cette technique permet la superposition de la propriété privée et de la domanialité publique. Une société privée peut ainsi être propriétaire d’une installation édifiée sur le toit d’un édifice public919. Elle vise également à écarter l’application du régime de la copropriété des immeubles bâtis. Cette faculté est toutefois discutée. Selon une thèse restrictive, il n’est possible de déroger au statut de la copropriété que pour les ensembles immobiliers complexes présentant une hétérogénéité de droits920. Pour cette doctrine, la loi du 10 juillet 1965 s’applique impérativement à un immeuble homogène, excluant la division en volumes921. À l’inverse, une partie de la doctrine plaide pour une application libérale de la volumétrie. Rien n’interdit, selon elle, une organisation juridique différente de la copropriété pour un immeuble réparti entre plusieurs propriétaires, alors qu’il n’existe aucune partie commune entre eux922. La jurisprudence semble aller dans le sens de cette seconde analyse. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle admis la division en volumes dans l’hypothèse d’un couloir appartenant à plusieurs indivisaires, surmonté d’un porche appartenant à un seul d’entre eux923. Par ailleurs, plusieurs décisions admettent la division en volumes pour des immeubles simples et homogènes924. Selon la jurisprudence, le statut de la copropriété s’impose néanmoins en présence de parties communes au sein de l’immeuble925. L’exégèse de ces arrêts conduit à admettre la scission juridique d’un bâtiment simple en deux volumes, dont l’un est uniquement constitué de la toiture et des panneaux photovoltaïques926. Il convient à ce titre de rédiger un état descriptif de division en volumes contenant les servitudes d’appui et de passage nécessaires. On peut toutefois redouter l’éventuel désintérêt de l’exploitant photovoltaïque, voire sa faillite au cas où son projet se révélerait non rentable. Pour éviter le risque de déshérence du volume contenant l’exploitation, il peut être opportun de régulariser un bail à long terme dont le bailleur serait le propriétaire du dessous, et dont le preneur serait l’exploitant de l’énergie renouvelable.

2597 – La copropriété des immeubles bâtis. – Le syndicat des copropriétaires peut céder la jouissance de la toiture, partie commune de l’immeuble, pour l’implantation de divers ouvrages exploités par des tiers927. La loi de 2015 relative à la transition énergétique a abaissé les règles de majorité pour l’installation d’énergies renouvelables sur les toitures des copropriétés928. De manière générale, les travaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont votés à la majorité de l’article 25, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires929. Lorsque le quorum n’est pas atteint mais que le projet a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée peut immédiatement procéder à un second vote à la majorité des voix exprimées930. Enfin, une nouvelle assemblée convoquée dans le délai maximal de trois mois peut statuer à la majorité des voix présentes ou représentées931. La jouissance d’une toiture s’envisage soit par l’intermédiaire d’un droit réel, en particulier d’une jouissance exclusive sur une partie commune, soit grâce à un droit personnel, et notamment à un bail de droit commun. En toute hypothèse, cette mise à disposition est autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires, le règlement de copropriété ne pouvant l’octroyer par avance932. Il convient d’éviter la pratique consistant à ériger le haut du bâtiment en lot privatif. Sa légalité est douteuse au regard de la législation sur la copropriété933. Et le copropriétaire exploitant supporte alors seul la charge de l’entretien du toit et de son étanchéité.

2598 – L’usufruit temporaire. – La constitution d’un usufruit temporaire est un autre moyen de conférer un droit réel à l’exploitant934. En général, la cession d’un usufruit temporaire a lieu moyennant un prix versé en une seule fois, à l’inverse d’un bail impliquant le versement d’un loyer périodique. L’usufruit temporaire concerne tout type d’immeuble : terrain non bâti comme ouvrage bâti. La loi précise seulement que l’usufruitier a un droit de jouissance (C. civ., art. 578). La jurisprudence reconnaît un droit de construire au profit de l’usufruitier, sans que le nu-propriétaire ne soit tenu de l’indemniser935, et sans que l’opération ne soit ipso facto qualifiée de donation indirecte au profit du nu-propriétaire936. Les constructions nouvelles sont la propriété de l’usufruitier, le nu-propriétaire bénéficiant de l’accession à l’extinction de l’usufruit937. Il ne faut toutefois pas que la construction porte atteinte à la substance de la chose dont la propriété est démembrée938. L’usufruit temporaire peut donc aisément servir à l’exploitation d’une énergie renouvelable. Cela a toutefois deux limites. D’une part, l’usufruit temporaire au profit d’une personne morale ne peut dépasser trente ans (C. civ., art. 619). D’autre part, sur le plan fiscal, la première cession à titre onéreux d’un usufruit immobilier temporaire ne relève plus de l’impôt sur les plus-values939. L’opération est désormais taxable à l’impôt sur le revenu940au titre des revenus fonciers (CGI, art. 13, 5).

2599 – Le droit réel de jouissance spéciale. – Il est également possible d’avoir recours au droit réel de jouissance spéciale d’origine prétorienne941. Son principal atout par rapport à l’usufruit temporaire est de pouvoir être constitué au profit d’une personne morale pour une durée supérieure à trente ans, sans toutefois pouvoir être perpétuel942. Selon la jurisprudence, le droit n’est pas perpétuel lorsqu’il est constitué pour la durée de vie de la personne morale bénéficiaire. De manière générale, ce droit n’étant pas régi par les règles en matière d’usufruit, offre une très grande liberté contractuelle943. Il ne doit cependant pas permettre d’éviter les règles d’ordre public du droit des biens : par exemple, il ne peut priver le droit de propriété de toute utilité944. Il est néanmoins tout à fait possible d’utiliser cette nouvelle institution pour opérer un démembrement économique de l’immeuble, c’est-à-dire une répartition durable des utilités d’une chose entre deux personnes945. Les techniques précédemment énoncées reposent sur une division de la propriété dans l’espace : à l’un la propriété de la construction, à l’autre la propriété de l’immeuble la supportant. Le droit de jouissance spéciale permet d’imaginer une situation où une partie serait propriétaire de l’outil de production et l’autre bénéficiaire d’un droit réel sur l’énergie produite pendant un temps déterminé. Cependant, l’institution n’étant fondée que sur quelques solutions prétoriennes récentes, beaucoup de questions pratiques restent encore dans l’ombre. Par exemple, quelle sûreté est-il possible de constituer sur le droit de jouissance spéciale appliqué à l’énergie produite par une éolienne ? Faut-il considérer, par analogie avec l’usufruit, qu’il s’agit d’un droit réel immobilier susceptible d’hypothèque ?

Section II – L’outil de production de l’énergie renouvelable

2600 – Ouvrage privé ou public. – La loi offre la possibilité aux collectivités locales d’exploiter elles-mêmes des ouvrages hydroélectriques, des unités de méthanisation ou autres énergies renouvelables (CGCT, art. L. 2224-32). Ainsi, les exploitations d’énergie renouvelable sont susceptibles de constituer des équipements publics. Néanmoins, avec la libéralisation du marché de l’énergie et la transformation d’EDF en société anonyme, l’essentiel du service public de l’électricité est désormais assuré par des personnes de droit privé. Par conséquent, il convient de déterminer si les équipements utilisés par des personnes privées ne sont pas des ouvrages publics en raison de leur affectation à un but d’intérêt général946. Un avis important du Conseil d’État éclaire cette question947 : les immeubles aménagés et directement affectés à un service public sont des ouvrages publics, y compris lorsqu’ils appartiennent à une personne privée chargée de l’exécution de ce service public. Le Conseil d’État précise néanmoins que le principal objet du service public de l’électricité n’est pas la production d’électricité en tant que telle, mais la sécurité de l’approvisionnement sur l’ensemble du territoire national. Cette sécurité d’approvisionnement exige, en raison de la difficulté à stocker l’énergie électrique, que soit assuré à tout moment l’équilibre entre la production et la consommation.

Le Conseil d’État distingue ainsi deux situations :

dans les zones non interconnectées, la production locale doit couvrir l’intégralité des besoins de la consommation. Il s’agit essentiellement de régions insulaires (en dehors de la Corse bénéficiant d’une interconnexion partielle avec l’Italie), où toute l’électricité consommée doit être produite localement : Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, etc. Dans ces zones, les ouvrages dont la production est entièrement destinée de façon permanente aux réseaux de transport ou de distribution doivent être regardés comme affectés au service public de la sécurité de l’approvisionnement et ont, par suite, le caractère d’ouvrage public ;

à l’inverse, dans les zones interconnectées, tous les sites de production ne présentent pas la même importance. Seuls les ouvrages déterminants pour l’équilibre du système d’approvisionnement en électricité sont considérés comme directement affectés au service public. L’avis du Conseil d’État retient un seuil de puissance supérieur à quarante mégawatts pour la qualification d’ouvrage public.

Un certain nombre d’ouvrages d’énergies renouvelables exploités par des entreprises privées sont ainsi des ouvrages publics. Par exemple, un parc d’une vingtaine de grandes éoliennes dépasse le seuil fixé par le Conseil d’État.

Conséquence de la nature d’ouvrage public

La juridiction administrative est compétente pour trancher les litiges liés à un ouvrage public de production d’électricité948. Le Tribunal des conflits l’a confirmé dans une espèce où des époux se plaignaient d’ennuis de santé attribués selon eux aux ondes électromagnétiques émises par le poste de transformation électrique voisin. Ils avaient saisi le tribunal de grande instance pour obtenir le déplacement du poste de transformation ou, subsidiairement, l’exécution de travaux de protection, ainsi que le paiement de dommages et intérêts. S’agissant d’un dommage aux tiers rattaché au fonctionnement d’un ouvrage public, le Tribunal des conflits a renvoyé l’affaire devant la juridiction administrative.

2601 – Meuble ou immeuble. – Les exploitations les plus imposantes, barrages hydroélectriques ou unités de méthanisation, sont incontestablement des immeubles. Le doute est en revanche permis pour les installations plus légères telles que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques. L’enjeu est lié à la garantie attachée au financement de l’ouvrage, mobilière ou immobilière, gage ou hypothèque notamment. La conséquence est également fiscale, les droits de mutation différant selon la nature mobilière ou immobilière du bien. En doctrine, le débat concerne surtout les éoliennes949. Certains auteurs estiment que toute la partie mobile de l’éolienne est un meuble, avec les conséquences juridiques associées950. Une décision des juges du fond est d’ailleurs fondée sur cette idée, considérant que la vente d’une parcelle agricole ne comprend pas de plein droit la petite éolienne installée dessus951. Les juges ont en effet estimé que l’éolienne n’étant pas destinée à l’usage perpétuel du bien vendu, n’est pas un immeuble par destination, ni un meuble attaché au fonds à perpétuelle demeure par le propriétaire. En dehors de cette décision peu significative, l’éolienne étant en l’espèce la propriété du preneur rural et non du bailleur, il ne semble toutefois pas exister de jurisprudence sur la question. La loi considère comme meubles les biens pouvant se transporter d’un lieu à un autre (C. civ., art. 528). Mais le caractère démontable d’une installation ne suffit pas à lui conférer une nature mobilière. Ainsi, une serre démontable, fixée au sol par des dés en béton, a été considérée comme un immeuble par nature952. La même solution s’applique à des baraquements temporaires de chantier, dès lors qu’il existe un dispositif d’ancrage et qu’ils ne sont pas maintenus au sol par leur seul poids953. Or, les éoliennes possèdent bien de solides fondations au sol. Il convient par ailleurs de considérer que l’élément mobile de l’éolienne est indissociable du mât fixe, l’un n’ayant pas d’utilité sans l’autre954. D’ailleurs, la loi considère les moulins à vent, fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment, comme des immeubles par nature (C. civ., art. 519). La jurisprudence précise au surplus que les ailes du moulin sont également de nature immobilière955. Un raisonnement par analogie permet d’appliquer la même analyse aux éoliennes, et, par extension, aux panneaux photovoltaïques ancrés au sol ou sur le toit d’un édifice. De manière générale, il faut donc conclure sur la nature immobilière, par principe, des installations exploitant une énergie renouvelable.

2602 – La garantie de l’ouvrage. – La loi prévoit une responsabilité décennale spécifique pour les ouvrages de construction (C. civ., art. 1792). Les ouvrages d’importance tels que les unités de méthanisation entrent sans discussion dans son champ d’application. La question est plus délicate pour des réalisations plus légères, particulièrement pour la pose de panneaux photovoltaïques. Pour la jurisprudence, l’ouvrage n’est pas nécessairement un bâtiment. L’entreprise réalise néanmoins des travaux de bâtiment ou de génie civil. Les travaux à finalité industrielle ne relèvent pas de la garantie décennale. Cette solution s’applique par exemple à la machinerie automatisée d’une porcherie, même si son défaut rend le bâtiment impropre à sa destination956. Ainsi, la garantie des constructeurs ne s’applique pas aux panneaux d’une ferme photovoltaïque, assimilables à des unités de production au sein d’une industrie produisant de l’électricité957. En revanche, la garantie est évidemment applicable lorsque les ouvrages constituent de véritables travaux immobiliers. Il s’agit par exemple des travaux touchant à l’étanchéité du bâtiment958. En conséquence, les panneaux photovoltaïques intégrés dans la toiture relèvent logiquement de la garantie décennale959. Le contentieux se place surtout sur le terrain de l’atteinte à la destination de l’immeuble. En effet, selon l’article 1792 du Code civil, la responsabilité est due lorsque l’ouvrage est impropre à sa destination, que le désordre ait son siège dans un « élément constitutif » ou dans un « élément d’équipement ». Sur ce fondement, la géothermie est garantie par la responsabilité décennale, qu’il s’agisse de petite géothermie telle qu’une pompe à chaleur défectueuse dans un bâtiment960, ou d’une installation desservant plusieurs milliers de logements961. En raisonnant sur l’atteinte à la destination, la jurisprudence tend à glisser du vice de construction à l’insuffisante performance énergétique962. Ainsi, la garantie décennale a été retenue dans une espèce où l’eau chaude était produite principalement par l’installation de gaz et non par le mix solaire promis par le promoteur, en raison du défaut des panneaux photovoltaïques963. Cette tendance n’est toutefois pas encore assurée. Ainsi, l’article 1792 du Code civil a été jugé inapplicable à une installation géothermique fonctionnelle mais dont la production était moindre que celle attendue964. Néanmoins, il est probable qu’elle se renforce à l’avenir, la loi prévoyant désormais que l’insuffisance de performance énergétique est une impropriété de destination lorsqu’elle implique un coût exorbitant (CCH, art. L. 111-13-1).

Assurances de l’ouvrage

La question des garanties n’a rien de théorique. Par exemple, en 2010, le Consuel observait que 51 % des installations photovoltaïques contrôlées et appartenant à des particuliers étaient non conformes965. Parmi les installations non conformes, 72 % présentaient un risque d’électrocution et 28 % présentaient un risque d’incendie. Ainsi, face à la défaillance du professionnel ayant réalisé l’installation, la question de l’assurance est primordiale. Le champ d’application de la garantie décennale étant incertain en matière d’énergie renouvelable, le domaine de l’assurance de l’entrepreneur et celui de la dommages-ouvrage sont également flous par contrecoup966. Il convient également de tenir compte du fait que les assurances du secteur ne concernent souvent que les techniques courantes, un certain nombre de réalisations n’étant pas couvertes par les assurances967. Enfin, en phase d’exploitation, il est judicieux de souscrire une assurance relative à la responsabilité de l’exploitant, aux dommages subis par l’installation, et éventuellement, à la perte d’exploitation968.

Section III – Le contrôle de la source d’énergie

2603 Il n’est pas nécessaire d’être propriétaire de la ressource renouvelable exploitée. Cela constitue davantage l’exception que la règle. Ainsi, l’exploitation de la biomasse du bois suppose d’en être propriétaire. Sur le plan juridique, les énergies renouvelables sont essentiellement de deux sortes. Certaines relèvent du droit commun des biens (§ I). Au contraire, d’autres sont en accès réservé et ne sont pas librement utilisables (§ II).

§ I – Les ressources relevant du droit commun des biens

2604 – Les choses communes. – Certaines énergies renouvelables relèvent de la catégorie des choses communes. Il en est ainsi de la force du vent ou de l’énergie solaire969. La loi les définit comme des choses n’appartenant à personne et dont l’usage est commun à tous (C. civ., art. 714). Elles se distinguent du domaine public en ce qu’elles ne forment pas des biens970. Pour une part de la doctrine, ce statut s’explique par l’impossibilité d’en devenir propriétaire971. Pour d’autres auteurs au contraire, il s’agit uniquement d’un fait : la possibilité d’en user naturellement et l’abondance de la ressource ne créent pas la nécessité d’une jouissance exclusive. Mais, en droit, rien n’interdirait de se rendre propriétaire de choses communes972. Pour cette raison, le droit évolue à l’aune des contraintes environnementales afin de préserver le bénéfice commun de ces ressources, et d’éviter une appropriation par une personne au détriment des autres973. Sur le modèle des œuvres de l’esprit tombant dans le domaine public passé un certain temps, le droit cherche à s’assurer que certaines ressources naturelles sont le patrimoine commun de tous974. Cela concerne particulièrement l’eau et l’énergie hydraulique dont l’usage n’est pas libre et relève d’autorisations diverses975. En revanche, le statut de chose commune ne garantit pas un accès égal à tous. Ainsi, personne ne bénéficie d’un droit acquis à l’ensoleillement de son bien976.

2605 – Les choses abandonnées. – Un propriétaire est libre d’abandonner son droit de propriété sur une chose, ouvrant ainsi la possibilité à n’importe qui d’en devenir propriétaire à son tour par occupation. La solution, non écrite, est acquise depuis le droit romain. Ces biens sont désignés sous la locution latine res derelictae977. Une partie des éléments servant à la méthanisation relève de cette catégorie978. À l’ère industrielle, les choses abandonnées étant une source de pollution de grande ampleur, la catégorie est désormais en lien avec la législation récente sur les déchets. Constitue en effet un déchet « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon » (C. env., art. L. 541-1). La res derelictae suppose un abandon juridique par le propriétaire. Par volonté d’efficacité, la notion de déchet se caractérise seulement par un dessaisissement volontaire du détenteur979. Par ailleurs, la législation en matière de déchet s’applique même dans l’hypothèse où la substance est réutilisée de manière écologique pour produire de l’énergie980. Encore faut-il qu’il y ait un véritable abandon. À ce titre, une substance soumise à une opération de valorisation n’est pas un déchet si l’intention de s’en défaire n’est pas caractérisée, et s’il y a continuité dans le processus de production981.

2606 – Les choses sans maître. – Certaines choses n’ont aucun propriétaire. Elles sont acquises au premier occupant. La tradition juridique les nomme res nullius. Leur champ d’application est étroit. Elles concernent en effet essentiellement le gibier et les poissons982. Les micro-algues permettant la production de biogaz ou exploitables en biomasse relèvent de cette catégorie. Leur développement passe néanmoins par une exploitation industrielle, ne résultant pas de leur seule pêche. Il ne s’agit plus alors de choses sans maître. La catégorie ne cesse ainsi de se réduire. D’ailleurs, la ressource géothermique était jadis considérée comme une res nullius, avant de relever d’une législation spécifique983.

§ II – Les ressources d’accès réservé

2607 Deux énergies sont sous le contrôle de l’État984. Elles ne sont pas libres d’accès comme le sont les choses communes, les choses abandonnées ou les choses sans maître. Même le propriétaire du lieu n’a pas la faculté de les exploiter librement. Il s’agit de l’énergie de l’eau, d’une part (A), et de l’énergie géothermique, d’autre part (B).

A/ L’énergie de l’eau

2608 – La nécessité d’une autorisation. – Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État (C. énergie, art. L. 511-1). Ce texte est général. Il s’applique quelle que soit la nature de l’eau, domaine public ou non985. Il s’applique également à toutes les techniques d’exploitation de l’énergie de l’eau : barrage, centrale marémotrice, hydrolienne, etc. Il concerne enfin toutes les formes d’énergie de l’eau : pas seulement l’énergie hydraulique, mais également l’énergie thermique ou l’énergie osmotique986. L’autorisation est obtenue selon les modalités mentionnées au titre du droit de l’énergie987. La loi prévoit pourtant que celui dont la propriété borde une eau courante, hors cours d’eau domaniaux, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses propriétés (C. civ., art. 644, al. 1). Celui dont l’eau traverse l’héritage peut également en user dans l’intervalle, à charge de la rendre à la sortie de ses fonds à son cours ordinaire (C. civ., art. 644, al. 2). Néanmoins, le droit de l’utilisation de l’énergie de l’eau n’appartient pas aux riverains988. Cette éviction peut toutefois donner lieu à indemnisation (C. énergie, art. L. 521-4).

2609 – L’exception des « droits fondés en titre ». – La législation maintient les droits d’eau ayant été conférés sous l’Ancien Régime. Ils sont dénommés « droits fondés en titre »989. Le titre ancien octroie une autorisation perpétuelle, susceptible néanmoins de se perdre par le non-usage, notamment en cas de ruine de l’ouvrage990. Ainsi, la remise en service d’un moulin inexploité suppose de saisir au préalable le préfet pour appréciation du « droit fondé en titre » (C. env., art. R. 214-18-1). Le moulin ainsi autorisé n’échappe toutefois ni à la police de l’eau ni au régime IOTA991. Le « droit fondé en titre » peut être abrogé sans indemnité dans trois hypothèses :

pour les besoins de l’alimentation en eau potable ;

en cas de menace majeure pour le milieu aquatique ;

ou en cas de défaut d’entretien régulier (C. env., art. L. 214-4 et L. 214-6, VI).

En effet, il a été jugé que le « droit fondé en titre » n’est pas un droit de propriété opposable à l’administration992, mais un simple droit d’usage d’origine administrative993.

Preuve des « droits fondés en titre »

Afin de bénéficier de l’énergie de l’eau, l’autorisation de remise en service de vieux moulins inexploités est une demande croissante chez les propriétaires. Lorsque le moulin concerne des eaux domaniales, il convient d’apporter la preuve d’un titre antérieur à l’édit de Moulins de 1566 (CGPPP, art. L. 3111-2). Ce principe reçoit toutefois exception pour les territoires n’étant pas français à la date de l’édit. Dans ce cas, la date à retenir est alors soit la date de rattachement à la France, soit la date antérieure à laquelle l’inaliénabilité du domaine public fluvial a été retenue : 1601 (Bresse, Bugey, Pays de Gex), 1620 (Basse-Navarre, Béarn, Albret), 1659 (Artois), 1678 (Franche-Comté, Savoie), 1729 (Comté de Nice), 1766 (Lorraine), 1791 (Avignon, Comtat de Venaissin). Pour les cours d’eau non domaniaux, le titre doit être antérieur à 1789, et à l’abolition des droits féodaux994. Il n’est pas nécessaire de fournir le contrat original d’albergement des eaux. La preuve résulte également d’un acte de vente ou d’un texte officiel faisant référence au droit considéré. En pratique, la preuve de l’existence ancienne de l’ouvrage se fait souvent par référence aux cartes de l’époque. La principale source est la carte de Cassini, première carte topographique et géographique du royaume de France réalisée au 18e siècle. Elle a été effectuée à l’échelle « d’une ligne pour cent toises », soit 1/86 400e. Cette carte est accessible sur le site Géoportail. Les moulins y sont légendés par un petit sigle en forme de soleil apposé directement sur le cours d’eau. D’autres cartes plus précises existent à la même époque, mais elles ne couvrent en général qu’une portion de territoire : carte de Belleyme pour la Guyenne (Dordogne, Gironde, Landes et Lot-et-Garonne), carte de Masse (côte du Médoc), etc.

B/ La ressource géothermique

2610 – Application du droit minier. – En principe, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous (C. civ., art. 552, al. 1). Le propriétaire peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il souhaite, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir sauf exceptions (C. civ., art. 552, al. 3). En matière géothermique, ce principe ne s’applique toutefois qu’aux puits canadiens et aux échangeurs géothermiques d’une profondeur inférieure à dix mètres (C. minier, art. L. 112-1)995. Cette petite géothermie relève du droit commun de la propriété996. Les autres situations relèvent de la mise en œuvre du droit minier et des autorisations mentionnées au titre du droit de l’énergie997.


896) P. Terneyre, Domaines publics et énergies renouvelables : Environnement et dév. durable févr. 2011, étude 3, p. 15. – B. Le Baut-Ferrarèse, Quels montages juridiques pour l’utilisation du domaine public à des fins de production d’électricité photovoltaïque ? : Gaz. cnes 6 avr. 2009, p. 50.
897) B. de Gérando, Le renouvellement des contrats d’implantation d’éoliennes terrestres : BDEI juin 2013.
898) CE, 6 nov. 2006, n° 281072, Assoc. pour la préservation des paysages du Mézenc.
899) Convention des Nations unies sur le droit de la mer, 10 déc. 1982, art. 3. La distance de douze milles marins correspond à une distance de 22,22 kilomètres.
900) Conv. 10 déc. 1982, art. 56.
901) Soit à peu près 370 kilomètres.
902) D. n° 2013-611, 10 juill. 2013, mod. par D. n° 2017-781, 5 mai 2017.
903) B. Le Baut-Ferrarèse et I. Michallet, Traité de droit des énergies renouvelables, Le Moniteur, 2e éd. 2012, p. 165.
904) J. Poiret, Droit de l’hydroélectricité, Economica, 2004, p. 1132.
905) Cass. 1re civ., 25 nov. 2016, n° 15-10.735.
906) Cridon Lyon, Photovoltaïque et pratique notariale, 2010, p. 54.
907) J. Lafond, Location de terrain : JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 150.
908) Cass. 3e civ., 19 mars 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 57.
909) CA Paris, 10 déc. 2008 : AJDI 2009, p. 453. – CA Rennes, 15 juin 1999 : Loyers et copr. 2000, comm. 115, obs. Ph.-H. Brault.
910) H. Périnet-Marquet, Les techniques de montage juridique d’un projet photovoltaïque : RD imm. 2010, n° 7-8, p. 357.
911) D. Deharbe et S. Gandet, Montage et exploitation d’un projet éolien, Le Moniteur, 2016, p. 85.
912) Cridon Lyon, Photovoltaïque et pratique notariale, op. préc., p. 60.
913) J.-M. Le Masson, Redécouvrir le bail emphytéotique : LPA 26 août 1992, p. 7.
914) Cass. 3e civ., 11 juin 1986 : Bull. civ. 1986, III, n° 93.
915) Cridon Lyon, Photovoltaïque et pratique notariale, op. cit., p. 65.
916) C. Thibault, Aspects notariaux du photovoltaïque : JCP N 2015, n° 29, 1132.
916) E. Ravanas, Quelques réflexions autour de problématiques immobilières rencontrées dans les projets éoliens et photovoltaïques : JCP N 2009, n° 40, 1275.
917) J. Duval, Énergie photovoltaïque : un cadre juridique à parfaire : Dr. adm. 2008, prat. II. – H. Périnet-Marquet, Les techniques de montage juridique d’un projet photovoltaïque : RD imm. 2010, p. 352. – C. Saint-Didier, Copropriété et panneaux photovoltaïques : Environnement et dév. durable 2011, dossier 2.
918) A. Fournier et A. Fournier-Renault, Installations photovoltaïques. Quelques règles essentielles applicables selon le cadre juridique et technique adopté : JCP N 2010, 1191.
919) E. Terneyre, Domaines publics et énergies renouvelables : Environnement et dév. durable 2011, dossier 2.
920) J. Lafond, Volumes et copropriété : JCP N 2007, 1246.
921) Ch. Bosgiraud, Volumes et copropriété. Le choix n’est pas toujours permis : Bull. Cridon Paris mai 1988, p. 72. – P. Capoulade et C. Giverdon, Propos sur les ensembles immobiliers : RD imm. 1997, p. 161.
922) Ph. Simler, Copropriété et propriété en volumes. Antinomie ou symbiose ?, in Le droit privé à la fin du XXe siècle : Mél. P. Catala, LexisNexis-Litec, 2001, p. 689. – N. Le Rudulier, La division en volumes, thèse Nantes, 2010, p. 200 et s.
923) Cass. 3e civ., 18 janv. 2012, n° 10-27.396 : JurisData n° 2012-000354 ; JCP G 2012, doctr. 465, obs. H. Périnet-Marquet ; AJDI 2012, p. 237, obs. N. Le Rudulier ; AJDI 2012, p. 276, obs. Ch. Atias.
924) Cass. 1re civ., 2 avr. 1962 : Bull. civ. 1962, II, n° 189. – CA Rennes, 22 juin 2004, n° 02/07534 : JurisData n° 2004-250385 ; Constr.-Urb. 2004, comm. 210, obs. D. Sizaire.
925) Cass. 3e civ., 26 juin 1979, n° 77-15.375. – Cass. 3e civ., 8 sept. 2010, n° 09-15.554, n° 976 : JurisData n° 2010-016052 ; Loyers et copr. 2011, comm. 22 ; RD imm. 2010, p. 606, obs. J.-Ch. Chaput ; AJDI 2011, p. 217, obs. D. Tomasin. – CA Aix-en-Provence, 13 mai 2011, n° 10.05950.
926) H. Périnet-Marquet, obs. ss. Cass. 3e civ., 8 sept. 2010 : JCP G 2010, 1162.
927) J.-R. Bouyeure, La location de terrasses communes pour l’installation de relais pour téléphone portable : Administrer juin 1998, p. 15.
928) L. n° 2015-992, 17 août 2015, art. 114.
929) L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25.
930) L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25-1, al. 1.
931) L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25-1, al. 2.
932) Cass. 3e civ., 11 févr. 2009, n° 07-21.318 : JCP N 2009, n° 10, act. 229.
933) Cridon Lyon, Photovoltaïque et pratique notariale, 2010, p. 96.
934) P. Noisette, Rapprocher l’industrie immobilière de l’économie de l’usage : Opérations immobilières juill. 2016, n° 86.
935) Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-11.424 : Bull. civ. 2012, IV, n° 123 ; JCP G 2012, doctr. 1186, n° 5, note H. Périnet-Marquet ; D. 2012, p. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RD imm. 2012, p. 499, obs. J.-L. Bergel ; Dr. et patrimoine oct. 2012, p. 32, note F. Julienne.
936) Cass. 1re civ., 18 janv. 2012, n° 11-12.863 : Bull. civ. 2012, I, n° 8.
937) Cass. 3e civ., 19 sept. 2012, n° 11-15.460 : Bull. civ. 2012, III, n° 128 ; JCP N 2012, n° 51-52, 1413, note J.-P. Garçon ; JCP G 2012, 1267, B. Travely et F. Collard.
938) N. Petroni-Maudière, Construction et démembrement de propriété : JCP N 2016, 1182. – Ph. Van Steenlandt, Construction par l’usufruitier sur le terrain démembré : une efficacité confirmée : JCP N 2013, 1011.
939) J.-F. Desbuquois et R. Gentilhomme, Cession d’usufruit temporaire : l’Administration lève le voile ! : JCP N 2015, 1188.
940) Et aux prélèvements sociaux.
941) Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16.304 : Bull. civ. 2012, III, n° 159 ; JCP N 2013, n° 12, 1262, note F.-X. Testu.
942) Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 14-10.013 : JCP N 2015, n° 8-9, 1083, note M. Julienne et J. Dubarry.
943) R. Mortier, Quelles nouvelles libertés suite à la consécration jurisprudentielle des droits réels conventionnels de jouissance ? : JCP N 2014, 1284.
944) W. Dross, Liberté contractuelle et qualification en droit des biens, in L. Andreu (ss dir.), Liberté contractuelle et droits réels,Fondation Varenne, 2015, p. 249.
945) V. Streiff et C. Pommier, Les nouveaux droits réels, évolution ou révolution : Dr. et patrimoine mai 2016, p. 42. – J. Dubarry et V. Streiff, Vade-mecum du droit réel de jouissance spéciale : JCP N 2016, 1294.
946) B. Le Baut-Ferrarèse, La nature juridique des éoliennes à la lumière de la loi Montagne : JCP A 2011, 2121.
947) CE, 29 avr. 2010, n° 323179, M. et Mme Béligaud : JurisData n° 2010-005467 ; JCP A 2010, act. 368 ; RFDA 2010, p. 570, concl. M. Guyomar, p. 557, note F. Melleray, p. 572.
948) T. confl., 12 avr. 2010, n° 3718 : AJDA 2010, p. 815.
949) CMS Bureau Francis Lefebvre, A. Reygrobellet, C. Barthélemy, J.-E. Cros et J.-L. Tixier, De la nature juridique des éoliennes au regard de la distinction meuble/immeuble : RD imm. 2015, p. 567.
950) E. Ravanas, Quelques réflexions autour de problématiques immobilières rencontrées dans les projets éoliens et photovoltaïques : JCP N 2009, 1275. – B. de Gérando, Le renouvellement des contrats d’implantation d’éoliennes terrestres : BDEI juin 2013.
951) CA Nancy, 30 mars 2000, n° 97/00420, Chaudron c/ Pelletier.
952) Cass. com., 9 juin 2004, n° 01-13.349 : D. 2004, 2405, obs. N. Reboul-Maupin ; Rev. sociétés 2004, 870, note L. Godon.
953) Cass. com., 10 juin 1974, n° 73-10.696 : Bull. civ. 1974, IV, n° 183.
954) V., a contrario, pour des convecteurs électriques, jugés dissociables de l’habitation : Cass. 3e civ., 23 janv. 2002, n° 99-18.102 : D. 2002, 2365, note V. Depadt-Sebag ; D. 2504, obs. N. Reboul-Maupin.
955) Cass. civ., 19 juill. 1893 : DP 1893, 1, 603.
956) Cass. 3e civ., 22 juill. 1998, n° 95-18.415 : Bull. civ. 1998, III, n° 170.
957) Ph. Malinvaud, Photovoltaïque et responsabilité : RD imm. 2010, p. 360.
958) Cass. 3e civ., 3 mai 1990, n° 88-19.642 : Bull. civ. 1990, III, n° 105.
959) CA Dijon, 14 janv. 2014, n° 1201765 : vices de construction révélés après un orage, pour des panneaux installés sur le toit d’un bâtiment agricole.
960) Cass. 3e civ., 24 sept. 2014, n° 13-19.615.
961) CA Paris, 12 sept. 2002, n° 2001/05479 : RD imm. 2002, p. 543, obs. Ph. Malinvaud.
962) G. Durand-Pasquier, Des conditions restrictives de la garantie décennale en cas de défaut de performance énergétique : RD imm. 2016, p. 120.
963) Cass. 3e civ., 27 sept. 2000, n° 98-11.986.
964) Cass. 3e civ., 12 mai 2004 : RD imm. 2004, p. 380, note Ph. Malinvaud.
965) J.-Ph. Defawe, En France métropolitaine, plus d’une installation photovoltaïque sur deux est jugée non conforme : LeMoniteur.fr., 16 mars 2010.
966) P. Dessuet, Bâtir un plan d’assurance pour couvrir les risques en matière de photovoltaïque : RD imm. 2010, p. 472.
967) P. Dessuet, L’influence de la crise sur l’assurance-construction : crises économique et environnementale : RD imm. 2010, p. 48.
968) D. Deharbe et S. Gandet, Montage et exploitation d’un projet éolien, Le Moniteur, 2016, p. 395.
969) M.-A. Chardeaux, Les choses communes, LGDJ, 2006.
970) W.-G. Vegting, Domaine public et res extra commercium, Sirey, 1950.
971) A. Sériaux, La notion de choses communes, in Droit et environnement, PUAM, 1995, p. 28.
972) F. Zenati et Th. Revet, Les biens, PUF, 2e éd. 1997, n° 19.
973) M. Rèmond-Gouilloud, Du droit de détruire, essai sur le droit de l’environnement, PUF, 1989, p. 149.
974) M. Flory, Le patrimoine commun de l’humanité dans le droit de l’environnement, in Droit et environnement, PUAM, 1995, p. 39.
975) V. n° a2608.
976) G. Martin, Le droit au soleil et les troubles de voisinage : Rev. jur. env. avr. 1979, p. 292.
977) F. Zenati et Th. Revet, préc., n° 25.
978) B. Le Baut-Ferrarèse et I. Michallet, préc., p. 91.
979) P. Billet, Le déchet face au déclin de l’abandon : Dr. env. 2003, chron. p. 7.
980) CJCE, 28 mars 1990, aff. C-359/88, Vessoso et Zanetti : Rec. CJCE 1990, I, p. 1509.
981) CJCE, 15 juin 2000, aff. C-418/97, Arco Chemie Nederland Ltd : Rec. CJCE 2000, I, p. 4475.
982) M. Rèmond-Gouilloud, Ressources naturelles et choses sans maître : D. 1985, chron. 27.
983) B. Le Baut-Ferrarèse et I. Michallet, préc., p. 91.
984) J.-L. Gazzaniga, J.-P. Ourliac et X. Larrouy-Castera, L’eau : usage et gestion, Litec, 1998, p. 202. – J. Personnaz, Modifications récentes de la législation minière : D. 1978, chron. 2, 896.
985) J. Poiret, Droit de l’hydroélectricité, Economica, 2004, p. 124.
986) B. Le Baut-Ferrarèse et I. Michallet, préc., p. 100.
987) V. n° a2508.
988) J. L’Huilier, Les développements récents de la jurisprudence en matière d’éviction des droits à l’usage de l’eau : D. 1956, chron. 41.
989) A. Mestre, Le régime juridique des usines fondées en titre : D. 1930, chron. 57. – P. Sablière, Prises d’eau fondées en titre ou ayant une existence légale : AJDA 2004, p. 2219. – A. Gaonac’h, Nature et régime juridiques des droits fondés en titre sur les cours d’eau non domaniaux : Environnement et dév. durable 2010, 1.
990) CE, 5 juill. 2004, n° 246929, SA Laprade énergie.
991) CE, 2 déc. 2015, n° 384204, Féd. des moulins de France.
992) P. Magnier, Le droit des titulaires d’usines hydrauliques fondées en titre, thèse, Sirey, 1937.
993) CE, 7 févr. 2007, n° 270373 : Dr. adm. 2007, comm. 56, note J.-M. Février.
994) L. 16 oct. 1919, art. 29. Pour une application : CE, 5 juill. 2004, n° 246929, Sté L. Énergie.
995) D. n° 78-498, 28 mars 1978, art. 2.
996) B. Le Baut-Ferrarèse et I. Michallet, préc., p. 104.
997) V. n° a2505.

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