CGV – CGU

Chapitre II – L’exploitation groupée de la forêt

Partie I – De la protection à l’exploitation de la forêt
Titre 2 – L’optimisation de la gestion forestière
Sous-titre 2 – La gestion durable et efficiente de la forêt
Chapitre II – L’exploitation groupée de la forêt

2424 Les droits de priorité forestiers visent à faciliter le regroupement de la propriété des bois et forêts. Les politiques publiques relatives à l’aménagement foncier agricole et forestier et aux biens sans maître y contribuent également. Cependant, la tâche est vaste et les moyens sont insuffisants pour que les progrès soient rapidement significatifs. L’exploitation groupée de propriétés forestières appartenant à diverses personnes est un moyen d’accélérer la mobilisation du stock de bois sur pied, permettant de répondre en partie aux objectifs ambitieux des lois du Grenelle de l’environnement572et de la transition énergétique pour la croissance verte573. En effet, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale fixée par ces textes est de 23 % en 2020 et 32 % en 2030 (C. énergie, art. L. 100-4, 4°).

Le Centre national de la propriété forestière et ses délégations régionales ont, entre autres missions, celle de développer les différentes formes de regroupement techniques et économiques des propriétaires forestiers, notamment des organismes de gestion et d’exploitation en commun des forêts (C. for., art. L. 321-1).

Trois types d’actions sont promus. Les propriétaires forestiers sont d’abord invités à s’unir au sein de personnes morales chargées de la gestion de leurs territoires (Section I). Ensuite, il existe des labels permettant aux regroupements de propriétaires d’être reconnus et de bénéficier de statuts favorables (Section II). Enfin, les propriétaires ont la faculté de se faire assister par des professionnels indépendants ou par l’Office national des forêts (Section III).

Section I – Les personnes morales regroupant les propriétaires

2425 Les coopératives de propriétaires forestiers se sont développées pour répondre de manière large aux demandes d’aide à la gestion et la maîtrise d’œuvre (Sous-section I). S’appuyant sur le statut général des associations syndicales, les associations syndicales de gestion forestière favorisent le regroupement de la maîtrise d’ouvrage des forestiers (Sous-section II).

Sous-section I – Les coopératives forestières

2426 – Présentation des coopératives forestières. – Les propriétaires de bois et forêts ont développé des coopératives spécialisées dans l’exploitation forestière sur le modèle des coopératives agricoles. Elles agissent sur des territoires s’étendant d’un à une vingtaine de départements. Regroupant 120 000 sylviculteurs, les coopératives forestières gèrent deux millions d’hectares, dont la moitié fait l’objet d’un document de gestion durable. Elles commercialisent sept millions de mètres cubes de bois chaque année, représentant 30 % de la récolte de la forêt privée et 20 % de la récolte nationale. Cinq des sept millions de mètres cubes font l’objet de contrats pluriannuels. Ces coopératives emploient 1 000 salariés directs574, formant un acteur majeur de l’économie forestière.

2427 – Le statut agricole. – Les coopératives forestières n’ont pas de réglementation particulière. Elles sont régies par les mêmes dispositions que les coopératives agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 521-1 et s.). Toutefois, leurs statuts répondent obligatoirement à des prescriptions spécifiques lorsqu’elles entendent être reconnues comme organismes de gestion et d’exploitation forestière en commun (OGEC)575ou en tant qu’organisations de producteurs (OP)576.

2428 – Services des coopératives. – Les coopératives forestières développent trois types de services pour leurs membres :

1. les documents de gestion durable : les coopératives peuvent se charger de l’étude du site forestier et des peuplements existants, et proposer l’adoption d’un document de gestion durable, notamment par la préparation d’un plan simple de gestion et l’accomplissement des démarches administratives ;

2. la maîtrise d’œuvre des travaux forestiers : après expertise, les coopératives regroupent l’offre en bois grâce à leurs nombreux membres. Elles ont ainsi la possibilité de conclure des contrats d’approvisionnement pluriannuels avec les industriels. Elles réalisent tous les travaux forestiers, notamment l’abattage, le débardage et le transport des grumes, puis les travaux de reboisement et leur suivi ;

3. la vente aux membres des produits et équipements : les coopératives assurent l’approvisionnement de leurs membres en plants forestiers et en graines, ainsi que l’ensemble des équipements de la gestion forestière et de la protection des bois et forêts.

2429 – Droits et obligations du coopérateur. – L’adhésion à une coopérative oblige le propriétaire forestier à utiliser exclusivement les services de la coopérative. Toutefois, chaque coopérateur est libre de faire appel à la coopérative pour certains services et d’en réaliser d’autres par lui-même. Il est tenu de souscrire au capital de la coopérative à proportion des services utilisés.

2430 – Analyse. – La coopérative permet au propriétaire d’être assisté dans la gestion de sa forêt. Il reste néanmoins décisionnaire. Les coopératives assurent la mise en œuvre des moyens humains, techniques et financiers sur une zone relativement vaste. En revanche, elles n’ont pas vocation à assurer la maîtrise d’ouvrage de leurs adhérents. À ce titre, les associations syndicales de gestion forestière devraient connaître un développement significatif dans le cadre du label « Groupement d’intérêt économique forestier et environnemental » (GIEEF)577ayant pour objectif de favoriser les plans simples de gestion concertés578et la maîtrise d’ouvrage groupée.

Sous-section II – Les associations syndicales de gestion forestière

2431 – Présentation. – En général, les associations syndicales sont utilisées dans le secteur forestier pour la réalisation et l’entretien de routes et chemins d’exploitation, ainsi que pour la lutte contre l’incendie579. Elles peuvent également être constituées en vue de protéger les peuplements contre les dégâts provoqués par le gibier (C. for., art. L. 332-5). Par ailleurs, les propriétaires forestiers ont la possibilité de grouper l’exploitation et la gestion de leurs bois au sein d’associations syndicales de gestion forestière (ASGF) bénéficiant d’un régime particulier (C. for., art. L. 332-1 à L. 332-4)580.

2432 – Application du droit commun des associations syndicales. – Hormis les dispositions particulières résultant des quatre articles du Code forestier, les règles de constitution et de fonctionnement des ASGF sont identiques à celles prévues pour les associations syndicales de droit commun581.

On peut regretter que seules les associations syndicales de gestion forestière libres ou autorisées soient prévues par les textes, à l’exclusion de celles constituées d’office (C. for., art. L. 332-1).

2433 – Constitution. – L’association syndicale libre est une personne morale de droit privé. Elle se forme par le consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit.

L’association syndicale autorisée est un établissement public à caractère administratif. Elle est créée sur demande d’un ou plusieurs propriétaires intéressés, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales. Le préfet de département peut également prendre l’initiative de sa création. Après avoir reçu la demande et le projet de statuts, le préfet ouvre une enquête publique. Chaque propriétaire concerné en reçoit notification. La création de l’association syndicale est autorisée par le préfet lorsque la majorité des propriétaires représentant au moins les deux tiers de la superficie des propriétés, ou les deux tiers des propriétaires représentant plus de la moitié de la superficie des propriétés se prononcent favorablement. L’abstention d’un propriétaire vaut accord.

2434 – Membres. – Les ASGF regroupent exclusivement des personnes physiques et morales propriétaires de bois et forêts et de terrains à vocation pastorale inclus à titre accessoire dans leur périmètre (C. for., art. L. 332-1, al. 2). Les collectivités et personnes morales soumises de droit au régime forestier (C. for., art. L. 211-1) sont également susceptibles d’appartenir à une ASGF au titre de leurs bois et forêts ne relevant pas du régime forestier.

En cas de démembrement de propriété, seul le nu-propriétaire est membre de l’association. Il informe l’usufruitier de l’adhésion à l’association et des décisions prises. Par convention avec le nu-propriétaire, l’usufruitier peut prendre la qualité de membre. Dans ce cas, il informe le nu-propriétaire des décisions prises par l’association582.

2435

L’ASGF facilite la mise en place de PSG

Les plans simples de gestion (PSG) sont obligatoires lorsque la propriété a une superficie de plus de vingt-cinq hectares583. En présence d’une association syndicale de gestion forestière, le seuil de vingt-cinq hectares s’apprécie au regard de la surface globale des parcelles comprises dans le périmètre de l’association. Le PSG ne concerne alors plus une propriété, mais une unité de gestion. Le texte prévoit en outre que le PSG est élaboré par l’ASGF qui le présente au CRPF pour le compte des propriétaires (C. for., art. L. 332-2)584.

2436 – Différence d’objet entre association libre et autorisée. – L’objet principal des associations syndicales de gestion forestière est la constitution d’une unité de gestion forestière. Réunies sous un même chapeau, les associations syndicales libres et autorisées présentent néanmoins des différences.

2437 – L’objet étendu des associations libres (ASLGF ). – Les associations syndicales libres de gestion forestière (ASLGF) assurent tout ou partie de la gestion durable des bois et forêts, notamment par l’exploitation des peuplements (coupes et ventes), les reboisements, l’entretien et la réalisation d’équipements (C. for., art. L. 332-3, 1°). En outre, les ASLGF autorisent et réalisent des travaux d’équipement pastoral et donnent à bail des terrains pastoraux (C. for., art. L. 332-3, al. 1, 2° et 3°). Il s’agit d’une faculté offerte aux promoteurs de l’ASLGF, libres de réduire l’objet de l’association.

Si les statuts le prévoient, toute la gestion forestière peut être assurée par l’ASLGF : élaboration de la gestion et mise en œuvre (coupes, plantations, travaux forestiers). Ce point est essentiel. Un ensemble de propriétés forestières de petites et moyennes tailles réunies dans une ASLGF constitue une exploitation cohérente, adaptée aux contraintes de la sylviculture moderne.

2438 – L’objet plus limité des associations autorisées. – Les associations syndicales autorisées de gestion forestière (ASAGF) ont un objet aussi étendu que celui des associations libres (à l’exception des autorisations et réalisations de travaux d’équipement pastoral), à condition d’y avoir été mandatées par les propriétaires. Ce mandat peut également donner pouvoir à l’ASAGF de présenter un des documents de gestion durable à l’agrément du CRPF (C. for., art. L. 332-3, al. 2). Enfin, il est possible d’insérer un cahier des charges prévoyant des règles particulières pour assurer la multifonctionnalité de la forêt dans les statuts (C. for., art. L. 332-3, al. 3).

La limitation des pouvoirs des ASAGF est regrettable. En effet, l’autorité administrative intervient pour constituer une ASAGF afin de suppléer la carence ou l’opposition de certains propriétaires. Conditionner ensuite la gestion efficiente de l’association à un mandat de tous les propriétaires en réduit l’intérêt.

2439 – Un statut particulier pour les associations foncières forestières en montagne. – Sur le modèle des associations foncières pastorales (C. rur. pêche marit., art. L. 135-1 et s.), le préfet peut créer des associations foncières forestières en zone de montagne ayant pour objet l’exploitation et la gestion commune de petites parcelles forestières. Le régime permet d’intégrer d’office dans le périmètre de l’association syndicale les petits terrains dont les propriétaires n’ont pas pu être identifiés, en fixant le principe de déchéance de leur droit de propriété dix-huit mois après la décision préfectorale d’autorisation. Les dépenses d’exploitation et de gestion sont réparties entre les propriétaires membres de l’association au prorata de la superficie de leur propriété. Il est également prévu que les parcelles situées dans le périmètre d’une association foncière forestière ouvrent droit en priorité aux aides prévues pour l’entretien de l’espace585.

2440 – Absence de transfert du droit de propriété. – L’ASGF n’a pas vocation à devenir propriétaire des parcelles de bois et forêt. Elle peut toutefois acquérir des chemins d’exploitation forestière ou des aires de stockage du bois, utiles à la collectivité. Chaque membre conserve la propriété de ses parcelles forestières. Cette caractéristique est déterminante pour emporter l’adhésion des propriétaires, souvent très attachés à leurs bois. La qualité de membre de l’association est liée à la propriété des parcelles comprises dans son périmètre. La mutation de parcelles, à titre gratuit ou onéreux, ne les fait pas sortir de l’ASGF. Le nouveau propriétaire en devient membre de plein droit586.

L’ASGF facilite la maîtrise d’ouvrage forestière

Les ASGF libres ou autorisées ont la possibilité d’assurer la maîtrise d’ouvrage des bois de leurs adhérents. Agrégeant une surface forestière plus importante, les contrats d’exploitation et de travaux forestiers portent sur des volumes accrus. Les ASGF ont en outre la faculté d’adhérer à une coopérative forestière (C. for., art. L. 332-4). Si elles assurent la maîtrise d’ouvrage, les ASGF peuvent confier la maîtrise d’œuvre à la coopérative.

Section II – Les groupements labellisés

2441 Indépendamment des groupements spécifiques à la forêt, les pouvoirs publics incitent à la gestion durable et groupée par le biais de labels587, dans le cadre de la multifonctionnalité forestière. Leur attribution est liée au respect d’un certain nombre de conditions particulières. Le groupement d’intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) s’adresse avant tout aux propriétaires de petites et moyennes surfaces de bois et forêts, susceptibles de se grouper dans des associations syndicales et de mettre en place un plan simple de gestion concerté (§ I). Les coopératives et autres organismes regroupant bien souvent un nombre important de propriétaires peuvent demander leur reconnaissance en qualité d’organismes de gestion et d’exploitation forestière en commun (OGEC) (§ II) ou en organisations de producteurs (OP) (§ III). Ces agréments assurent une meilleure cohésion de la gestion et de la commercialisation des produits. Ils permettent également aux organismes concernés de bénéficier de subventions et d’avantages fiscaux.

§ I – Les GIEEF

2442 Le groupement d’intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) est un label accordé par l’État depuis 2014588à des propriétaires de bois et forêts se regroupant volontairement pour élaborer et mettre en œuvre un plan simple de gestion. L’objectif est de faciliter la gestion concertée et durable de la petite et moyenne propriété forestière privée et de massifier l’offre de bois589. Contrairement à ce que pourrait laisser penser sa dénomination, il ne s’agit nullement d’un organisme juridique particulier. Le mode d’organisation entre les propriétaires est libre.

2443 – Nécessité d’un territoire cohérent. – Pour obtenir la reconnaissance GIEEF, les surfaces forestières doivent être situées dans un territoire géographique cohérent d’un point de vue sylvicole, économique et écologique. Ces surfaces constituent un ensemble de gestion d’au moins 300 hectares ou, si le GIEEF rassemble au moins vingt propriétaires, d’au moins 100 hectares. En zone de montagne, le programme régional de la forêt et du bois peut fixer une surface minimale différente lorsque l’ensemble de gestion rassemble au moins vingt propriétaires (C. for., art. L. 332-7, 1°). Les limites géographiques du territoire forestier peuvent être plus vastes que les parcelles forestières engagées dans le GIEEF. Le territoire forestier peut être discontinu, notamment dans les régions les moins boisées, tant qu’il conserve une homogénéité et une cohérence sylvicole, économique et écologique. Les propriétés engagées dans les GIEEF peuvent également ne pas former une unité d’un seul tenant590.

2444 – Le document de diagnostic. – Un document de diagnostic du territoire est rédigé par un expert forestier, un gestionnaire forestier professionnel, une société coopérative forestière ou tout autre professionnel compétent en matière d’ingénierie des territoires. Ce diagnostic doit justifier de la cohérence du territoire, exposer les modalités de gestion retenues et de suivi de la gestion (C. for., art. L. 322-7, 2°). Le document de diagnostic démontre que les objectifs, éventuellement chiffrés, et les modalités de gestion du peuplement sont conformes aux orientations du schéma régional de gestion sylvicole et du programme régional de la forêt et du bois, que le territoire en cause est cohérent d’un point de vue sylvicole, économique et écologique avec ces objectifs, et que les indicateurs proposés en permettent le suivi (C. for., art. D. 332-15).

Le document de diagnostic comprend :

1. la présentation des bois et forêts des propriétaires, telle que décrite dans le plan simple de gestion ;

2. une description qualitative et quantitative des objectifs assignés à la gestion des peuplements et visant une amélioration de la performance économique et environnementale. Cette description s’appuie sur une analyse sylvicole, économique, environnementale et sociale du territoire dans lequel s’inscrit le groupement. Elle peut notamment intégrer une description des travaux menés dans le cadre de stratégies locales de développement forestier (C. for., art. L. 123-1) ;

3. une description des modalités de gestion mises en œuvre pour atteindre les objectifs assignés à la gestion des peuplements ainsi que la présentation du mandat de gestion proposé aux propriétaires ;

4. une description des modalités de mise en marché concertée des coupes, ainsi que des travaux lui étant liés, notamment les travaux de desserte et d’équipement ;

5. les indicateurs de suivi des orientations de gestion et des objectifs suivants :

a) le taux annuel de réalisation des opérations de coupes et de travaux prévues dans le plan simple de gestion,

b) le volume de bois récolté annuellement, en distinguant bois d’œuvre, bois d’industrie et bois d’énergie,

c) le volume de bois commercialisé annuellement au travers de contrats d’approvisionnement reconductibles,

d) le nombre de contrats Natura 2000 signés,

e) le nombre de tiges à l’hectare désignées comme devant être conservées au titre de la biodiversité lors des passages en coupe.

2445 – Le plan simple de gestion concerté. – Les propriétaires membres du GIEEF régularisent un plan simple de gestion concerté (C. for., art. L. 122-4). Ils s’engagent à suivre les modalités de gestion conformes à celles décrites dans le diagnostic (C. for., art. L. 332-7, 3°). Chaque propriétaire est tenu de mettre en œuvre le plan simple de gestion concernant sa propriété. Il en est personnellement responsable (C. for., art. L. 332-8, al. 1)591.

2446 – Mandat de gestion et projets de commercialisation. – Un mandat de gestion et des projets de commercialisation des bois sont proposés aux propriétaires. La gestion est assurée par un expert forestier, un gestionnaire forestier professionnel ou une société coopérative forestière. Si l’un des propriétaires du GIEEF est par ailleurs membre d’un OGEC592, ce dernier formule un avis simple sur le mandat de gestion et les projets de commercialisation. En cas d’avis explicitement défavorable, ils ne sont pas proposés aux propriétaires forestiers adhérents au GIEEF (C. for., art. L. 332-7, III).

2447 – Une union libre. – Les textes n’imposent aucune forme particulière au GIEEF. Il n’a pas de droit la personnalité morale593. Il s’agit d’une union libre de propriétaires, sans statut de rattachement. Mais, à défaut de statut particulier, une convention liant les propriétaires s’impose. Ainsi, il est recommandé de se regrouper au sein d’organismes dotés de la personnalité morale, notamment au sein d’associations syndicales libres de gestion forestière (ASLGF)594. La personnalité juridique du groupement et ses organes représentatifs confèrent de la sécurité juridique aux membres et aux tiers cocontractants.

2448 – Durée du GIEEF. – Les textes sont muets sur la durée du GIEEF. À défaut de structure juridique particulière, il est judicieux d’obliger les propriétaires entre eux pour une durée expirant à la même époque que le plan simple de gestion concerté595. Si les membres du GIEEF se regroupent au sein d’une association syndicale libre de gestion forestière ou d’une autre personne morale, les statuts propres à chaque organisme sont appliqués.

2449 – La reconnaissance du GIEEF. – Le GIEEF est un label accordé par l’État. Le dossier de demande de reconnaissance est déposé auprès du préfet de la région où se situe la majorité des superficies concernées. Il contient (C. for., art. D. 332-14) :

1. la composition du groupement, ses statuts ou sa convention constitutive ;

2. le document de diagnostic ;

3. le plan simple de gestion concerté, agréé par le CRPF.

Les organisations de producteurs (OP) du secteur forestier596souhaitant se voir reconnaître la qualité de GIEEF transmettent, outre le dossier de reconnaissance d’organisation de producteurs, une analyse économique, environnementale et sociale de leur territoire, les indicateurs de suivi des orientations de gestion, la description des modalités de desserte et d’équipements nécessaires à l’activité du groupement et le plan simple de gestion (C. for., art. D. 332-17).

La reconnaissance du GIEEF fait l’objet d’un arrêté préfectoral.

2450 – Suivi des GIEEF. – Le suivi de la gestion des GIEEF est assuré par le CRPF. Le groupement établit tous les cinq ans un bilan adressé au CRPF. Ce dernier le transmet au préfet de région, accompagné de son analyse et de ses propositions. Un bilan du plan simple de gestion est également adressé au CRPF (C. for., art. D. 332-16). Le préfet établit chaque année un rapport de présentation des GIEEF reconnus au cours de l’année précédente. Le CRPF élabore chaque année un rapport de synthèse des bilans transmis l’année précédente. Ces rapports sont ensuite transmis à la commission régionale de la forêt et du bois (C. for., art. D. 332-18).

2451 – Perte du label. – Le label GIEEF est retiré au groupement si les conditions de reconnaissance ne sont plus remplies. Le retrait est prononcé sur la base du rapport du CRPF, si les objectifs prévus n’ont pas été atteints ou si le plan simple de gestion n’a pas été appliqué sur au moins la moitié de la surface (C. for., art. D. 332-18).

2452 – L’intérêt du GIEEF. – Les pouvoirs publics favorisent la gestion groupée des territoires forestiers. À ce titre, les propriétaires privés sont incités à gérer leurs forêts de façon concertée, en assurant une meilleure exploitation des arbres sur pied tout en prenant en compte les enjeux environnementaux. Pour le propriétaire, le GIEEF est un moyen d’assurer une gestion performante de son territoire en se rapprochant de voisins. Grâce au label, il bénéficie d’aides publiques majorées (C. for., art. L. 332-8, al. 2), notamment dans le cadre du dispositif DEFI597. Le GIEEF perçoit également des subventions pour la rédaction du document de diagnostic et du plan simple de gestion concerté598.

§ II – Les OGEC

2453 – Définition. – Les organismes de gestion et d’exploitation forestière en commun (OGEC) mettent en valeur les forêts de leurs adhérents grâce à la mise en commun de moyens humains et matériels permettant l’organisation de la gestion sylvicole, la récolte et la commercialisation des produits forestiers, notamment en vue de l’approvisionnement des industries de la transformation du bois (C. for., art. L. 332-6).

2454 – Forme juridique. – Seuls les sociétés coopératives agricoles et forestières, les associations de propriétaires sylviculteurs599et les syndicats professionnels600ont la possibilité de demander l’agrément en qualité d’OGEC (C. for., art. D. 332-2, al. 1).

2455 – Obligations statutaires. – Les statuts de l’organisme précisent le périmètre de la circonscription territoriale où s’exerce son activité, ainsi que les critères de souscription au capital social ou de perception de cotisation (C. for., art. D. 332-2, al. 2).

Les statuts prévoient l’obligation pour les adhérents (C. for., art. D. 332-2, al. 3) de :

1. s’engager pour une durée de cinq ans au moins à utiliser exclusivement tout ou partie des compétences de l’organisme, soit pour la totalité ou une partie déterminée de la surface de leurs bois et forêts, soit pour la totalité ou une partie déterminée du volume de bois et de produits forestiers issus de leurs bois et forêts. Cette condition est réputée remplie lorsque l’organisme est une société coopérative agricole et forestière dont les statuts prévoient une durée d’adhésion de trois ans renouvelable par tacite reconduction ;

2. communiquer à l’organisme, pour les parcelles concernées par l’engagement ci-dessus, le document de gestion décrivant le parcellaire forestier et le programme des travaux et coupes à y réaliser ;

3. respecter le programme opérationnel des chantiers établi sur la base de leurs commandes conformément au document de gestion ;

4. s’acquitter des droits d’adhésion et des cotisations fixés par l’assemblée générale.

2456 – Obligation de gestion durable. – L’OGEC s’oblige statutairement à mettre tous les moyens en œuvre pour la bonne application du règlement type de gestion approuvé, du plan simple de gestion ou du code de bonnes pratiques sylvicoles applicable aux parcelles forestières pour lesquelles ses adhérents ont souscrit des engagements (C. for., art. D. 332-2, in fine).

2457 – Conditions propres à la gestion de l’organisme. – Outre les conditions statutaires, l’organisme demandeur est tenu de satisfaire aux obligations suivantes (C. for., art. D. 332-3) :

1. employer au moins deux salariés qualifiés à temps complet, ou l’équivalent à temps partiel, rémunérés sur des ressources propres, dont au moins un titulaire de compétences techniques ;

2. tenir un registre des adhérents précisant, le cas échéant, la nature de leurs engagements ;

3. tenir une comptabilité conforme au plan comptable approprié à son statut et approuvée par un commissaire aux comptes ;

4. justifier que plus de 70 % du chiffre d’affaires de ses deux derniers exercices clos au moment du dépôt de la demande d’agrément provient d’activités contribuant à l’organisation d’opérations de gestion sylvicole, de commercialisation et d’exploitation forestière liées à la mise en valeur des parcelles confiées par les adhérents ;

5. justifier de sa capacité à favoriser l’organisation économique des sylviculteurs par :

a) la mise en place d’instruments lui permettant d’évaluer l’offre prévisionnelle d’une part significative de ses adhérents et de structurer cette offre par catégories de produits,

b) l’encadrement technique de la gestion et de la récolte,

c) la formalisation et la contractualisation d’exigences de qualité avec ses prestataires, notamment la promotion de pratiques de gestion et de récolte respectueuses de l’environnement,

d) la passation de contrats avec des acheteurs déterminés pour la livraison de produits dans des conditions définies de quantité, qualité et régularité, ou l’élaboration de conventions cadres définissant les conditions commerciales de valorisation des produits,

e) la diffusion d’informations économiques auprès des adhérents ;

justifier de sa participation aux enquêtes mises en place par le ministère chargé des forêts pour améliorer la connaissance de la filière et des prix du bois.

2458 – Octroi de l’agrément. – La demande d’agrément est transmise au préfet du département (C. for., art. D. 332-5) accompagnée d’un ensemble de documents statutaires, comptables et de gestion (C. for., art. D. 332-4).

La décision d’agrément est prise par le préfet du département (C. for., art. D. 332-6). En cas de fusion de deux OGEC (C. for., art. D. 332-7), l’organisme issu de la fusion reprenant les activités, le patrimoine, les adhérents et le périmètre d’intervention est agréé en tant qu’OGEC. À l’inverse, une scission suppose de déposer une nouvelle demande d’agrément pour chaque organisme issu de la scission (C. for., art. D. 332-8).

2459 – Contrôle. – Chaque année, l’OGEC communique un ensemble de pièces statutaires, comptables et de gestion au préfet du département (C. for., art. D. 332-9). Sur requête des agents de l’administration en charge des forêts, il est également tenu de transmettre tous documents et renseignements sur la nature et l’étendue de ses activités, son fonctionnement et sa situation financière (C. for., art. D. 332-11).

2460 – Retrait de l’agrément. – Si l’OGEC ne répond plus aux conditions d’octroi de l’agrément, une décision de retrait est prise par le préfet du département après mise en demeure demeurée infructueuse (C. for., art. D. 332-12).

2461 – L’intérêt de l’OGEC. – Le label « OGEC » constitue une garantie de bonne organisation forestière et de respect des documents de gestion durable. Certaines aides sont réservées à une typologie de personnes dont font partie les OGEC601.

Le propriétaire d’un territoire forestier inférieur à vingt-cinq hectares y trouve un avantage indéniable : l’adhésion lui permet en effet de voir son territoire forestier considéré comme présentant des garanties de gestion durable s’il est géré conformément à un règlement type de gestion (C. for., art. L. 313-2). Cette garantie lui permet d’accéder aux aides de l’État, à la certification forestière PEFC602, et de bénéficier des dispositions d’allègements fiscaux telles que le régime Monichon603.

§ III – Les organisations de producteurs

2462 Depuis 2006, les propriétaires forestiers ont la possibilité de se grouper604au sein d’organisations de producteurs (OP).

2463 – Missions. – Les organisations de producteurs dans le secteur forestier ont pour objet de regrouper les productions des membres en vue de leur commercialisation ou d’organiser leur mise en marché. Elles favorisent l’adaptation de la production aux exigences du marché, améliorent la mise en valeur commerciale de tous les produits forestiers, déterminent et font appliquer par leurs membres des règles communes de production et de mise en marché, notamment en matière de qualité des produits et de gestion durable des forêts. Elles assurent un appui technique à leurs membres, leur apportent une information permanente et les aident à s’adapter aux besoins des acheteurs (C. rur. pêche marit., art. D. 551-98, al. 1).

2464 – Moyens. – Les organisations de producteurs disposent de moyens techniques et de matériel. Elles emploient nécessairement du personnel (C. rur. pêche marit., art. D. 551-98, al. 2)605. Pour réaliser ses missions, l’organisation de producteurs peut vendre la production de ses membres en tant que propriétaire (elle est alors dite « commerciale ») ou mettre en vente leurs produits (elle est alors dite « non commerciale »). Si elle agit comme mandataire, un mandat type est signé par le producteur (C. rur. pêche marit., art. D. 551-98, al. 3).

2465 – Forme juridique. – L’organisation de producteurs revêt l’une des formes juridiques suivantes606 :

société coopérative agricole et forestière ;

association de propriétaires forestiers sylviculteurs ;

société commerciale (SA, SARL, SAS, etc.) ;

groupement d’intérêt économique ;

société d’intérêts collectifs agricoles.

À ce jour, les dix organisations de producteurs reconnues en matière forestière sont toutes des coopératives607.

L’organisme exerce à titre principal les activités liées à la mise en valeur des forêts de ses adhérents par la mise en commun de moyens humains et matériels permettant l’organisation de la gestion sylvicole, la récolte et la commercialisation des produits forestiers. Ces secteurs d’activités sont mentionnés dans les statuts et règlement intérieur de l’organisme.

2466 – Obligations statutaires. – Outre les dispositions générales (C. rur. pêche marit., art. D. 551-2, 1°), les statuts de l’organisation de producteurs prévoient :

1. une adhésion des membres producteurs pour une durée minimum de trois ans, éventuellement renouvelable par tacite reconduction ;

2. la communication des documents de gestion par les membres producteurs à l’OP608concernant les parcelles dont la production est commercialisée ou mise en marché par l’intermédiaire de l’organisation ou, à défaut, tout autre document décrivant ces parcelles et les programmes de travaux et de coupes à y réaliser ;

3. la mention dans le document d’adhésion à l’organisation du volume de bois ou des parcelles dont sera issue la production que les membres producteurs s’engagent à lui céder ou à commercialiser par son intermédiaire ;

4. l’information des membres, suivant une fréquence appropriée définie dans le règlement intérieur, sur les débouchés des produits, les prix moyens obtenus par débouché et le coût moyen des services rendus ;

5. qu’aucun membre ne peut détenir plus de 40 % des droits de vote à l’assemblée générale et que les membres producteurs détiennent au moins 70 % de ces droits de vote.

2467 – Reconnaissance de l’OP. – La reconnaissance de l’organisation de producteur par l’État est soumise aux conditions suivantes (C. rur. pêche marit., art. D. 551-90) :

1. justifier que les membres producteurs, personnes morales ou physiques, sont propriétaires de parcelles forestières situées sur une zone géographique continue identifiée ;

2. justifier que plus de 70 % du chiffre d’affaires total provient d’activités relatives à l’organisation d’opérations de commercialisation ou de mise en marché de bois, d’exploitation forestière ou de gestion sylvicole liées à la mise en valeur de parcelles forestières confiées à l’organisation par ses membres producteurs ;

3. commercialiser ou mettre en marché un volume de bois au moins égal à 50 000 m³ par an, dont au moins la moitié est apportée par ses membres producteurs609 ;

4. procéder à la commercialisation ou organiser la mise en marché de tout ou partie de la production de ses membres dans les conditions suivantes :

a) au moins 50 % des quantités commercialisées ou dont la mise en marché est organisée par l’organisation le sont par le biais de contrats d’approvisionnement pluriannuels ou annuels comportant une clause de tacite reconduction, conclus avec des unités de transformation du bois ou avec leurs filiales d’approvisionnement,

b) les produits livrés ou mis à disposition des unités de transformation du bois sont préalablement triés et conformes à un cahier des charges conclu entre l’organisation et chaque unité de transformation destinataire ;

mettre en place des procédures ou des méthodes visant à garantir :

a) la traçabilité des produits commercialisés ou mis en marché ;

b) que les bois commercialisés ou mis sur le marché sont issus de forêts gérées durablement.

La demande est formulée auprès de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF). La reconnaissance fait l’objet d’un arrêté du ministre de l’Agriculture en charge des forêts610.

2468 – Contrôle et sanctions. – Tous les trois ans, l’organisation de producteurs transmet un ensemble de documents statutaires, comptables et de gestion à la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt611. La reconnaissance est suspendue, voire retirée si l’organisation de producteurs ne remplit plus un ou plusieurs des critères énumérés ci-dessus.

GIEEF, ASGF, coopératives, OGEC et OP : des poupées russes !

La mise en perspective des outils de regroupement de gestion forestière permet d’en appréhender la cohérence. Le propriétaire de bois et forêts est invité à constituer une ASLGF avec ses voisins. L’association syndicale demande le label GIEEF. Elle élabore à cet effet un plan simple de gestion concerté. Puis, l’ASLGF a la faculté d’adhérer à une coopérative ayant obtenu son agrément comme OGEC ou OP. Chaque structure ou label est compris dans l’autre, du plus petit (ASLGF) au plus grand (OGEC ou OP). C’est un jeu de poupées russes. Le propriétaire ou le GIEEF peut préférer confier la gestion de ses bois à des experts forestiers ou à l’Office national des forêts.

Section III – La gestion par des professionnels indépendants et l’ONF

2469 Les propriétaires de bois et forêts ou les ASGF ont la possibilité de confier la maîtrise d’œuvre à des professionnels indépendants (Sous-section I) ou à l’Office national des forêts (Sous-section II). Il s’agit d’alternatives à la gestion par les coopératives forestières (OGEC et OP). Les experts forestiers gèrent environ un million d’hectares en France612.

Sous-section I – Les professionnels indépendants

2470 – Deux types de professionnels indépendants. – Les experts forestiers (§ I) coexistent avec les gestionnaires forestiers professionnels (§ II).

§ I – Les experts forestiers

2471 – Statut protégé de l’expert forestier. – Les experts forestiers sont des personnes physiques exerçant, le cas échéant, dans le cadre d’une structure sociétaire, en leur nom personnel et sous leur responsabilité, des missions d’expertise en matière forestière. Cette profession indépendante est incompatible avec les statuts d’officiers publics et ministériels (C. rur. pêche marit., art. L. 171-1, al. 1).

Bénéficiant d’un titre protégé, ils doivent justifier d’un niveau de formation et d’expérience, d’une assurance de responsabilité professionnelle, et s’engager à respecter l’indépendance nécessaire à l’exercice de ce métier (C. rur. pêche marit., art. L. 171-1, al. 8).

Le titre s’acquiert par l’inscription sur une liste nationale tenue par le Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière (CNEFAF), organisme doté de la personnalité morale (C. rur. pêche marit., art. L. 171-1) et regroupant les experts forestiers et les experts fonciers agricoles.

En septembre 2017, 166 experts forestiers figurent sur la liste tenue par le CNEFAF.

2472 – Missions. – L’expert forestier a pour principale mission la gestion forestière. Il analyse le territoire boisé (peuplements, sols, climat), rédige les plans simples de gestion, conçoit et assure la maîtrise d’œuvre de travaux, le marquage des coupes, et organise la vente des bois pour le compte des propriétaires. Dans ce cadre, il élabore également des dossiers de subvention, aide au recrutement et au management du personnel forestier, gère les relations avec les chasseurs, les collectivités et les assureurs.

À titre accessoire, l’expert forestier estime les territoires forestiers en valeur technique613et en valeur vénale dans le cadre de mises en vente, de dossiers de sinistres ou judiciaires. Enfin, il est susceptible d’exercer des activités de gestion et d’entremise immobilière si elles ne portent pas sur une opération faisant l’objet de ses missions d’expertise (C. rur. pêche marit., art. L. 171-1, al. 2). À ce titre, les experts forestiers ne sont pas soumis à la loi Hoguet614.

2473 – Sociétés d’épargne forestière. – Dans le cadre de la gestion des sociétés d’épargne forestière615, un ou plusieurs experts forestiers sont nommés par la société de gestion pour fixer la valeur du patrimoine forestier. Ce mandat de cinq ans prend effet après acceptation de leur candidature par l’assemblée générale ordinaire des associés (C. monét. fin., art. R. 214-170).

2474 – Garantie de gestion durable. – Le territoire forestier d’un propriétaire recourant à un expert forestier par contrat d’une durée d’au moins dix ans est considéré comme présentant des garanties de gestion durable s’il est géré conformément à un règlement type de gestion (C. for., art. L. 313-2). Cette garantie permet d’accéder aux aides de l’État et de bénéficier des dispositions d’allègements fiscaux telles que le régime Monichon.

2475 – Accès aux données cadastrales. – Afin de favoriser le regroupement de la gestion forestière, les experts forestiers ont accès aux données cadastrales au même titre que les organisations de producteurs (OP) et les gestionnaires forestiers professionnels616.

§ II – Les gestionnaires forestiers professionnels

2476 – Un statut récent. – Le gestionnaire forestier professionnel (GFP) est un statut créé en 2010617. L’objectif poursuivi par les pouvoirs publics est d’accroître le nombre de professionnels susceptibles d’assurer des conseils et de gérer des propriétés privées.

La reconnaissance en tant que GFP est délivrée pour une durée de cinq ans (C. for., art. D. 314-6) à toute personne physique justifiant d’un diplôme spécifique ou d’une expérience professionnelle suffisante (C. for., art. D. 314-3). La demande est adressée au préfet de région du lieu d’exercice de l’activité du demandeur ou du siège social de l’entreprise dans laquelle il travaille (C. for., art. D. 314-6). Après avis du CNPF, le préfet délivre une attestation reconnaissant au demandeur la qualité de GFP. Ce dernier dispose alors d’une compétence nationale.

Aucune disposition ne régit l’assurance de responsabilité civile professionnelle du GFP, échappant au surplus à la loi Hoguet (C. for., art. L. 315-1, al. 2).

2477 – Garantie d’indépendance. – Afin d’éviter les conflits d’intérêts, les GFP ont l’interdiction d’acheter directement ou indirectement les bois issus des forêts dont ils assurent la gestion sous mandat. Ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés coopératives ayant un objet conforme à celui des OGEC (C. for., art. L. 332-6) et dont les salariés sont titulaires de l’attestation reconnaissant la qualité de GFP dans leurs relations avec leurs adhérents (C. for., art. D. 314-8).

2478 – Missions. – Le GFP assure une gestion durable des bois. À ce titre, il est tenu de respecter les documents de gestion durable en vigueur (C. for., art. L. 315-1). Son activité participe à la conservation et à la régie des forêts, mais également à la mise en marché de bois. Il a accès au cadastre au même titre que les experts forestiers618.

Sous-section II – La gestion par l’Office national des forêts : le régime Audiffred

2479 – La gestion par l’ONF, une solution originale. – Le propriétaire privé de bois et forêts a la faculté de confier la gestion de son territoire à l’Office national des forêts. Cette solution, ouverte depuis 1913619, reste toutefois très peu usitée620. Ces conventions, dénommées Audiffred621, sont régies par les articles L. 315-2 et D. 315-1 à D. 315-9 du Code forestier.

2480 – Missions de l’ONF. – Le particulier a la possibilité de confier la garde et la surveillance de l’exploitation des coupes de ses bois à l’ONF, sur tout ou partie de son territoire. Dans cette hypothèse, les agents de l’ONF sont chargés de la répression des infractions forestières et, sauf convention contraire, de celles liées à la chasse (C. for., art. D. 315-2).

Le propriétaire peut également confier à l’ONF la régie de ses bois.

En pratique, cela recouvre :

1. la marque et l’estimation des coupes, la préparation des ventes ;

2. le récolement des coupes ;

3. la marque et l’estimation des chablis, bois dépérissants et autres produits accidentels ;

4. et l’étude, la direction et la surveillance de travaux de boisement et d’entretien.

La convention précise les missions déléguées à l’ONF (C. for., art. D. 315-3).

Par conventions spéciales, le propriétaire délègue à l’ONF la rédaction du plan simple de gestion (PSG), les travaux d’amélioration, les partages et les bornages (C. for., art. D. 315-5).

2481 – Une convention authentique. – La convention est dressée en la forme notariée ou administrative (C. for., art. D. 315-6). Sa durée est de dix ans minimum (C. for., art. L. 315-2, al. 1). Elle contient l’engagement du propriétaire (ou de l’usufruitier) de se soumettre aux règles et décisions de l’ONF pour les opérations lui étant confiées (C. for., art. D. 315-7, al. 2). Elle fixe également les redevances annuelles dues à l’Office.

2482 – Un rôle prééminent. – Dès lors qu’un bois se trouve soumis à une convention Audiffred, le propriétaire sollicite l’accord de l’ONF622pour consentir toute coupe ou tout droit d’usage, sous peine de nullité des droits et coupes consentis (C. for., art. L. 315-2).

2483 – Encourager le regroupement de la gestion. – Indépendamment du regroupement de la propriété forestière, les pouvoirs publics ont mis en place une série de dispositifs visant à regrouper la gestion et l’exploitation des bois dans le respect de la multifonctionnalité et de la gestion durable. Les outils existent. Une cohérence se dégage, permettant de grouper les propriétés forestières de petites et moyennes surfaces (de un à vingt-cinq hectares), voire plus vastes dans des GIEEF avec un plan simple de gestion unique. Les associations syndicales de gestion forestière (ASGF) offrent un cadre adapté aux relations économiques et juridiques des membres du GIEEF. Ces organismes ont la possibilité de confier la maîtrise d’œuvre des travaux forestiers et la commercialisation de leur production aux coopératives forestières labellisées OGEC ou OP. Elles peuvent aussi préférer s’en remettre à un expert forestier ou à un gestionnaire forestier professionnel (GFP). Dans tous les cas, le respect de la gestion durable est assuré.

Néanmoins, le manque de clarté des textes engendre une confusion regrettable entre les structures juridiques (ASGF, coopératives) et les agréments (GIEFF, OGEC et OP).

En outre, des améliorations juridiques s’imposent pour les associations syndicales autorisées de gestion forestière (ASAGF). Ces groupements ont en effet vocation à devenir un instrument majeur de la politique de mobilisation et de gestion des bois de petites surfaces de moins de quatre hectares. À cet effet, l’objet de l’ASAGF devrait prévoir dans tous les cas l’élaboration d’un plan simple de gestion concerté. L’association syndicale devrait également assurer la maîtrise d’ouvrage de l’ensemble, sans avoir à solliciter des mandats de la part des propriétaires. Dans les massifs fortement morcelés, il devrait être autorisé de constituer des ASAGF sur le modèle des associations foncières forestières réservées à ce jour aux zones de montagne623, permettant de passer outre les propriétés en déshérence. Enfin, de nouveaux modes de gestion sont à imaginer. Certains propriétaires de bois et forêts préféreraient donner à bail leur propriété, plutôt que d’en assurer la gestion, même indirectement par l’intermédiaire d’une coopérative ou d’une association syndicale.

Aujourd’hui, tous les acteurs de la forêt française624sont déterminés à améliorer la mobilisation du bois et la gestion des fonctions économique, environnementale et sociale des forêts. Les dispositifs de gestion groupée y contribuent. Est-ce suffisant ? Ne faut-il pas envisager une politique plus coercitive ? La question est sensible : « c’est probablement une question sans vraie solution libérale »625.


572) Grenelle 1 : L. n° 2009-967, 3 août 2009 : JO 5 août 2009, p. 13031. – Grenelle 2 : L. n° 2010-788, 12 juill. 2010 : JO 13 juill. 2010, p. 12905.
573) L. n° 2015-992, 17 août 2015 : JO 8 août 2015, p. 14263.
574) Union de la coopération forestière française (UFCC).
575) V. n° a2455.
576) V. n° a2466.
577) V. n° a2442.
578) V. n° a2403.
579) Aux termes de l’article L. 132-2 du Code forestier, les propriétaires de bois et forêts situés dans des zones classées à risque d’incendie doivent se grouper en association syndicale pour l’exécution des travaux de défense contre l’incendie. – V. n° a2352.
580) L. n° 85-1273, 4 déc. 1985 : JO 5 déc. 1985, p. 14111.
581) Ord. n° 2004-632, 1er juill. 2004 : JO 2 juill. 2004, p. 12046.
582) Ord. n° 2004-632, 1er juill. 2004, art. 3, préc.
583) Pour le détail des conditions d’application des PSG, V. n° a2400.
584) Il convient de combiner cette disposition avec celle s’appliquant aux ASAGF prévoyant que les propriétaires peuvent donner pouvoir à l’ASAGF de présenter à l’agrément un document de gestion durable ou d’y souscrire. L’alinéa 2 de l’article L. 332-3 du Code forestier mériterait d’être réécrit pour clarifier le fait que dès que le seuil de vingt-cinq hectares est franchi, l’ASAGF doit élaborer le PSG, même en l’absence de mandats spéciaux des propriétaires.
585) L. n° 2001-602, 9 juill. 2001 mod., art. 32.
586) Ord. n° 2004-632, 1er juill. 2004, art. 3 : « Les droits et obligations qui dérivent de la constitution d’une association syndicale de propriétaires sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de l’association et les suivent, en quelque main qu’ils passent, jusqu’à la dissolution de l’association ou la réduction de son périmètre ».
587) JCl. Sociétés Traité,  Organisations de producteurs, fasc. 181-30, n° 2.
588) Le GIEEF a été créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 : JO 14 oct. 2014, p. 1660.
589) Instr. techn. DGPE/SDFCB/2015-752, 1er sept. 2015.
590) Instr. techn. DGPE/SDFCB/2015-752, 1er sept. 2015, préc., n° 1.
591) Cette disposition n’est pas adaptée à toutes les situations. Si les membres du GIEEF sont groupés dans une ASLGF, et que les statuts de cette dernière prévoient qu’elle assure toute la gestion durable des bois et forêts qu’elle réunit (C. for., art. L. 332-3), il n’est ni logique ni souhaitable que le propriétaire reste responsable du défaut de mise en œuvre du PSG sur sa propriété.
592) V. n° a2453.
593) Instr. techn. préc., n° 2.2.1 : « Un regroupement informel de propriétaires forestiers privés peut donc constituer un GIEEF ».
594) V. n° a2431.
595) La durée des plans simples de gestion est comprise entre dix et vingt ans (C. for., art. R. 312-4).
596) V. n° a2462.
597) V. 4e commission, n° a4285.
598) La subvention est de 50 € par hectare pour le plan simple de gestion et de 800 € pour le document de diagnostic : Instr. techn. DGPE/SDFCB/2017-179, 24 févr. 2017, p. 23.
599) Soumises à la loi du 1er juillet 1901.
600) Régis par les dispositions du livre Ier de la deuxième partie du Code du travail (autres que les syndicats à vocation générale).
601) Par ex., les aides à l’amélioration des peuplements forestiers : Instr. techn. DGPE/SDFCB/2017-308, 5 avr. 2017, p. 5.
602) V. n° a2385.
603) V. 4e commission, n°  a2407.
604) L. n° 2006-11, 5 janv. 2006 : JO 6 janv. 2006, p. 229. – D. n° 2010-196, 25 févr. 2010 : JO 27 févr. 2010, p. 3789.
605) Au moins un équivalent plein temps.
606) Circ. DGPAAT/SDFB/C2010-3115, 23 déc. 2010.
607) V. n° a2467.
608) Document d’aménagement, plan simple de gestion ou règlement type de gestion (C. for., art. L. 122-3).
609) Lorsque les circonstances locales le justifient et sur un territoire défini, le ministre chargé des forêts peut, après avis du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, ramener par arrêté ce volume à un niveau compris entre 10 000 et 50 000 m³.
610) Les onze organisations de producteurs du secteur forestier sont les suivantes : société coopérative des sylviculteurs de l’Aude, société SYLVA BOIS, société coopérative forestière Bourgogne Limousin, coopérative forestière du Grand-Ouest COFOROUEST, coopérative des propriétaires forestiers du bassin de la Garonne COFOGAR, coopérative Alliance Forêt Bois AFB, coopérative NORD SEINE FORÊT, coopérative des sylviculteurs d’Alsace COSYLVAL, coopérative Forestière COLFORET, société coopérative agricole UNISYLVA, et société Forêt et Bois de l’Est.
611) Circ. DGPAAT/SDFB/C2010-3115, 23 déc. 2010, préc., n° 3.1.
612) Source : Experts forestiers de France (EFF), anciennement dénommés Compagnie nationale des ingénieurs et experts forestiers et des experts bois (CNIEFEB).
613) Valeur correspondant à la somme des valeurs du sol, des bois estimés en valeur de stock ou en valeur d’avenir, du capital chasse et de la valeur d’éléments autres tels que les étangs, pavillons de chasse et matériel.
614) D. n° 72-678, 20 juill. 1972, art. 95, mod.
615) V. n° a2131.
616) L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014 : JO 14 oct. 2014, art. 94.
617) L. n° 2010-874, 27 juill. 2010 : JO 28 juill. 2010, p. 13925.
618) V. n° a2475.
619) L. 2 juill. 1913.
620) Rép. min. n° 97408, Liebgott : JOAN Q 8 mars 2011, p. 2232.
621) Du nom du sénateur à l’origine de la loi.
622) Sauf dispositions prévues au contrat.
623) V. n° a2439.
624) Ministère, CNPF, chambres d’agriculture, propriétaires forestiers, coopératives, experts, industriels.
625) J. Puech, Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois : rapport au Président de la République, 6 avr. 2009, p. 14.

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