2007 La propriété des bois et forêts concerne plus de trois millions et demi de personnes sur le territoire français13. Il existe une forte disparité entre les surfaces des propriétés forestières.
Le territoire boisé regroupe par ailleurs des situations très diverses : massifs forestiers, bois, boqueteaux, jardins boisés, simples alignements d’arbres, etc. Comment définir la forêt pour lui appliquer une réglementation uniforme ? Les textes donnent des définitions variées de la forêt, sans qu’aucune ne prime sur les autres. Elles dépendent souvent des objectifs poursuivis (Section I).
Le droit de propriété des bois et forêts est régi pour l’essentiel par le Code civil. Absolu en théorie, le droit de propriété doit être concilié avec certains droits particuliers généralement issus de l’Ancien droit. Les fonctions économique, environnementale et sociale de la forêt pèsent également sur les droits et obligations du propriétaire forestier (Section II).
2008 Alors que chacun entrevoit aisément ce qu’est la forêt, il n’en existe pas de définition légale. Curieusement d’ailleurs, l’origine du mot forêt est elle-même sujette à discussion14. « Grande étendue de terrain couverte d’arbres ; ensemble de grands arbres qui occupent, qui couvrent cette étendue. » Cette définition du dictionnaire Larousse correspond au sens commun du mot. Les situations particulières nécessitent néanmoins d’être précisées : terrains déboisés, pépinières, routes forestières, terrains sous lignes électriques à haute tension, étangs, etc. Les développements suivants traitent de la définition des « bois » et « forêts » sans distinction. En effet, le livre premier du Code forestier est intitulé « Dispositions communes à tous les bois et forêts ». En pratique, un bois est un territoire forestier plus petit qu’une forêt15. La définition de la forêt invite également à s’interroger sur la destination forestière d’un territoire : vierge d’arbres, il est susceptible d’être assimilé sous certaines conditions à une forêt.
2009 – L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. – Les définitions suivantes résultent d’un rapport16établi par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)17.
Forêts : terres occupant une superficie de plus de cinquante ares avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à cinq mètres et un couvert arboré de plus de 10 %, ou avec des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ. Les terres à vocation agricole ou urbaine prédominante sont exclues.
Les deux critères essentiels sont la surface couverte et la hauteur des arbres. Cette définition inclut les zones couvertes d’arbres jeunes devant atteindre un couvert arboré de 10 % et une hauteur de cinq mètres.
Par ailleurs, la forêt est déterminée à la fois par la présence d’arbres et l’absence d’autres utilisations prédominantes.
Cette définition inclut également :
les zones temporairement non boisées en raison de pratiques d’aménagement forestier (coupes) ou par des causes naturelles et dont la régénération est prévue dans les cinq ans. Les conditions locales justifient un délai plus long dans des cas exceptionnels ;
les chemins forestiers, les coupe-feu et autres petites clairières ;
les forêts dans les parcs nationaux, les réserves naturelles et les autres aires protégées présentant un intérêt environnemental, scientifique, historique, culturel ou spirituel ;
les brise-vent, les rideaux-abris et les corridors d’arbres occupant une superficie de plus de cinquante ares et une largeur de plus de vingt mètres sont inclus ;
les terres à culture itinérante abandonnées avec des arbres régénérés atteignant, ou capables d’atteindre un couvert forestier de 10 % et une hauteur de cinq mètres.
Les plantations d’hévéas, de chênes-lièges et de sapins de Noël entrent dans la définition si l’utilisation de la terre, la hauteur et le couvert arboré sont conformes aux critères établis18.
En revanche, les peuplements d’arbres dans les systèmes de production agricole tels que les plantations d’arbres fruitiers, les plantations de palmiers à huile et les systèmes agroforestiers sont exclus.
Autres terres boisées : terres n’entrant pas dans la catégorie « forêt » et couvrant une superficie de plus de cinquante ares avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à cinq mètres et un couvert arboré de 5 à 10 %, ou comprenant des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ, ou un couvert mixte d’arbustes, arbrisseaux et d’arbres supérieur à 10 %. Les terres à vocation agricole ou urbaine prédominante sont exclues.
Autres terres : toute terre n’entrant pas dans la catégorie « forêt » ou « autre terre boisée » : les terres à vocation agricole, les prairies et les pâturages, les zones construites, les terres dénudées, les terres couvertes de glace permanente, etc.
Eaux continentales : superficie occupée par les grands fleuves, lacs et réservoirs.
Ces définitions ont le mérite d’établir une synthèse applicable à l’ensemble des forêts de notre planète. D’autres organismes internationaux tels que la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (UNECE)19ou la Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe20utilisent des définitions similaires.
2010 – La Commission européenne. – La Commission européenne, consciente de la difficulté de l’exercice, considère que les définitions de la FAO constituent une bonne base permettant de mener les études sur la protection de la forêt21. Les définitions utilisées par la Commission européenne sont toutefois moins développées que celles de la FAO :
Forêt : terres ayant un couvert arboré (ou une densité de peuplement) supérieur à 10 % et une superficie supérieure à cinquante ares, où les arbres sont capables d’atteindre une hauteur minimale de cinq mètres à maturité in situ.
Autres terres boisées : terres ayant soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de 5 à 10 % d’arbres capables d’atteindre une hauteur d’au moins cinq mètres à maturité in situ, soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de plus de 10 % d’arbres d’une hauteur inférieure à cinq mètres à maturité in situ et d’arbustes et formations arbustives.
2011 – Le Code forestier. – Le Code forestier ne donne pas de définition précise de la forêt. Des dispositions éparses permettent toutefois d’en définir les contours. Ainsi, les plantations d’essences forestières22, les reboisements et les terrains à boiser du fait d’une obligation légale ou conventionnelle sont considérés comme des bois et forêts (C. for., art. L. 111-2). La liste des essences forestières figure sur le portail de l’inventaire forestier géré par l’IGN23. Les dispositions du Code forestier relatives à la défense et à la lutte contre les incendies de forêt et les dispositions pénales s’y rapportant (C. for., art. L. 111-2, al. 2) s’appliquent aux landes24, maquis25et garrigues26. Néanmoins, les opérations de remise en valeur des terres occupées par les garrigues, landes et maquis ne constituent pas des défrichements (C. for., art. L. 341-2). Enfin, les dunes sont également soumises à certaines dispositions du Code forestier relatives à la protection des forêts (C. for., art. L. 111-2, al. 3).
Le régime forestier s’applique aux forêts appartenant à l’État et aux collectivités publiques susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution (C. for., art. L. 211-1, I). La forêt privée relève quant à elle de la gestion durable par simple application d’un seuil de surface fixé à vingt-cinq hectares (C. for., art. L. 312-1)27. Ainsi, les dispositions du Code forestier ne renvoient pas à une définition générale de la forêt. Leur mise en œuvre répond aux finalités propres à chaque texte.
2012 – L’Institut national de l’information géographique et forestière. – L’Institut national de l’information géographique et forestière est chargé de l’inventaire permanent des ressources nationales forestières28. Dans le cadre de cette mission, il s’appuie sur la définition suivante : « un territoire occupant une superficie d’au moins cinquante ares avec des arbres capables d’atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité in situ, un couvert arboré de plus de 10 % et une largeur moyenne d’au moins vingt mètres ». Les sites momentanément déboisés ou en régénération sont classés comme forêt même si leur couvert est inférieur à 10 % au moment de l’inventaire. Elle n’inclut pas les terrains dont l’utilisation prédominante du sol est agricole ou urbaine. Les peupleraies (taux de couvert libre relatif des peupliers cultivés supérieur à 75 %) sont considérées comme des forêts. Cette définition n’a toutefois aucune portée juridique.
2013 – Une définition issue des textes relatifs au défrichement. – Le ministère de l’Agriculture a défini les bois et forêts dans une circulaire relative à la taxe sur le défrichement29, abrogée depuis.
« Formations végétales comprenant des tiges d’arbres d’essences forestières dont les cimes, si elles arrivaient simultanément à maturité, couvriraient la plus grande partie du terrain occupé par la formation, que celle-ci soit au moment de l’enquête à l’état de semis30, de rejets sur souches31, de fourrés32, de gaulis33, de perchis34ou de futaies35. Il résulte de l’application constante par les tribunaux, des articles 157 et suivants du Code forestier, que les taillis36ou futaies sur souches et les peupleraies sont des peuplements forestiers soumis par conséquent à la taxe de défrichement. »
Cette définition, issue d’une ancienne circulaire, n’a pas de portée légale. Elle fournit toutefois des précisions utiles permettant encore aujourd’hui d’appréhender la notion de forêt.
2014 – L’instruction technique du 29 août 2017. – L’instruction technique du 29 août 201737présente les règles applicables en matière de défrichement, notamment suite à la loi « Biodiversité »38. Elle permet de mieux cerner la notion de bois et forêts en droit positif.
Les anciens terrains agricoles et les arbres fruitiers. Les anciens terrains de culture ou de pacage envahis par une végétation spontanée39, les garrigues, landes et maquis, n’ont pas de vocation forestière (C. for., art. L. 341-2, 1°). Cette exclusion concerne également les noyeraies, oliveraies, plantations de chênes truffiers et vergers à châtaignes, d’eucalyptus pour leur feuillage, de noisetiers à fruits, d’amandiers et les plantations d’arbres fruitiers (C. for., art. L. 341-2, 2°).
Les taillis à courte rotation. Les opérations portant sur les taillis à courte rotation normalement entretenus et exploités, implantés sur d’anciens sols agricoles depuis moins de trente ans, n’ont pas non plus de vocation forestière (C. for., art. L. 341-2, 3°).
Les aménagements forestiers particuliers. La création d’équipements indispensables à la mise en valeur et à la protection des bois et forêts ne fait pas perdre la destination forestière à l’ensemble (C. for., art. L. 341-2, 4°)40. Cette disposition concerne les routes forestières, chemins, allées, fossés, dépôts pour le bois, tours de guet, points d’eau, bandes pare-feu et coupures agricoles de protection de la forêt contre les incendies. Un simple pavillon de chasse ne fait pas non plus perdre la destination forestière au terrain.
Les parcours acrobatiques. L’installation d’un parcours acrobatique en forêt (dans les arbres avec filins et repose-pieds) restant léger et démontable ne constitue pas une modification de la destination forestière du sol. Le raisonnement est le même pour les installations de paintball et de cabanes dans les arbres. En revanche, les aménagements récréatifs ou sportifs « lourds » ou encore les hébergements de plein air sont soumis à la législation sur le défrichement.
Les peupleraies. Les peupleraies sont considérées comme des terrains forestiers. Le peuplier est une essence. Il ne s’agit ni d’une culture agricole annuelle ni d’une culture fruitière. L’objectif d’une peupleraie est la production de bois à titre principal.
Les sapins de Noël. Les plantations de sapins de Noël ne sont pas considérées comme des peuplements forestiers. Toutefois, si la plantation a plus de trente ans et n’est plus exploitée, la parcelle est considérée comme un bois.
L’élevage en forêt. L’exercice du pâturage en forêt n’est pas incompatible avec la destination forestière du fonds lorsqu’il se conforme aux conditions édictées par le Code forestier. La destination forestière est remise en cause si les animaux sont mis à paître dans les jeunes coupes ou si leur nombre est trop élevé par unité de surface. Par ailleurs, l’élevage de gibier en forêt ne doit pas mettre en danger le peuplement forestier.
2015 – Les précisions issues de la jurisprudence. – Une forêt est naturellement composée d’arbres. La caractérisation de l’état boisé ou de la vocation forestière résulte d’une constatation de fait et non de droit. Elle est soumise à l’appréciation souveraine du juge41. Un peuplement de plantes ligneusesde petite taille comme les arbustes n’est pas une forêt42. Une parcelle dont les arbres ont été récoltés est une parcelle forestière, même s’il s’agit d’essences résineuses ne produisant pas de rejet sur souches43. Une parcelle dont les arbres ont disparu suite à un incendie ou à une tempête est également soumise au Code forestier44. Une parcelle surplombée par une ligne électrique à haute tension ne comportant qu’un nombre limité de pins constitue un bois45. À l’inverse, une haie n’est pas soumise au Code forestier46. Le classement en nature de terrain boisé au cadastre ne produit aucun effet de droit s’agissant des dispositions du Code forestier47. Néanmoins, cette jurisprudence est à nuancer depuis la création du droit de préférence des voisins lors de la vente de parcelles boisées. Ce dispositif repose en effet sur le classement cadastral des parcelles vendues48.
2016
Le Code forestier ne fournit aucune définition juridique de la forêt et des terrains à vocation forestière. Cette situation a été rappelée par une réponse ministérielle récente49. Le ministre renvoie l’appréciation du caractère forestier d’un territoire à l’administration chargée des forêts, sous contrôle du juge le cas échéant.
Certains auteurs considèrent qu’il serait malvenu de donner une définition juridique de la forêt50. Ils estiment préférable de s’en tenir aux statuts (application du régime forestier) ou à des approches pragmatiques (surface supérieure à vingt-cinq hectares par exemple) plutôt que de chercher à définir une notion très protéiforme. Trouver une définition simple est certainement irréaliste. En revanche, certaines institutions donnent des définitions pouvant être reprises et adaptées à la forêt française. Le Code forestier gagnerait en cohérence si l’on donnait une définition légale de la forêt. Les cas particuliers seraient alors traités par voie d’exception51. Depuis la création des droits de priorité en cas de vente de parcelles boisées au cadastre52, la définition juridique de la forêt n’est plus simplement souhaitable, mais nécessaire. En effet, la référence au cadastre, certes source de simplicité pour la mise en œuvre de ces droits, recouvre imparfaitement la réalité des bois et forêts53.
2017 Les dispositions du Code civil relatives au droit de propriété ont subi peu de modifications depuis 1804. Elles forment un corpus législatif globalement adapté aux besoins de la forêt. Le caractère immobilier et perpétuel du droit de propriété convient parfaitement au cycle de la vie des arbres (Sous-section I). La conception absolue du droit de propriété est parfois confrontée aux utilités et aux droits particuliers issus de l’Ancien droit. Par ailleurs, la multifonctionnalité de la forêt est aujourd’hui pleinement reconnue, ses fonctions environnementaleet sociale s’ajoutant à son rôle économique traditionnel. Les droits et obligations du propriétaire de bois et forêts s’en trouvent impactés (Sous-section II).
2018 Le droit de propriété trouve ses fondements actuels dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, puis dans le Code civil tel qu’il a été promulgué en 1804. Il s’agit d’une propriété immobilière, absolue, exclusive et perpétuelle.
2019 – Une propriété immobilière. – Les arbres et leurs fruits non encore recueillis sont des immeubles par nature (C. civ., art. 518 et 520). Cette règle s’applique même aux arbres d’une pépinière. Les bois taillis ou futaies deviennent des meubles au fur et à mesure de la coupe des arbres (C. civ., art. 521).
Contrairement à certaines dispositions de l’Ancien droit, l’arrivée à maturité d’une partie boisée soumise à gestion ne suffit pas à ameublir les arbres à couper54. « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous » (C. civ., art. 552, al. 1). La nature immobilière des bois et forêts ne soulève pas de difficultés. La vente, l’hypothèque, voire la saisie d’une parcelle forestière emporte celle des plantations. Néanmoins, il est possible de déroger conventionnellement à la qualification immobilière des arbres sous certaines conditions. Notamment, aux termes d’un contrat de vente d’arbres, il est licite d’ameublir des arbres sur pied55.
2020
Dans le cadre de la gestion de bois et forêts, il est fréquent de vendre les arbres sur pied. Les arbres vendus sont généralement identifiés par marquage puis cubés56. D’usage, le transfert de propriété se produit lors de la signature du contrat, que la vente ait lieu en bloc ou par unités de produits. Les parties procèdent ainsi à une mobilisation par anticipation57. La coupe et le débardage58 doivent être « prochains »59. Le vendeur des arbres est déchargé des risques relatifs aux arbres vendus dès la signature du contrat, même si la coupe intervient plus tard. L’administration fiscale accepte la qualification de vente mobilière contra legem. En conséquence, l’acquéreur est dispensé du paiement des droits de mutation à titre onéreux applicables aux ventes immobilières60. La vente d’arbres sur pied n’étant pas publiée au service de la publicité foncière, est inopposable à l’acquéreur des parcelles61. Cette solution paraît toutefois rigoureuse lorsque les arbres ont été marqués.
2021
Dans le cadre de la rédaction d’un acte de vente d’une forêt, il est impératif de faire déclarer au vendeur l’existence des contrats de vente d’arbres ainsi que les travaux forestiers en cours. À défaut, ils sont inopposables à l’acquéreur.
Exemple de clause :
« Le vendeur déclare qu’il n’a signé aucun contrat de vente d’arbres en cours d’exécution ou non encore exécuté ; de même, il déclare l’absence de travaux forestiers en cours ou devant être réalisés, le tout à l’exception de…
À cet égard, l’acquéreur s’oblige à ne rien faire qui puisse nuire à la réalisation de ce(s) contrat(s) ».
2022 – Une propriété en théorie absolue et exclusive. – La propriété est « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (C. civ., art. 544). Cette définition confère au propriétaire des prérogatives très étendues. En théorie, il est maître du bien et en dispose comme bon lui semble. Dans les faits, le droit de propriété des bois et forêts est encadré par de nombreuses règles protégeant la forêt. L’abus du droit de propriété résulte parfois de l’inaction du propriétaire. L’autorité publique se trouve alors relativement démunie.
2023 – Une propriété perpétuelle. – Le cycle de vie de l’arbre est compris entre trente et 150 ans, voire davantage pour des essences telles que le tilleul, le chêne et le hêtre. Les décisions de l’exploitant forestier obligent ses descendants sur plusieurs générations. Le propriétaire forestier supporte une responsabilité accrue dans ses différents choix, en particulier s’agissant des plantations nouvelles. Les facteurs usuels relatifs à la nature du sol, l’hygrométrie62, les températures, l’altitude, les débouchés commerciaux et les peuplements cynégétiques ne permettent plus à eux seuls d’élaborer des choix avec certitude. Le changement climatique rend en effet aujourd’hui les décisions beaucoup plus complexes63.
Dans ces conditions, le caractère perpétuel du droit de propriété est particulièrement adapté aux cycles forestiers. Le non-usage de l’arbre, même trentenaire, n’emporte pas perte du droit de propriété. Ce point est particulièrement heureux en matière forestière. En effet, les premières années suivant la plantation d’une parcelle voient la réalisation de nombreux travaux d’entretien64. En revanche, des décennies s’écoulent parfois sans intervention humaine à l’approche de la maturité des arbres. Il convient toutefois de réserver les possibilités de prescription et la mise en œuvre de la procédure d’appropriation des biens sans maître65.
2024
Les bois et forêts appartenant à l’État sont soumis au régime forestier. N’étant pas affectés à un service public ni à l’usage du public, ils dépendent de son domaine privé. Cette disposition concerne également les bois et forêts appartenant à des collectivités territoriales et des établissements publics (CGPPP, art. L. 2212-1). La gestion des forêts domaniales relève du droit privé66. Les forêts sont envisagées sous leur finalité patrimoniale malgré leur soumission au régime forestier. Elles constituent une source de revenu67. L’ouverture de la forêt à la circulation du public ne remet pas en cause ce principe68. Outre-mer, le domaine public ne s’applique pas aux terrains gérés par l’Office national des forêts (CGPPP, art. L. 5111-4. – C. for., art. L. 121-2).
Toutefois, l’aliénation de bois et forêts dépendant du domaine privé de l’État nécessite en principe une loi (CGPPP, art. L. 3211-5).
Par exception, la vente d’une forêt domaniale est possible sans loi lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1. la forêt est d’une contenance inférieure à 150 hectares69 ;
2. elle n’est nécessaire ni au maintien et à la protection des terrains en montagne, ni à la régulation du régime des eaux et à la production de la qualité des eaux ou à l’équilibre biologique d’une région ou encore au bien-être de la population ;
3. les produits tirés de son exploitation ne couvrent pas les charges de gestion.
De même, les bois et forêts de l’État compris dans le périmètre d’une déclaration d’utilité publique sont cédés conformément aux dispositions de l’article L. 222-4 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique70.
La vente d’un bois par une collectivité territoriale ou un établissement public suppose au préalable la distraction du régime forestier71.
2025
La distraction est l’acte administratif en vertu duquel les bois et forêts des collectivités territoriales et des personnes morales énumérées à l’article L. 211-1, 2° du Code forestier72 sont retirés du régime forestier. Cette opération est organisée par une circulaire du 3 avril 200373 et a fait l’objet d’une réponse ministérielle en 201674.
Considérée comme un acte contraire, la distraction consiste à abroger la décision de soumission au régime forestier. La distraction relève des mêmes règles de compétence que le régime forestier. Ainsi, la décision appartient au préfet sur proposition de l’Office national des forêts (ONF) et après avis de la collectivité ou de la personne morale propriétaire (C. for., art. L. 214-3 et R. 214-2). En cas de désaccord, la compétence revient au ministre chargé des forêts après avis, selon le cas, des autres ministres concernés.
2026 – Une propriété donnant droit à l’accession. – L’article 546 du Code civil dispose que : « La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle “droit d’accession” ». La propriété immobilière emporte celle du fonds75, du tréfonds76et de la superficie77. Il en résulte que : « Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre “Des servitudes ou services fonciers” » (C. civ., art. 552, al. 2). Enfin, la première phrase de l’article 553 du même code édicte que : « Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé ». Le propriétaire bénéficie d’une double présomption :
avoir planté les arbres ;
et en être propriétaire.
Si la plantation est réalisée par un tiers à ses frais, la propriété des arbres est reconnue au propriétaire du sol. S’il conserve les plantations, il doit indemniser le planteur (C. civ., art. 555). Le propriétaire a le choix entre verser le coût actualisé de la plantation ou la plus-value acquise par le sol grâce aux arbres plantés. Dans l’hypothèse où la plantation a été faite sans titre, le planteur peut être astreint par le propriétaire à supprimer les plantations. L’accession joue de plein droit. Elle se réalise du seul fait de l’incorporation, en dehors de la volonté du propriétaire78.
Ces dispositions sont supplétives de volonté79. En effet, le propriétaire d’un terrain est susceptible de reconnaître la propriété d’une plantation à un tiers80. La dissociation des plantations et du sol peut être totale ou partielle.
Ainsi, les utilités de la forêt sont nombreuses : exploitation des arbres, promenade, pratiques sportives, chasse, cueillettes de fruits, de champignons, etc. Depuis la promulgation du Code civil en 1804, le droit de propriété en forêt s’adapte à la survivance de droits particuliers, généralement issus de l’Ancien Régime.
2027 Face au droit de propriété en théorie absolu, la survivance des droits d’usage forestiers démontre la possibilité de distribuer les utilités de la forêt entre plusieurs personnes. Par ailleurs, les fonctions environnementale et sociale de la forêt, désormais inscrites dans la loi, s’ajoutent aujourd’hui à son rôle économique premier (C. for., art. L. 121-1)81.
2028 – Définition des usages. – Les usages forestiers sont les droits réservés aux habitants d’une zone géographique82de prélever sur la forêt d’autrui une partie de ses fruits ou produits, dans la limite de leurs besoins personnels. Hérités de l’Ancien droit, ils répondaient jadis aux nécessités de subsistance des habitants des campagnes. Le Code civil les mentionne très succinctement83. En revanche, le Code forestier comprend de nombreuses dispositions relatives à l’exercice des droits d’usage forestiers, sans toutefois en apporter de définition84. Ces usages portent essentiellement sur :
la coupe des arbres pour l’affouage85et le marronnage86. Le droit peut également porter sur le ramassage du bois mort ;
la nourriture pour le bétail : droit de pâturage ou de pacage87en forêt pour les grands animaux88et le petit bétail. Les caprins et les ovins sont généralement exclus du droit de pâturage (C. for., art. L. 241-14, al. 1 et 2)89. Le droit de glandée et de panage permet aux porcins d’accéder aux sous-bois pour se nourrir de glands et de faînes90en automne et parfois en hiver ;
le droit aux fruits et produits de la forêt et de son territoire : droit d’extraire des matériaux ou des produits superficiels, droit de soultrage91, ramassage des champignons92, cueillette.
Certains droits régionaux subsistent, tels que le droit de « cayolar » dans le Pays basque93. D’autres, comme le droit de « bandite », ont été supprimés94.
2029 – Les caractéristiques des droits d’usage. – L’usage forestier est attaché à l’habitation. On parle de maison usagère ou de village usager. La simple résidence dans un lieu, à titre de propriétaire ou de locataire, ouvre le bénéfice de ces droits à l’habitant. Le droit est incessible. Ainsi, l’immeuble ne peut pas être vendu indépendamment du droit à l’usage. Les droits d’usage sont perpétuels95. Ils grèvent une forêt identifiée, la qualité de son propriétaire96important peu pour la reconnaissance de ce droit.
L’affouage et le marronnage concernent exclusivement les besoins personnels des usagers (C. for., art. L. 241-17)97. Les droits de pâturage et de panage s’appliquent uniquement aux activités agricoles (C. for., art. L. 241-12). Le titulaire des droits a l’obligation de communiquer les identifiants de chacun des animaux admis au pacage et au panage à l’ONF (C. for., art. R. 241-25).
L’usager doit demander la délivrance de son droit, tant pour les forêts de l’État que pour celles des collectivités publiques (C. for., art. L. 146-3). Cette obligation permet à l’ONF de s’assurer de la compatibilité de l’usage avec les possibilités de la forêt98. Les droits de pâturage et de panage sont admis uniquement dans les forêts ne justifiant pas une mise en défens99. Ce contrôle est réalisé par l’ONF (C. for., art. L. 241-10) ou par l’administration chargée des forêts s’agissant des propriétés privées (C. for., art. L. 314-2).
Le titulaire d’un droit d’usage forestier ne peut l’exercer d’autorité. Ainsi, aucun bois ne peut être partagé sur pied ni abattu individuellement par le titulaire du droit d’usage. Il ne peut prendre le bois qu’après délivrance (C. for., art. L. 241-15). Dans les forêts relevant du régime forestier, le bois de chauffage est exploité à l’initiative de l’ONF, puis remis aux titulaires du droit d’usage (C. for., art. R. 241-29). La délivrance des bois de construction est faite sur présentation de devis d’entreprises (C. for., art. R. 241-30).
Chaque année, dans les forêts publiques, l’ONF constate par un procès-verbal l’état des parcelles forestières où peuvent s’exercer le pâturage, la glandée ou le panage. Il indique le nombre d’animaux admissibles et les époques d’exercice de ces droits (C. for., art. R. 241-20). Le maire de chacune des communes, ainsi que les particuliers titulaires de ces droits dans les bois et forêts de l’État, remettent annuellement à l’ONF, avant le 31 décembre pour le pâturage et avant le 30 juin pour le panage, l’état des bestiaux que chaque titulaire du droit d’usage possède, avec la distinction entre ceux destinés à un usage agricole et ceux dont il fait commerce (C. for., art. R. 241-17).
2030 – Une nature juridique hybride. – En raison de leur singularité, le référencement des droits d’usage forestiers dans une catégorie juridique ne va pas de soi. Le Code civil et le Code forestier ne contiennent pas de disposition permettant de clarifier cette question. Malgré l’homonymie, les usages forestiers ne sont pas assimilables au droit d’usage et d’habitation défini aux articles 625 et suivants du Code civil100.
Les droits d’usage forestiers présentent un caractère réel marqué. Leur perpétuité s’oppose par nature aux droits personnels s’éteignant avec le décès de leur titulaire. Pour cette raison, ils s’écartent également de l’usufruit101ou de son succédané l’usage (C. civ., art. 625)102. En outre, les droits d’usage forestiers s’exercent sur un fonds identifié. Ainsi, il s’agit bien plus d’un droit réel que personnel. Mais, en l’absence de fonds dominant, ce droit n’est pas une servitude au sens du Code civil (C. civ., art. 637)103. En effet, les habitants titulaires des droits d’usage forestiers ne sont pas nécessairement propriétaires. Au surplus, les propriétaires n’étant pas domiciliés sur place ne bénéficient pas de ces droits.
Les titulaires des droits d’usage forestiers en demandent la délivrance au propriétaire. Leur exercice est limité à la satisfaction des besoins familiaux ou du bétail. En conséquence, il ne s’agit ni d’un droit de superficie ni d’un fractionnement du droit de propriété permis par l’arrêt Caquelard104et les deux arrêts Maison de Poésie105. La satisfaction des besoins personnels rapproche les droits d’usage forestiers de l’usage résultant du Code civil (C. civ., art. 630, al. 1)106.
Finalement, ces droits particuliers ont une nature hybride, entre la servitude et l’usage. La doctrine fait d’ailleurs remarquer que l’article 636 du Code civil107clôt le chapitre sur les droits d’usage et d’habitation, situé juste avant l’ouverture du titre relatif aux servitudes108. Les dispositions du Code civil ne permettant pas d’appréhender totalement la nature de ces droits109, certains auteurs préconisent la reconnaissance d’une « servitude sans fonds dominant »110ou la redécouverte de la « servitude personnelle » du droit romain111, qui permettraient de mieux cerner la nature des droits d’usage forestiers.
Cette nature hybride connaît des exceptions. Il arrive en effet que des conventions, chartes ou décisions judiciaires donnent à certains de ces droits une nature plus personnelle112ou plus réelle113.
2031 – La création de nouveaux droits d’usage forestiers. – Depuis la promulgation du Code forestier en 1827, « il ne peut être fait dans les bois et forêts de l’État aucune concession de droit d’usage de quelque nature que ce soit et sous quelque prétexte que ce soit » (C. for., art. L. 241-1). Cette prohibition s’étend aux forêts des collectivités et personnes morales relevant du régime forestier (C. for., art. L. 242-2). La création de droits d’usage étant désormais interdite, ils ne peuvent s’acquérir par prescription114.
Le propriétaire d’une forêt privée est libre de conférer tout nouveau droit d’usage, sous deux réserves :
1. la création d’un droit d’usage dans une forêt gérée contractuellement par l’ONF doit obligatoirement être autorisée par cet organisme, sous peine de nullité (C. for., art. L. 315-2, al. 2) ;
2. la création d’un droit d’usage dans les forêts de protection115ne relevant pas du régime forestier nécessite une autorisation préfectorale sous peine de nullité (C. for., art. R. 141-29).
L’acquisition de droits d’usage par prescription est impossible. La jurisprudence considère en effet que le droit d’usage forestier est une servitude discontinue ne pouvant s’établir que par titres (C. civ., art. 691)116.
2032 – L’extinction des droits d’usage forestiers. – L’extinction des droits d’usage forestiers suit les règles propres aux servitudes : la perte de la chose emporte cessation de la servitude (C. civ., art. 703). Le non-usage trentenaire éteint également les servitudes (C. civ., art. 706). Il convient toutefois d’être prudent quant à l’application de l’article 706 du Code civil aux droits d’usage forestiers. En effet, la jurisprudence refuse parfois de prononcer l’extinction de ces droits par le non-usage trentenaire117.
Le Code forestier prévoit la possibilité de mettre fin aux droits d’usage forestiers suivant deux mécanismes distincts :
le cantonnement : cette procédure consiste à remettre aux titulaires du droit d’usage la propriété d’une fraction de la forêt sur laquelle s’exerce ce droit. En contrepartie, le surplus de la forêt se trouve affranchi du droit d’usage. Elle est applicable aux forêts de l’État (C. for., art. L. 241-5), à celles des collectivités et personnes morales dont les forêts relèvent du régime forestier (C. for., art. L. 242-1) et aux forêts privées (C. for., art. L. 314-1). Elle ne s’applique qu’aux droits d’usage relatifs au bois118. Cette procédure est mise en œuvre par le propriétaire de gré à gré ou, à défaut, devant le juge judiciaire. Le cantonnement des forêts usagères est à l’origine de nombreuses forêts communales et sectionales, suite à la volonté de l’État de s’affranchir des droits d’usage ;
le rachat : le propriétaire119a la possibilité de racheter le droit d’usage forestier afin de le supprimer (C. for., art. L. 241-6, al. 1). L’usager reçoit des indemnités fixées amiablement ou à défaut par le juge judiciaire. Cette procédure est applicable à tous les droits d’usage120. Toutefois, le rachat ne peut être requis dans les lieux où l’exercice du droit de pâturage est une nécessité absolue pour les habitants (C. for., art. L. 241-6, al. 2).
Les articles R. 241-1 et suivants du Code forestier fixent la procédure de cantonnement, les méthodes d’évaluation du droit d’usage supprimé et de la partie de forêt remise à l’usager en cas de cantonnement.
Malgré l’interdiction de conférer des droits d’usage forestiers depuis 1827, de nouveaux usages liés aux loisirs se développent. Ils s’inscrivent dans un mouvement plus large reconnaissant les fonctions économique, environnementale et sociale de la forêt.
2033
Une section de commune est une partie de commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune elle-même. La section de commune est une personne morale de droit public dont sont membres les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire. Depuis 2013, il ne peut plus être constitué de section de commune (CGCT, art. L. 2411-1). Les biens et droits des sections de communes consistent généralement en des terres ou des bois. Ils résultent notamment de droits d’usage ou de cantonnements forestiers. Les membres de la section ont la jouissance des biens dont les fruits sont perçus en nature, à l’exclusion de tout revenu en espèces. Les revenus en espèces et le produit de la vente de biens de la section ne peuvent être employés que dans l’intérêt de la section (CGCT, art. L. 2411-10 et L. 2411-17). Une loi du 27 mai 2013121 prévoit le recensement systématique des sections de communes sous la responsabilité du préfet. Elle simplifie le transfert des biens de la section à la commune.
2034 – Le caractère multifonctionnel de la forêt. – Les droits d’usage forestiers limitant le caractère absolu du droit de propriété sont voués à une disparition progressive. Inversement, les limitations des prérogatives du propriétaire de bois et forêts sont renforcées par les nouvelles fonctions assignées par les pouvoirs publics à la forêt. En effet, « tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits résultant de la propriété dans les limites spécifiées par le présent code et par la loi, afin de contribuer, par une gestion durable, à l’équilibre biologique et à la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers » (C. for., art. L. 112-2, al. 1). La propriété se trouve finalisée122. Aujourd’hui, la politique de l’État prend en compte les fonctions économique, écologique et sociale des bois et forêts (C. for., art. L. 121-1, al. 2)123.
2035 – La fonction économique de la forêt. – La fonction de production de bois attachée à la forêt métropolitaine française est essentielle pour la préservation du territoire forestier et pour l’économie de la nation en général.
2036 – Un accroissement du bois sur pied – une récolte insuffisante. – Sans le besoin de récolte de bois, l’État n’aurait pas initié les grandes politiques de protection de la forêt des siècles passés. La forêt métropolitaine d’aujourd’hui est en grande partie le résultat des politiques forestières successives, notamment depuis la promulgation du Code forestier en 1827. Ce code a cherché avant tout à protéger le territoire national de la déforestation124. Le succès de cette politique menée de manière ininterrompue depuis deux siècles est certain. La surface en France métropolitaine a doublé au cours des deux derniers siècles et continue de croître au rythme de 25 000 hectares par an, surtout dans la moitié méridionale de l’Hexagone125. Malheureusement, la récolte de bois est insuffisante. En moyenne, seule la moitié de la production nette est prélevée126. La conséquence directe est un accroissement important du volume de bois sur pied. De 129 mètres cubes en 1981, le volume de bois est passé à 161 mètres cubes à l’hectare pour la période 2008-2012, soit une augmentation de 25 % en un peu plus d’un quart de siècle127. Corrélé à l’accroissement de la surface boisée sur cette période, le stock de bois sur pied en France métropolitaine s’établit désormais à 2,5 milliards de mètres cubes, en augmentation de 45 %. La récolte pendant ces vingt-sept à trente ans a augmenté de 25 %, atteignant 37,8 millions de mètres cubes de bois128. Les difficultés actuelles de la forêt sont essentiellement dues à sa sous-exploitation.
2037 – Les usages du bois. – La production de bois assure des matériaux pour les entreprises de meubles, charpentes, panneaux, huisseries, parquets, cartons, papiers, etc. Le bois est également utilisé pour la production d’énergie. Alors dénommé bois-énergie ou bois-biomasse, ce combustible est employé sous diverses formes129dans des installations individuelles, industrielles ou collectives. Il produit de la chaleur, de l’électricité ou des biocarburants après transformation (gaz naturel de synthèse). Gérée durablement, la ressource est infinie, à la différence des autres matières premières et énergies fossiles.
La filière forêt-bois est un employeur important. L’emploi salarié et indépendant s’établit à 230 000 personnes sur la période 2008-2012. Il est toutefois en baisse. Pour les années 1999-2002, on dénombrait 300 000 personnes dans ce secteur d’activité130. Les entreprises sont souvent implantées en zone rurale : exploitations forestières, entreprises de travaux forestiers, scieries, industries, artisans, organismes forestiers de conseil et de gestion.
Malheureusement, la balance commerciale de la filière bois est chroniquement déficitaire. Pour 2016, le déficit s’établit à 5,9 milliards d’euros131. De protégée, la forêt française doit devenir productrice. Les besoins sont vastes. Le développement de l’utilisation du bois-énergie et du bois-matériau demande une meilleure mobilisation du stock de bois sur pied. Les rapports relatifs à la meilleure valorisation de la forêt sont très nombreux. Depuis 1984, on en recense 250132. La forêt constitue un enjeu d’avenir pour la France par son potentiel économique et social. La contribution de la forêt au développement économique dépend aussi de la structure des industries du bois et de la qualité de leur intégration à l’ensemble du secteur industriel133. Mais le développement de la filière bois dépend également de la gestion durable et de la préservation des forêts. En effet, les bénéfices environnementaux et écologiques de la forêt sont essentiels pour les territoires.
2038 – La fonction écologique de la forêt. – Sur le plan écologique, la forêt est indispensable aux autres territoires. Ses fonctions environnementales extrêmement variées n’ont pourtant presque pas de valeur marchande.
2039 – La biodiversité. – La forêt est un réservoir de biodiversité. Elle abrite une multitude d’organismes vivants : arbres, arbustes, fougères, ronces, lianes, mousses, lichens, champignons, insectes, rongeurs, amphibiens, reptiles, chauves-souris, grands animaux, oiseaux. Il existe en France métropolitaine 136 essences d’arbres (76 feuillues et 60 résineuses)134. Dans les forêts tropicales des départements et territoires d’outre-mer, notamment en Guyane française (8 millions d’hectares), plusieurs centaines d’espèces coexistent.
2040
La forêt couvre 8,3 millions d’hectares dans les cinq départements d’outre-mer, dont 97 % en Guyane. Les forêts tropicales françaises offrent une biodiversité remarquable : forêt primaire135 en Guyane, mangrove aux Antilles, forêt de montagne à La Réunion. 440 000 espèces végétales et animales y représentent une diversité biologique exceptionnelle136.
2041 – La qualité de l’eau. – Le couvert forestier favorise l’infiltration complète des eaux de pluie. Le sol forestier agit également comme filtre pour les impuretés des eaux reçues et régule le régime des crues.
2042 – La qualité de l’air – le puits à carbone. – La forêt fixe les poussières et polluants, notamment grâce aux feuillages, mousses et lichens. La forêt absorbe une partie du carbone existant dans l’atmosphère137. Le bois-matériau constitue à ce titre un excellent moyen de fixer durablement le carbone138, tout en libérant de l’oxygène. Le cycle forestier influe également sur la quantité de carbone stockée : l’arbre jeune stocke davantage de carbone que l’arbre vieillissant. Au contraire, en phase de décomposition, l’arbre libère du carbone.
2043 – La protection contre les risques naturels. – La forêt préserve naturellement les sols de l’érosion. Sur le littoral, elle fixe les dunes. En montagne, elle protège des chutes de pierres, des glissements de terrain et des avalanches.
2044 – La valeur économique de la fonction environnementale. – La fonction environnementale de la forêt a fait l’objet de recherches économiques. Une valeur de 970 € par hectare et par an pour les différents services écosystémiques (comprenant également la cueillette et la chasse) a été proposée par un rapport français en 2009139. La loi permet désormais au propriétaire dont la forêt est soumise à un document de gestion durable de recevoir des contreparties pour les services rendus en matière environnementale (C. for., art. L. 121-2). Aucun inventaire n’a pour l’instant été établi à ce titre. Cette approche économique se penche également sur la valeur de la fonction sociale de la forêt.
2045 – La fonction sociale de la forêt. – La fonction sociale de la forêt, prévue par la loi (C. for., art. L. 121-1, al. 2), ne fait l’objet d’aucune définition dans le Code forestier. Elle est apparue avec force au cours de la seconde moitié du 20e siècle, répondant aux préoccupations de loisir des urbains. Au départ, ces loisirs se limitaient aux promenades en forêt, à pied ou à cheval. Ils sont aujourd’hui plus sophistiqués : VTT, quads, accrobranche, etc. Des parties de forêts publiques sont aménagées en parcours de santé. La forêt est également un lieu de découverte et de formation aux sciences du vivant.
2046 – L’accueil du public. – L’accueil du public en forêt est régi par une circulaire de 1979140. Ce texte vise à concilier la circulation des personnes et la protection des boisements. Il rappelle que l’ouverture d’une forêt au public est un choix discrétionnaire du propriétaire public ou privé. Toutefois, dans les bois et forêts relevant du régime forestier, en particulier ceux appartenant à l’État, l’ouverture au public est recherchée le plus largement possible. Cela implique des mesures permettant la protection des bois et forêts et des milieux naturels, notamment pour garantir la conservation des sites les plus fragiles ainsi que des mesures nécessaires à la sécurité du public (C. for., art. L. 122-10). L’État et les collectivités publiques sont ainsi invités à ouvrir leurs forêts, sans y être formellement obligés, la forêt dépendant de leur domaine privé141. Les propriétaires privés n’ont également aucune obligation. En cas d’ouverture au public, et sous réserve que leur forêt soit soumise à un document de gestion durable, ils sont susceptibles de recevoir des contreparties pour services rendus (C. for., art. L. 121-2).
2047 – Les conventions pour l’ouverture au public. – Les collectivités territoriales ont la faculté de passer des conventions relatives à l’ouverture au public ou à l’exercice des sports de nature avec les propriétaires publics ou privés de forêts. La collectivité prend en général en charge les dépenses d’aménagement, d’entretien et de réparation, ainsi que les coûts d’assurances engendrés par l’ouverture au public. L’indemnité versée au propriétaire pour services rendus est également supportée par la collectivité (C. urb., art. L. 113-6).
Le cas échéant, les documents de gestion durable intègrent les objectifs d’accueil du public (C. for., art. L. 122-9).
2048 – Conclusion. – En matière forestière, le caractère absolu du droit de propriété est amoindri par des finalités singulières. Les fonctions économique, environnementale et sociale créent en effet des sujétions importantes, obligeant le propriétaire à orienter l’exercice de ses droits dans le sens voulu par la loi. La propriété des bois et forêts est finalisée. Le propriétaire doit contribuer, par une gestion durable, à l’équilibre biologique et à la production de bois (C. for., art. L. 112-2). Les multiples utilités de la forêt peuvent être réparties entre plusieurs personnes. Au fil du temps, le droit de propriété est également susceptible d’être « partagé ». Le droit de la propriété forestière présente ainsi des particularités marquées. Ces singularités se retrouvent également dans l’exercice du droit de propriété à l’épreuve du temps. Que ce soient les droits de l’usufruitier ou ceux de l’indivisaire, des dispositions spécifiques s’appliquent à la propriété forestière (Chapitre II).