2611 Jusqu’alors, le faible coût de l’électricité conjugué aux mécanismes publics de soutien aux énergies renouvelables rendait la revente de l’électricité produite plus rentable. L’augmentation des tarifs de l’électricité traditionnelle, la baisse corrélative du prix de rachat de l’énergie produite et des coûts d’installation des unités de production augmentent considérablement l’intérêt de l’autoconsommation998. Il s’agit toutefois de balbutiements. En effet, seuls 15 000 foyers français autoconsommaient leur électricité en 2017 ; 5 000 l’autoconsommaient et revendaient le surplus de leur production999. Néanmoins, le législateur a opportunément organisé cette possibilité1000. Ainsi, il convient d’aborder dans un premier temps le régime de l’autoconsommation de l’électricité produite (Section I), et, dans un second temps, celui de sa vente (Section II).
2612 – L’autoconsommation individuelle. – L’autoconsommation est le fait, pour un producteur, de consommer lui-même et sur un même site, tout ou partie de l’électricité produite, soit instantanément, soit après une période de stockage (C. énergie, art. L. 315-1). Un droit d’accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer les opérations d’autoconsommation (C. énergie, art. L. 111-91). En effet, en raison des aléas climatiques et de l’effet des saisons, l’autosuffisance n’est jamais pleinement assurée, le producteur étant susceptible de recourir occasionnellement au réseau électrique. Ainsi, les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité ont l’obligation de mettre en œuvre les dispositifs techniques et contractuels nécessaires à l’autoconsommation, notamment en ce qui concerne le comptage de l’électricité (C. énergie, art. L. 315-6). Techniquement, le compteur « Linky » permet d’enregistrer tant l’électricité produite que l’électricité consommée grâce à un seul appareil1001. Sur le plan pratique, l’autoconsommateur déclare ses installations au gestionnaire du réseau public d’électricité préalablement à leur mise en service (C. énergie, art. L. 315-7). La Commission de régulation de l’énergie établit les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité spécifiques pour les autoconsommateurs dont l’installation est d’une puissance inférieure à 100 kilowatts (C. énergie, art. L. 315-3)1002.
En 2014, 10 % de l’électricité consommée en Allemagne était autoconsommée1003. Ce chiffre important résulte du coût de l’électricité, plus élevé en Allemagne qu’en France. Outre les nombreuses subventions, il est ainsi très rentable de se tourner vers l’autoconsommation1004. En conséquence, l’essentiel du parc photovoltaïque résidentiel est tourné vers l’autoconsommation plutôt que la revente. Plus d’un million de foyers allemands sont équipés de systèmes photovoltaïques.
2613 – L’autoconsommation collective. – L’autoconsommation collective consiste à partager la production d’électricité et sa consommation entre plusieurs consommateurs. Cette situation se rencontre principalement dans les logements collectifs et les centres commerciaux. L’autoconsommation collective est caractérisée lorsque les producteurs et les consommateurs sont liés au sein d’une même personne morale et que les points de soutirage et d’injection se situent en aval d’un même transformateur public (C. énergie, art. L. 315-2). Différentes formes de groupement répondent à cet objectif : société, association, syndicat de copropriétaires, etc. La structure choisie établit à la fois les index de consommation de la part autoconsommée et de l’électricité extérieure (C. énergie, art. L. 315-4). Si la production dépasse le besoin d’autoconsommation, le surplus qui n’aurait pas été vendu à un tiers est cédé gratuitement au gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité (C. énergie, art. L. 315-5).
Un immeuble situé 179 bis quai de Valmy à Paris suggère une possible évolution de l’architecture urbaine. L’immeuble, géré par Emmaüs, comprend une quarantaine de logements, et sa façade est entièrement recouverte de panneaux photovoltaïques, sans sacrifier l’esthétique1005. Les panneaux de la façade et de la toiture permettent de produire 40 % de l’énergie électrique consommée par le bâtiment, et couvrent également 40 % des besoins en eau chaude sanitaire.
2614 – Le raccordement aux réseaux. – Le raccordement d’un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d’ouvrages d’extension, d’ouvrages de branchement, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants (C. énergie, art. L. 342-1). À l’exception des cas où il est nécessaire d’entreprendre des travaux d’extension ou de renforcement du réseau, le délai de raccordement d’une installation de production d’électricité de faible ampleur est en principe de deux mois à compter de l’acceptation de la convention de raccordement (C. énergie, art. L. 342-3, al. 1)1006. Dans cette hypothèse, la proposition de convention de raccordement est adressée par le gestionnaire de réseau dans le délai d’un mois à compter de la réception d’une demande complète de raccordement. Pour les autres installations de production d’énergie renouvelable, le délai de raccordement ne peut excéder dix-huit mois (C. énergie, art. L. 342-3, al. 2). Il est possible d’effectuer en amont une pré-étude sans valeur d’engagement, permettant d’estimer la faisabilité technique, le coût et le délai du raccordement1007. Ensuite, les règles et procédures d’établissement du raccordement sont propres à chaque gestionnaire. Elles sont compilées dans une « documentation technique de référence »1008. Les demandes de raccordement étant supérieures à la capacité d’accueil par le réseau, un dispositif de « file d’attente » a été mis en place1009. S’agissant des raccordements au réseau RTE, le demandeur dispose de deux voies permettant d’intégrer la file d’attente1010 :
l’étude approfondie et la proposition d’entrée en file d’attente (PEFA). L’étude approfondie a pour objectif de définir la solution de raccordement faisant l’objet de la demande, selon les données fournies par le demandeur. Le gestionnaire dispose de trois mois pour réaliser cette étude. Les résultats de l’étude approfondie sont ensuite adressés au demandeur, accompagnés d’une PEFA. Le demandeur dispose alors d’un délai de trois mois pour accepter la PEFA, faisant entrer son projet dans la file d’attente. Il convient de préciser que les coûts indiqués au demandeur sont indicatifs et ne constituent pas un devis. Les délais annoncés pour renforcer le réseau en amont sont également estimatifs. Cette voie est optionnelle. En pratique, elle est réservée aux hypothèses nécessitant l’examen de différentes solutions de raccordement, l’adaptation de la taille de l’installation selon la capacité d’accueil du réseau, ou l’adaptation de la technologie de l’installation. Enfin, le demandeur signant la PEFA est tenu de demander la proposition technique et financière dans le délai d’un mois à compter de cette signature ;
la proposition technique et financière (PTF). Lorsque le dossier du demandeur est complet, le gestionnaire dispose d’un délai de trois mois pour émettre la proposition technique et financière. Le demandeur dispose ensuite de trois mois pour l’accepter. La PTF établit avec précision les conditions du raccordement : description technique, coûts et délais de réalisation maximums. Elle engage le gestionnaire sur le coût maximal du raccordement et sur le délai maximal de réalisation de l’extension.
Le non-respect des délais d’instruction constitue une faute du gestionnaire1011. Avant le commencement des travaux, une convention fixant les conditions techniques et juridiques du raccordement est établie. Après les travaux et avant la mise sous tension, un contrat d’accès au réseau est conclu. Le contrat de raccordement d’accès et d’exploitation (CRAE) confère uniquement le droit d’injecter de l’électricité dans le réseau. Il est distinct du contrat d’achat d’énergie passé entre le propriétaire et l’entreprise cessionnaire de la production.
Au-delà de douze mégawatts, la demande de raccordement est effectuée auprès de RTE, gestionnaire de transport pour la haute et la très haute tension1012. En dessous de ce seuil, la demande relève d’ENEDIS (anciennement ERDF), gestionnaire de transport de la moyenne et basse tension1013. Dans certains cas, le raccordement s’effectue néanmoins auprès de sociétés locales. Par exemple, GÉRÉDIS est le gestionnaire du réseau concédé par le Syndicat intercommunal d’énergie des Deux-Sèvres.
2615 – La vente d’électricité. – Depuis la loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte, l’électricité produite à partir d’énergie renouvelable se vend en principe directement sur le marché, au prix du marché1014. Une partie reste néanmoins éligible au système de l’obligation d’achat. Électricité de France ou l’entreprise locale de distribution est alors tenue de conclure un contrat pour l’achat de l’électricité produite si le producteur en fait la demande, sous réserve toutefois de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux (C. énergie, art. L. 314-1). Ce système, obligeant l’acheteur légal à payer l’électricité à un prix supérieur à celui du marché, a été qualifié d’aide d’État1015. Les premiers textes réglementaires ont été annulés en conséquence1016. Puis le système a été valablement notifié en tant qu’aide gouvernementale auprès de la Commission européenne, et a pu être réintroduit en droit positif1017. La politique européenne tend cependant à la suppression de cette forme de subvention, sauf pour les unités de moindre importance1018. Relèvent encore de l’obligation d’achat (C. énergie, art. D. 314-15) :
les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs ou des cours d’eau, d’une puissance inférieure à 500 kilowatts1019 ;
les installations photovoltaïques implantées sur un bâtiment, d’une puissance crête inférieure à 100 kilowatts1020 ;
les éoliennes situées dans des zones particulièrement exposées au risque cyclonique et disposant d’un dispositif de prévision et de lissage de la production ;
certaines installations utilisant le biogaz produit par méthanisation et de faible puissance.
Pour les installations encore éligibles, le bénéfice de l’obligation d’achat est en principe accordé une seule fois (C. énergie, art. L. 314-2). Le contenu du contrat, notamment le tarif d’achat, est déterminé par l’autorité administrative (C. énergie, art. L. 314-4). Il s’agit d’un contrat administratif (C. énergie, art. L. 314-7), dont le contentieux relève du juge administratif1021.
Un immeuble est en principe vendu avec tous ses accessoires (C. civ., art. 1615). Le régime de l’obligation d’achat implique néanmoins la rédaction d’un avenant au contrat initial, afin de le transmettre à l’acquéreur de l’immeuble aux mêmes clauses et conditions (C. énergie, art. R. 361-6). En d’autres termes, l’acte de vente de l’immeuble ne suffit pas à opérer la transmission du contrat. Il est utile, par ailleurs, de porter dans l’acte de vente les index de production servant de références pour l’établissement de l’avenant.