Mise en œuvre du droit de préemption

Mise en œuvre du droit de préemption

La notification préalable au locataire

– Forme de la notification. – Avant la conclusion de toute vente d’un local entrant dans le champ d’application du droit de préemption, l’article 10, I, alinéa 1er de la loi de 1975 impose à peine de nullité que la notification soit faite au locataire ou à l’occupant de bonne foi, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En application de l’article 651 du Code de procédure civile, la notification pourrait néanmoins être faite par acte de commissaire de justice.

Point d’attention : la notification « loi de 1975 » au locataire doit précéder l’avant-contrat

La Cour de cassation a prononcé la nullité d’un compromis de vente et de l’offre de vente faite au locataire au motif que cette offre était postérieure à la date de signature du compromis de vente, peu important la date de réitération de la vente. Elle condamne donc la signature d’un avant-contrat valant vente avant la notification au locataire (promesse synallagmatique ou unilatérale de vente). Le seul avant-contrat susceptible d’être conclu avant la notification de l’offre au locataire serait une promesse unilatérale d’achat, le vendeur se réservant la possibilité de lever ou non l’option.
– Contenu de la notification. – La notification doit comprendre le prix, les modalités de paiement ainsi que les conditions principales de la vente.

Point d’attention : la notification « loi de 1975 » au locataire ne peut lui imposer de régler une commission

La notification étant préalable à la signature de tout avant-contrat, il ne peut être imposé au locataire le paiement d’une commission de négociation.
– Mentions obligatoires. – La notification faite au locataire doit reproduire les cinq premiers alinéas de l’article 10, I de la loi de 1975 (art. 10, al. 6), à peine de nullité de la notification. La notification mentionne également l’existence d’un autre droit de préemption (D. 30 juin 1977, art. 2, al. 2).
– Destinataire de la notification. – La notification est faite au locataire ou à l’occupant de bonne foi au sens de l’article 4 de la loi du 1er septembre 1948. S’il existe plusieurs titulaires du droit de préemption, la notification doit être faite à chacun d’entre eux et doit reproduire les paragraphes I et II de l’article 4 du décret no 77-742 du 30 juin 1977. L’article 13, III de la loi du 21 juillet 1994 a complété l’article 10, I de la loi du 31 décembre 1975 en précisant que : « Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du Code civil, les notifications ou significations faites en application du présent titre par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire si son existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur ». Si le locataire (ou l’occupant) est une personne protégée, l’article 6 du décret du 30 juin 1977 indique que la notification préalable doit être adressée tant à la personne protégée qu’à son représentant légal.
– Auteur de la notification. – Il appartient au bailleur de procéder à la notification préalable (L. 1975, art. 10, I, al. 1er). Une notification faite par un tiers qui n’aurait pas été dûment mandaté par le bailleur entraînerait la nullité de la vente. Si le logement concerné est un bien de communauté, la notification nécessite le consentement des deux époux (C. civ., art. 1424) ; s’il s’agit d’un bien indivis, elle requiert l’unanimité des indivisaires (C. civ., art. 815-3). À défaut, la vente serait entachée de nullité.
– Portée de la notification. – La notification faite au locataire vaut offre de vente. Dès qu’elle est acceptée par le locataire, le contrat de vente est définitivement et valablement formé (C. civ., art. 1583). La durée de validité de l’offre de vente est passée de un à deux mois par l’effet de la loi du 21 juillet 1994 qui a modifié l’article 10, I, alinéa 2 de la loi de 1975.

La réponse du locataire

– Délai d’option. – Comme en matière de congé pour vente (L. 6 juill. 1989, art. 15), le bénéficiaire du droit de préemption dispose d’un délai de deux mois pour prendre position (L. 1975, art. 10, I, al. 2). Ce délai court à compter de la date de réception de la lettre recommandée ou de l’acte de commissaire de justice. Si le locataire ne signe pas l’accusé de réception ou refuse la lettre recommandée, il est nécessaire de recourir à un exploit de commissaire de justice. Le locataire dispose d’une option : soit il refuse d’acquérir, soit il se porte acquéreur.
– Non-acceptation de l’offre de vente. – La non-acceptation de l’offre de vente peut être tacite et résulter d’une absence de réponse dans le délai légal (D. no 77-742, art. 2, al. 3). Elle peut être également expresse et résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception (D. no 77-742, art. 2, al. 3). En pareils cas, le contrat de vente n’est pas formé mais le contrat de bail demeure. Contrairement au régime de l’article 15, II de la loi de 1989 où le locataire qui renonce à acquérir perd tout titre locatif à l’expiration du contrat, le bail continue avec l’acquéreur du bailleur.
– Acceptation de l’offre de vente. – Le locataire accepte l’offre de vente soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (D. no 77-742, art. 2, al. 3) soit par acte de commissaire de justice (CPC, art. 651). L’offre de vente étant acceptée par le locataire, le contrat de vente est formé mais demeure suspendu à la passation de l’acte authentique dans un délai de deux mois porté à quatre mois si le locataire recourt à un emprunt (L. no 75-1351, art. 10, I, al. 5). Si la signature de l’acte n’intervient pas dans le délai prescrit, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit (L. n° 75-1351, art. 10, I, al. 5).

Les concours de droits de préemption

– Loi de 1975 versus droit de préemption public. – En cas de concours entre le droit de préemption du locataire et un droit de préemption public, c’est le droit de préemption public qui prime. Cette règle a été confirmée par une réponse ministérielle. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 1er, alinéa 2 du décret du 30 juin 1977 impose que la notification adressée au locataire mentionne, le cas échéant, l’existence d’un droit de préemption d’une collectivité publique.
– Loi de 1975 versus loi de 2006. – Le concours du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celui de la loi du 13 juin 2006 est impossible en raison de leurs champs d’application respectifs. En effet, le droit de préemption de la loi de 1975 suppose une vente après division ou une subdivision de l’immeuble, tandis que celui de la loi de 2006 s’applique au contraire à la vente portant sur un immeuble dans sa totalité et en une seule fois.
– Loi de 1975 versus loi de 1989. – Lorsque les conditions du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celles de l’article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 (V. infra, Section II, nos et s.) sont simultanément réunies, le bailleur choisit de purger l’un ou l’autre des droits de préemption selon qu’il souhaite vendre le logement libre ou occupé en cas de refus d’acquérir du locataire. On rappellera que si le locataire de la loi de 1975 renonce à acquérir, le bail est maintenu et le logement est vendu occupé. Dans la loi de 1989, l’offre de vente formulée au locataire s’accompagnant d’un congé, le locataire qui refuse l’offre de vente, doit quitter les lieux à l’échéance du bail.

L’ouverture d’un second droit de préemption

– En cas de baisse de prix. – Initialement, la loi de 1975, prévoyait un droit de substitution en cas de vente consentie à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles mentionnées dans la notification. Après la signature de l’acte de vente, le notaire notifiait au locataire les conditions de la vente signée qui avait un délai d’un mois à compter de la réception de la nouvelle notification pour se substituer à l’acquéreur (L. n° 75-1351, art. 10, al. 4 et 5 ancien). La loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 (art. 15, III) a supprimé le droit de substitution et l’a remplacé par un deuxième droit de préemption (L. 31 déc. 1975, art. 10-I, al. 4). Si le locataire a refusé l’offre de vente contenue dans la notification initiale et que le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux, le propriétaire, à défaut le notaire, doit lui notifier les nouvelles conditions. La notification est faite soit par lettre recommandée, soit par exploit de commissaire de justice. Elle reproduit les dispositions de l’article 10, I, alinéas 1 à 5 et rappelle la date et la teneur de la première notification. Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois pour renoncer ou accepter l’offre. La vente au locataire devra intervenir dans un délai de deux ou quatre mois selon que le locataire a manifesté son intention de recourir ou non à un prêt.

Les sanctions du droit de préemption

– Nullité de la vente. – Dans sa rédaction initiale, la violation du droit reconnu au locataire ou à l’occupant de bonne foi était sanctionnée par l’article 10 de la loi de 1975 par un droit de substitution. Depuis la loi n° 82-526 du 22 juin 1982, l’absence de notification préalable ou la notification incomplète ou irrégulière est sanctionnée par la nullité de la vente conclue avec un tiers . Le locataire peut invoquer la nullité dans les cinq ans du jour où il a connaissance de la vente.