Les conditions d’application du droit de préemption

Les conditions d’application du droit de préemption

Les conditions d’application de ce droit de préemption particulier résultent de l’article 10-1 auquel nous renvoyons :

Article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975, modifié par ordonnance n 2020-71 du 29 janvier 2020, art. 5, en vigueur depuis le 1 juillet 2021

« I. – A. – Préalablement à la conclusion de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de cinq logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l’indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu’il occupe.
Cette notification doit intervenir à peine de nullité de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble. Elle s’accompagne d’un projet de règlement de copropriété qui réglera les rapports entre les copropriétaires si l’un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente, ainsi que des résultats d’un diagnostic technique portant constat de l’état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l’état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité. Ce diagnostic est établi par un contrôleur technique au sens de l’article L. 125-1 du Code de la construction et de l’habitation ou par un architecte au sens de l’article 2 de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qui ne doit avoir avec le propriétaire de l’immeuble ou son mandataire aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité ou à son indépendance. Les dépenses afférentes à ce diagnostic sont à la charge du bailleur.
Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du Code civil, cette notification est de plein droit opposable au conjoint du locataire ou occupant de bonne foi si son existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur. Elle vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi.
L’offre est valable pendant une durée de quatre mois à compter de sa réception. Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et, en ce cas, le délai de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l’acte de vente, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Lorsque, en raison de la vente d’au moins un logement à un locataire ou un occupant de bonne foi, l’immeuble fait l’objet d’une mise en copropriété et que le bailleur décide de vendre les lots occupés à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers, le notaire doit, lorsque le propriétaire n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ou occupant de bonne foi ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification vaut offre de vente à leur profit. Elle est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.
Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire ou occupant de bonne foi de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Les dispositions du présent A doivent être reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.
B. – Préalablement à la conclusion de la vente mentionnée au premier alinéa du A, le bailleur communique au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la vente de l’immeuble dans sa totalité et en une seule fois. Lorsque l’immeuble est soumis à l’un des droits de préemption institués par les chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, la déclaration préalable faite au titre de l’article L. 213-2 du même code vaut communication au sens du présent article.
II. – Les dispositions du I ne sont pas applicables en cas d’exercice de l’un des droits de préemption institués par le titre Ier du livre II du code de l’urbanisme ou lorsque la vente intervient entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
Elles sont applicables aux cessions de la totalité des parts ou actions de sociétés lorsque ces parts ou actions portent attribution en propriété ou en jouissance à temps complet de chacun des logements d’un immeuble de plus de cinq logements.
Elles ne sont pas applicables aux cessions de parts ou actions susvisées lorsque ces cessions interviennent entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
Elles ne sont pas applicables aux cessions d’immeubles à un organisme visé à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation ni, pour les logements faisant l’objet de conventions conclues en application de l’article L. 831-1 du même code, aux cessions d’immeubles à une société d’économie mixte visée à l’article L. 481-1 du même code. »

Les principes

Il est donc nécessaire qu’il y ait :
  • une vente en bloc, c’est-à-dire une vente de l’immeuble, dans sa totalité et en une seule fois : le texte étant d’interprétation stricte, il faut comprendre qu’il est applicable quelle que soit la forme de la vente, amiable ou par adjudication, volontaire ou forcée ;
  • d’un immeuble affecté à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel. Cette question a donné lieu à de nombreuses discussions, notamment en cas de locaux à usage mixte commercial et d’habitation. L’interprétation stricte du texte incite à exclure son application dans un tel cas, bien qu’il soit considéré que cette exclusion soit critiquée comme pénalisant les locataires titulaires d’un bail à usage d’habitation. Mais on observe que la pratique fait généralement une application extensive du texte sans distinguer les locaux professionnels et commerciaux, dans la mesure où la sanction encourue est la nullité de la vente.
  • À noter que l’article 10-1, II de la loi no 75-351 du 31 décembre 1975 rend applicable le droit de préemption à la cession de la totalité des parts ou actions de société, lorsqu’elles portent attribution en propriété ou en jouissance à temps complet de chacun des logements d’un immeuble de plus de cinq logements ;
  • comportant plus de cinq logements. Les logements à prendre en compte sont ceux compris dans l’immeuble et non seulement ceux qui sont loués, un local ne méritant pas la qualification de « logement », comme ne respectant pas les critères de la décence, ne pouvant pas être pris en compte. La loi de 2006 avait fixé le seuil de logements contenus dans l’immeuble déclenchant le droit de préemption « à plus de dix ». La loi Alur a ramené le seuil à « plus de cinq logements ».

Les exceptions

– Alternative de la prorogation des baux. – La principale exception prévue à l’application de ce droit de préemption par l’article 10-1, I, A, alinéa 1 de la loi de 1975, consiste en ce que l’acquéreur s’engage à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente pour permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente.
L’engagement de proroger les baux en cours est purement personnel à l’acquéreur et doit être formalisé dans l’acte d’acquisition qui contiendra « la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail ».
À défaut d’un tel engagement, la nullité de la vente de l’immeuble entier est encourue, car le droit de préemption des locataires aurait dû être purgé. La solution la plus sécurisante est de constater la prorogation par voie d’avenant au bail en cours. En cas de refus de prorogation par le locataire, la prorogation est écartée, sans pour autant lui ouvrir un droit de préemption.
– Personne de l’acquéreur. – Le droit de préemption n’est pas applicable « lorsque la vente intervient entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus » (L. 1975, art. 10-1, II, al. 1). Cette exemption est identique à celle prévue à l’article 10 de la loi de 1975. En outre, la vente ne donne pas ouverture au droit de préemption lorsque l’acquéreur est un organisme visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation ou une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux visée à l’article L. 481-1 du même code. Sont enfin exclues les ventes de logements faisant l’objet de conventions d’aide personnalisée au logement (CCH, art. L. 351-2).
– Exercice d’un droit de préemption public. – Comme pour les autres droits de préemption dont bénéficie le locataire, le droit de préemption de l’article 10-1 de la loi de 1975 n’est pas applicable « en cas d’exercice de l’un des droits de préemption institués par le titre 1er du livre II du Code de l’urbanisme » (L. 1975, art. 10-1, II) : le droit de préemption urbain (C. urb., art. L. 210-1 à L. 216-1), celui applicable dans les zones d’aménagement différé (ZAD).
L’article 10-1, I, B de la loi de 1975 fait peser sur le bailleur une obligation d’information à la commune sur le territoire duquel est situé l’immeuble, du prix et des conditions de vente de l’immeuble dans sa totalité et en une seule fois. La commune pourra alors exercer ce droit de préemption pour maintenir les locataires dans les lieux. Si l’immeuble est soumis à l’un des droits de préemption urbains, la déclaration préalable faite vaut communication au sens de l’article 10-1, I, B.