Pour que la convention soit entièrement soumise à la loi du 6 juillet 1989, il doit s’agir d’un contrat de location au sens de l’article 1709 du Code civil (§ I). Certaines conditions sont à remplir : elles tiennent à la qualité des parties (§ II) et aux locaux loués (§ III). En effet, l’article 2, alinéa 2, de la loi de 1989 énonce que : « Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur ».
Les baux entièrement soumis à la loi de 1989
Les baux entièrement soumis à la loi de 1989
Un contrat de location au sens de l’article 1709 du Code civil
Le bail (ou louage de choses) est défini, depuis 1804, à l’article 1709 du Code civil comme « un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». Pour que la convention soit qualifiée de bail, divers éléments sont à réunir (A). À défaut, les conventions ne sont pas qualifiées de baux et sont donc exclues du champ d’application de la loi de 1989 (B).
Les éléments constitutifs du bail
Une jouissance exclusive du bien
L’obligation principale dont est débiteur le bailleur à l’égard du locataire est de lui procurer la jouissance de la chose louée. Pendant la durée du bail, le bailleur doit prendre toutes les mesures nécessaires au maintien en jouissance du locataire. La jurisprudence a complété l’article 1709 du Code civil en précisant que la jouissance du bien loué doit être exclusive pour que la convention soit qualifiée de location. Le bailleur doit donc abandonner l’usage du bien au profit de son locataire. De même, la jouissance ne peut être partagée. C’est la raison pour laquelle « le contrat de résidence » qui octroie un logement au bénéficiaire et met à sa disposition des structures d’accueil (sanitaires, cuisine, salles dédiées aux activités culturelles ou sociales) ne constitue pas un bail.
À titre onéreux
Le bail est un contrat à titre onéreux. L’article 1709 du Code civil précise que la contrepartie de la jouissance du bien loué consiste en « un certain prix » que le locataire s’oblige à payer au bailleur. En l’absence de prix réel et déterminé, la convention ne peut pas être qualifiée de bail et la loi de 1989 ne peut s’appliquer. La convention est alors qualifiée de contrat de commodat ou de prêt à usage. En l’absence d’écrit, le juge doit fixer un terme raisonnable au contrat. Ce sera le jour où le besoin en vue duquel l’immeuble a été prêté a cessé, ou celui où le prêteur éprouve un besoin urgent et imprévu du logement.
La contrepartie à la jouissance exclusive du bien peut consister en un loyer ou une fourniture de prestation en nature (travaux d’entretien ou de gardiennage). Selon les cas, la jouissance d’un logement moyennant l’accomplissement de prestations par l’occupant s’analyse en un bail (avec un loyer payé en nature) ou un contrat de travail en fonction de l’existence d’un lien de subordination entre les parties.
Les exclusions
À défaut de remplir les conditions de l’article 1709 du Code civil, certaines conventions sont placées en dehors du champ d’application de la loi de 1989. Elles peuvent être constitutives de droits réels (I). La jouissance du logement peut aussi être concédée dans le cadre d’une modalité d’accession à la propriété (II) ou encore au moyen d’une convention d’occupation précaire (III).
Les contrats constitutifs de droits réels
La loi de 1989 n’est pas applicable aux contrats constitutifs de droits réels. Il en est ainsi lorsque le propriétaire d’un immeuble consent à titre onéreux un usufruit viager ou temporaire. La loi de 1989 ne s’applique donc pas lorsque les parties concluent un bail emphytéotique ou un bail à construction. Il en est de même des nouveaux contrats constitutifs de droits réels récemment apparus dans le paysage juridique : le bail réel immobilier, créé par l’ordonnance no 2014-159 du 20 février 2014, réglementé aux articles L. 254-1 à L. 254-9 et R. 254-1 à R. 254-7 du Code de la construction et de l’habitation ; et le bail réel solidaire, créé par l’ordonnance no 2016-985 du 20 juillet 2016, codifié aux articles L. 255-1 à L. 255-19 et R. 255-1 à R. 255-9 du même code.
Les contrats permettant d’accéder à la propriété
Le titulaire d’un contrat de location-accession régi par la loi no 84-595 du 12 juillet 1984 n’est pas bénéficiaire d’un droit locatif pendant la période précédant l’acquisition. La loi du 6 juillet 1989 ne peut donc s’appliquer en cas de location-accession, telle est la position de la Cour de cassation. En revanche, le bail assorti d’une promesse de vente reste dans le champ de la loi de 1989. Il en serait autrement du candidat acquéreur qui serait autorisé à occuper le logement dans l’attente de la réalisation de la vente définitive.
La convention d’occupation précaire
Il est possible de conclure une convention d’occupation précaire sur un logement et d’échapper ainsi au régime de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989. La convention d’occupation doit être justifiée par des « circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties ». À défaut, la convention serait requalifiée en bail, soumis aux dispositions de la loi de 1989.
Qualité des parties
Le bailleur
La loi de 1989 s’applique à tous les bailleurs personnes privées, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales. La loi est également applicable aux personnes morales de droit public ou aux collectivités publiques, sauf à établir un contrat administratif ou lorsque la location est faite « à titre exceptionnel et transitoire ».
Le locataire
L’article 1er de la loi de 1989 sous-entend que le législateur a entendu protéger les locataires qui occupent personnellement les lieux à titre de résidence principale. Il en résulte deux conséquences. D’une part, les dispositions de la loi de 1989 ne s’appliquent pas aux locations consenties à des personnes morales, tels une association, un syndicat de copropriété ou une société commerciale. D’autre part, pour se prévaloir de la loi de 1989, le locataire en titre doit habiter personnellement les lieux loués. La doctrine majoritaire en conclut que toutes les locations consenties pour le compte de tiers échapperaient à la loi de 1989 et relèveraient du droit commun. On pourrait penser au bail consenti à des parents pour loger un enfant, ou par une personne physique pour héberger un tiers (ami, concubin, employé).
Les biens loués
La nature des biens loués
Pour que la loi du 6 juillet 1989 soit applicable, la location doit porter sur « des locaux », c’est-à-dire des lieux clos, peu important leur nature (maison, appartement, péniche, construction légère). Par contre, la location d’un terrain pour y installer une caravane ou un mobil-home n’est pas régie par la loi de 1989.
La loi de 1989 s’applique également aux « garages, places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur ». Pour que le local accessoire soit soumis à la loi de 1989 au même titre que le local principal, il faut remplir deux conditions : d’une part, la location des locaux principaux et des locaux ou immeubles accessoires doit être consentie par « le même bailleur ». D’autre part, l’immeuble ou le local loué doit constituer l’accessoire du local principal. Si les deux locaux font l’objet d’un même bail, le caractère accessoire du local est avéré. Si les locaux font l’objet de baux distincts, il convient de déterminer si les parties entendaient ou non que la location soit accessoire à celle des locaux principaux.
L’affectation des locaux
L’usage des locaux
Pour que la loi de 1989 soit applicable, la location doit être consentie à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel. L’usage professionnel vise les professions libérales, réglementées ou non, qui relèvent du régime des travailleurs non salariés ; par opposition aux activités commerciales, industrielles ou agricoles.
La résidence principale du locataire
Avant la loi Alur du 24 mars 2014, les locaux loués devaient constituer « l’habitation principale du locataire ». Cette notion, qui n’était pas définie par la loi de 1989, donnait lieu à de nombreuses difficultés. En effet, la cour d’appel de Paris distinguait cette notion du domicile, de la résidence et de l’habitation. La loi Alur a modifié l’article 2, alinéa 2 de la loi de 1989 en substituant à l’habitation principale la notion de « résidence principale », qu’elle définit comme « le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation ».