Les accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005

Les accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005

– Commission nationale de concertation. – Face au développement de la « vente d’immeubles à la découpe » par des bailleurs institutionnels, le législateur a créé par la loi du 23 décembre 1986 une Commission nationale de concertation afin de favoriser la conclusion d’accords entre les organisations de bailleurs et de locataires.
– Accords collectifs. – Un premier accord a été signé le 9 juin 1998 réglementant les congés pour vente de plus de dix logements. Rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 (JO 23 juill.), il a été modifié par la loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite « loi SRU », puis remplacé par un nouvel accord collectif du 16 mars 2005, rendu obligatoire par le décret no 2006-1366 du 10 novembre 2006 (JO 11 nov.). Nous examinerons successivement le champ d’application des accords collectifs (§ I) et la réglementation qui en résulte (§ II).

Le champ d’application des accords collectifs

– Parties concernées. – À l’origine, les accords collectifs n’étaient applicables qu’aux membres des organisations de bailleurs qui les avaient signés. Leur champ d’application était ensuite étendu par décret. Depuis la loi SRU, tout bailleur personne morale est tenu au respect des accords collectifs, à l’exception :
  • des « sociétés civiles de famille », c’est-à-dire les sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre époux, pacsés, concubins notoires au sens de l’article 515-8 du Code civil et leurs alliés jusqu’au quatrième degré inclus ;
  • des organismes de logement social.
– Opérations concernées. – L’accord collectif du 9 juin 1998 s’appliquait aux « ventes par lots de plus de dix logements, dans un même immeuble ». L’accord ne précisait pas si ces ventes devaient ou non s’accompagner d’un congé donné aux locataires. La Cour de cassation finit par juger que la réglementation s’appliquait dès lors que le propriétaire envisageait de vendre un ensemble immobilier comprenant plus de dix logements, peu important le nombre de congés à délivrer. L’accord collectif du 16 mars 2005 reprend la solution adoptée par la cour en précisant que la réglementation concerne la vente par lots de plus de dix logements, libres ou occupés, dans un même immeuble. Tout locataire peut bénéficier de ce dispositif, qu’il relève du droit commun du louage, de la loi du 1er septembre 1948 ou de la loi du 6 juillet 1989. L’accord collectif est applicable lorsque le bailleur a pris la décision de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble. Il concerne tant les locataires qui ont reçu un congé pour vente que ceux qui ne reçoivent qu’une offre de vente.

Point d’attention : la mise en vente de plus de dix logements n’a pas à être simultanée pour entrer dans le champ d’application de l’accord collectif de 2005

La Cour de cassation a considéré que les accords collectifs avaient été violés alors que plus de dix ans s’étaient écoulés entre la première mise en vente et le dernier congé, s’agissant d’un même processus de vente. Il en résulte, pour le notaire chargé d’une vente par une personne morale susceptible de relever de l’accord collectif de 2005, la nécessité de l’interroger sur l’éventuelle insertion de cet acte dans un processus d’ensemble.

La réglementation résultant des accords collectifs

Quand les accords collectifs sont applicables, le bailleur est tenu par des obligations informatives, dont le non-respect est sanctionné par la nullité de l’offre de vente, du congé pour vente entraînant la nullité de la vente consentie à un tiers (A). La protection des locataires est également renforcée par rapport aux lois de 1975 et de 1989, notamment lorsqu’il ne se porte pas acquéreur (B).

Les obligations informatives

– L’information du maire. – L’accord de 2005 prévoit une information du maire de la commune ou de l’arrondissement du siège de l’immeuble dès que la décision de vendre du bailleur est prise. Cette information permettra au maire de veiller au bon déroulement de l’opération et de s’interroger en amont sur l’opportunité d’exercer le droit de préemption urbain reconnu par l’article L. 210-2 du Code de l’urbanisme, institué par la loi du 13 juin 2006.
– L’information des associations de locataires. – L’article 1.1 de l’accord collectif de 2005 impose que préalablement à la décision de mise en vente par lots de plus de dix logements, le bailleur informe, par écrit, de son intention les associations de locataires représentatives au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986. Le bailleur et les représentants des associations représentatives examineront les « modalités de l’information future des locataires » (art. 1.1) et « de réalisation des diagnostics et bilans techniques » (art. 2.2). L’absence de consultation sur ces points entraîne la nullité de l’offre de vente notifiée au locataire.
– L’information collective des locataires : tenue d’une réunion d’information. – L’article 1.2 de l’accord de 2005 prévoit une réunion d’information à laquelle sont invités par écrit tous les locataires, quelle que soit la date d’expiration du bail, et des associations représentatives dès que le bailleur est prêt à rendre publique son intention de vendre. Cette formalité est essentielle et doit précéder la délivrance du congé au locataire ; à défaut, le congé serait déclaré nul. L’article 2.1 définit le contenu de l’information générale. Le locataire est informé du déroulement de la vente et de ses incidences, de l’état de l’immeuble et des travaux réalisés dans les parties communes au cours des cinq dernières années (récapitulatif et coûts exposés). Il est également informé de la possibilité de consulter le futur règlement de copropriété et l’ensemble des contrats de prestation de service liés à l’exploitation de l’immeuble (art. 2.4).
– L’information individuelle des locataires. – Le bailleur doit ensuite confirmer par écrit à chaque locataire les modalités envisagées pour la vente. Cette confirmation fait courir un délai de trois mois, pendant lequel le bailleur ne peut adresser au locataire une offre de vente (art. 1.2). Cette confirmation reprend les informations générales communiquées lors de la réunion d’information, mais est complétée de l’état descriptif de division de l’immeuble pour les lots du locataire et d’une fiche individuelle précisant le prix du logement. L’article 1.2 précise que cette information est donnée à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente.

La protection des locataires

Les notifications faites au locataire

On rappellera qu’en dehors du champ d’application des accords collectifs (V. supra, nos et s.), le cumul du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celui de l’article 15 de la loi de 1989 est impossible. C’est le bailleur qui purge soit l’un soit l’autre selon qu’il souhaite vendre un logement libre (loi de 1989) ou occupé (loi de 1975). À l’inverse, la rédaction de l’article 1.2 de l’accord collectif de 2005 implique la purge cumulative des deux droits de préemption.
Passé le délai de trois mois à compter de l’information individuelle donnée au locataire, le bailleur adresse au locataire l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Le renvoi de l’article 1.2 de l’accord collectif ne concerne que les modalités de purge et non les conditions de fond. Il en résulte que si les conditions d’application des deux droits de préemption sont réunies, il conviendra de les purger distinctement.
Une fois notifiée l’offre de vente (L. 31 déc. 1975, art. 10), l’article 1.5 de l’accord collectif de 2005 précise que « le congé pour vente peut être envoyé conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ». Il n’est pas fixé de délai minimum entre l’envoi de l’offre de vente et la délivrance du congé de l’article 15.

L’allongement de la durée du bail

– Prorogation du bail. – L’accord collectif prévoit des hypothèses de prorogation du bail qui s’appliquent soit sur demande du locataire, soit de plein droit. Le bail peut être prorogé, à la demande du locataire, lorsque la « durée du bail restant à courir est de moins de 30 mois à compter de l’offre prévue à l’article 10 ». Cette demande doit avoir pour objet de « faciliter la réalisation de la vente ou les conditions de son départ » (art. 3.1). L’accord collectif de 2005 prévoit deux hypothèses de prorogation de plein droit du bail. D’une part, la prorogation du bail est de droit lorsque le locataire occupe le logement depuis plus de six ans à la date de l’offre de vente prévue par l’article 10 de la loi de 1975 (art. 3.2, al. 1er). La durée de la prorogation est calculée sur la base d’un mois par année d’ancienneté. D’autre part, la prorogation du bail est de droit lorsque le locataire a, à sa charge, des enfants scolarisés (art. 3.2, al. 2). Le contrat est alors prorogé jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.
– Reconduction du bail. – Lorsqu’un congé pour vente a été délivré conformément à l’article 15 de la loi de 1989, le bail peut être reconduit avec l’accord du bailleur ou de plein droit selon que le congé intervient plus de deux ans ou moins de deux ans avant le terme du bail. Lorsque le congé intervient plus de deux ans avant le terme du bail, l’alinéa 1er de l’article 11-1 indique que le bail peut être expressément reconduit pour une durée inférieure à celle prévue par l’article 10, soit six ans, le bailleur étant par définition une personne morale. Lorsque le congé intervient moins de deux ans avant le terme du bail, la reconduction du bail est de droit. Elle intervient à la demande du locataire et permet à ce dernier de disposer du logement qu’il occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente.
– Renouvellement du bail. – Le bail est renouvelé de plein droit, pour une durée de six ans, si le locataire est en mesure d’établir qu’il est dans l’une des trois situations visées par l’accord collectif de 2005 : il ne peut déménager en raison de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnu médicalement (art. 4.2) ; à l’expiration du bail, il est âgé de plus de soixante-dix ans et n’est pas assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière (art. 4.3) ; enfin, lorsque le locataire est titulaire d’une rente d’invalidité du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 % ou perçoit une allocation pour une infirmité entraînant au moins 80 % d’incapacité permanente (art. 4.4).

Les autres mécanismes protecteurs

– L’acquisition par un proche du locataire. – L’article 3.3 de l’accord collectif indique les personnes qui peuvent se substituer au locataire qui ne pourrait pas acquérir son logement. Cette liste est limitative et vise :
  • le conjoint ;
  • le partenaire avec lequel le locataire est lié par un Pacs ;
  • le concubin notoire vivant avec le locataire depuis au moins un an à la date de l’offre de vente ;
  • un ascendant ou un descendant ainsi que ceux du conjoint, partenaire pacsé ou concubin.
L’acquéreur substitué qui sera imposé au bailleur bénéficiera des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.
– Le relogement du locataire. – L’article 4.1 de l’accord collectif énonce que le congé ne peut être délivré au locataire sans qu’une proposition de relogement soit faite si le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et justifie d’un revenu inférieur à 100 % du plafond de ressources PLI en vigueur. La proposition de relogement devra être « offerte dans les conditions mentionnées au premier paragraphe du III de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ».