Sous réserve de remplir certaines conditions, le survivant du couple indivisaire peut demander l'attribution préférentielle du logement afin d'en devenir l'unique propriétaire (§ I), mais seul le conjoint survivant peut choisir de maintenir le bien dans l'indivision afin d'en conserver la jouissance (§ II).
Le logement en indivision
Le logement en indivision
L'attribution préférentielle
L'article 831-2, 1o du Code civil dispose que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du logement et, depuis la loi du 3 décembre 2001, du mobilier le garnissant. Si le texte semble avoir une portée générale, les bénéficiaires de l'attribution préférentielle ne font pas l'objet d'un traitement identique (A) et doivent remplir certaines conditions (B) qui en font une mesure d'application relativement limitée (C).
Les bénéficiaires de l'attribution préférentielle
Le texte de l'article 831-2 du Code civil vise le conjoint survivant mais également tout héritier copropriétaire. Si le bénéfice de l'attribution préférentielle est expressément accordé au conjoint survivant (I), qu'en est-il du partenaire de pacte civil de solidarité (II) et du concubin ou de tout autre occupant (III) ?
L'attribution de plein droit au conjoint survivant
– Une attribution de droit. – L'attribution préférentielle du logement n'est pas une prérogative nouvelle pour le conjoint survivant. Mais elle n'est de droit que depuis la loi du 3 décembre 2001 qui en a en outre étendu le champ d'application au mobilier le garnissant. Elle ne peut donc pas lui être refusée. En outre, en cas de pluralité de demandes, le conjoint survivant est prioritaire sur tous les autres indivisaires, y compris les enfants du défunt.
– Une attribution moyennant soulte. – Si la valeur du logement objet de l'attribution préférentielle est supérieure aux droits du conjoint survivant dans le partage, ce dernier est redevable d'une soulte envers ses copartageants dont les modalités de paiement sont prévues à l'article 832-4 du Code civil. Le principe est le paiement comptant. Par exception, le conjoint peut exiger des délais pouvant aller jusqu'à dix ans pour le paiement d'une partie de la soulte qui ne saurait excéder la moitié. Sauf accord contraire, la soulte est de plein droit productive d'intérêts à compter du partage (et non du jugement ayant fait droit à la demande d'attribution préférentielle). La vente du logement entraîne l'exigibilité immédiate de la partie de soulte restant due. Toutefois, en cas de vente partielle, seul le prix est versé aux copartageants et le solde de la soulte reste payable dans les mêmes conditions.
Le partenaire pacsé
– L'attribution n'est pas de droit. – La loi du 23 juin 2006 a étendu le bénéfice de l'attribution préférentielle au partenaire survivant. Mais l'attribution n'est pas de droit sauf si le défunt l'a prévue par testament. Si tel est le cas, le partenaire peut également bénéficier des mêmes facilités de paiement que le conjoint.
Le concubin et tout autre occupant
– La condition d'héritier. – Pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'attribution préférentielle, le concubin ou tout autre occupant doit remplir une condition supplémentaire : il doit être héritier. Or le concubin n'est pas un héritier. Le devient-il s'il est institué légataire universel ou à titre universel ? Depuis la loi du 3 décembre 2001, à la lecture de l'article 724-1 du Code civil, on peut s'interroger. Le terme « héritier » ne peut-il pas être entendu au sens large ? Il ne s'agirait pas uniquement de l'héritier ab intestat, mais également de celui qui succède en vertu d'une disposition testamentaire ou d'une institution contractuelle lui donnant une vocation universelle ou à titre universel.
L'exclusion des indivisions conventionnelles. Si l'occupant n'est pas un héritier légal, le défunt doit donc lui avoir préalablement conféré des droits successoraux par testament pour lui permettre de bénéficier de l'attribution préférentielle. En effet, elle n'est pas applicable aux indivisions de nature conventionnelle. Si le concubin tient ses droits indivis uniquement de l'acquisition du logement avec le défunt ou suite à une donation entre vifs, la voie de l'attribution préférentielle lui est fermée. Les héritiers sont prioritaires. La jurisprudence a pu laisser croire à un infléchissement lorsqu'elle a étendu l'attribution préférentielle aux indivisions « de nature familiale ». Mais cet infléchissement a tenu les concubins à l'écart puisqu'il est conditionné au fait que l'indivision « de nature familiale » devienne ensuite successorale ou conjugale, autrement dit que l'indivisaire ait acquis la qualité de conjoint, de partenaire ou d'héritier.
– Une attribution suspendue à l'accord des copartageants ou à la décision du juge. – Autre différence majeure avec le conjoint survivant, l'attribution préférentielle n'est pas de droit pour le concubin. Elle peut donc lui être refusée par ses copartageants ou par le juge. En outre, en cas de pluralité de demandes, il n'est pas prioritaire. Le juge tranchera en fonction des intérêts en présence et devra notamment rechercher si le concubin a les ressources nécessaires pour s'acquitter de la soulte.
Dès lors que l'attribution préférentielle est de droit, le juge saisi est tenu de la prononcer sous réserve que les conditions de son application soient remplies.
Les conditions de l'attribution préférentielle
Deux conditions doivent être cumulativement remplies pour qu'il puisse être fait droit à la demande d'attribution préférentielle : une condition de droit (I) et une condition de fait (II).
Une condition de droit
– Des droits indivis en propriété ou en nue-propriété. – Le demandeur de l'attribution préférentielle doit détenir des droits indivis en pleine propriété ou en nue-propriété dans le logement. Pour le conjoint, il importe peu que les droits aient été acquis avant le décès, suite à un achat conjoint notamment, ou à l'occasion du décès. L'occupant simplement usufruitier n'est donc pas fondé à demander l'attribution préférentielle.
– Une indivision successorale. – L'attribution préférentielle est exclue si un tiers détient des droits indivis dans le logement. En effet, la Cour de cassation a jugé que le local d'habitation ne pouvait pas faire l'objet d'une attribution préférentielle lorsqu'il appartenait indivisément aux héritiers et à un tiers.
Une condition de fait
– La résidence principale. – L'attribution préférentielle porte sur le logement constituant la résidence principale du demandeur à l'époque du décès, peu importe que le défunt l'ait occupé également. L'article 831-2, 1o du Code civil n'exige pas que le logement soit la résidence principale du couple. Cette condition doit perdurer dans le temps, notamment jusqu'à ce que le juge statue sur la demande d'attribution préférentielle.
– Et ses accessoires. – La jurisprudence a étendu l'attribution préférentielle aux accessoires nécessaires pour son utilisation normale tels que les cours et jardins. Elle l'a également étendue aux accessoires qui, bien que non nécessaires à l'utilisation normale du logement, n'en sont pas détachables et forment un tout indivisible, en raison de la configuration des lieux notamment.
Les limites de l'attribution préférentielle
– L'égalité en valeur. – L'attribution préférentielle est une opération de partage. Si elle entraîne une rupture de l'égalité en nature, elle ne saurait, en revanche, rompre l'égalité en valeur. Or le logement constitue bien souvent le principal actif successoral. Si l'occupant use du droit de demander l'attribution préférentielle, il est redevable d'une soulte envers ses copartageants dont il n'a pas toujours les moyens de s'acquitter. C'est pourquoi le législateur a prévu la possibilité de maintenir le logement dans l'indivision.
Le maintien dans l'indivision
– Les conditions du maintien dans l'indivision. – Le conjoint survivant peut demander le maintien de l'indivision jusqu'à son décès à la triple condition :
- que le prémourant des époux ne laisse aucun descendant mineur ;
- qu'il soit copropriétaire du logement, peu importe qu'il l'ait été avant le décès, en qualité d'époux commun en biens notamment, ou qu'il le soit devenu du fait du décès. Si le logement dépend en totalité de la succession de l'époux prémourant, le conjoint survivant usufruitier ne peut pas prétendre au maintien de l'indivision sauf à le revendiquer au nom de ses enfants mineurs. Dans ce cas, le maintien dans l'indivision pourra perdurer jusqu'à ce que le plus jeune des enfants ait atteint l'âge de la majorité ;
- qu'il ait résidé dans le logement à l'époque du décès.
– La durée du maintien dans l'indivision. – Le maintien dans l'indivision peut perdurer jusqu'au décès du conjoint. Mais il ne peut lui être accordé ab initio pour une durée supérieure à cinq ans. Le conjoint devra donc renouveler régulièrement sa demande.
– Le rôle du juge. – Outre la durée du maintien dans l'indivision, le juge doit en fixer les conditions et, notamment, le montant de l'indemnité d'occupation.
– Le bénéficiaire du maintien dans l'indivision. – Cette mesure est réservée au conjoint survivant. Le partenaire de Pacs et le concubin ne peuvent prétendre au maintien de l'indivision, sauf à le revendiquer au nom de leurs enfants mineurs.
Point d'attention : le legs universel à un tiers fait obstacle à l'attribution préférentielle comme au maintien dans l'indivision
Les deux prérogatives que sont l'attribution préférentielle et le maintien de l'indivision supposent que le conjoint survivant détienne des droits indivis sur le logement. En présence d'un legs universel, la réduction éventuelle s'opère en valeur : il n'existe pas d'indivision, en sorte qu'aucune opération de partage ne peut être ordonnée. Ni le maintien dans l'indivision ni l'attribution préférentielle ne peuvent en ce cas être envisagés.