L'attribution de la jouissance du logement

L'attribution de la jouissance du logement

Celle-ci peut résulter de deux sortes de décisions : l'attribution de la jouissance du logement familial en cours d'instance, à titre de mesure provisoire ; et en fin d'instance, la location forcée sur le logement, ordonnée par le jugement de divorce à l'ex-époux propriétaire au profit de l'autre. Classiquement, voyons-en respectivement les conditions (Sous-section I) et les effets (Sous-section II).

Les conditions de l'attribution en jouissance

Aujourd'hui comme avant la réforme de 2019, l'attribution provisoire au profit de l'un des époux d'une jouissance exclusive sur l'ex-logement commun peut constituer une mesure sur laquelle le juge aux affaires familiales statue pour la durée de l'instance en divorce. Ceci, que le logement soit leur propriété, ou qu'ils n'en soient que locataires. Enfin, lors du jugement, le juge peut ordonner une location forcée à celui qui est seul propriétaire au profit de son ex-conjoint.

L'attribution à titre de mesure provisoire de la jouissance du logement propriété des époux : la jouissance détachée

Nous examinerons d'abord les conditions de procédure (A), bien bousculées par l'arrivée des nouveaux textes. Puis nous évoquerons rapidement et simplement une condition de droit des biens (B).

Conditions de procédure

– Rappel. – Pour toutes les instances introduites depuis le 1er janvier 2021, une nouvelle audience, de nature hybride, remplace la tentative de conciliation. Cette nouvelle audience d'orientation et sur mesures provisoires (AOMP), malgré son appellation, ne donnera lieu à des mesures provisoires que si on les a demandées. En effet, c'est toute la nouveauté et sans doute l'un des nœuds du problème : statuer sur ces mesures est devenu facultatif. Et quel que soit le type de divorce contentieux (faute, altération définitive du lien conjugal, acceptation du principe de la rupture), le juge aux affaires familiales ne s'y penchera que si on le lui a demandé. Telle est la première condition procédurale : pour obtenir une mesure provisoire d'attribution de la jouissance du logement, il faut la demander. Par ailleurs et comme auparavant, cette attribution de jouissance peut être consentie à titre gratuit, comme expression du devoir de secours, ou bien à titre onéreux. À celui qui souhaite une attribution gratuite, il appartiendra aussi de la demander, pour la soumettre à la souveraine appréciation du juge aux affaires familiales. Pour les parties, et leurs avocats, il est donc important de penser à solliciter dès l'AOMP les mesures provisoires qui leur sembleraient opportunes. Cependant, si cette demande n'a pas été faite, le législateur a ouvert une voie de rattrapage : pareille demande peut être formulée tout au long de la procédure, et jusqu'à la clôture de la mise en état.
– Le principe de rétroactivité. – Si cette mesure, demandée a posteriori, est accordée, prendra-t-elle effet au jour de la décision du juge aux affaires familiales, ou rétroagira-t-elle jusqu'au début de l'instance ? L'article 254 du Code civil, qui régit la question, indique que le juge prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants « de l'introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ». Le législateur a donc entendu conférer à ces mesures provisoires une date d'effet rétroactive, puisque remontant à la date de demande en divorce. Dès lors, si le juge consent à la demande, et que sa décision est rétroactive comme le veut l'article 254 :
  • l'occupation exclusive de l'époux devient gratuite dès l'origine, là où l'autre conjoint, dans le chiffrage de ses droits, croyait pouvoir compter sur une indemnité d'occupation lors de l'établissement des comptes d'administration qui font partie de la liquidation ;
  • à supposer que cet époux occupant soit aussi celui qui assume seul l'emprunt commun souscrit pour financer ce logement, la créance que l'on croyait acquise au titre du paiement de l'emprunt ne se compensera plus avec la dette d'occupation des lieux ;
  • enfin, coup de grâce pour cet autre conjoint, le prononcé d'une mesure provisoire met fin à la contribution aux charges du mariage, de manière également rétroactive : il devient donc impossible de qualifier, à partir de la date d'introduction de l'instance, le remboursement de l'emprunt de contribution aux charges du mariage.
– L'incertitude quant à la rétroactivité des mesures provisoires demandées a posteriori . – Par nécessité pédagogique, nous avons préféré passer jusqu'ici sous silence une contradiction relevée par la meilleure doctrine. Le décret du 17 décembre 2019 qui est à l'origine du second alinéa de l'article 1117 du Code de procédure civile semble laisser à la discrétion du juge la rétroactivité des mesures provisoires demandées en cours d'instance. Sa rédaction contrarie les termes, pourtant clairs, de l'article 254 du Code civil qui affirment cette rétroactivité. Le lecteur consultera sur l'extension numérique du présent rapport l'exposé détaillé de cette apparente contradiction, qui, à notre sens, ne peut se résoudre qu'en faisant application des dispositions de la loi, c'est-à-dire de celles du seul article 254.

La demande de mesures provisoires postérieure à l'AOMP ou « l'audience de désorientation »

1. Depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la procédure de divorce, applicable à toutes les instances introduites depuis le 1er janvier 2021, l'époux qui n'avait pas requis de mesures provisoires lors de l'audience d'orientation demeure en droit de les requérir ultérieurement et jusqu'à la clôture de la mise en état. L'article 254 du Code civil affirme que ces mesures sont prescrites à partir « de l'introduction de la demande en divorce ». Aucune réserve n'étant formulée au sujet des mesures provisoires demandées après l'AOMP, il n'apparaît pas que ce point de départ puisse être changé (sinon par la convention des parties, comme le permet l'article 254). Il faut donc en déduire que, même prescrites après l'AOMP, les mesures provisoires sont rétroactives.
2. Les choses se compliquent quand on lit le décret du 17 décembre 2019, pris pour l'application de cette loi, qui est à l'origine du second alinéa de l'article 1117 du Code de procédure civile. On y découvre en effet qu'en statuant, « le juge précise la date d'effet des mesures provisoires, ce dont il semble résulter que la rétroactivité des mesures provisoires est du pouvoir du juge aux affaires familiales. Le décret n'indique pas s'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire du juge, ou s'il doit seulement répondre à une demande faite en ce sens par les parties.
3. Reprenons alors l'exemple de l'occupation exclusive par un époux du logement autrefois commun. Le liquidateur devrait tenir compte d'une possible succession de périodes d'onérosité et de gratuité. On pourrait, par exemple, imaginer :
  • qu'une première période d'occupation du logement serait onéreuse, depuis la date de demande en divorce (introduisant l'instance) jusqu'à la date de prononcé de la mesure provisoire ;
  • qu'une seconde période, gratuite quant à elle, lui succéderait, depuis cette date de prononcé de la mesure provisoire jusqu'au prononcé du divorce / ou la fin de l'occupation exclusive / ou l'arrivée plus proche d'un terme à cette période de gratuité que le juge aurait souverainement fixé ;
  • que pendant la première période, la contribution aux charges du ménage continuerait à s'appliquer, le devoir de secours ne s'y substituant qu'à compter du début de la seconde période : dès lors, s'agissant d'un logement, les créances entre époux ou contre l'indivision, et donc les ultérieurs comptes d'administration, pourront s'en voir facilement affectés.
4. On nous objectera que cette concurrence entre le texte légal et le texte réglementaire doit se trancher au profit de la loi, donc des dispositions de l'article 254 du Code civil. Mais nous sommes en matière procédurale, ce qui pourrait faire songer que la matière est exclusivement du domaine réglementaire (Const. 4 oct. 1958, art. 37), et donc dénouer la contradiction en faveur du décret ! En attendant qu'une voix autorisée se livre à ce jugement de Salomon, la confusion est grande pour les praticiens, qu'ils soient magistrats, avocats ou notaires.
5. Hypothèse ultime de la confusion. Imaginons enfin que, dans son ordonnance, le juge aux affaires familiales ne précise pas la date d'effet de la mesure provisoire. Doit-on alors pencher vers la rétroactivité ou l'immédiateté ? Sur ce point, la Chancellerie a tranché clairement en faveur de la seconde analyse, aux termes de « fiches techniques » dont elle a doté tous les chefs de juridiction après promulgation des textes. Elle y indique qu'« à défaut de précision dans l'ordonnance du juge de la mise en état, la ou les mesures provisoires porteront effets, de manière classique, à compter de la notification de l'ordonnance », et non pas au jour de l'acte introductif d'instance. Ce qui paraît contraire à la lettre de l'article 254 du Code civil …

Conditions liées au mode de détention du logement

– Cas du logement détenu au travers d'une société. – Lorsque le logement n'est pas détenu directement par les époux, mais par personne morale interposée (le plus souvent une société civile patrimoniale), l'attribution de la jouissance du logement échappe à la compétence du juge aux affaires familiales. Il ne peut, même en cas d'accord des époux en ce sens, ordonner l'attribution de la jouissance de ce logement à l'un des conjoints. Le logement appartient en effet à une tierce personne (la personne morale), totalement étrangère à la procédure de divorce, les époux n'étant propriétaires que des droits sociaux qui (hors l'hypothèse d'une société d'attribution) ne donnent pas directement vocation à la jouissance de l'actif social. Dès lors, que les époux soient ou non tous deux associés, la personnalité morale forme un écran juridique entre eux et le logement. Ce n'est qu'en présence d'un lien contractuel entre la personne morale et les époux que ces derniers peuvent disposer de la jouissance du logement : contenus statutaires, décision collective, voire bail entre la société et les occupants.

L'attribution à titre de mesure provisoire de la jouissance du logement locatif : la jouissance affectée

– Attribution du droit au bail. – Lorsque les époux sont locataires de leur logement, le juge aux affaires familiales peut se prononcer, sur le fondement de l'article 255, 4o du Code civil, sur l'attribution de la jouissance, c'est-à-dire du droit au bail, à titre de mesure provisoire.
– Rappel : la cotitularité du bail d'habitation. – Cette notion a son siège à l'article 1751 du Code civil, dont le bénéfice a été étendu aux partenaires par les grâces de la loi Alur. Revisitons-en la teneur :
« Article 1751 du Code civil
(en vigueur depuis le 27 mars 2014)
Le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage, ou de deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, dès lors que les partenaires en font la demande conjointement, est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l'un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux.
En cas de décès d'un des époux ou d'un des partenaires liés par un pacte civil de solidarité, le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément. »
– Trois points remarquables. – Trois points fondamentaux se dégagent du texte :
  • en ce qui concerne les personnes, il n'existe aucune autre condition pour être cotitulaires du bail, dans le cadre du mariage, que d'être mariés, peu important la chronologie des faits entre célébration du mariage et signature du bail ;
  • de même en matière de Pacs, l'ordre des opérations importe peu, mais une condition supplémentaire s'impose aux partenaires : notifier au bailleur leur revendication de la cotitularité, à l'appui de leur état de partenaires ;
  • l'alinéa 2 de l'article 1751 du Code civil donne au juge conciliateur (ou plutôt aujourd'hui, au juge orienteur) le pouvoir d'attribuer le droit au bail à un seul des membres du couple, mais uniquement en matière de divorce ou de séparation de corps. Une telle mesure n'est donc pas concevable en présence de deux partenaires de Pacs qui saisiraient le tribunal en ce sens. Le juge aux affaires familiales peut décider que cette attribution est faite à titre onéreux, auquel cas l'occupant assumera l'entier loyer ; ou bien, à raison du devoir de secours, donc gratuitement en faveur de l'attributaire : ce qui signifie que ce dernier n'aura pas à assumer le paiement du loyer, dont la charge incombera à son conjoint.
– Des critères obligatoires. – Pour décider d'une telle attribution du bail, le magistrat est tenu de prendre en considération les critères énoncés par le texte, à savoir observer la situation particulière de chacun des époux, tenir compte de l'intérêt des enfants et notamment du maintien de leur cadre de vie auprès du parent qui assure leur hébergement à titre principal.
– Conditions relatives aux biens. – Pour que le bail, conclu avant même le mariage, sur le local devenu logement du couple soit réputé appartenir aux deux époux, l'article 1751 du Code civil exige la double condition que le droit au bail soit sans caractère professionnel et qu'il serve effectivement à l'habitation des deux époux. Ainsi, il a été jugé que les règles dérogatoires de l'article 1751 ne peuvent être étendues à la résidence secondaire, ni au logement d'époux séparés de fait qui ne l'ont jamais occupé en commun.
– Incertitudes procédurales : paiement de loyer, comme indemnité d'occupation, même combat. – Car ici comme précédemment, se poseront les mêmes questions, auxquelles la pratique devra, à l'avenir, répondre : moment de la demande de mesure provisoire (AOMP ou plus tard), possibilité ou non pour le juge aux affaires familiales de conférer un effet rétroactif, conséquences liquidatives de cette rétroactivité ou de cette synchronicité, et quid dans le silence de l'ordonnance.

L'attribution de la jouissance du logement à l'issue du divorce : la location forcée

Solution peu connue, car rarement observée en pratique : la possibilité, donnée par la loi au juge du divorce, de contraindre dans son jugement définitif l'époux qui était seul propriétaire du logement à consentir un bail à celui qui ne l'était pas, et qui vient de devenir son ex-conjoint. Sans doute les juges n'y voient-ils pas, à juste raison, le meilleur moyen de garantir l'apaisement entre deux personnes qui viennent de s'opposer dans le cadre de leur désunion : cautériser la plaie de la rupture conjugale avec le sel des relations bailleur-locataire ne sera pas souvent l'assurance d'une sérénité rapidement recouvrée.
– Un bail très dérogatoire... – Il ne s'agit plus ici d'une mesure provisoire, parmi celles envisagées par l'article 254 du Code civil, et prise pour la durée de l'instance, mais bien d'une conséquence du divorce, ordonnée par le juge (s'il en accueille la demande) aux termes de la décision finale. Il y a là une innovation tout à fait exorbitante des règles locatives de droit commun, et introduite par la loi du 22 juillet 1987.
– … conditionné par l'exclusivité du bien… – Une telle décision du juge ne peut s'appliquer que lorsque le logement est la propriété du conjoint du demandeur : en présence d'un logement indivis, elle serait irrecevable. Car alors, il appartiendrait aux ex-conjoints de liquider les droits concurrents qu'ils détiennent sur le capital, et la vulnérabilité économique n'est donc pas du tout la même que celle de l'ex-conjoint qui, avec le divorce, a perdu non seulement la vie commune mais aussi tout droit sur le logement. De plus, ce bien propre ou personnel à l'époux bailleur doit avoir constitué le logement de la famille.
– … et justifié par l'intérêt de tiers que le divorce a impactés. – Mais surtout, cette possibilité est purement gouvernée par l'intérêt des enfants, et seulement le leur. Ce qui induit que cette demande ne peut être accueillie que :
  • lorsque les enfants résident avec l'ex-époux demandeur ;
  • lorsque l'époux demandeur exerce l'autorité parentale (seul ou conjointement : si elle lui a été retirée, il sera inutile de formuler cette demande) ;
  • si les enfants sont encore mineurs : car si le juge fixe librement la durée de ce bail, c'est avec le plafond maximum du dix-huitième anniversaire du plus jeune enfant.

Les effets de l'attribution en jouissance

Effets de la jouissance attribuée à titre de mesure provisoire sur le logement appartenant aux époux

Examinons d'abord les effets juridiques et économiques (A), puis les conséquences fiscales (B).

Effets juridiques et financiers

– Principe et présomption d'onérosité. – Par principe, la jouissance privative du logement conjugal par l'un des époux au cours de la procédure de divorce, soit pour la durée de l'instance, soit seulement pour une période donnée, revêt un caractère onéreux. Ce caractère traduit le respect du droit de propriété. En effet, l'époux non occupant est tout autant propriétaire du logement que l'occupant (dans d'égales proportions ou non), et le fait pour lui d'être privé des fruits de cette propriété (jouissance personnelle ou perception d'un rendement locatif) appelle une indemnisation. Ce n'est là que l'application des règles de droit commun régissant l'indivision, venue rétroactivement se substituer aux règles du régime matrimonial sur toute la période, à l'heure de dresser les comptes d'administration et de liquidation. Ce qui fait dire à la jurisprudence qu'à défaut de précision par le juge aux affaires familiales, dans l'ordonnance aux termes de laquelle il prendrait une telle mesure provisoire d'attribution de jouissance, l'onérosité sera présumée.
– Exception de gratuité expressément formulée. – Ce n'est que si elle est expressément prévue par le magistrat, à titre d'expression du devoir de secours, que la gratuité s'appliquera, soit jusqu'au divorce (maximum), soit pour une période déterminée par le juge, et au terme de laquelle se repositionnera l'onérosité, jusqu'au divorce. Dans tous les cas, le juge aux affaires familiales indiquera également à qui incombent les charges de jouissance du logement, dont les charges de copropriété ou de lotissement, quand celui-ci fait partie d'un ensemble collectif.
– Modalités de l'onérosité. – Si la jouissance n'est pas attribuée à titre gratuit, ou si le magistrat statue expressément sur une jouissance à titre onéreux, une indemnité correspondante sera ordonnée en faveur de l'autre époux (si le bien lui appartient) ou de l'indivision (si le bien appartient aux deux).

À vos calculettes : modalités de détermination d'une indemnité d'occupation

1. À défaut d'accord amiable sur le montant d'une indemnité d'occupation, le notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage sera amené à prendre parti, si besoin après sollicitation d'un sapiteur. Si son appréciation est contestée par l'un des indivisaires, le juge devra se prononcer à cet égard.
2. L'indemnité est habituellement déterminée sur la base de la valeur locative du bien, affectée d'un coefficient de décote pour tenir compte de la précarité de la situation. En effet, l'occupant ne jouit pas des mêmes protections légales qu'un locataire, et en théorie, un divorce vite prononcé et un partage d'indivision rondement mené pourraient le contraindre à quitter les lieux sans délai.
3. Cependant, les magistrats disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation (que la Haute Cour leur impose d'ailleurs d'exercer pour justifier leur décision au regard de la valeur locative), au regard de la situation concrète (état du bâtiment, situation professionnelle et familiale de l'occupant, personnes à charge…), en vue d'appliquer ou de ne pas appliquer de coefficient de décote, et dans l'affirmative, d'en fixer le taux. En pratique, la pondération habituelle est souvent égale à 20 % de la valeur locative, mais elle peut très bien être moindre ou supérieure.
4. Une précision s'impose à ce stade, et commande de bien distinguer entre valeur et montant de l'indemnité d'occupation. Au stade de l'ordonnance sur mesures provisoires, et dans le cas où le principe de l'onérosité est retenu, seule est fixée la valeur de l'indemnité. Son montant, lui, ne peut pas l'être, puisqu'il est fonction de la durée de l'occupation, et des correctifs pouvant résulter des règles déjà évoquées (V. supra, no ) : rétroactivité (de principe) de la mesure, gratuité prononcée en tout ou partie au titre de la contribution aux charges du mariage, et absence de prescription quinquennale entre époux. C'est seulement lors des opérations de liquidation et de partage que le montant final sera déterminé, tant au regard de la valeur fixée, que de son éventuelle décote, et de la durée pendant laquelle elle aura couru.
5. Or cette durée peut peser très lourd dans l'équation. Si la procédure se prolonge, à coups d'incidents, de mesures d'expertises et d'appel, plusieurs années peuvent s'écouler entre l'introduction de l'instance et le jour où le divorce acquiert force définitive de chose jugée. Aussi en 2015, dans une perspective de prévisibilité contrôlée, le 111e Congrès des notaires de France avait proposé de plafonner ces indemnités à une durée maximum de cinq ans. Voilà bien un point où s'affrontaient les deux conceptions, le logement-propriété ou le logement-droit. Après débats, la proposition ne fut pas adoptée. Force est de constater que depuis la réforme procédurale entrée en vigueur le 1er janvier 2021, et pour les raisons déjà évoquées, le montant de l'indemnité d'occupation est encore moins prévisible qu'il ne l'était en 2015, de sorte que, corrélativement, le déficit de sécurité juridique alors constaté s'est encore accru : nos prédécesseurs auraient-ils eu le tort d'avoir raison trop tôt ?
– Indifférence du caractère effectif de l'occupation. – Précision d'importance : même si, en définitive, il n'occupe pas réellement le logement dont la jouissance lui avait été attribuée (déplacement professionnel, emménagement dans le cadre d'une nouvelle vie amoureuse, etc.), le conjoint bénéficiaire reste néanmoins redevable de l'indemnité d'occupation, sauf pour lui de prouver :
  • que son occupation n'est pas exclusive, son conjoint disposant également de la possibilité de résider, même irrégulièrement, dans les lieux ;
  • qu'il a quitté les lieux, et mis l'autre conjoint en mesure de pouvoir jouir lui aussi des lieux (remise des clés).
– Effets de l'attribution en jouissance sur la protection du logement de l'entrepreneur individuel. – Le logement de l'entrepreneur individuel, à l'issue de la profonde réforme opérée par la loi Griset du 14 février 2022 sera abordé plus loin. Qu'il nous soit simplement permis ici, en rapport avec la question des mesures provisoires dont un logement peut faire l'objet au moment du divorce de ses occupants, de souligner les conséquences potentielles d'une telle mesure quant à l'insaisissabilité dont ce logement fait légalement l'objet s'il constitue la résidence principale de l'entrepreneur. Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser l'imbrication entre l'article L. 526-1 du Code de commerce, qui organise cette insaisissabilité, et l'article 255, 4o du Code civil. Dans une affaire où l'entrepreneur et son épouse divorçaient, le juge aux affaires familiales avait ordonné, à titre de mesure provisoire, leur résidence séparée, et attribué à madame la jouissance du domicile. Frappé ensuite d'une procédure collective dans le cadre de son activité, ledit entrepreneur vit ses créanciers poursuivre la saisie de ce logement. Une cour d'appel crut pouvoir débouter ces derniers au motif que l'attribution de la jouissance exclusive du logement familial à l'épouse ne pouvait déclencher d'effets sur les droits que détenait monsieur sur ce bien, ni sur l'insaisissabilité légale. Raisonnement qu'a censuré la Haute Cour, estimant au contraire que par le fait même de cette attribution, la résidence principale de l'entrepreneur n'était plus fixée dans le logement considéré, rompant de ce fait les conditions requises par l'insaisissabilité légale.
– Pas de relation entre l'attribution en jouissance et la prestation compensatoire. – Cette attribution provisoire en jouissance du logement influe enfin sur une autre conséquence, définitive celle-là, d'un jugement de divorce : la prestation compensatoire, quand celle-ci est décidée. Dans une affaire où l'épouse jouissait gratuitement de l'ex-logement commun, à titre de devoir de secours, depuis sept ans (illustration de ce que nous évoquions plus haut, à savoir les durées non négligeables que de telles mesures provisoires peuvent connaître selon l'extension de l'instance...), les juges d'appel en tirèrent motif pour rejeter sa demande de prestation compensatoire, estimant que l'avantage qu'elle avait retiré de cette gratuité de logement pendant toute la durée de l'instance l'avait suffisamment protégée contre la disparité économique que la rupture créait entre les époux. Mal leur en prit, puisque conformément à sa jurisprudence déjà fermement établie, la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 2022 annula la décision, fulminant que le juge du divorce ne doit fixer la prestation compensatoire qu'en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce, donc sans prendre en considération l'avantage accordé à un conjoint pendant l'instance au titre du devoir de secours qui lui restait dû.
– Concurrence entre articles 254 et 217 du Code civil. – Dernière précision, mais d'importance : hors les contributions aux charges du mariage auxquelles elles substituent le devoir de secours, les mesures provisoires ne peuvent mettre fin, à l'application du régime primaire impératif, qui dure tant que dure le mariage. C'est pourquoi il a été jugé que l'attribution, à titre provisoire, de la jouissance du domicile conjugal à l'un des époux par le juge, ne fait pas obstacle à une autorisation judiciaire de vente du logement familial à la demande de l'autre époux en application de l'article 217 du Code civil. En l'espèce, il s'agissait de réaliser la vente pour ne pas aggraver un déficit et parvenir à une gestion plus saine, ce que les juges ont estimé conforme à l'intérêt familial même si l'autre conjoint avait obtenu le droit à la jouissance exclusive des lieux à titre de mesure provisoire.

Conséquences fiscales

– Distinction selon le caractère onéreux ou gratuit de l'attribution. – Les conséquences fiscales de l'attribution du logement familial à l'un des époux, au titre des mesures provisoires, dépendent du caractère gratuit ou non de cette attribution. La loi fiscale n'a jamais émis aucune règle spécialement dédiée à cette question, et n'a jamais jugé bon de doter d'un régime à part le traitement de l'attribution du logement familial au titre des mesures provisoires. L'imposition est donc effectuée selon des principes généraux, qui, en la matière, vont souvent s'avérer peu adaptés, et considère des faits générateurs hors-sol et bien souvent déconnectés des flux réels. On s'étonne de constater que ces particularités fiscales sont le plus souvent méconnues des époux, sinon de leurs conseils. Ces derniers feront bien de délivrer une information claire et de se ménager la preuve de l'accomplissement de ce devoir.
Cas où une indemnité d'occupation a été octroyée en contrepartie de la jouissance du logement
Lorsque la jouissance du logement a été attribuée à titre onéreux, il y a lieu d'appliquer les règles exposées en 2019, à l'occasion d'une réponse ministérielle à Mme de La Raudière commentée par M. Douet, et qui repose sur un principe bien connu : en l'absence de disposition particulière, le droit fiscal doit suivre le droit commun.
Question parlementaire de Mme Laure de La Raudière, et réponse du ministre de l'Action et des Comptes publics :
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-21788QE.htm">Lien
– Revenu locatif meublé et comptabilité commerciale. – La problématique est la suivante : le plus souvent, le logement familial sera attribué en étant garni de son mobilier. De ce fait, il s'agit pour le droit fiscal d'un revenu tiré d'une location meublée, sauf à prouver que le logement a été vidé avant son attribution en jouissance, ou que le mobilier qui s'y trouve appartient exclusivement à l'époux attributaire. Si tel devait être le cas, alors l'indemnité d'occupation serait imposable dans la catégorie des revenus fonciers.
Dans l'hypothèse la plus fréquente, celle où la jouissance du logement est attribuée avec son entier mobilier (appartenant communément aux deux époux, ne serait-ce que par présomption), entraînant du coup une imposition catégorisable dans les BIC non professionnels, l'époux créancier de l'indemnité d'occupation se retrouve confronté :
  • aux obligations déclaratives afférentes à cette catégorie d'imposition, relatives à la détermination du mode d'imposition de l'indemnité d'occupation (« micro-BIC » ou régime réel simplifié) ;
  • mais surtout aux spécificités de comptabilité commerciale, comptabilité d'engagement contraignant à déclarer le revenu dès que le droit est né de le percevoir, que cette perception soit effective ou non ; alors que dans la majeure partie des cas il n'encaissera aucunement le montant de cette indemnité de manière immédiate et régulière, puisqu'au contraire elle est capitalisée dans les comptes d'administration, et son paiement effectif sera soit compensé avec d'autres créances en sens inverse, soit différé à plus ou moins long terme (jusqu'à la date des comptes finaux et du partage).
On entrevoit, en outre, que le cumul de ces obligations fiscales, avec la potentielle succession de périodes d'onérosité et de gratuité, évoquée plus haut, pourrait contraindre le contribuable, au gré des étapes de la procédure, à établir d'improbables déclarations rectificatives sur ses BIC.
– Revenu locatif nu et comptabilité de caisse. – S'il est établi que l'époux créancier n'est propriétaire d'aucune quote-part sur les meubles garnissant le logement dont la jouissance est attribuée, l'indemnité dont il est créancier devient imposable dans la catégorie des revenus fonciers. La comptabilisation des revenus y est différente : c'est cette fois sur la base d'une comptabilité d'encaissement que le revenu foncier imposable est déterminé. Dès lors, il devient possible à l'époux non occupant de ne faire apparaître parmi ses revenus fonciers l'indemnité dont il est créancier qu'au titre de l'année de sa perception effective, c'est-à-dire uniquement lors du dénouement des opérations de comptes, liquidation et partage. Auquel cas, s'il perçoit tout ou partie de cette indemnité en trésorerie, il pourra utiliser la fraction nécessaire de celle-ci pour acquitter l'impôt ; et si par suite d'opérations de compensations diverses il n'en perçoit rien, alors il ne sera pas imposé. Voilà bien un sujet rare où le régime des revenus fonciers est plus avantageux que le paradis fiscal présumé des BIC !

Attribution de la jouissance du logement lors d'un divorce

<strong>Point d'attention fiscal en direction des praticiens</strong>

Il pourrait être de bonne pratique pour les conseils des époux de préconiser auprès de ces derniers le partage préalable du mobilier (sauf à différer le paiement de la soulte à la clôture de la liquidation globale), ou la reconnaissance que celui-ci fait l'objet d'une reprise de propres par l'époux attributaire de la jouissance exclusive provisoire. Certes, cela impliquera la perception du droit de partage, dès lors que pour se ménager une preuve du caractère « nu » du revenu locatif, il faudra bien un écrit, déclenchant par là même ce droit d'acte. Mais, d'une part, il aurait été dû plus tard de toute façon au moment du partage global ; d'autre part, son taux en matière de divorce est revenu dans le lit de la raison ; de troisième part, pour de très nombreux cas l'assiette demeurera modeste s'agissant des meubles meublants.

– Pas de déduction chez le débiteur. – Last but not least, dans la réponse ministérielle susvisée, le représentant de Bercy précise bien que cette indemnité, si elle est ainsi taxable chez le créancier, n'est aucunement déductible chez le débiteur, au motif que, par application des dispositions du 2o du II de l'article 156 du Code général des impôts, le versement d'une telle indemnité ne résulte pas de l'exécution d'une obligation alimentaire : elle ne fait que représenter la contrepartie de la jouissance privative du bien. Par suite, l'ex-conjoint qui la verse ne peut la déduire de son revenu global.
Cas où la jouissance gratuite provisoire a été octroyée gratuitement
Les conséquences fiscales de cette hypothèse sont mieux connues, quoiqu'elles aussi curieusement peu pratiquées par les époux, semble-t-il. Dans de tels contextes, prenons garde de bien les informer de règles peu intuitives pour eux, et de nous conserver la trace de cette information.
Devoir de secours et pension alimentaire en nature. En effet, toujours par application du principe de superposition du fiscal au civil, l'attribution en jouissance du logement familial au profit d'un époux et à titre gratuit, donc au titre de l'exercice du droit de secours dont son conjoint lui est par hypothèse débiteur, s'analyse en un avantage en nature constitutif d'une pension alimentaire. L'époux occupant devra donc déclarer dans son imposition personnelle une somme qu'il ne perçoit pas, mais censée s'être fictivement annulée avec l'indemnité d'occupation dont sans cela, il aurait dû par principe s'acquitter. Et ici, c'est dans une autre catégorie de l'IR qu'elle sera imposable entre les mains de l'époux occupant, puisqu'elle devra être déclarée dans la catégorie des pensions et rentes viagères (CGI, art. 158, 5, a). Corrélativement, le montant de cet avantage sera déductible du revenu brut global de l'époux non-occupant (CGI, art. 156, II, 2o). Ce mécanisme implique donc que contrairement à certains réflexes, il soit essentiel pour les époux de connaître la valeur locative de leur logement même quand le juge aux affaires familiales aura accepté de prononcer une mesure d'attribution à titre gratuit, de manière à pouvoir, après éventuelle pondération comme exposé précédemment, l'intégrer correctement à ces démarches déclaratives.
Le volant d'avantage en nature à déclarer. La déclaration portera sur la totalité de cette valeur locative pondérée si le logement appartient intégralement à l'autre époux ; s'il dépend d'une communauté de biens, la moitié de cette valeur locative devra être prise en compte ; et s'il dépend d'une indivision, l'avantage en nature devra être déclaré au prorata de la quote-part indivise détenue par le conjoint non occupant.
Dans tous les cas, le sujet de l'IFI
– Impôt sur le capital, non sur le rendement. – Il convient de sensibiliser les époux, et surtout celui qui va en être attributaire, sur le fait que la jouissance d'un bien peut parfois représenter une valeur supérieure au seuil de l'imposition sur la fortune immobilière. La simple inflation des prix de l'immobilier, constatée de manière générale depuis plus de vingt ans, peut en effet attribuer au logement en cause une valeur vénale supérieure à la limite d'un million trois cent mille euros, même après déduction de l'abattement de 30 % dont bénéficie l'estimation de la résidence principale. La loi fiscale ménage ici quelques chausse-trappes dont le lecteur trouvera le détail sur l'extension numérique du présent rapport.

Attribution en jouissance du logement et impôt sur la fortune immobilière

1. Quelle imposition commune après introduction d'une instance en divorce ? En principe, les couples mariés font l'objet d'une imposition commune en matière d'IFI, puisqu'ils forment un foyer fiscal. L'assiette de cet impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens et droits immobiliers imposables appartenant aux époux et aux enfants dont ils sont administrateurs légaux (CGI, art. 965). Ce n'est donc, suivant les mêmes principes, qu'à partir du 1er janvier suivant l'année au cours de laquelle leur divorce a été prononcé que les ex-époux font l'objet d'impositions distinctes en matière d'IFI. Rappelons toutefois que, comme en matière d'IR, les époux peuvent faire l'objet d'une imposition séparée même sans prononcé d'un divorce. Il s'agit des cas visés aux alinéas a et b de l'article 6, 4o du Code général des impôts, c'est-à-dire ceux où :
  • les époux sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (CGI, art. 6, 4, a) ;
  • les époux sont en instance de divorce et ont été autorisés judiciairement à résider séparément (CGI, art. 6, 4, b).
Le cas qui nous occupe dépend précisément de la situation visée à l'alinéa b.
2. Imposition du logement à l'IFI. L'article 973 du Code général des impôts organise un abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l'immeuble occupé à titre de résidence principale. En cas d'imposition commune, un seul immeuble par foyer est susceptible de bénéficier de cet abattement, puisqu'il n'y a qu'un seul logement familial. Mais dès lors que les époux font l'objet d'impositions distinctes en matière d'IFI, par exemple parce qu'à l'occasion d'une mesure provisoire prononcée au stade de l'AOMP ou plus tard, alors l'abattement de 30 % est ouvert à chacun d'eux sur la valeur vénale de sa propre résidence principale.
3. Imposition de la jouissance du logement. Les règles inhérentes à l'IFI prévoient que les actifs imposables grevés d'usufruit ou d'un droit d'usage ou d'habitation sont, sauf trois stricts cas d'exceptions, imposés dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. La doctrine fiscale estime que la constitution d'un droit d'usage ou d'un droit d'habitation opère un démembrement de propriété analogue à celui que réalise l'usufruit. De ce fait, et pour ce qui concerne l'IFI, le bénéficiaire d'un droit d'usage ou d'un droit d'habitation doit en principe, comme en matière d'usufruit, inclure dans son patrimoine la valeur en pleine propriété du bien sur lequel porte son droit. Or, comment ne pas assimiler l'attribution en jouissance ordonnée judiciairement comme la constitution (forcée) d'un droit d'usage et d'habitation ? Aussi, le conjoint attributaire de la jouissance provisoire du logement devra-t-il, pendant toute la durée de celle-ci, déclarer dans son patrimoine la valeur en pleine propriété du logement considéré, et régler l'IFI correspondant, sans pouvoir revendiquer ici le caractère de charge indivise, comme ce qui a pu être admis pour la taxe d'habitation. Acquitter seul les annualités de cet IFI ne saurait le rendre titulaire d'une quelconque créance ultérieure à ce titre contre son conjoint, au moment des comptes d'administration.

Effets de l'attribution à titre de mesure provisoire sur la jouissance du logement locatif

– Attribution à titre gratuit ou onéreux. – Comme lorsqu'il est en présence d'un logement appartenant aux époux, le magistrat peut décider de consentir à une attribution à titre onéreux, auquel cas l'occupant assumera l'entier loyer ; ou au contraire à titre gratuit : auquel cas l'époux attributaire n'aura pas à assumer le paiement du loyer, dont la charge à son conjoint.
– Inopposabilité au tiers propriétaire. – L'ordonnance du juge aux affaires familiales prononcée dans le cadre du divorce des époux ne peut avoir d'effet à l'égard des tiers. C'est pourquoi, nonobstant la décision du juge au titre des mesures provisoires, chaque époux reste solidaire du paiement des loyers à l'égard du bailleur, dans l'hypothèse où l'autre conjoint, pour une quelconque raison, ne s'en acquitterait pas. Le bailleur pourra donc parfaitement se retourner contre l'un et l'autre. Ces règles traduisent tout autant un principe de droit des contrats que la rémanence du régime primaire malgré l'instance, et plus particulièrement de l'article 220 du Code civil, qui organise la solidarité légale des époux pour le paiement des dettes ménagères. Or, la dette de loyer étant contractée pour l'entretien du ménage, elle constitue une dette ménagère couverte non pas seulement par la nécessaire contribution aux charges du ménage prévue à l'article 214 – dont on a vu le reflux à partir du moment où des mesures provisoires étaient ordonnées par le magistrat orienteur –, mais aussi par l'obligation solidaire de l'article 220 du Code civil. Par conséquent, même s'il a donné congé en son nom personnel, l'époux qui a abandonné le domicile conjugal est tenu solidairement avec son conjoint du paiement des loyers avec l'époux occupant, jusqu'à la fin du bail qui ne pourra résulter que d'un accord des deux titulaires de celui-ci, ou jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce sera devenu opposable aux tiers, par suite de l'accomplissement des formalités prescrites à l'article 262 du Code civil. Relevons enfin que la jurisprudence a élargi le champ de cette solidarité à toutes les obligations nées du bail : paiement du loyer certes, mais aussi des charges locatives, ou de l'indemnité due pour dégradations des locaux loués.
– Conséquences fiscales. – Il n'y en a aucune ici, hormis la redevabilité de la (défunte) taxe d'habitation ne concernant plus que l'époux attributaire du droit au bail. Cela dit, à défaut de règlement, la solidarité des deux époux se vérifie également à l'égard du fisc, contre qui la fin de la cotitularité ne sera opposable que dans les conditions rappelées ci-dessus (à compter des formalités de publication du divorce).