La renonciation, objet de surveillance et d'évaluation

La renonciation, objet de surveillance et d'évaluation

– Une pratique désormais encadrée. – Depuis l'instauration de la déclaration d'insaisissabilité, les créanciers dont le gage a été réduit ont souvent conditionné l'attribution d'un crédit à une renonciation par l'entrepreneur à l'insaisissabilité qu'il aurait pu leur opposer. S'est ainsi vérifiée la prédiction de bien des observateurs, tel M. Piédelièvre qui écrivait : « La totale sécurité juridique recherchée par l'entrepreneur individuel est peu compatible avec l'aléa inhérent à l'activité professionnelle indépendante ». L'entrepreneur peut donc donner en garantie son patrimoine personnel, et pourquoi pas son logement, qui en constitue souvent l'élément central, en renonçant à l'étanchéité patrimoniale que la loi nouvelle lui offre. Le législateur a souhaité encadrer cette renonciation en prévoyant une meilleure compréhension de la renonciation par l'entrepreneur au travers de formalités écrites, d'un délai de réflexion, de montant et de durée déterminés, d'informations sur les conséquences de la renonciation, ou encore de l'interdiction de se porter caution. Afin d'éviter que les renonciations ne deviennent des clauses de style dans les prêts, elles doivent émaner du créancier par écrit, et ne concerner qu'un engagement spécifique de l'entrepreneur individuel dont le terme et le montant sont rappelés. M. Reygrobellet souligne que le législateur a dû concilier deux exigences : élargir les actifs saisissables ponctuellement, et ce afin de faciliter l'accès au crédit, d'une part ; et éviter que la remise en cause de la division patrimoniale ne soit trop facile, d'autre part.
– Un formalisme précis. – Le décret du 12 mai 2022 détermine la forme et le contenu de l'acte de renonciation à la protection du patrimoine personnel, prévu à l'article L. 526-25 du Code de commerce, ainsi que le régime de publicité et d'opposition au transfert universel du patrimoine professionnel prévu à l'article L. 526-27 dudit code. Ce décret est accompagné d'un arrêté du même jour établissant un modèle de type d'acte de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel. Quatre indications sont requises, à peine de nullité, dans l'acte de renonciation : l'identification des parties ; l'identification de l'engagement au titre duquel la renonciation est sollicitée ; l'information quant aux conséquences de cette renonciation ; la signature des deux parties, avec indication de la date et du lieu.
– Une pratique à évaluer. – L'accès au crédit de ce nouvel entrepreneur et d'éventuels abus des banques dans le recours forcé à la renonciation seront évalués dans un rapport déjà commandé par le gouvernement pour l'été 2024.
– Une renonciation à sens unique. – Dès à présent, on observe que la loi ne permet pas la renonciation à la séparation des patrimoines pour garantir des opérations relevant du patrimoine privé. C'est pourquoi un auteur constate que les créanciers ne sont pas tous « logés à la même enseigne ». Le panel des garanties est plus ouvert en faveur du financement du patrimoine professionnel, qui peut volontairement être garanti sur le patrimoine privé, au point que certains commentateurs ont pu évoquer un sacrifice du patrimoine personnel, faute de garanties facilitant son financement.
Ainsi circonscrite et encadrée, la renonciation à la protection de la loi Griset doit aussi être combinée avec les mécanismes déjà existants.