Rappelons à titre liminaire qu’une action engagée contre une autorisation d’urbanisme ne suspend pas, juridiquement, ses effets tant que l’illégalité n’est pas prononcée. En théorie, son bénéficiaire pourrait donc commencer à exécuter les travaux. Cependant, dans les faits, il est évident que le pétitionnaire actionné ne prendra pas le risque d’aller plus en avant au risque de devoir supporter, a minima, les frais d’une démolition. Pareillement, les opérations de construction étant bien souvent liées à un financement bancaire, les prêteurs seront réticents à apporter leur concours à une opération soumise à procédure. C’est d’ailleurs bien en ce sens que certains requérants ont tenté de profiter de cet effet de bord, aboutissant à un blocage de nombreux projets sur un temps (trop) long. Conscient des répercussions néfastes engendrées, en particulier en termes de production de logements, le législateur a introduit trois dispositions permettant d’en limiter l’impact : la règle de cristallisation des moyens (§ I), un encadrement du délai accordé au juge pour statuer (§ II) et, temporairement, la suppression du niveau d’appel (§ III).
La maîtrise du temps judiciaire
La maîtrise du temps judiciaire
La cristallisation des moyens et des référés-suspension
Le bouclier contre les recours perlés
Jusqu’au décret du 18 juillet 2018, rien n’empêchait un requérant dont le recours avait été rejeté d’en introduire un nouveau contre la même autorisation d’urbanisme. Il lui suffisait, pour cela, d’invoquer un nouveau motif d’illégalité. Ainsi, on voyait certains requérants enchainer les uns après les autres les moyens d’actions contre l’autorisation attaquée au fur et à mesure de leur rejet. Cela leur permettait de bloquer le projet sur un temps encore plus long, dans l’espoir d’arriver à un épuisement du pétitionnaire avant celui de leurs moyens d’actions, et d’obtenir une transaction avantageuse.
Pour y remédier, l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme prévoit désormais qu’aucun nouveau moyen n’est recevable passé deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Le stratagème connu sous le nom des « recours perlés » fait donc désormais face au bouclier de la « cristallisation ».
Le pétitionnaire attaqué a donc tout intérêt à répondre rapidement au mémoire du requérant. Notons toutefois que le juge peut écarter cette cristallisation lorsqu’il l’estime nécessaire.
L’encadrement du référé-suspension
Comme évoqué, le seul fait d’introduire un recours contre une autorisation d’urbanise permet bien souvent dans les faits de stopper l’avancée du projet correspondant. Lorsque cependant le pétitionnaire, sûr de son bon droit, engageait malgré tout les travaux, en réplique, le requérant lui répondait alors par une procédure de référé-suspension afin de faire stopper le chantier, parfois tardivement.
Le législateur, une fois de plus, est intervenu sur ce sujet en limitant la possibilité de recourir au référé-suspension (I) puis en encadrant ses effets (II).
Le délai d’engagement du référé-suspension
Avec la réécriture de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme, le législateur pose pour principe qu’un requérant ne peut plus engager une procédure de référé-suspension au-delà du même délai que celui de la cristallisation des moyens évoqué ci-dessus.
En pratique, s’il entend réellement bloquer le projet, le pétitionnaire doit engager à la fois une procédure au fond et en référé. Pour le pétitionnaire attaqué, cela peut être un moindre mal. En effet, si dans un cas comme dans l’autre son projet va temporairement être bloqué, la procédure de référé lui permet d’être fixé « assez » rapidement sur la probabilité que son autorisation soit entachée d’illégalité.
Les effets du rejet du référé-suspension
Si la procédure de référé-suspension aboutit à un rejet du recours au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, à cet état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’autorisation attaquée, l’article R. 612-5-2 du Code de justice administrative prévoit le désistement automatique de l’action au fond, à moins que le requérant ne confirme sa procédure dans le délai d’un mois.
L’encadrement du délai de jugement
Le contentieux de l’urbanisme fait partie des rares domaines dans lesquels le législateur est intervenu pour encadrer le temps laissé aux juges pour statuer. C’est en ce sens que l’article R. 600-6 laisse un délai de dix (10) mois au juge pour statuer que ce soit en premier ressort ou en appel.
Cette mesure est cependant limitée aux permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou aux permis d’aménager un lotissement. On peut pourtant inviter le législateur à étendre ce texte aux projets de travaux et lotissements soumis à déclaration préalable.
Par ailleurs, il ne semble pas qu’une sanction soit prévue en cas de dépassement du délai.
La suppression du niveau d’appel en zone tendue
Toujours aux fins d’accélération du temps judiciaire, jusqu’au 31 décembre 2027, l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative introduit une règle particulière en cas de recours exercé notamment contre le permis de construire d’un bâtiment comportant plus de deux logements et les autorisations de lotissement (qu’ils soient soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable), lorsque le projet se situe en zone tendue. Dans cette hypothèse, le juge de première instance statue en premier et dernier ressort. La contestation de la décision du juge emporte alors saisine du Conseil d’État, sans que l’affaire soit examinée par une cour administrative d’appel.
Le provisoire ayant souvent la vertu de préparer au définitif, il est possible que ce dispositif « accélérateur » soit à l’avenir pérennisé. On pourrait aussi envisager une réécriture de son champ d’application dans le sens d’un élargissement à l’ensemble du territoire et une extension, à l’instar de l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme visé ci-avant, aux décisions de non-opposition à déclaration préalable autres que celles des lotissement non soumis à permis d’aménager.