Procurations à distance, légalisation et apostille : évolutions récentes

Procurations à distance, légalisation et apostille : évolutions récentes

– Plan. – Des évolutions récentes rendent plus aisée la signature d'un acte reçu en France par des parties domiciliées à l'étranger, lorsqu'elles ne sont pas en mesure de se déplacer. Si l'on peut se réjouir de ces progrès qui simplifient des démarches parfois compliquées, il faut rester vigilants et attentifs dans le cadre de leur utilisation, que ce soit pour veiller à anticiper les éventuels litiges pouvant en résulter, ou pour ne pas altérer en chemin l'étendue de notre devoir d'information et de conseil et notre mission d'officier public ministériel. Fin 2020, sous l'impulsion de la crise sanitaire, des décrets ont aménagé les dispositions en matière de procurations authentiques à distance, d'une part (§ I), et de légalisation, apostille et certification de signature, d'autre part (§ II). Nous soulignerons quelques points de vigilance, conseils et réflexes pour anticiper le contentieux en la matière.

Procurations authentiques à distance

– Texte. – Mises en place en période de crise sanitaire et pour un temps limité, les procurations authentiques à distance ont été instaurées durablement par décret du 20 novembre 2020. Sans être réservées aux Français de l'étranger, elles pallient notamment les difficultés résultant de la suppression des fonctions notariales des consuls à l'étranger. Ce texte pérennise le dispositif autorisé à titre exceptionnel et temporaire par le décret du 3 avril 2020.
– La question de l'usage des procurations sous seing privé. – Il a été souligné que « la comparution à distance est bien préférable à la procuration sous seing privé qui ne permet pas toujours de s'assurer, en l'absence de contact visuel, de la parfaite compréhension et de la capacité du mandant ». Pour certains auteurs, l'acte notarié à distance permet d'assurer une plus grande sécurité juridique aux parties en comparaison de la procuration sous signature privée qui fragilise considérablement la chaîne de l'authenticité (dont il constitue le « maillon faible »).
Doit-on alors préférer les procurations authentiques à distance aux procurations sous seing privé ? Il est en tout état de cause nécessaire de se (re)poser la question de l'usage parfois trop développé des procurations sous seing privé, sans avoir pris le temps et la précaution de délivrer préalablement au mandant les informations et conseils qui lui sont nécessaires pour la bonne compréhension de l'étendue de la procuration et de l'acte pour les besoins duquel elle est consentie.

Procuration notariée et devoir de conseil

Même si la procuration est signée à distance par le client, le notaire doit lui délivrer les mêmes informations, s'assurer de son consentement éclairé et de sa compréhension de l'acte pour les besoins duquel la procuration est établie. Par ailleurs, le recours à une procuration sous seing privé ne doit pas entraîner l'absence de délivrance d'explications et conseil par le notaire sur le contenu de l'acte pour les besoins duquel elle est consentie.
– Acte authentique à distance et droit international privé. – Lorsqu'un procédé de signature « à distance » est utilisé, il peut y avoir un franchissement de frontière lorsque le signataire est à l'étranger, caractérisant ainsi un élément d'extranéité. Mais la compétence du notaire est déterminée en fonction du lieu de la réception de l'acte authentique, et non de l'émission du consentement consigné dans cet acte. Le notaire est donc « habilité, pour un temps, à recevoir des actes transfrontières, ce qui, compte tenu de la suppression des attributions notariales des consuls, est d'ailleurs de nature à résoudre des difficultés qui se posent aux Français de l'étranger hors toute mesure de confinement ».

Légalisation et apostille

– Plan. – Nous aborderons ici la question de la nouvelle compétence des notaires français en matière de légalisation et apostille (A), ainsi que le développement des e-apostilles (B).

La nouvelle compétence des notaires en matière de légalisation et apostille

Chaque année en France, 440 000 actes publics français destinés à être produits à l'étranger sont légalisés ou apostillés.
– Le décret du 17 septembre 2021. – Dans le prolongement de l'ordonnance no 2020-192 du 4 mars 2020 portant réforme des modalités de délivrance de la légalisation et de l'apostille (qui a permis la délivrance de ces formalités par une seule et même autorité pour tous les actes publics établis sur le territoire national), le décret no 2021-1205 du 17 septembre 2021 est venu octroyer cette compétence aux notaires. Ce sera donc une même autorité qui délivrera légalisation et apostille. Et il appartiendra aux notaires de déterminer si c'est une légalisation ou une apostille qui sera exigée pour la production de l'acte public à l'étranger (ou si aucune formalité n'est nécessaire, comme indiqué ci-après).
Ce décret entrera en vigueur au 1er septembre 2023.
– L'apostille, une exception qui fait oublier le principe : la Convention de La Haye du 5 octobre 1961. – La Convention de La Haye du 5 octobre 1961, qui lie actuellement cent vingt États, remplace la formalité de la légalisation par une formalité plus simple, l'apostille.
– Le règlement du 6 juillet 2016 et la suppression de la légalisation. – Applicable depuis le 16 février 2019, ce règlement européen supprime la légalisation pour les documents publics issus des États membres de l'Union européenne.
Tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation :
Ou :

S'assurer que l'exigence de légalisation est supprimée

Pour être certain que le processus de légalisation est supprimé, il convient de vérifier :
  • qu'un texte dispense de toute légalisation l'acte qui doit être produit ;
  • que ce texte est applicable dans l'État d'origine de l'acte et dans l'État dans lequel il doit être produit.

e-apostille et e-registre

– Le développement des e-apostilles et e-registres des apostilles. – Afin de faciliter le contrôle de l'origine de l'apostille et de lutter contre la fraude dans ce domaine, le programme d'apostille électronique (e-APP) et d'e-registre a été lancé en 2006 par la Conférence de La Haye.
La gestion et l'assistance technique pour l'e-APP sont fournies par le Bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé (HCCH).
– L'e-apostille pour un document électronique ou papier. – Au vu de l'explosion du nombre de documents électroniques émis dans le monde, l'e-apostille permet d'apostiller des actes publics électroniques en conservant les avantages que ces documents présentent en termes de facilité de transmission. Mais l'e-apostille peut également être émise pour un acte public établi sur papier.
– L'e-registre des apostilles électroniques. – Quant au e-registre, il s'agit d'un registre électronique auquel le destinataire d'apostilles peut avoir accès en ligne, ce qui facilite le contrôle de l'origine des apostilles.
– Programme e-apostille. – Trente-cinq États ont déjà mis en œuvre le programme e-apostille, soit 30 % des États parties à la Convention de La Haye. L'état de mise en œuvre du programme e-apostille est consultable sur le site de la Conférence de La Haye (www.hcch.net">Lien). Il en est de même des liens permettant d'accéder au registre électronique des États parties au programme.
– Le décret du 17 septembre 2021 et l'e-apostille électronique . – Le décret précité du 17 septembre 2021 donnant compétence aux notaires pour la délivrance des légalisations et apostilles à compter du 1er septembre 2023 prévoit que ces formalités seront principalement délivrées sous forme électronique, après consultation par les autorités compétentes de la base de données des signatures publiques. Le registre électronique (e-registre) des légalisations et apostilles sera créé par le Conseil supérieur du notariat.

Belgique et e-apostille

En Belgique, et ce depuis le 1er mai 2018, les apostilles sont délivrées uniquement sous format électronique.

Les trois types d’e-registre d’apostilles électroniques

Actuellement, les e-registres peuvent se classer en trois principales catégories en fonction des informations qui s'affichent en réponse à la demande d'un destinataire qui souhaite vérifier l'origine d'une apostille. Soit l'e-registre n'affiche que des informations de base confirmant qu'une apostille portant le numéro et la date correspondants a bien été émise. En général, il s'agit d'une réponse de type « oui » ou « non ». L'e-registre apporte la certitude que l'apostille existe, non qu'elle circule avec le bon document. Soit l'e-registre ne se contente pas de confirmer qu'une apostille portant le numéro et la date correspondants a bien été émise. Il fournit également des informations sommaires sur l'apostille et/ou sur l'acte public (lieu d'émission de l'acte, autorité émettrice, etc.). Soit, pour les États qui ont développé le système le plus avancé, l'e-registre permet également de vérifier numériquement l'apostille et/ou l'acte public sous-jacent, avec une image scannée du document et de l'apostille. Il est alors possible de vérifier que l'apostille circule avec le bon document.