L'obligation d'assurance

L'obligation d'assurance

– Plan. – La troisième et dernière obligation essentielle du vendeur en l'état futur d'achèvement consiste, à l'instar de l'obligation de garantie et de certains engagements propres à l'obligation de délivrance, à sécuriser l'acquéreur. Il s'agit, au cas particulier, d'envisager les sinistres pouvant survenir dans le cadre de la construction de l'ouvrage (et non pas simplement après la réception de celui-ci, ainsi que nous le verrons) à travers la souscription d'assurances propres à cette phase de construction. Cet impératif de protection a conduit le législateur à imposer la souscription de certaines de ces assurances, le surplus, qui n'est pas négligeable, étant renvoyé à la convention des parties à l'opération. Pour lui permettre de déployer son ingénierie au titre de la mise en place et l'application de ces assurances construction (§ II) il convient que le notaire maîtrise, ici aussi, les concepts en présence. Nous commencerons donc par rappeler brièvement le régime applicable (§ I).
Un rappel du régime applicable en matière d'assurances construction obligatoires précédera la présentation de l'ingénierie déployée par le notaire en la matière.

Rappel sur le régime des assurances construction obligatoires

Rappels sur le régime des assurances construction obligatoires

– Plan. – Les assurances construction obligatoires reposent sur un duo d'assurances (A) dont les champs d'application se complètent (B), ainsi que les dommages pris en charge (C). Enfin, leurs durées respectives concluront ces rappels (D).

Présentation du duo d'assurances construction

– Système à double détente. – Le risque de sinistre relevant de la responsabilité décennale se trouve obligatoirement couvert par une double assurance. L'une est spécifique aux intervenants et constructeurs dont elle couvre la responsabilité pouvant être engagée à cette occasion. Il s'agit d'une assurance de responsabilité, la construction de l'immeuble étant envisagée ici in personam. La construction peut également être envisagée in rem, et nécessiter cette fois une assurance de choses. Dans ce dernier cas, l'assurance ne couvre pas et ne recherche pas la responsabilité de l'un ou l'autre des intervenants, elle agit au regard du désordre ou de la malfaçon que subit la construction directement. De cette double couverture résulte une approche assurantielle composée d'un système à double détente. Dans celui-ci, l'assurance de choses intervient dans un premier temps pour couvrir l'immeuble. Par principe, c'est dans un second temps que sera saisie l'assurance de responsabilité qui, comme son nom l'indique, s'intéressera plus spécifiquement au responsable du dommage constaté.
– D'un écran à l'autre. – Avant la réception des travaux, le promoteur fait écran entre les constructeurs et intervenants à la construction, d'une part, et les acquéreurs, d'autre part. Àcompter de la réception, et au titre de la réparation des sinistres pouvant survenir à compter de celle-ci, l'écran existe toujours, si ce n'est que le promoteur est remplacé par l'assurance de dommage dans cette fonction. Les bénéficiaires de cette assurance de dommages feront ainsi appel à la compagnie d'assurance directement pour prendre en charge le sinistre constaté, dès lors que celui-ci remplira les conditions d'application de ladite assurance.

Champ d'application de l'assurance obligatoire

– Plan. – Le champ d'application de l'assurance obligatoire se définit par référence aux personnes assujetties à l'obligation de souscrire les assurances construction ou bénéficiant de celle-ci (I) et aux travaux soumis à cette obligation (II).
Quant aux personnes assujetties ou aux bénéficiaires
– Distinction entre assurances de dommages et de responsabilité. – Les différences de positionnement, d'objectifs et même de nature entre l'assurance de dommages-ouvrage, d'un côté, et l'assurance de responsabilité, de l'autre, entraînent des distinctions quant aux personnes tenues de les souscrire ou appelées à en bénéficier.
S'agissant de l'assurance de dommages
  • il en va ainsi tout d'abord du propriétaire de l'ouvrage, correspondant alors au maître de l'ouvrage. En dehors des cas de mandat, le propriétaire qui réalise les travaux de construction doit souscrire l'assurance dommages-ouvrage. Deux cas particuliers appellent à une réponse opposée : en cas de crédit-bail, l'obligation d'assurance repose sur le crédit-bailleur, tandis qu'en cas de bail à construction ou de bail à réhabilitation, cette obligation pèse sur le preneur, en sa qualité de propriétaire des constructions pendant le bail ;
  • le vendeur de l'ouvrage faisant réaliser les travaux de construction est également soumis à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage. Devant nécessairement être le propriétaire de l'ouvrage à un instant donné, pour pouvoir vendre celui-ci, sa qualité se confond finalement avec celle de propriétaire-maître de l'ouvrage susvisée ;
  • l'obligation d'assurance dommages-ouvrage concerne enfin le mandataire du maître de l'ouvrage, ce qui englobe à la fois le syndic de copropriété, le signataire d'un contrat de maîtrise d'ouvrage délégué et le promoteur titulaire d'un contrat de promotion immobilière.
– Personnes assujetties. Principe. – L'assurance dommages-ouvrage doit être souscrite par « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction ». Trois cas de figure peuvent ainsi se présenter et imposent, chacun, de souscrire cette assurance :
– Personnes assujetties. Exceptions. – L'assurance obligatoire ne l'est plus en considération de la qualité ou de la surface financière du maître de l'ouvrage. Il en va ainsi de l'État lorsqu'il construit pour son propre compte, et des collectivités locales ou leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics dès lors que ces derniers justifient de moyens permettant la réparation rapide et complète des dommages ainsi que d'une décision emportant dérogation totale ou partielle accordée par l'autorité administrative. Par ailleurs, et à la condition que les travaux de construction soient réalisés pour leur compte pour un usage autre que l'habitation, les personnes morales suivantes ne sont pas soumises à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage : les personnes morales de droit public, les personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat et les personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse certains seuils.
– Personnes bénéficiaires. – L'assurance dommages-ouvrage est une assurance de propriétaire. Elle est ainsi souscrite au profit du propriétaire de l'ouvrage, est transférée au nouveau propriétaire en cas de mutation et ne peut être actionnée que par le propriétaire au jour du sinistre. La perte de la qualité de propriétaire de l'immeuble subissant le dommage, par suite de la résolution d'une vente, empêche l'acquéreur initial d'agir efficacement contre l'assureur de dommages-ouvrage. Afin de protéger les acquéreurs successifs ayant vocation à bénéficier de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances prévoit un mécanisme dérogatoire au droit commun en cas d'aliénation. C'est ainsi que contrairement au principe voulant qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, le nouveau propriétaire mais également l'assureur disposent de la faculté de résilier le contrat, une exception est prévue afin d'interdire cette résiliation aux assurances construction obligatoires.
S'agissant de l'assurance de responsabilité
– Personnes assujetties. – L'article L. 241-1 du Code des assurances prévoit tout d'abord que l'obligation de souscrire une assurance construction de responsabilité s'impose à toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil. Les « réputés constructeurs » correspondent aux locateurs d'ouvrage et aux mandataires qui leur sont assimilés, et aux vendeurs après achèvement. Les vendeurs d'immeuble à construire, constructeurs de maisons individuelles, promoteurs et autres fabricants d'éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire (Epers) sont également soumis à cette obligation.
Quant aux travaux
– Champ d'application identique aux deux assurances. – Les assurances construction portant sur le dommage (assurance dommages-ouvrage) ou sur la responsabilité des constructeurs et intervenants (assurance de responsabilité) ont une vocation différente mais un champ d'application identique. Leurs vocations diffèrent en ce que l'une (l'assurance de choses) est appelée à couvrir l'ouvrage au profit de son propriétaire et sans recherche de responsabilité, assurant ainsi un véritable préfinancement, tandis que l'autre (l'assurance de responsabilité) est là pour que le dommage soit pris en charge in fine par l'assurance du constructeur ou de l'intervenant qui en est à l'origine. Il n'en demeure pas moins que ces deux assurances construction obligatoires prennent en charge, à des moments différents, un dommage de même nature résultant de la réalisation de « travaux de construction ». Le champ d'application des assurances construction obligatoires, identique aux deux assurances concernées, est désormais fixé par l'ordonnance du 8 juin 2005, applicable aux contrats conclus à compter du 9 juin 2005. C'est ainsi que la notion contestée de « travaux de bâtiment » a été remplacée par celle de « travaux de construction ». De la même manière, l'approche extensive proposée par la Cour de cassation à travers l'intégration des « techniques de travaux de bâtiment » n'a pas été reprise, non plus que, par principe, les ouvrages existants.
– Un principe, trois exceptions. – La réalisation de « travaux de construction » constitue le point d'entrée unique et de principe de l'assurance construction obligatoire. Cette apparente approche extensive résultant du choix opéré en 2005 pour une notion plus large que celle de « travaux de bâtiment » est néanmoins atténuée par les exceptions prévues sous l'article L. 243-1-1 du Code des assurances. Trois hypothèses y sont prévues :
  • des exceptions « absolues » à l'assurance obligatoire : elles concernent les ouvrages de génie civil ainsi que leurs éléments d'équipements ;
  • des exceptions « relatives » , en ce qu'elles s'appliquent à la condition que l'ouvrage ou l'élément d'équipement ne soit pas accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance. Sont ici concernés, à nouveau, des travaux de génie civil, mais également des travaux de voirie et réseaux divers (VRD) et d'autres ouvrages auxquels la Cour de cassation avait appliqué l'obligation d'assurance à travers la notion de techniques de travaux de bâtiment. Il a été relevé que la présence de travaux de construction dans les deux catégories d'exceptions (absolues et relatives) est de nature à créer une difficulté. Pour résoudre ce qui apparaît comme une « règle de conflit », il conviendrait de retenir l'approche la plus protectrice, conduisant donc à privilégier l'obligation de souscrire une assurance construction dès lors que l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage lui-même soumis à cette obligation ;
  • une exception spécifique aux travaux réalisés sur des existants lesquels sont, par principe, exclus du champ d'application de l'assurance construction obligatoire. Mais ce principe consistant à exclure les ouvrages existants du champ d'application obligatoire des assurances construction est, lui-même, tempéré par une exception.
– Le cas particulier des ouvrages sur existants. – Ànouveau, c'est afin de stopper une jurisprudence considérée par trop extensive du champ d'application de l'assurance construction obligatoire que l'ordonnance du 8 juin 2005 est venue préciser ce qu'il en était des travaux sur existants. C'est ainsi que, par principe, les assurances construction ne s'imposent pas aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier. Mais ce principe est immédiatement atténué par l'ajout d'une exception : lorsque l'ouvrage existant est totalement incorporé dans l'ouvrage neuf et en devient techniquement indivisible, l'assurance construction redevient obligatoire. Au double critère de l'incorporation totale dans l'ouvrage, d'une part, et de l'indivisibilité, d'autre part, s'ajoute une restriction en matière d'intervention sur existants : il ne peut s'agir que d'ouvrages et non d'éléments d'équipement (au contraire de ce qui est prévu pour les travaux de génie civil et de VRD visés sous les alinéas 1 et 2 du même article L. 243-1-1 du Code des assurances). La Cour de cassation a retenu une interprétation restrictive de ce texte en excluant donc du champ d'application de l'assurance construction obligatoire l'installation sur existant d'un élément d'équipement. Elle fait dès lors primer « la qualification d'équipement sur existant sur celle d'ouvrage » pour mieux exclure l'équipement de l'assurance construction obligatoire. Cette approche restrictive de la Cour de cassation semble dès lors enlever une partie de sa portée à l'alinéa 3 de l'article L. 243-1-1 du Code des assurances. Les distorsions qui en résultent entre le domaine de la responsabilité décennale, plus étendu que celui de l'assurance construction obligatoire, conduisent à inciter les parties à recourir à la souscription d'assurances facultatives en matière de travaux sur existants.

Dommages pris en charge par l'assurance obligatoire

Un sinistre
– Principe de réparation intégrale. – Le particularisme de l'assurance dommages-ouvrage, en limitant nos propos à celle-ci, est qu'elle est une assurance de « chose future ». Partant, elle ne se voit pas appliquer le principe général qui prévaut en matière d'assurance de chose, voulant que l'assureur ne peut être tenu de verser qu'une indemnité limitée à la valeur de la chose assurée. Au contraire donc, l'article L. 242-1 du Code des assurances prévoit expressément que l'assurance garantit ici « le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ». Les clauses types complètent ce principe en prévoyant que : « La garantie couvre le coût de l'ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre », dans la limite toutefois du « montant du coût total de construction déclaré aux conditions particulières revalorisé selon les modalités prévues à ces mêmes conditions particulières pour tenir compte de l'évolution générale des coûts de construction entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre ». Le principe de réparation intégrale qui se dégage alors postule que la victime du sinistre « soit replacée dans la situation dans laquelle elle aurait été si le sinistre ne s'était pas produit ».
– Un sinistre. – L'assurance construction, qu'elle soit de choses (dommages-ouvrage) ou de personne (responsabilité) ne couvre que la survenance d'un sinistre. L'énoncé de ce principe devrait conduire à devoir se limiter aux dommages résultant des travaux de construction effectivement réalisés. Il s'avère néanmoins que la jurisprudence a retenu une approche extensive de ce qu'il faut entendre par dommages provenant d'un sinistre et couvert par l'assurance construction.
– Absence d'ouvrage et « non-façon ». – Tantôt confondues ou distinguées l'une de l'autre, ces deux notions renvoient en tout état de cause à une situation finale identique : la non-réalisation d'un ouvrage ou de travaux prévu(s) initialement ou non prévu(s) est à l'origine d'un sinistre de nature décennale. Si la réparation devait être prise en compte tant au titre de la responsabilité décennale qu'au titre de l'assurance construction chargée de « couvrir » celle-ci, elle devrait dès lors entraîner la réalisation de deux types de travaux : ceux correspondant à l'ouvrage manquant, à l'origine du sinistre, d'une part, et ceux correspondant à la réparation du sinistre proprement dit ou à ses conséquences dommageables, d'autre part. La question s'est finalement posée de savoir si le principe de réparation intégrale justifie que la victime du sinistre soit, en quelque sorte, indemnisée sans profit ni perte. Doit-elle, en tout état de cause, bénéficier de la réparation du sinistre, que celui-ci justifie le remplacement d'un bien le cas échéant vétuste par un bien de meilleure qualité ou qu'il soit directement la conséquence de la non-réalisation de travaux par le constructeur responsable ? La Cour de cassation a tranché ce débat en le recentrant sur la notion et l'existence même d'un sinistre. C'est ainsi qu'en l'absence de sinistre de nature décennale, l'assurance construction ne saurait s'étendre à la prise en charge de travaux non réalisés par l'entrepreneur défaillant. Àl'inverse, en présence d'un sinistre de nature décennale résultant de la non-réalisation d'un ouvrage, l'assurance construction est appelée à prendre en charge les réparations. Selon la formule de la Cour de cassation, cette prise en charge est ainsi appelée à « replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit », l'acte dommageable correspondant ici à l'omission de l'ouvrage. Que les travaux aient été initialement prévus ou non, la finalité de l'assurance construction prime pour la Cour de cassation, partant du principe que, bien qu'il puisse parfois en résulter un certain enrichissement pour la victime du sinistre, c'est finalement le prix à payer pour respecter le principe de la réparation intégrale du sinistre. Outre la non-réalisation ou l'absence d'ouvrage, d'autres difficultés se posent dans l'appréciation du sinistre pris en charge par l'assurance construction.
– Non-conformité et assurance construction. – La notion de dommage se distingue de celle de non-conformité. Ainsi que nous avons eu l'occasion de le rappeler, la non-conformité est souvent opposée à la notion de vice et renvoie à la non-réalisation d'une prestation prévue au contrat ou à la réalisation d'une prestation différente de celle contractuellement prévue, sans que cette non-conformité soit à l'origine d'un dommage ou constitue un vice. Au contraire de la notion de conformité ou de non-conformité, tournée sur l'objet même du contrat, la notion de vice s'attache à la finalité de celui-ci par la recherche d'un ouvrage répondant aux attentes d'un point de vue fonctionnel. Un résumé efficace consisterait ainsi à dire que « le vice présente un aspect pathologique, la non-conformité n'est qu'une différence ». Alors que la loi du 3 janvier 1967 réservait l'application de l'assurance construction aux vices de nature décennale, c'est désormais la notion de « dommage » qui est retenue, laquelle peut englober à la fois le vice et la non-conformité. C'est ainsi que, comme il en serait d'un vice, une non-conformité à l'origine d'un sinistre de nature décennale entraînerait l'application de la garantie décennale et de l'assurance construction obligatoire. Àl'inverse, et ici aussi comme en matière de vice, une non-conformité n'étant pas à l'origine d'un sinistre de nature décennale ne semble pas pouvoir justifier la mise en jeu de la garantie décennale et du mécanisme assurantiel y attaché. Il a néanmoins été récemment décidé que des non-conformités aux règles d'urbanisme ou aux règles parasismiques devaient être prises en charge par l'assurance construction obligatoire, alors même que ces non-conformités n'étaient pas encore à l'origine d'un sinistre de nature décennale et qu'il n'était pas rapporté qu'elles le seraient dans le délai d'épreuve de dix ans. En l'absence de dommage présent ou futur (mais certain et dans le délai de garantie décennale), ces décisions ont surpris et inspiré les plumes les plus autorisées. De fait, elles semblent assigner à l'assurance construction une mission relevant davantage de l'achèvement de l'ouvrage incombant plus naturellement aux garanties de bonne fin le cas échéant applicables.
Constitutif d'un dommage de nature décennale
– Constitutif d'un dommage de nature décennale. – Le dommage causé à l'ouvrage et pris en charge par les assurances construction obligatoires doit être « de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ». Les bénéficiaires de ces polices d'assurance sont donc couverts dans la mesure de l'interprétation qui est faite des articles 1792 et 1792-2 du Code civil par la jurisprudence. C'est ainsi que, par principe, faute d'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage, les défauts de conformité ne sont pas couverts par l'assurance dommages-ouvrage. Au-delà de cette appréciation, les clauses types applicables tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage limitent l'appréciation du dommage aux travaux de réparation des dommages. Ces assurances n'ont donc pas vocation à couvrir les autres dommages que ceux portés à l'ouvrage lui-même, pouvant consister en des dommages corporels ou des dommages immatériels. L'intérêt pour le notaire de conseiller à ses clients la souscription d'assurances facultatives n'en est que plus grand.
– Le sinistre ou dommage futur. – Dès lors qu'il consiste en un sinistre de nature décennale revêtant les attributs de celui-ci à l'intérieur du délai de garantie, le sinistre doit être pris en compte. C'est la position désormais bien établie de la Cour de cassation sur le dommage futur. Sans attendre que ce dommage se réalise effectivement, le maître de l'ouvrage, qui s'estime victime de ce dommage en puissance, peut invoquer celui-ci auprès des constructeurs responsables et des assurances construction dès lors qu'il lui est possible d'établir que ce dommage revêtira la gravité requise dans le délai de garantie. Bien entendu, la projection vers le futur ne s'avère nécessaire que pour autant que le présent ne réponde pas à la question qui se pose, à savoir la gravité du dommage invoqué. Si le délai d'épreuve de dix ans est dépassé sans que le dommage ait présenté la gravité requise pour engager la responsabilité du constructeur et la mise en jeu subséquente de l'assurance construction, le juge, appelé alors à se prononcer, n'aura pas à faire application de la théorie du dommage futur, celle-ci étant devenue inapplicable. Le recours à la notion d'impropriété à la destination, également couverte au titre de la responsabilité décennale des constructeurs et des assurances construction subséquentes, a été proposé pour contourner la rigueur de cette approche de la Cour de cassation. En tout état de cause, interrogé dans le cadre de la mise en œuvre d'une police d'assurance construction (dommages-ouvrage ou de responsabilité) au titre de dommages futurs, le notaire pourrait utilement et prudemment conseiller à son client, maître de l'ouvrage bénéficiaire de ces assurances, d'invoquer à titre subsidiaire l'application de la responsabilité de droit commun fondée sur les articles 1217 et 1231-1 du Code civil dans l'hypothèse où les dommages invoqués seraient finalement qualifiés de dommages intermédiaires.
Portant sur l'ouvrage lui-même
– Le dommage doit porter directement sur l'ouvrage. – L'assurance construction obligatoire ne vient garantir que l'ouvrage lui-même à hauteur des dommages de nature décennale que ce dernier viendrait à subir. Ànouveau, les clauses types applicables tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage nous éclairent sur ce point en précisant que les travaux de réparation ne peuvent porter que sur l'ouvrage lui-même, et donc que le dommage se limite à celui-ci. C'est ainsi que la garantie légale, et l'assurance subséquente, ne sont pas applicables aux dommages causés aux tiers, justifiant une action au titre des troubles anormaux de voisinage. Encore faut-il que la réparation demandée ne porte pas sur l'ouvrage lui-même, ce qui nécessite de distinguer les troubles de voisinage invoqués pour réparer directement le préjudice du voisin (non pris en charge par l'assurance) de ceux invoqués afin qu'il soit procédé aux réparations nécessaires pour faire cesser le trouble (pris en charge par l'assurance). Ainsi limité, le champ d'application des assurances construction obligatoires exclut la prise en charge des dommages intermédiaires.
– La non-prise en compte des dommages intermédiaires. – Les dommages ne portant pas sur l'ouvrage lui-même ou ne relevant pas des garanties biennale ou décennale, c'est-à-dire les dommages intermédiaires, ne sont pas pris en charge par l'assurance construction obligatoire. Si le doute était permis avant la réforme opérée par la loi Spinetta du 4 janvier 1978, il est désormais établi que les assurances construction obligatoires ne peuvent prendre en charge de plein droit les dommages intermédiaires. Dès lors, la souscription d'une assurance spécifique ne peut qu'être recommandée. Cette garantie facultative semble devoir être délivrée dans le cadre de la police de responsabilité civile du promoteur et non dans celui d'une assurance de chose (dommages-ouvrage).

Durée

– Des délais d'application et de mise en œuvre différents. – Les deux assurances construction obligatoires que sont l'assurance dommages-ouvrage et l'assurance de responsabilité obligatoire ne se voient pas appliquer le même régime quant à leur durée. Qu'il s'agisse de la date de mise en œuvre potentielle de ces assurances ou du délai dans lequel elles peuvent être actionnées, ces deux assurances diffèrent.
La durée de l'assurance dommages-ouvrage
– Principe. – La réception de l'ouvrage constitue le point de départ de la garantie de parfait achèvement à laquelle est tenu chaque entrepreneur. Ce faisant, et afin d'éviter que l'assurance dommages-ouvrage ne vienne couvrir des dommages également pris en charge au titre de la garantie de parfait achèvement, l'assurance de chose ne prend effet qu'à l'expiration de la garantie prévue par l'article 1792-6 du Code civil. Partant, l'assurance dommages-ouvrage ne dure, en principe, que neuf ans, les dommages qu'elle est censée couvrir à travers un préfinancement restant quant à eux enfermés dans le délai de garantie décennale courant en effet à compter de la réception. Ce principe connaît deux exceptions, l'une consistant à ce que cette assurance prenne effet avant la réception, l'autre à ce qu'elle prenne effet pendant la période couverte par la garantie de parfait achèvement.
– Première exception : la prise d'effet avant la réception. – La défaillance de l'entrepreneur avant la réception peut conduire à une anticipation de la prise d'effet de la police d'assurance dommages-ouvrage. Cette défaillance sera caractérisée par le fait que le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur se trouve résilié pour inexécution des obligations de celui-ci, et ce après mise en demeure préalable.
– Seconde exception : la prise d'effet dans l'année suivant la réception. – La prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage sera également anticipée en cas de défaillance de l'entrepreneur dans l'exécution de ses obligations après la réception et mise en demeure préalable. Située postérieurement à la réception, cette défaillance portera donc sur les désordres devant être levés par l'entrepreneur au titre de la garantie de parfait achèvement. En effet, le report de la prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage à l'expiration de la garantie de parfait achèvement ne se justifie plus alors du fait même que l'entrepreneur s'avère défaillant dans la levée de ces désordres.
– Synthèse : une durée « flottante » et un risque de prise en charge finale pour l'assureur. – Au final, la durée de l'assurance dommages-ouvrage peut être de neuf années (hypothèse de principe), de dix années (en cas de défaillance de l'entrepreneur dans la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement) ou plus encore (en cas d'anticipation sur la réception du fait de la défaillance de l'entrepreneur avant cette date). Le point de départ de la garantie, et donc sa durée, se distingue donc par un caractère passablement flottant. Les deux exceptions au principe ont pour points communs, d'une part, d'anticiper la prise d'effet de l'assurance dommages-ouvrage (avant la réception ou avant l'expiration de la garantie de parfait achèvement), sans aboutir donc à reporter cette assurance au-delà de la durée de garantie décennale, et, d'autre part, de se baser sur la défaillance de l'entrepreneur. Par ailleurs, ces exceptions sont susceptibles de modifier le positionnement de l'assureur de dommages-ouvrage qui, d'assureur relais n'ayant pas vocation à supporter la charge définitive de la réparation, peut devenir l'assureur final, faute de pouvoir se retourner sur l'assureur de responsabilité. En effet, l'absence de réception empêche, dans la 1re exception, la mise en jeu de la responsabilité décennale des entreprises et donc de l'assurance correspondante. Dans la seconde exception, les désordres peuvent avoir été réservés au jour de la réception ou ne survenir qu'après. Seuls les seconds pourront, le cas échéant, justifier que soit engagée la responsabilité décennale de l'entrepreneur, au contraire des premiers qui, pour avoir été réservés à la réception, ne sont donc points cachés. Faute de pouvoir se retourner vers l'assurance de responsabilité dans la première exception et, dans certains cas, dans la seconde exception, il ne restera à l'assureur dommages-ouvrage que la possibilité d'agir contre l'entrepreneur dont la défaillance est déjà avérée et, peut-être, l'insolvabilité aussi. Cet effet induit par la prise d'effet anticipée de l'assurance dommages-ouvrage consiste en une « entorse au principe de la double détente », constitutive d'un véritable « angle mort » de la dommages-ouvrage en tant qu'assurance de préfinancement.
La durée de l'assurance de responsabilité obligatoire
– Démarrage à l'ouverture du chantier ou au commencement des travaux. – La souscription effective d'une police d'assurance de responsabilité doit intervenir avant l'ouverture du chantier. C'est à la fois la limite de la couverture par l'assurance et le commencement des événements couverts par celle-ci. Les clauses types prévoient depuis 2009 que l'ouverture de chantier s'entend d'une date unique applicable à l'ensemble de l'opération de construction, soit la déclaration d'ouverture de chantier si un permis de construire est nécessaire ou, à défaut, la date du premier ordre de service.
– Une durée calquée sur la durée de garantie décennale. – Le risque de doublon avec la garantie de parfait achèvement n'a pas été pris en compte au titre de l'assurance de responsabilité. C'est ainsi que cette assurance prend en charge tous les sinistres de nature décennale intervenus après réception.

L'ingénierie notariale en matière d'assurance construction

– Le positionnement central du notaire. – Les mécanismes d'information mis en place au titre des assurances construction obligatoires reposent eux-mêmes sur un régime obligatoire et sanctionné. Le notaire y joue un rôle central, en ce que les informations ont vocation à transiter par lui au stade de la mutation de l'immeuble, mais également à être vérifiées par lui, sous peine d'engager se responsabilité. L'obligation générale de conseil à laquelle il est tenu se décline ainsi, à titre principal, en obligations d'information (A) et de vérification (B) sur l'existence ou l'absence de souscription des polices d'assurance, d'une part, et sur les caractéristiques de celles-ci, d'autre part. Le devoir de conseil auquel le notaire est tenu englobe ces obligations d'information et de vérification, mais les complète également en ce qu'il emporte le devoir d'informer les clients des moyens leur permettant de sécuriser plus encore leur situation. L'ingénierie notariale s'y déploie alors plus particulièrement (C). L'ensemble de ces interventions, qui font du notaire le garant privilégié de l'application et du respect des textes applicables en matière de protection des acquéreurs à travers les assurances construction obligatoires, sont sanctionnées par le biais d'une responsabilité qui engage le notaire à la mesure du non-respect des obligations auxquelles il est tenu (D).

L'obligation d'information

Information sur l'existence ou l'absence d'assurance
– L'information alternative à laquelle est tenu le notaire. – Lorsqu'il est saisi de la vente d'un bien immobilier ayant fait l'objet, il y a moins de dix ans, de travaux entrant dans le champ d'application des assurances construction obligatoires, le notaire doit répondre, à travers son acte, à une question simple : les assurances ont-elles été souscrites ou ne l'ont-elles pas été ? Les dispositions de l'article L. 243-2 du Code des assurances lui imposent cette alternative afin de répondre à l'objectif de sécurisation et de protection des investissements immobiliers. Le notaire assume à nouveau, à cet égard, une intervention de nature préventive au moment de constater la vente des biens ayant fait l'objet de travaux soumis à l'obligation d'assurance. Au-delà des sanctions auxquelles les assujettis s'exposent en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires, et sans attendre la survenance d'un sinistre pour constater que celui-ci n'est pas couvert par ces assurances, faute de souscription, l'intervention du notaire permet de faire apparaître la difficulté éventuelle et ses conséquences pour les parties, tant le vendeur (qui engage sa responsabilité) que l'acquéreur (qui ne sera pas couvert par l'assurance, non souscrite, en cas de sinistre). Ainsi informé, et par crainte de perdre son acquéreur ou de devoir réduire son prix de vente, le vendeur sera ainsi incité à souscrire a posteriori une police d'assurance dommages-ouvrage.
– Périmètre de l'obligation d'information. – Jusqu'à la loi dite « loi Macron » du 6 août 2015, l'obligation d'information de l'article L. 243-2 du Code des assurances ne s'appliquait qu'aux assurances dommages-ouvrage. Depuis lors, cette obligation a été étendue à l'assurance responsabilité civile décennale pour l'ensemble des intervenants. Bien que la ratio legis semble commander de limiter cette information obligatoire à la seule responsabilité civile décennale du vendeur (correspondant à la police constructeur non réalisateur [CNR]), la prudence semble être de mise en l'absence de précision des textes. Il nous paraît donc recommandé d'appliquer cette obligation d'information à l'ensemble des polices de responsabilité civile décennale en interrogeant le vendeur sur les entreprises intervenantes et leurs assurances respectives.
Les justificatifs de souscription des assurances
– La justification : un double impératif. – La nécessité de justifier de la souscription effective (ou de l'absence de souscription) répond à un double impératif qu'il n'est pas inutile de rappeler. Il s'agira tout d'abord de respecter les prescriptions légales, en ce que l'article imposant cette obligation d'information le prévoit expressément. Ensuite, les personnes tenues par cette obligation d'information, ainsi que le notaire chargé d'instrumenter, devront être en mesure de justifier que cette information a bien été transmise à l'acquéreur. Faute de pouvoir apporter cette justification, leur responsabilité respective ne manquera pas d'être engagée.
  • le Code des assurances prévoit tout d'abord qu'au stade du contrat, l'information peut être transmise de deux manières différentes : soit par une mention dans l'acte, soit par une annexe à celui-ci. Àcet égard, s'il s'agit d'informer l'acquéreur de la non-souscription des assurances construction obligatoires, et bien que les annexes à l'acte forment un tout indissociable avec celui-ci, il semble préférable d'apporter cette information directement dans le corps de l'acte, le renvoi aux annexes ne servant finalement qu'à justifier les déclarations ainsi faites. Il apparaît d'ailleurs curieux d'imaginer que la non-souscription d'une assurance construction obligatoire puisse faire l'objet d'une mention en annexe de l'acte. En pratique donc : soit les assurances ont été souscrites, et les documents en justifiant seront annexés pour compléter les mentions apportées dans l'acte (il y aura un cumul de mentions et d'annexes), soit elles ne l'ont pas été, ce qui sera renseigné à travers des déclarations de l'acte ;
  • s'agissant des documents venant compléter ou justifier les déclarations ainsi faites, plusieurs questions se sont posées, dont certaines ne sont pas réglées à ce jour : – Quels sont les documents justificatifs considérés comme recevables ? Se pose ici la question de la différence entre les « attestations d'assurance » et les « notes de couverture ». Une différence de fonds ou de temporalité permet de distinguer l'une de l'autre. C'est ainsi que la note de couverture est émise pour constater la garantie avant la souscription définitive de la police d'assurance. Bien souvent, les compagnies d'assurance les délivrent afin de répondre au souhait de leurs clients de disposer immédiatement d'une garantie, alors même que l'assureur a encore besoin de temps pour étudier le risque et déterminer la prime d'assurance correspondante. Pour toutes ces raisons, les notes de couverture sont la plupart du temps des avant-contrats autonomes par rapport au contrat définitif, et sont émises pour une durée limitée, bien inférieure à la durée ferme nécessaire pour couvrir la responsabilité décennale. Au contraire, l'attestation d'assurance est délivrée après qu'a été mise en place la police d'assurance concernée, afin qu'il puisse en justifier. Sur la base d'une attestation d'assurance, les clauses types des polices concernées s'appliqueront ainsi que la durée de couverture correspondant à la durée de la responsabilité décennale des constructeurs ou assimilés. En conclusion, le notaire chargé de délivrer l'information sur la souscription ou la non-souscription des assurances construction obligatoires ne peut le faire qu'en se basant sur de véritables attestations d'assurance et non sur de simples notes de couverture. – Les attestations répondent-elles à un formalisme strict ? C'est ici une curiosité qui ne s'explique pas. L'objectif de sécurité juridique a conduit le législateur à imposer un formalisme particulier aux attestations d'assurance, lesquelles doivent comprendre des mentions minimales. Ce formalisme ne s'impose néanmoins qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, ce qui exclut les assurances dommages-ouvrage ! Une modification de l'article L. 243-2 du Code des assurances tendant à appliquer aux alinéas 1 (obligation d'information) et 2 (obligation de transmettre des attestations normées) serait de nature à permettre d'accroître la sécurité juridique, tant des personnes tenues de délivrer cette information (assujettis et notaire) que des personnes devant bénéficier de celle-ci.
– La formalisation de la délivrance de l'information. – La justification de la transmission de l'information amène à s'interroger sur sa nécessaire formalisation :

Attestation d'assurance ou note de couverture ?

La note de couverture, établie avant la souscription du contrat et bien souvent pour une durée très limitée, ne permet pas de justifier efficacement de la souscription des assurances construction obligatoires. Le notaire est tenu de se baser sur de véritables attestations d'assurance.

De l’importance des renseignements transmis pour la validité des déclarations de sinistre

La précision et la complétude des informations transmises au stade du contrat dépassent la simple obligation d'information. Elles impactent aussi la validité des déclarations de sinistres pouvant être faites ultérieurement.
Les assujettis aux assurances construction obligatoires sont donc tenus d'une obligation d'information, qui s'exerce tout particulièrement au moment de la signature d'un acte. La précision des renseignements transmis, que ce soit au travers des déclarations figurant dans les actes ou dans les attestations d'assurance remises, peut également impacter le fonctionnement même de cette police au moment où son bénéficiaire devra déclarer un sinistre. C'est ainsi que, pour être valable, la déclaration de sinistre doit comporter des renseignements obligatoires, au rang desquels nous retrouvons le numéro du contrat (et de ses avenants éventuels) et la date de réception des travaux. Dans l'hypothèse où ces renseignements ne sont pas en la possession du bénéficiaire des contrats, le manquement ainsi constaté à l'obligation d'information engagera d'autant plus la responsabilité de ceux qui en sont débiteurs qu'il est susceptible d'entraîner l'impossibilité de mettre en œuvre la police d'assurance elle-même à l'occasion de sinistres.
Information sur les sanctions attachées à l'absence d'assurance
– Sanctions civiles. Personnes responsables. – Le défaut de souscription des assurances construction obligatoires est tout d'abord susceptible d'engager la responsabilité d'un grand nombre d'intervenants à l'opération. Les assujettis, vendeur ou constructeur, sont bien entendu susceptibles d'être recherchés. Le notaire également, tenu d'une obligation d'information qui se double d'une obligation de vérification, peut être recherché si l'une ou l'autre n'est pas respectée. Au-delà, l'architecte, l'agent immobilier, le syndic, le dirigeant d'une société de construction ainsi que l'administrateur judiciaire peuvent voir leur responsabilité civile engagée en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires. Si l'absence de souscription des assurances construction obligatoires fait ainsi l'objet de sanctions civiles, certaines ont néanmoins été écartées par les magistrats.
– Sanctions civiles. Pas de lien entre défaillance du maître de l'ouvrage et responsabilité des constructeurs. – Par ailleurs, il convient de préciser que l'omission de l'un (le maître de l'ouvrage ne souscrivant pas l'assurance dommages-ouvrage) n'exonère pas l'autre (le constructeur ne souscrivant pas l'assurance de responsabilité obligatoire). De ce fait, le maître de l'ouvrage pourra engager les responsabilités légale et contractuelle des constructeurs défaillants dans la souscription de leur assurance obligatoire afin de se faire rembourser le coût correspondant à la souscription, en leur lieu et place, de ces mêmes assurances.
– Sanctions civiles. Nullité de la vente pour défaut de souscription ? Impossibilité de vendre ? – La question s'est posée de savoir si le défaut de souscription de l'assurance construction obligatoire, et plus particulièrement de l'assurance dommages-ouvrage, pouvait rejaillir sur la vente et emporter sa nullité pour cause d'erreur substantielle. Si l'argument a été utilisé, la Cour de cassation a clairement énoncé qu'en l'absence de dispositions contractuelles contraires, l'existence d'une assurance obligatoire ne pouvait être considérée comme un élément substantiel de la vente. De la même manière, la question s'est posée de la possibilité pour un notaire de recevoir un acte de vente, notamment en l'état futur d'achèvement, sans que la souscription des assurances construction obligatoires n'ait été justifiée de manière efficace. Sanctionnant la cour d'appel de Paris, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer que « la validité des actes ayant pour objet de transférer la propriété ou la jouissance d'un bien objet des assurances visées aux articles L. 241-1 à L. 242-1 du Code des assurances n'est pas subordonnée à la souscription de ces assurances ». Bien que les assurances n'aient pas été souscrites, le notaire ne semble pas empêché de recevoir l'acte de vente. Il apparaît néanmoins que l'obligation de conseil à laquelle il est tenu, justifiant les précautions prises par la profession, doit l'inciter à la plus grande prudence, en particulier dans le cadre d'opérations de promotion.
– Sanctions pénales. Principe. – La non-souscription des assurances construction obligatoires est constitutive d'un délit pénal puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75 000 €, ou de l'une de ces deux peines seulement. Seule l'hypothèse de construction par une personne physique d'un logement pour son occupation personnelle ou celle de son conjoint, de ses ascendants, de ses descendants ou ceux de son conjoint permet d'éviter cette sanction.
Un rôle actif du notaire source de responsabilité
– Une obligation d'information sanctionnée. – Le non-respect par le notaire de l'obligation d'information qui lui est imposée aux termes de l'article L. 243-2 du Code des assurances est susceptible d'engager sa responsabilité. Qu'il s'agisse de renseigner efficacement l'acquéreur sur l'existence des assurances souscrites ou, au contraire, sur leur absence, l'intervention du notaire impactera directement sur la protection de l'acquéreur en cas de survenance de sinistre de nature décennale. Confronté au défaut d'assurance sans en avoir été informé lors de la vente par le notaire, l'acquéreur ne manquera pas d'engager la responsabilité du notaire qui pourra alors être tenu, in solidum avec le vendeur indélicat, de prendre en charge le coût des travaux de reprise rendus nécessaires. Plus récemment, la Cour de cassation semble avoir limité cette sanction à la perte de chance, sans que la fermeté de cette prise de position ni son périmètre exact ne soient aujourd'hui assurés.

L’importance de la notification de transfert de propriété à l’assureur

Au-delà de l'information délivrée au titre de la souscription des assurances construction, le notaire est également tenu de notifier le transfert de propriété aux assureurs.
La notification de la vente par le notaire aux assureurs répond à un double objectif.
Le premier est spécifique à la vente dans laquelle le prix est payé au moyen d'un prêt. Au regard des droits accordés aux créanciers privilégiés ou hypothécaires sur les indemnités d'assurance en cas de sinistre, et afin d'éviter que la compagnie d'assurance ne règle de bonne foi ces indemnités à l'acquéreur-emprunteur sans tenir compte desdits créanciers, le notaire procède à une notification aux assureurs sous forme d'opposition sur les indemnités à percevoir.
Par ailleurs, et contrairement au droit commun des assurances de chose, l'aliénation de l'immeuble couvert par une assurance dommages-ouvrage ne permet pas à la compagnie d'assurance de résilier le contrat. Pour autant, ce transfert de propriété n'est pas sans impact sur le fonctionnement de cette police d'assurance. La notification de cette aliénation conditionne ainsi la libération du vendeur au titre du paiement des primes à échoir. Trois étapes successives doivent ainsi être distinguées :
  • au jour de l'aliénation : le vendeur restera tenu des primes échues à cette date, l'acquéreur devenant redevable des primes à échoir ;
  • entre la signature de la vente et la réception de la notification informant l'assureur de celle-ci : le vendeur restera garant du paiement par l'acquéreur des primes à échoir, et ce jusqu'à la réception de la notification de la vente à l'assureur. Àcet égard, le vendeur disposera d'un recours contre l'acquéreur dans l'hypothèse où il serait appelé à régler des primes d'assurance non échues au jour de la vente ;
  • à compter de la réception de la notification informant l'assureur de la signature de la vente : le vendeur est définitivement libéré du paiement, même en tant que garant, des primes d'assurance non échues au jour de la vente.

L'obligation de vérification

– Plan. – Le respect de son obligation d'information ne suffit pas, le notaire est également et classiquement tenu d'assumer un rôle actif en vérifiant les informations transmises. Appliquée aux assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification s'opère sur l'assureur lui-même (I) et sur la police d'assurance (II).
Vérifications opérées sur l'assureur lui-même
– Agrément de la compagnie d'assurance. – L'activité exercée par les compagnies d'assurance, que celles-ci consentent des assurances construction ou d'autres types de produits, est par essence une activité sensible. Les conséquences attachées à la défaillance de ces compagnies d'assurance sont dramatiques pour les personnes qui étaient susceptibles d'en bénéficier. C'est pourquoi un contrôle strict est exercé sur ces compagnies d'assurance. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances renvoie expressément à cette exigence d'habilitation. Le notaire est appelé à vérifier que les compagnies d'assurance ayant délivré les assurances construction étaient bien agréées pour ce faire.
– Les outils permettant de vérifier l'agrément de l'assureur. – Afin de vérifier que la compagnie d'assurance dispose bien de l'autorisation d'exercer en France et de délivrer des assurances construction, le notaire dispose des outils mis en place par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du registre des organismes d'assurance disponible sur le site www.refassu.fr">Lien.
Pour les établissements enregistrés dans d'autres pays européens qui exercent en France par le biais d'une succursale ou de libre prestation de services, l'ACPR conseille vivement de consulter le registre tenu par l'autorité du pays d'origine. L'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a quant à elle mis à disposition un registre européen alimenté par les informations transmises par chaque autorité de contrôle nationale (Register of Insurance Undertakings) :
https://register.eiopa.europa.eu/registers/register-of-insurance-undertakings">Lien.
Enfin, et par suite du Brexit, une liste des établissements du secteur assurance ne disposant plus du droit d'offrir leurs services en France est également mise à jour et accessible sur le site de l'ACPR :
https://acpr.banque-france.fr/file/document/organismes-dassurance">Lien.

Les difficultés inhérentes à la faillite de compagnies d’assurance étrangères

La multiplication des faillites de compagnies d'assurance étrangères ayant délivré en France des assurances construction obligatoires et exerçant sur la base de la libre prestation de services est à l'origine d'importantes difficultés pour les bénéficiaires de ces contrats.
La libre prestation de services (LPS) a ouvert la possibilité à un assureur d'exercer dans tous les États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, avec un agrément unique et une surveillance prudentielle exclusive par le régulateur du pays d'origine de l'assureur.
De nombreuses compagnies non domiciliées en France sont venues offrir leurs garanties en matière d'assurance construction obligatoire sur la base de la LPS, avec un développement à la mesure du décalage pouvant exister entre les prix offerts par celles-ci et ceux existant alors sur le marché.
Une mauvaise connaissance de ce marché et de la réglementation applicable a entraîné de nombreuses faillites et pertes d'agrément de ces compagnies d'assurance, aboutissant à leur liquidation, et laissant sans recours les bénéficiaires de ces contrats.
Une ordonnance du 27 novembre 2017 a prévu que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prenne en charge les dommages dus par l'assureur défaillant au titre des assurances dommages-ouvrage, comme il le fait au titre des accidents de la circulation. Cette ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 2022, afin que le champ d'action du FGAO ne soit plus limité aux seuls contrats conclus après son entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Ainsi, il peut dorénavant intervenir pour les contrats d'assurance dommages-ouvrage conclus à compter du 1er juillet 2018 ou en cours à cette date, dès lors que les désordres sont survenus avant la fin de validité du contrat d'assurance.
Le système mis en place reste néanmoins largement perfectible. C'est ainsi que le FGAO n'intervient qu'au profit d'assurés personnes physiques, les personnes morales étant exclues de ce mécanisme. Par ailleurs, les sinistres doivent être déclarés et gérés par le liquidateur de la compagnie d'assurance défaillante, ce qui compliquera la tâche au regard de la domiciliation de celle-ci en dehors du sol français. Enfin et surtout, le FGAO ne prend en charge que les défaillances constatées au titre de l'assurance dommages-ouvrage. Celles relevant des assurances de responsabilité décennale des intervenants à la construction en sont donc exclues.
Vérifications opérées sur la police d'assurance
– Vérification de l'exactitude des déclarations. – L'obligation de vérification, fille du « devoir d'efficacité » édicté par la Cour de cassation et imposé au notaire comme un accessoire de son intervention, s'applique bien évidemment en matière d'assurances construction obligatoires. Le notaire ne peut, en effet, se limiter aux seules déclarations du vendeur sur la souscription effective des assurances construction obligatoires, et doit obtenir des éléments de nature à attester ou confirmer cette souscription, si celle-ci est invoquée. L'obligation de vérification est désormais bien établie, notamment en matière d'assurances construction obligatoires. Cette vérification par le notaire des déclarations du vendeur doit s'opérer dans deux cas de figure. Il en va ainsi, d'une part, lorsque le notaire dispose d'éléments de nature à lui faire douter de la véracité des déclarations faites (ou documents transmis) et, d'autre part, lorsque, par leur nature ou leur portée juridique, ces déclarations conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte. En matière d'assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification connaît de nombreuses applications.
– Principales applications de l'obligation de vérification en matière d'assurances construction obligatoires. Liste (non exhaustive). – L'obligation de vérification à la charge du notaire en matière de contrats d'assurance construction obligatoires s'applique, sans exhaustivité, aux démarches suivantes :
  • bien entendu, et à titre principal, à la vérification de l'existence ou de l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, ce qui va au-delà des seules déclarations du vendeur ;
  • à la vérification des principales conditions des contrats, lesquelles doivent être conformes aux exigences légales ;
  • à la vérification de la concordance entre l'objet garanti et celui réalisé (ou devant l'être) ;
  • à la vérification de la date de prise d'effet des contrats d'assurance ;
  • et à la vérification du paiement des primes d'assurance (prévisionnelles et définitives).
– Illustration. L'attestation d'assurance. – Nous avons rappelé l'importance que revêtent les attestations d'assurance pour justifier de la souscription des assurances construction obligatoires, ainsi que la forme qu'elles doivent respecter. La Cour de cassation semble apprécier de manière compréhensive l'obligation faite au notaire de vérifier l'attestation d'assurance remise en ne rendant pas cette vérification systématique, alors même qu'il ne fait aucun doute que l'assurance construction obligatoire est susceptible, à défaut de souscription, d'impacter l'efficacité de l'acte. La responsabilité du notaire ne serait, dès lors, engagée que dans l'hypothèse où les éléments transmis étaient de nature à éveiller chez lui des soupçons, rendant par conséquent nécessaires des vérifications complémentaires. Il semble néanmoins qu'il faille appliquer ces décisions avec prudence, en incitant le notaire à effectuer un contrôle minimal de cohérence de l'attestation transmise, tout spécialement si celle-ci lui est remise par le vendeur et non par la compagnie d'assurance.
– Illustration. Franchises et plafonds de garantie. – Les contrats d'assurance construction obligatoires sont soumis à une double contrainte : le respect de la loi et des clauses types fixées pour chacun des contrats. Peuvent s'y ajouter, bien évidemment, les contraintes conventionnellement prévues, dès lors que celles-ci ne vont pas à l'encontre de l'objectif de protection des bénéficiaires des assurances. Le notaire, par sa connaissance des textes applicables, est tenu de vérifier que les assurances souscrites répondent à ces exigences ou, à défaut, d'en informer les parties. C'est ainsi, tout d'abord, que la mise en place de franchise n'est valable qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, mais voit son effet limité aux cocontractants (assuré et assureur) puisque les franchises sont inopposables aux tiers lésés bénéficiaires de l'assurance. En revanche, aucune franchise n'est admise en matière d'assurances dommages-ouvrage, ces dernières devant garantir le paiement de l'intégralité des travaux de réparation. Des plafonds de garantie peuvent cependant être prévus, tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage, mais uniquement pour des constructions destinées à un usage autre que l'habitation et dans les limites fixées par l'article R. 243-3 du Code des assurances. En revanche, aucune restriction ne peut être prévue en terme de durée de la garantie, celle-ci ne pouvant être inférieure à la durée de la garantie décennale.
– Illustration. Réduction proportionnelle de l'indemnité ou de nullité du contrat. – L'accompagnement du notaire ne se limite pas à la vérification de l'existence de souscription des assurances construction obligatoires. Le comportement du souscripteur de ces contrats est également à observer au titre des déclarations qu'il a pu effectuer auprès des assureurs et des informations transmises à ces derniers. Dès lors qu'il en dispose, notamment à travers la communication des polices d'assurance ou d'attestations d'assurance détaillées, le notaire se doit de vérifier que les éléments transmis aux assureurs ne sont pas de nature à tromper l'analyse que ces derniers ont pu faire du dossier au moment d'accepter le risque et de fixer le montant de la prime d'assurance. Une omission ou une fausse déclaration, dès lors qu'elle ne relève pas de la mauvaise foi du souscripteur, ne peut entraîner la nullité du contrat d'assurance. Elle peut néanmoins justifier une demande de paiement d'un supplément de prime ou même de résiliation du contrat, si elle est constatée avant tout sinistre, ou le versement d'une indemnité réduite à due proportion si elle l'est après la survenance d'un sinistre. La mauvaise foi éventuelle de l'assuré est quant à elle constitutive d'une fraude justifiant que le contrat soit annulé dès lors qu'elle a changé l'objet du risque ou diminué l'opinion que pouvait en avoir l'assureur, sans que ce dernier soit tenu de rembourser les primes payées ni ne perde le droit au paiement de celles échues.

Le rôle central du notaire au titre des assurances construction obligatoires

Au résultat du cumul de son obligation d'information et de son obligation de vérification ou de vigilance, le notaire est institué garant du respect de la loi par les parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires.

L'obligation de conseil

– Une autre manifestation du devoir de conseil. – Le devoir de conseil du notaire apparaît de plus en plus comme le réceptacle de bon nombre d'obligations attachées à l'intervention de cet officier ministériel. C'est ainsi que la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit, ainsi que l'adéquation avec les objectifs poursuivis par les parties, justifient que soit engagée sa responsabilité en cas de manquement au titre du devoir de conseil du notaire. « Le respect de la loi n'exclut pas la pédagogie ». Le principe énoncé est marqué du sceau de l'évidence, mais il rappelle utilement que le notaire, tenu à un devoir de conseil à l'égard de ses clients, ne doit pas se contenter de respecter les obligations d'information prescrites par le Code des assurances en matière d'assurance construction ainsi que les obligations de vérification déjà rappelées. Il peut et doit même aller au-delà. Il est vrai que la Cour de cassation a confirmé que, dès lors que le notaire avait satisfait à son obligation d'information en mentionnant dans l'acte l'absence d'assurance dommages-ouvrage, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir attiré l'attention des parties sur les conséquences résultant de cette absence d'assurance. Cette décision paraît surprenante. Il a d'ailleurs été précisé ultérieurement que le notaire était tenu « d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, (…) ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller ». Appliqué à l'absence de souscription d'une assurance construction obligatoire constatée au moment d'une vente, ce principe semble commander d'informer l'acquéreur des risques encourus par lui du fait qu'il ne pourra pas invoquer le bénéfice du mécanisme protecteur renvoyant aux assurances (de dommages-ouvrage puis de responsabilité) la prise en charge des dommages. Cela peut l'amener à déconseiller de réaliser l'opération ou, de manière plus constructive, à proposer aux parties des solutions permettant de se prémunir du risque. L'obligation d'information s'étend également à l'information devant être délivrée au vendeur qui, après réalisation de travaux de construction portant sur un ouvrage, décide de vendre celui-ci et devient par la même occasion responsable comme le serait un constructeur au titre de la garantie décennale. La vente vient, d'une certaine façon, provoquer une situation nouvelle à travers laquelle le vendeur se trouve tenu de la garantie décennale, mais également, par construction, de l'obligation de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale.
– Au-delà de l'information et de la vérification : la proposition de solutions. – C'est ainsi l'ingénierie du notaire qui a vocation à se déployer au moment de trouver et de proposer des solutions en matière d'assurance construction. Ce rôle actif n'est finalement qu'une émanation supplémentaire de son devoir de conseil. Il doit l'amener, entre autres, et en fonction des circonstances, à combler la lacune résultant d'une absence de souscription des assurances construction obligatoires (I) et à rechercher à compléter les mécanismes d'assurances obligatoires à travers la souscription d'assurances complémentaires (II).
Sur la souscription a posteriori des assurances construction obligatoires
– Positionnement du problème. – Nous l'avons rappelé, la souscription des assurances construction dommages-ouvrage et responsabilité décennale n'est pas une option pour les personnes assujetties. Cette souscription est une obligation dont le non-respect est lourdement sanctionné. Son absence peut avoir des conséquences importantes pour le détenteur de l'immeuble ayant fait l'objet des travaux. Au stade de la revente de biens ayant fait l'objet de travaux soumis à cette obligation d'assurance dans les dix ans suivant leur achèvement, le défaut d'assurance doit conduire le notaire à conseiller au vendeur de souscrire l'assurance dommages-ouvrage, même si les travaux ont déjà commencé, et surtout – cas le plus fréquent – s'ils sont déjà achevés. Les articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances font obligation de souscrire les assurances construction obligatoires avant l'ouverture de chantier. C'est en raison de cette obligation que les compagnies d'assurance ont pendant longtemps refusé la souscription des polices d'assurance construction alors même que le chantier avait démarré, voire même alors que les constructions étaient achevées. Une décision du Conseil d'État du 19 janvier 1998 est venue valider la possibilité de souscrire ces polices d'assurance a posteriori, « dès lors que le seul fait de l'engagement de travaux ne rend pas certaine la survenance d'un dommage, ni impossible l'évaluation de l'aléa ».
– Modalités de souscription après le démarrage des travaux (voire après leur achèvement). – Le maître de l'ouvrage peut apparaître soudain désireux de se conformer à la loi. Le plus souvent, il s'agira simplement de bénéficier (en l'absence de vente) ou de faire bénéficier des garanties inhérentes aux assurances construction obligatoires, alors même que la réalisation des travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire a commencé ou s'est achevée. Les compagnies d'assurance ne peuvent plus, en principe, refuser d'accorder ces couvertures en arguant du non-respect du principe de souscription préalablement au commencement des travaux. Si une difficulté ou opposition devait néanmoins survenir, la saisine du Bureau central de tarification sera alors possible, qui permettra de fixer les conditions, notamment financières, de l'assurance demandée. Sa décision s'imposera aux assureurs, sous peine de perte de leur agrément.
Sur l'intérêt de souscrire des assurances facultatives
– Un intérêt découlant du champ d'application des assurances construction obligatoires. – En tant que complément des assurances construction obligatoires, les assurances construction qualifiées, par opposition, de « facultatives », permettent de garantir à la fois les maîtres d'ouvrage et les constructeurs au titre d'événements non couverts de manière obligatoire. Il s'agira, schématiquement et ainsi que nous l'avons déjà rappelé, soit d'anticiper sur la réception, soit d'étendre la garantie aux dommages ne relevant pas de la responsabilité des constructeurs. En effet, dans l'un et l'autre cas, les assurances construction obligatoires ne joueront pas. Le notaire pourra utilement conseiller ses clients, constructeur-vendeur ou acquéreur, afin que ces derniers s'assurent de pouvoir bénéficier de garanties aussi complètes que possible.
  • Avant la réception : rien n'empêche tout d'abord que soit souscrite immédiatement une assurance « multirisque » dès l'ouverture du chantier, et bien que la réception ne soit pas intervenue. Elle pourra ainsi couvrir les risques d'incendie, de dégâts des eaux ou d'explosion. La garantie spécifique à l'effondrement en cours de chantier peut également être comprise, à titre d'extension de la police d'assurance décennale des constructeurs, voire plus couramment une assurance dite « Tous risques chantier » (TRC). Cette dernière, basée sur le principe d'un périmètre défini sur la base d'exclusions limitativement fixées (formule « tout sauf ») expirera, par principe, au jour de la réception, et couvrira des hypothèses plus larges que la seule assurance « multirisque » (effondrement, chute d'engins, etc.). Les dommages immatériels consécutifs étant exclus de la garantie obligatoire de responsabilité décennale, ils ne sont donc pas couverts par l'assurance construction obligatoire. Une garantie complémentaire facultative pourrait dès lors utilement compléter la protection du maître d'ouvrage.
  • Après la réception : les dommages dits « intermédiaires », constatés après la réception sans manifester les critères de gravité nécessaires pour engager la responsabilité décennale des constructeurs, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun de ces derniers. Ils ne sont pas couverts par les assurances construction obligatoires. La souscription d'une assurance complémentaire paraît donc indispensable pour venir garantir l'acquéreur dans l'hypothèse où la responsabilité du constructeur serait reconnue au titre de ces dommages intermédiaires. Il pourrait même être envisagé que soit souscrite une assurance complémentaire venant garantir la levée des désordres soulevés au titre de la garantie de parfait achèvement à laquelle est tenu l'entrepreneur sans qu'aucune assurance ne soit légalement prévue.
– Présentation de quelques assurances facultatives. – Les assurances facultatives peuvent être distinguées en tenant compte d'un critère formel et fonctionnel (assurances de choses ou de responsabilité) ou temporel (avant ou après la réception). Nous retiendrons ce dernier critère de distinction.

L'importance de conseiller la réalisation d'un audit de fin de garantie décennale

L'arrivée de l'échéance de la garantie décennale, et donc de la couverture correspondante des assurances construction obligatoires, doit inciter à prémunir les bénéficiaires de ces garanties au titre de tout sinistre pouvant se révéler mais n'ayant pas encore été déclaré. C'est ici tout l'enjeu de l'audit de fin de garantie, proposé par de nombreux bureaux d'étude ou cabinets spécialisés. En vertu de son devoir de conseil, le notaire doit ainsi recommander à ses clients la réalisation d'un tel audit afin de leur permettre de préserver leurs droits au titre de ces garanties et assurances.

La prescription des actions fondées sur un contrat unique d’assurances responsabilité décennale et dommages-ouvrage

En présence d'un contrat unique, quelles sont les incidences d'un décalage dans la mise en œuvre des assurances dommages-ouvrage, en premier lieu, et responsabilité décennale, en second lieu ?
Le principe de mise en œuvre des assurances construction obligatoires à travers un séquençage en « double détente » amène, mécaniquement, à ce que soit activée l'assurance de préfinancement (l'assurance dommages-ouvrage) avant l'assurance de responsabilité (assurance de responsabilité décennale). Interrogé par ses clients dans la mise en œuvre de ces couvertures assurantielles, le notaire sera tenu de les conseiller en veillant à ce que les délais de prescription de chacune des actions ne soient pas prescrits. La situation s'avère plus compliquée lorsque l'une et l'autre de ces assurances sont incluses dans un contrat unique faisant l'objet d'un même référencement auprès de la même compagnie d'assurance à travers un même numéro de police. La Cour de cassation est venue préciser que cette situation, source de confusion en pratique, ne justifiait pas que le délai de prescription de l'action à l'encontre de l'assureur de responsabilité soit interrompu du fait de la saisine de l'assureur de dommages-ouvrage, pourtant relevant de la même compagnie et du même contrat. La vigilance du notaire sera ici primordiale pour éviter au bénéficiaire de ces assurances construction obligatoires de perdre le bénéfice de l'une (responsabilité décennale) en ne faisant qu'actionner l'autre (dommages-ouvrage).

La responsabilité du notaire en matière d'assurance construction

– Àl'origine d'un cumul d'obligations… – Au titre des assurances construction obligatoires, le notaire s'avère donc être le débiteur d'obligations au titre de l'information des parties et du contrôle de l'efficacité de son acte à travers les vérifications devant être opérées. Son devoir de conseil doit également s'exercer et justifie qu'il déploie, en ce domaine également, toute son ingénierie juridique.
– … une « responsabilité intégrale » du notaire… – La défaillance du notaire dans la mise en œuvre de l'une quelconque des obligations susvisées en matière d'assurance construction est susceptible d'engager sa responsabilité. Il ne s'agit pas d'un risque théorique dont il convient de se prémunir, car les magistrats et la Cour de cassation en particulier ont d'ores et déjà eu l'occasion d'engager la responsabilité du notaire à plusieurs reprises au titre de ces obligations. Les dommages et intérêts qui lui seront alors bien souvent réclamés, et au paiement desquels il pourra être amené à être condamné, se sont tout d'abord élevés au montant total des travaux de reprise nécessaires eu égard au sinistre déclaré, et que la garantie avait vocation à couvrir, dès lors bien entendu que les dommages dont la réparation est demandée sont de nature à être couverts par l'assurance construction obligatoire. L'étendue de cette responsabilité est apparue discutable, le véritable préjudice devant être apprécié à hauteur de la perte de chance d'obtenir plus rapidement l'indemnisation au titre du dommage. Àtravers cette position, la Cour de cassation semble dès lors considérer que le principe de réparation intégrale applicable à la réparation du dommage de nature décennale par l'assurance dommages-ouvrage vient s'étendre à la responsabilité du notaire n'ayant pas respecté les obligations qui sont les siennes en la matière. La rigueur de la sanction a par la suite été atténuée.
– … qui semble désormais se limiter à l'indemnisation d'une perte de chance ? – La rigueur de la jurisprudence de la Cour de cassation dans l'étendue de la responsabilité du notaire ne respectant pas les obligations qui sont les siennes en matière d'assurances construction obligatoires semble s'être atténuée. C'est ainsi que la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que la responsabilité du notaire avait vocation à réparer un préjudice né d'une « perte de chance », et qu'il ne pouvait être alloué « une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté ». Cette position a par la suite été partagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Cet alignement des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation ne doit pas occulter une nuance dans l'objet même de la perte de chance retenue, celle-ci correspondant, pour la troisième chambre civile, à la perte de chance d'être indemnisé du sinistre à raison de la non-souscription de l'assurance construction obligatoire, tandis qu'elle consiste, pour la première chambre civile, dans la possibilité pour l'acquéreur de tenir compte de cette non-souscription par une négociation pouvant entraîner une réduction du prix, s'il avait été correctement informé de cette situation. Tout récemment, la troisième chambre civile a confirmé son analyse en retenant que le notaire ayant manqué à ses devoirs d'information et de conseil doit être condamné, in solidum, avec les vendeurs, à réparer le préjudice subi par les acquéreurs à hauteur de 50 %.

Précautions rédactionnelles en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires

En l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, le notaire ne semble pas en mesure de refuser d'instrumenter l'acte. Le non-respect des obligations légales de souscription engage la responsabilité des personnes assujetties à ces obligations, mais pas celle du notaire.
En revanche, le notaire est spécifiquement tenu d'une obligation légale d'information des parties et, d'une manière générale, son devoir de conseil lui impose d'alerter les parties sur les conséquences attachées à un éventuel défaut de souscription des assurances construction obligatoires.
Le notaire qui informe efficacement les parties ne peut engager sa responsabilité, dès lors qu'il est en mesure de prouver que cette information a bien été délivrée. Il convient donc de renseigner l'acte avec précision en y rappelant :
  • les obligations légales des parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires ;
  • l'existence ou non d'assurances construction valablement souscrites ;
  • le cas échéant, les conséquences pour les parties attachées à l'absence de souscription.
C'est à ces conditions que le notaire sera considéré comme ayant respecté ses obligations et qu'il sera donc en mesure d'échapper à sa responsabilité.
– Subsidiarité de la responsabilité du notaire. Incertitudes. – Au-delà de l'étendue de la responsabilité du notaire, s'est posée la question des liens de dépendance ou de subsidiarité qui pourraient lier celle-ci avec les personnes à l'origine du dommage ou également responsables de celui-ci, dont les constructeurs ou assimilés. La première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un premier temps, précisé que la responsabilité du notaire n'était en rien subsidiaire en ce qu'elle n'était pas subordonnée à l'impossibilité d'obtenir la réparation des coresponsables, conduisant certains commentateurs à assimiler le notaire à un constructeur sur le plan de la responsabilité. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, rejointe par la première chambre civile, a ensuite considéré que la responsabilité du notaire était bel et bien subsidiaire par rapport à celle des constructeurs. Finalement, et à notre connaissance en dernier lieu, le défaut de subsidiarité a été à nouveau retenu par la première chambre civile de la Cour de cassation. « La responsabilité civile n'étant pas subsidiaire, celle des professionnels du droit ne l'est pas non plus », de sorte que « la mise en jeu de la responsabilité d'un notaire, dont la faute n'est pas contestée, n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre un autre débiteur ».

Quelle responsabilité pour le notaire en matière d'assurance construction obligatoire ?

En cas de non-respect par lui des obligations lui incombant en matière d'assurance construction obligatoire (information, vérification ou conseil), le notaire peut voir sa responsabilité engagée au titre de l'indemnisation d'une perte de chance.
Cette responsabilité civile n'est pas subsidiaire, de sorte qu'elle n'est pas subordonnée à la poursuite préalable des responsables des dommages constatés, à savoir les constructeurs ou assimilés.