L'ingénierie notariale dans l'application du régime général de l'obligation conditionnelle

L'ingénierie notariale dans l'application du régime général de l'obligation conditionnelle

– Plan. – L'analyse du régime général des obligations conditionnelles nécessite tout d'abord d'en présenter les deux formes (§ I). Leurs conditions de validité seront ensuite rappelées (§ II), ainsi que leurs délais de réalisation (§ III) et leurs effets (§ IV).

Présentation des deux types de condition

– Distinction du terme et de la condition. – Distinguer une notion c'est souvent l'opposer à une autre. Les effets que produit normalement une obligation peuvent être affectés par la décision prise par les parties d'y attacher des modalités. Ces « modalités de l'obligation » peuvent revêtir deux formes aux objectifs et conséquences différents. L'obligation peut tout d'abord être affectée d'un terme. Celui-ci ne fait qu'affecter la durée de l'obligation alors que la condition subordonne celle-ci. Le terme est nécessairement futur et certain, suspensif (l'arrivée de l'échéance suspend l'exigibilité de l'obligation) ou extinctif (l'arrivée de l'échéance éteint l'obligation), exprès ou tacite et enfin peut être stipulé dans l'intérêt du créancier, du débiteur ou des deux. En ce qu'il ne fait qu'affecter la durée de l'obligation, tout d'abord, et que son arrivée est une certitude, ensuite, le terme se distingue très nettement de la condition.

Le paiement du prix à terme : « terme » ou « condition »

Il n'est pas rare qu'un contrat de vente soit signé en prévoyant que le prix, ou une quote-part seulement, sera payé(e) « à terme ». Il est alors renvoyé à un événement futur ou, plus souvent, à une date précisément fixée (par ex. : le 30 janvier 2023) ou déterminable avec certitude (par ex. : dans les six mois à compter des présentes).
Le renvoi à un événement et non à une date conduit à s'interroger sur le caractère certain de celui-ci, permettant de le qualifier de « terme » si la réponse est positive ou de « condition » dans le cas contraire.
L'intérêt de cette qualification n'est pas neutre. En suivant le régime applicable au terme, l'obligation est d'ores et déjà constatée et peut donc, s'agissant notamment d'une créance de paiement de prix de vente, faire l'objet de mesures de recouvrement à travers l'exécution forcée. Dans le cas contraire, l'obligation est en germe puisqu'il s'agira alors, bien souvent, d'une condition suspensive. Les mesures d'exécution forcée ne pourront dans ce cas être activées, l'obligation n'existant pas encore, et le risque d'annulation de la condition apparaît si celle devait être considérée comme potestative.
La Cour de cassation avait opté pour une conception objective de l'événement érigé en modalités de l'obligation, considérant que si l'événement est incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s'agit d'une condition et non d'un terme. De ce fait, la qualification retenue par les parties de « terme » ou de « condition », qui relevait d'une approche subjective de ces notions, ne pouvait valablement être retenue par les magistrats saisis pour interpréter ces clauses.
Si l'approche objective du caractère certain de l'événement présentait l'avantage de la simplicité et, d'une certaine façon, de la prévisibilité dans la qualification devant être retenue (nul besoin de se fier aux intentions exposées ou qualifications retenues par les parties, seul l'événement objectivement certain peut constituer un « terme »), cela réduisait considérablement le périmètre du terme au moment de modérer les obligations. Il a ainsi été relevé que seuls deux événements sont absolument certains en ce monde : la survenance d'une date et le décès d'une personne.
Par une décision rendue le 7 janvier 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation semble revenir sur cette jurisprudence et retenir une conception subjective du caractère certain de l'événement. Il s'agissait de la vente d'un terrain moyennant un prix partiellement payable à terme, l'échéance étant fixée à l'ouverture d'un golf devant y être aménagé. La survenance de l'événement étant constatée par suite de l'ouverture du golf, le vendeur invoque la défaillance de son acquéreur au moment de payer le solde du prix de vente et entame les mesures d'exécution forcée de sa créance. L'acquéreur invoque alors le fait que le terme n'en est pas un, mais qu'il s'agit au contraire d'une condition, l'événement fixé par les parties pour entraîner l'obligation de payer le solde du prix étant incertain. Dès lors, la qualification de condition empêchait que soit reconnue l'existence même de l'obligation avant sa survenance et donc la possibilité pour le vendeur d'entamer des procédures en exécution forcée. Les juges du fond comme la Cour de cassation s'opposèrent à ce raisonnement qui apparaissait pourtant comme une application stricte de la jurisprudence antérieure invitant à retenir une approche objective du caractère certain de l'événement. Redonnant ici toute sa place à l'appréciation qu'ont eue les parties du caractère certain de l'événement au moment de signer le contrat de vente, les hauts magistrats approuvèrent les juges du fond en ce que les modalités de paiement du solde du prix de vente étaient « liées à la réalisation d'événements futurs certains dont seule la date demeurait incertaine ». Cette approche subjective n'est pas sans rappeler d'autres situations où le législateur a qualifié de « terme » des événements objectivement incertains.
In fine, la décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 7 janvier 2016 semble remettre le contrat et l'accord des parties au centre des débats pour qualifier l'événement de terme ou de condition. Si les parties ont formellement attaché audit événement un caractère certain, mais que cela peut objectivement être contestable, cette jurisprudence semble valider cette qualification et reconnaître donc l'existence de l'obligation de paiement dès la conclusion du contrat. Le notaire devra veiller, d'une part, à bien définir l'événement à la survenance duquel les parties décident de reporter le paiement de tout ou partie du prix et, d'autre part, à qualifier celui-ci de terme en précisant que l'obligation à laquelle l'acquéreur est tenu existe dès la signature de l'acte, mais que seule son exécution est reportée à la survenance de l'événement.
– Suspendre ou résoudre : le choix de la condition. – Au moment de moduler les obligations des parties à l'acte afin d'anticiper la survenance d'un événement, le notaire dispose de deux possibilités. En fonction des effets recherchés, puisqu'il s'agit du critère essentiel de distinction entre ces deux conditions, il choisira de reporter la naissance de l'obligation à la survenance d'un événement (et retiendra la condition suspensive) ou, au contraire, constatera la naissance de l'obligation, en prévoyant simplement que celle-ci pourra être anéantie en cas de survenance dudit événement – le choix se portera alors sur la condition résolutoire). Il a ainsi été précisé en termes très clairs que « la différence essentielle qui existe entre la condition suspensive et la condition résolutoire est que la première suspend la création d'une obligation, d'un rapport de droit, alors que la seconde, au contraire, fait disparaître, éteint, une obligation ou un rapport de droit déjà né ».
– Condition et élément essentiel. – En tant que modalité de l'obligation, la condition (suspensive ou résolutoire) ne peut être confondue avec ni porter sur un élément essentiel au contrat. S'il s'agissait d'un élément essentiel, l'obligation ne serait pas encore constatée et ne pourrait donc être modulée à travers la condition. C'est ainsi que la condition doit être « extérieure » au contrat. Àdéfaut, la clause prévoyant une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite.

La validité des conditions

– Les conditions de la condition . – Pour être valablement reconnue, la condition servant à moduler l'obligation doit elle-même répondre à des conditions de validité. La levée de l'incertitude renvoie ainsi à la survenance d'un événement futur et incertain, ne pouvant apparaître comme potestatif, ni impossible, ni illicite.
– Un événement futur et incertain. – La notion même d'obligation conditionnelle renvoie à ce double critère d'un événement futur et incertain. Bien que l'ordonnance du 1er octobre 2016 n'ait pas repris la rédaction de l'ancien article 1181 du Code civil, le caractère futur de l'événement nécessite toujours que celui-ci ne soit pas réalisé au jour de la conclusion du contrat, peu importe la connaissance que les parties peuvent alors avoir de cette réalisation éventuelle. C'est ainsi qu'un événement qui s'est déjà produit au jour de la signature de l'acte ne vient plus moduler l'obligation, laquelle produit son effet au jour de la signature du contrat.
– Un événement non potestatif. – La validité de la condition nécessite que celle-ci engage son débiteur, sans dépendre de l'arbitraire de celui-ci. Si l'obligation est subordonnée à la seule volonté du débiteur : « l'engagement n'est pas sérieux » et ne peut donc être pris en compte. Simplifiant les textes applicables jusqu'alors en supprimant l'énumération des différentes conditions, l'ordonnance du 10 février 2016 est venue consacrer la nullité de « l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur », à moins que l'obligation ait été exécutée en connaissance de cause. La potestativité ne peut ainsi être invoquée lorsque la réalisation de la condition, qu'elle soit suspensive ou résolutoire, ne dépend que du créancier de celle-ci. Si la potestativité est avérée, elle est susceptible d'entraîner la nullité de l'obligation soumise à cette modalité, voire de l'ensemble du contrat si ce dernier est synallagmatique.
– Un événement possible et licite. – Les dispositions applicables aux obligations conditionnelles avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 prévoyaient expressément que les conditions ne pouvaient être impossibles ou illicites. Àl'évidence, le caractère impossible attaché à une condition ne permettait pas d'en faire application. Dès lors, l'obligation suspendue à une condition suspensive impossible à réaliser est nulle par suite de la nullité de la condition elle-même, le contractant n'ayant pas réellement voulu s'engager. Lorsque l'événement impossible est érigé en condition résolutoire, la nullité de la condition produit en ce cas un effet inverse en ce que l'efficacité du contrat ne s'en trouve pas affectée, l'événement redouté ne pouvant s'accomplir. L'impossibilité de la condition se confond d'une certaine façon avec l'absence d'incertitude dans sa réalisation, rendant inutile de conserver ce critère à part entière dans le Code civil. La même conséquence aurait pu être tirée s'agissant de l'illicéité de la condition, résultant de ce que celle-ci ne peut conduire le contrat à déroger à l'ordre public. Il n'en est rien puisque l'ordonnance du 10 février 2016 a conservé cette exigence d'une condition licite pour la validité de l'obligation conditionnelle. La conséquence de l'illicéité rejoint celle de la condition impossible, la nullité de la condition rejaillissant sur le contrat, sans qu'il faille néanmoins limiter cet effet aux conditions suspensives.

Délai de réalisation de la condition

– De l'importance de prévoir un délai. – Àl'évidence, la rédaction d'une condition suspensive ou d'une condition résolutoire semble imposer de prévoir un délai de réalisation de cette condition, notamment dans une promesse de vente d'immeuble. Àl'arrivée de cette échéance sans réalisation de la condition, des effets inverses se produiront sur le contrat en fonction de la condition qu'il contient : il deviendra caduc puisque l'obligation en germe ne naîtra pas en présence d'une condition suspensive ; à l'inverse, il sera consolidé et deviendra définitif en cas de non-réalisation de la condition résolutoire. Le délai prévu et renvoyant à une échéance précise a donc vocation à lever l'incertitude planant sur le contrat lui-même. Néanmoins, cette évidence ne rend pas la stipulation d'un délai de réalisation nécessaire à la validité de la condition, de sorte que celle-ci peut être stipulée sans qu'aucun délai de réalisation n'ait été prévu. Àl'instar de l'offre qui ne contiendrait pas de délai de validité, renvoyant à l'appréciation prétorienne de l'écoulement d'un « délai raisonnable », l'absence de délai de réalisation d'une condition suspensive ou résolutoire semble renvoyer à cette même notion abstraite et incertaine. Mais contrairement à l'offre de contracter, le Code civil ne prévoit pas que la condition suspensive ou résolutoire dont la réalisation n'est pas contractuellement limitée dans un délai serait soumise à un délai raisonnable. Au contraire même, puisque l'ancien article 1176 du Code civil prévoyait que ce délai de réalisation court jusqu'à ce qu'il soit devenu certain que l'événement n'arrivera pas, et que les articles se rapportant à l'obligation conditionnelle ne prévoient plus cette hypothèse depuis l'ordonnance du 10 février 2016. Par une décision en date du 20 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a néanmoins considéré que les juges du fond pouvaient souverainement retenir que « les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive ». Cette solution, rendue sur la base des dispositions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, paraît devoir être maintenue après l'entrée en vigueur de ladite ordonnance. Elle permet de réduire l'insécurité juridique des parties et d'écarter le vice de perpétuité qui jusqu'alors n'avait pas suffi à convaincre la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins que le notaire appelé à rédiger une condition suspensive ou résolutoire doit s'attacher à affecter à celle-ci un délai de réalisation afin de sécuriser les parties à l'acte et éviter l'appréciation incertaine de la notion de « délai raisonnable ».

Condition et délai de réalisation

Il est essentiel que le notaire prévoie d'enfermer la condition suspensive ou résolutoire dans un délai déterminé. Àdéfaut, et en cas de désaccord entre les parties, celles-ci subiront l'aléa attaché à l'appréciation d'un « délai de réalisation raisonnable » par les juges du fond.
– L'impact de la mauvaise foi sur la réalisation de la condition. – Reprenant le mécanisme de l'ancien article 1178 du Code civil pour l'étendre aux deux hypothèses de condition suspensive et de condition résolutoire, l'ordonnance du 10 février 2016 confirme que le principe d'exécution des conventions de bonne foi s'applique aux modalités de l'obligation que sont les conditions. Puisque les parties sont convenues que des modalités affectent leurs obligations, celle qui en est tenue ne peut agir à l'encontre de l'objectif commun recherché. Qu'il s'agisse d'empêcher la réalisation d'une condition suspensive ou, au contraire, de provoquer la réalisation d'une condition résolutoire, le Code civil prévoit expressément que la mauvaise foi de celui qui avait vocation à agir afin de lever l'incertitude aboutit à l'effet inverse de celui qu'il recherchait. Faisant fi de l'absence de survenance de l'événement attendu ou de la survenance de l'événement craint, la condition est réputée accomplie (condition suspensive) ou défaillie (condition résolutoire). La lecture combinée des articles 1304-2 (condition potestative) et 1304-3 (condition réputée accomplie) du Code civil invite à ce que le champ d'application du premier soit limité aux conditions « purement potestatives » afin de conserver son sens aux dispositions du second, qui permet d'échapper à la nullité.

Les effets des conditions

La date de prise d'effet de la condition

– Fin du régime homogène au stade de la prise d'effet de la condition. – Avant que n'intervienne l'ordonnance du 10 février 2016, la réalisation de la condition suspensive comme celle de la condition résolutoire répondait au même régime. Le principe était celui de la rétroactivité au jour de l'avant-contrat lorsqu'il s'agissait d'une vente d'immeuble précédée d'une promesse (quelle que soit sa forme). En présence d'une condition suspensive, sa réalisation conduisait à considérer que le contrat avait toujours existé. Inversement, en cas de réalisation de la condition résolutoire, on considérait que le contrat n'avait jamais existé. Bien souvent, la pratique notariale proposait aux parties de déroger expressément à cette règle de la rétroactivité afin que la réalisation de la condition, spécialement de la condition suspensive, ne prenne effet qu'au jour de sa constatation (voire même, le plus souvent, au jour de la signature de l'acte authentique de vente « définitif »). Cette homogénéité entre conditions suspensive et résolutoire n'est plus, l'ordonnance du 10 février 2016 conduisant à distinguer désormais ces deux types de conditions pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Pour la condition suspensive

– Principe : non-rétroactivité. – Le principe est désormais clairement énoncé dans un article spécifique à la condition suspensive : « l'obligation devient pure et simple à compter de l'accomplissement de la condition suspensive ». La règle nouvelle semble rejoindre la pratique majoritairement retenue, qui consistait à déroger à la règle ancienne de la rétroactivité, et permet d'harmoniser le droit civil avec le droit fiscal, ce dernier retenant également la date de réalisation de la condition en matière de droit d'enregistrement.
– Exception au principe : rétroactivité (limitée). – Il est néanmoins permis aux parties de revenir au principe antérieur en retenant expressément de déroger à l'alinéa premier de l'article 1304-6 du Code civil. La rétroactivité sera utile dans certains cas pour assurer l'efficacité ou la régularité même de l'acte, mais elle sera limitée. Tout d'abord, cette réalisation ne pourra rétroagir que jusqu'au jour du contrat. Ensuite, la chose (l'immeuble dans notre cas) restera, malgré cela, aux risques du débiteur (correspondant au vendeur). Enfin, les actes d'administration accomplis par le vendeur ne seront pas remis en question, non plus que la perception des fruits, et ce jusqu'à l'accomplissement de la condition.
– Tempérament au principe : report à une date ultérieure à la réalisation de la condition. – Pas plus que les anciennes dispositions du Code civil, celles issues de l'ordonnance du 10 février 2016 ne prévoient la possibilité de reporter à une date ultérieure les effets induits par la réalisation des conditions suspensives. C'est que, à proprement parler, ce n'est pas la réalisation des conditions suspensives qui se trouve alors modifiée dans la pratique, mais bien souvent les effets induits de cette réalisation sur le contrat. Nous avons rappelé que le transfert de propriété dans le cadre du contrat de vente ne peut s'analyser comme une obligation, mais constitue au contraire un effet automatique du contrat. Il est néanmoins loisible de différer cet effet dans le temps, et notamment de le reporter à la date de signature de l'acte de vente définitif. La pratique s'est, depuis longtemps, saisie de cette possibilité en prévoyant qu'indépendamment de la réalisation des conditions suspensives, le transfert de propriété est reporté à la signature de l'acte de vente définitif accompagné du paiement du prix. Les modifications apportées par l'ordonnance du 10 février 2016 ne modifient en rien l'intérêt et la validité de cette pratique qui constitue néanmoins un tempérament au principe fixé par l'alinéa 1er de l'article 1304-6 du Code civil.
Quid en cas de défaillance de la condition suspensive ? – En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation conditionnelle est réputée n'avoir jamais existé. Le principe de rétroactivité est donc ici maintenu. Dans l'hypothèse, courante en pratique, où cette condition affecte l'efficacité du contrat dans son ensemble, et bien que le législateur n'ait pas saisi l'occasion qui lui était présentée de le préciser à travers l'ordonnance du 10 février 2016, il est probable que la caducité de l'ensemble du contrat soit constatée par les magistrats. Conformément à une pratique bien établie, il conviendra que le notaire précise dans son acte les conséquences attachées à cette défaillance de la condition suspensive, afin que la caducité du contrat résulte directement des termes exprès et non équivoques de celui-ci et non d'une décision de justice.

De l'intérêt de prévoir, parfois, la rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive

Bien que la non-rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive soit devenue le principe, le nouvel article 1304-6 du Code civil prévoit la possibilité d'y déroger.
Cette faculté peut présenter des intérêts pratiques importants, voire même s'impose en certaines situations :
  • la clause d'accroissement (ou de tontine) : à travers ce mécanisme, chacun des coacquéreurs est propriétaire sous la condition suspensive de sa survie et sous la condition résolutoire de son prédécès. Ce faisant, la rétroactivité de chacune de ces conditions est de l'essence même du mécanisme tontinier, le survivant des coacquéreurs ayant ainsi vocation à devenir rétroactivement le seul et unique propriétaire du bien au jour du contrat comprenant ces conditions ;
  • la rétroactivité nécessaire pour assurer l'efficacité de l'acte : il arrive ainsi qu'il faille nécessairement faire rétroagir à la date de l'acte initial la réalisation de la condition suspensive, afin d'assurer à cet acte une efficacité dont il était, initialement, dépourvu. Bien évidemment, la condition ne pourra pas porter sur un élément essentiel de l'acte, nécessaire à l'obligation elle-même.

Pour la condition résolutoire

– Principe : rétroactivité. – Àl'inverse de ce qui est désormais prévu au titre de la réalisation de la condition suspensive, la réalisation de la condition résolutoire emporte, rétroactivement, extinction de l'obligation. Si le principe retenu est ici l'opposé de ce qui a été retenu en matière de réalisation de condition suspensive, deux tempéraments au principe de rétroactivité se retrouvent néanmoins : les actes d'administration et les actes conservatoires ne peuvent pas être remis en cause en cas de réalisation de la condition résolutoire, malgré son effet rétroactif.

Comment est répartie la charge des risques en cas de réalisation de la condition résolutoire ?

En cas de réalisation de la condition résolutoire, et par principe, l'obligation est rétroactivement « éteinte ». En pareille hypothèse se pose la question de l'attribution des risques attachés à la chose. Qu'en est-il, en effet, si l'immeuble périt entre la signature du contrat affecté d'une condition résolutoire et la réalisation de cette condition, emportant anéantissement du contrat ? Ce cas de figure est expressément prévu par le deuxième alinéa de l'article 1304-6 du Code civil qui prévoit que si les parties optent pour une application rétroactive de la réalisation de la condition suspensive, la garde de la chose et les risques y attachés restent néanmoins de la responsabilité du vendeur. Rien de tel n'est prévu en matière de réalisation de condition résolutoire, dont nous avons vu qu'elle produisait néanmoins, et par principe, un effet rétroactif. Puisqu'en raison de la réalisation de la condition résolutoire l'acquéreur est réputé n'avoir jamais été propriétaire de l'immeuble et le vendeur n'avoir jamais cessé de l'être, il apparaîtrait cohérent d'étendre à la condition résolutoire le même raisonnement que celui expressément retenu en matière de condition suspensive. Néanmoins, dans le silence des textes applicables, il appartient au notaire d'interroger les parties et de préciser les conséquences qu'elles entendent attacher à la réalisation de la condition résolutoire au titre de la garde de l'immeuble.
– Exception au principe : non-rétroactivité dans deux hypothèses. – La rétroactivité attachée à la réalisation de la condition résolutoire est écartée dans deux hypothèses : lorsque les parties ont en convenu, d'une part, ou lorsque « les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat ».
Quid en cas de défaillance de la condition résolutoire ? – La défaillance de la condition résolutoire conforte l'obligation initialement soumise à cette incertitude. L'obligation initialement conditionnelle ne l'est plus à compter de la défaillance de la condition résolutoire.

La renonciation à la condition défaillie (condition suspensive) ou réalisée (condition résolutoire)

– L'hypothèse en présence. – La défaillance de la condition suspensive ou la réalisation de la condition résolutoire emportent le même effet : la caducité de l'obligation. Cette caducité rétroagit à la date de conclusion du contrat contenant l'obligation conditionnelle, cette dernière étant « réputée n'avoir jamais existé » ou être « éteinte » à compter de la date du contrat. En pratique, la question s'est posée de savoir s'il est possible de renoncer au bénéfice d'une condition suspensive ou résolutoire après que celle-ci a défailli (condition suspensive) ou s'est réalisée (condition résolutoire). Les conditions sont, traditionnellement, stipulées dans l'intérêt des deux parties ou dans l'intérêt de l'une seulement. Dans le premier cas, le principe de force obligatoire du contrat empêche que la condition stipulée dans l'intérêt commun des parties puisse faire l'objet d'une renonciation par une seule des parties. Pendente conditione, il s'agirait de modifier le contrat, ce qui nécessite l'accord des deux parties formalisé à travers un avenant. Après la réalisation de la condition entraînant la caducité du contrat, il sera nécessaire d'en conclure un nouveau. En présence d'une condition stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties, il convient de distinguer en fonction du moment où intervient cette renonciation. Pendente conditione, il était loisible et reconnu au bénéficiaire unique de la condition d'y renoncer. Plus compliquée était la situation de celui qui, bien que bénéficiaire unique de la condition, souhaitait y renoncer après que celle-ci avait défailli (pour la condition suspensive) ou, au contraire, s'était réalisée (pour la condition résolutoire).
– Situation avant la réforme de 2016. – Dans le silence des textes applicables avant la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016, c'est aux tribunaux qu'est revenue la mission de répondre à la question ainsi posée : la condition stipulée dans l'intérêt exclusif d'une partie peut-elle faire l'objet d'une renonciation par celle-ci afin d'éviter la caducité résultant de sa défaillance ou de sa réalisation ? Des décisions contradictoires ont été rendues, certaines admettant cette possibilité quand d'autres la refusaient. La condition suspensive légale d'obtention d'un prêt (condition Scrivener) semblait échapper à cette rigueur. L'argument alors présenté d'une condition issue d'un texte d'ordre public de protection a même laissé la place à un libellé dont la généralité semblait en ouvrir l'application à toute autre condition. Ce n'est pas la solution retenue par l'ordonnance du 10 février 2016.
– La réponse apportée par le nouvel article 1304-4 du Code civil. – Il était finalement demandé au législateur de choisir entre la conception « classique », « objective », mécanique », voire même « automatique » de la condition, prônant en pareille hypothèse la caducité du contrat et rendant impossible la renonciation de la condition réalisée par son bénéficiaire, et la conception « moderne », « souple » ou « pragmatique ». En cohérence avec le principe d'automaticité de la caducité du contrat retenu en cas de non-réalisation de la condition suspensive ou de réalisation de la condition résolutoire, il a été retenu la conception classique pour restreindre la possibilité de renoncer à ces conditions. Le nouvel article 1304-4 du Code civil prévoit ainsi qu' « une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli ». Ce faisant, bien plus que confirmer une solution qui ne faisait pas débat, le législateur est venu clore celui se rapportant à la faculté donnée au bénéficiaire unique d'une condition de renoncer à celle-ci après que sa réalisation a entraîné la caducité du contrat. Cette solution n'est pas sans conséquence pour les parties. C'est ainsi qu'en cas de défaillance de la condition suspensive, ou en cas de réalisation de la condition résolutoire, le bénéficiaire de l'une ou de l'autre de ces conditions ne sera pas en mesure d'y renoncer pour faire échec à la caducité automatique du contrat. Si d'aventure il décidait néanmoins de poursuivre l'opération, il serait condamné à s'accorder avec son cocontractant afin de signer un nouveau contrat et de reprendre l'ensemble des démarches nécessaires à la validité de celui-ci (purge de délai de rétractation ou de réflexion, etc.). Le caractère non satisfaisant de la réponse ainsi apportée, en ce qu'elle est susceptible de ne pas correspondre à l'intention des parties, a amené la doctrine et les praticiens à poser une seconde question : est-il possible de déroger à l'article 1304-4 du Code civil ?
– Est-il possible de déroger à l'article 1304-4 du Code civil ? – La rigueur opposée par la rédaction du nouvel article 1304-4 du Code civil apporte les bienfaits de la simplicité dans le raisonnement, mais aussi l'inconvénient du raccourci lorsqu'il ne permet pas d'arriver à destination. Puisque la condition invoquée a été stipulée dans l'intérêt exclusif d'une seule des parties, nous pouvons en déduire que l'autre partie, sans pour autant en être totalement désintéressée, semble avoir tout de même renoncé à invoquer cette incertitude pour opposer la caducité du contrat. Il apparaît que les dispositions de l'article 1304-4 du Code civil ne sont pas d'ordre public mais, au contraire, supplétives de volonté. Il appartiendra donc au notaire de se saisir de cette situation en accompagnant systématiquement la stipulation d'une condition, qu'elle soit suspensive ou résolutoire, de la question suivante : quelle conséquence les parties souhaitent-elles attacher à la défaillance (condition suspensive) ou à la réalisation (condition résolutoire) de ladite condition ? Si les parties souhaitent y appliquer l'effet automatique prévu par l'article 1304-4 du Code civil, en ce que cette situation entraînerait la caducité du contrat, « qu'elles le disent ». Si, au contraire, elles ne veulent pas de cette automaticité, ne voulant notamment attacher au délai fixé pour la réalisation de la condition qu'une valeur incitative, sans pour autant le voir entraîner avec lui l'anéantissement automatique du contrat, « qu'elles le disent aussi ! ». In fine, la solution automatique proposée par le nouvel article 1304-4 du Code civil a pour but de sécuriser les parties en leur apportant la prévisibilité dans la solution applicable en cas de survenance d'un événement. Il est néanmoins permis de penser qu'il existe un autre moyen d'atteindre cette prévisibilité et, ce faisant, d'apporter aux parties la sécurité juridique recherchée. Il s'agit de la précision des rédactions que le notaire sera à même de proposer à ses clients pour, le cas échéant, déroger au principe applicable à défaut et adapter la règle de base aux situations en présence.

De quelques conseils rédactionnels pour prévoir l'issue des conditions suspensives et résolutoires

La pratique quotidienne des conditions suspensives et résolutoires par les notaires les amène à croiser de nombreux cas de figure, nécessitant d'adapter autant que possible les rédactions.
Certains principes généraux sont néanmoins applicables à l'ensemble des conditions et permettent notamment d'anticiper l'issue de la condition.
C'est ainsi que le notaire devra prévoir dans la condition :
  • une description précise du fait générateur de celle-ci ;
  • si celle-ci est stipulée dans l'intérêt commun des deux parties ou dans l'intérêt exclusif de l'une d'elles ;
  • si la condition est stipulée dans l'intérêt d'une seule des parties : la faculté donnée à celle-ci d'y renoncer, en ce compris après sa défaillance (condition suspensive) ou sa réalisation (condition résolutoire), par dérogation aux dispositions de l'article 1304-4 du Code civil ;
  • en cas de stipulation d'une faculté de renonciation à la condition (cf. ci-dessus), les modalités de cette renonciation devront être prévues (notamment le délai dans lequel le bénéficiaire de la condition pourra valablement renoncer à celle-ci).