Conditionner l'obligation : l'engagement reporté ou anéanti à la réalisation d'une condition

Conditionner l'obligation : l'engagement reporté ou anéanti à la réalisation d'une condition

– Plan. – Une présentation détaillée de la condition suspensive a été fournie par l'équipe du 99e Congrès des notaires de France. La réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 est venue consacrer certaines pratiques ou décisions rendues entre-temps pour dégager un régime actualisé de cette « technique privilégiée d'appréhension et de maîtrise du futur incertain ». Un régime général des obligations conditionnelles, qu'elles soient suspensives ou résolutoires, se dégage. Ce régime général nécessite d'être maîtrisé par le notaire pour lui permettre d'appliquer son ingénierie au service de la sécurité juridique des clients autant que la prévisibilité du contrat. Nous commencerons donc par aborder ce régime général (Sous-section I). Les conditions suspensives et résolutoires connaissent ensuite de nombreuses illustrations qui sont autant d'applications du régime général et d'adaptations de celui-ci. Nous reviendrons donc sur les principales conditions rencontrées, sans prétendre à l'exhaustivité tant l'inventivité contractuelle semble, en ce domaine, illimitée (Sous-section II).

L'ingénierie notariale dans l'application du régime général de l'obligation conditionnelle

– Plan. – L'analyse du régime général des obligations conditionnelles nécessite tout d'abord d'en présenter les deux formes (§ I). Leurs conditions de validité seront ensuite rappelées (§ II), ainsi que leurs délais de réalisation (§ III) et leurs effets (§ IV).

Présentation des deux types de condition

– Distinction du terme et de la condition. – Distinguer une notion c'est souvent l'opposer à une autre. Les effets que produit normalement une obligation peuvent être affectés par la décision prise par les parties d'y attacher des modalités. Ces « modalités de l'obligation » peuvent revêtir deux formes aux objectifs et conséquences différents. L'obligation peut tout d'abord être affectée d'un terme. Celui-ci ne fait qu'affecter la durée de l'obligation alors que la condition subordonne celle-ci. Le terme est nécessairement futur et certain, suspensif (l'arrivée de l'échéance suspend l'exigibilité de l'obligation) ou extinctif (l'arrivée de l'échéance éteint l'obligation), exprès ou tacite et enfin peut être stipulé dans l'intérêt du créancier, du débiteur ou des deux. En ce qu'il ne fait qu'affecter la durée de l'obligation, tout d'abord, et que son arrivée est une certitude, ensuite, le terme se distingue très nettement de la condition.

Le paiement du prix à terme : « terme » ou « condition »

Il n'est pas rare qu'un contrat de vente soit signé en prévoyant que le prix, ou une quote-part seulement, sera payé(e) « à terme ». Il est alors renvoyé à un événement futur ou, plus souvent, à une date précisément fixée (par ex. : le 30 janvier 2023) ou déterminable avec certitude (par ex. : dans les six mois à compter des présentes).
Le renvoi à un événement et non à une date conduit à s'interroger sur le caractère certain de celui-ci, permettant de le qualifier de « terme » si la réponse est positive ou de « condition » dans le cas contraire.
L'intérêt de cette qualification n'est pas neutre. En suivant le régime applicable au terme, l'obligation est d'ores et déjà constatée et peut donc, s'agissant notamment d'une créance de paiement de prix de vente, faire l'objet de mesures de recouvrement à travers l'exécution forcée. Dans le cas contraire, l'obligation est en germe puisqu'il s'agira alors, bien souvent, d'une condition suspensive. Les mesures d'exécution forcée ne pourront dans ce cas être activées, l'obligation n'existant pas encore, et le risque d'annulation de la condition apparaît si celle devait être considérée comme potestative.
La Cour de cassation avait opté pour une conception objective de l'événement érigé en modalités de l'obligation, considérant que si l'événement est incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s'agit d'une condition et non d'un terme. De ce fait, la qualification retenue par les parties de « terme » ou de « condition », qui relevait d'une approche subjective de ces notions, ne pouvait valablement être retenue par les magistrats saisis pour interpréter ces clauses.
Si l'approche objective du caractère certain de l'événement présentait l'avantage de la simplicité et, d'une certaine façon, de la prévisibilité dans la qualification devant être retenue (nul besoin de se fier aux intentions exposées ou qualifications retenues par les parties, seul l'événement objectivement certain peut constituer un « terme »), cela réduisait considérablement le périmètre du terme au moment de modérer les obligations. Il a ainsi été relevé que seuls deux événements sont absolument certains en ce monde : la survenance d'une date et le décès d'une personne.
Par une décision rendue le 7 janvier 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation semble revenir sur cette jurisprudence et retenir une conception subjective du caractère certain de l'événement. Il s'agissait de la vente d'un terrain moyennant un prix partiellement payable à terme, l'échéance étant fixée à l'ouverture d'un golf devant y être aménagé. La survenance de l'événement étant constatée par suite de l'ouverture du golf, le vendeur invoque la défaillance de son acquéreur au moment de payer le solde du prix de vente et entame les mesures d'exécution forcée de sa créance. L'acquéreur invoque alors le fait que le terme n'en est pas un, mais qu'il s'agit au contraire d'une condition, l'événement fixé par les parties pour entraîner l'obligation de payer le solde du prix étant incertain. Dès lors, la qualification de condition empêchait que soit reconnue l'existence même de l'obligation avant sa survenance et donc la possibilité pour le vendeur d'entamer des procédures en exécution forcée. Les juges du fond comme la Cour de cassation s'opposèrent à ce raisonnement qui apparaissait pourtant comme une application stricte de la jurisprudence antérieure invitant à retenir une approche objective du caractère certain de l'événement. Redonnant ici toute sa place à l'appréciation qu'ont eue les parties du caractère certain de l'événement au moment de signer le contrat de vente, les hauts magistrats approuvèrent les juges du fond en ce que les modalités de paiement du solde du prix de vente étaient « liées à la réalisation d'événements futurs certains dont seule la date demeurait incertaine ». Cette approche subjective n'est pas sans rappeler d'autres situations où le législateur a qualifié de « terme » des événements objectivement incertains.
In fine, la décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 7 janvier 2016 semble remettre le contrat et l'accord des parties au centre des débats pour qualifier l'événement de terme ou de condition. Si les parties ont formellement attaché audit événement un caractère certain, mais que cela peut objectivement être contestable, cette jurisprudence semble valider cette qualification et reconnaître donc l'existence de l'obligation de paiement dès la conclusion du contrat. Le notaire devra veiller, d'une part, à bien définir l'événement à la survenance duquel les parties décident de reporter le paiement de tout ou partie du prix et, d'autre part, à qualifier celui-ci de terme en précisant que l'obligation à laquelle l'acquéreur est tenu existe dès la signature de l'acte, mais que seule son exécution est reportée à la survenance de l'événement.
– Suspendre ou résoudre : le choix de la condition. – Au moment de moduler les obligations des parties à l'acte afin d'anticiper la survenance d'un événement, le notaire dispose de deux possibilités. En fonction des effets recherchés, puisqu'il s'agit du critère essentiel de distinction entre ces deux conditions, il choisira de reporter la naissance de l'obligation à la survenance d'un événement (et retiendra la condition suspensive) ou, au contraire, constatera la naissance de l'obligation, en prévoyant simplement que celle-ci pourra être anéantie en cas de survenance dudit événement – le choix se portera alors sur la condition résolutoire). Il a ainsi été précisé en termes très clairs que « la différence essentielle qui existe entre la condition suspensive et la condition résolutoire est que la première suspend la création d'une obligation, d'un rapport de droit, alors que la seconde, au contraire, fait disparaître, éteint, une obligation ou un rapport de droit déjà né ».
– Condition et élément essentiel. – En tant que modalité de l'obligation, la condition (suspensive ou résolutoire) ne peut être confondue avec ni porter sur un élément essentiel au contrat. S'il s'agissait d'un élément essentiel, l'obligation ne serait pas encore constatée et ne pourrait donc être modulée à travers la condition. C'est ainsi que la condition doit être « extérieure » au contrat. Àdéfaut, la clause prévoyant une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite.

La validité des conditions

– Les conditions de la condition . – Pour être valablement reconnue, la condition servant à moduler l'obligation doit elle-même répondre à des conditions de validité. La levée de l'incertitude renvoie ainsi à la survenance d'un événement futur et incertain, ne pouvant apparaître comme potestatif, ni impossible, ni illicite.
– Un événement futur et incertain. – La notion même d'obligation conditionnelle renvoie à ce double critère d'un événement futur et incertain. Bien que l'ordonnance du 1er octobre 2016 n'ait pas repris la rédaction de l'ancien article 1181 du Code civil, le caractère futur de l'événement nécessite toujours que celui-ci ne soit pas réalisé au jour de la conclusion du contrat, peu importe la connaissance que les parties peuvent alors avoir de cette réalisation éventuelle. C'est ainsi qu'un événement qui s'est déjà produit au jour de la signature de l'acte ne vient plus moduler l'obligation, laquelle produit son effet au jour de la signature du contrat.
– Un événement non potestatif. – La validité de la condition nécessite que celle-ci engage son débiteur, sans dépendre de l'arbitraire de celui-ci. Si l'obligation est subordonnée à la seule volonté du débiteur : « l'engagement n'est pas sérieux » et ne peut donc être pris en compte. Simplifiant les textes applicables jusqu'alors en supprimant l'énumération des différentes conditions, l'ordonnance du 10 février 2016 est venue consacrer la nullité de « l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur », à moins que l'obligation ait été exécutée en connaissance de cause. La potestativité ne peut ainsi être invoquée lorsque la réalisation de la condition, qu'elle soit suspensive ou résolutoire, ne dépend que du créancier de celle-ci. Si la potestativité est avérée, elle est susceptible d'entraîner la nullité de l'obligation soumise à cette modalité, voire de l'ensemble du contrat si ce dernier est synallagmatique.
– Un événement possible et licite. – Les dispositions applicables aux obligations conditionnelles avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 prévoyaient expressément que les conditions ne pouvaient être impossibles ou illicites. Àl'évidence, le caractère impossible attaché à une condition ne permettait pas d'en faire application. Dès lors, l'obligation suspendue à une condition suspensive impossible à réaliser est nulle par suite de la nullité de la condition elle-même, le contractant n'ayant pas réellement voulu s'engager. Lorsque l'événement impossible est érigé en condition résolutoire, la nullité de la condition produit en ce cas un effet inverse en ce que l'efficacité du contrat ne s'en trouve pas affectée, l'événement redouté ne pouvant s'accomplir. L'impossibilité de la condition se confond d'une certaine façon avec l'absence d'incertitude dans sa réalisation, rendant inutile de conserver ce critère à part entière dans le Code civil. La même conséquence aurait pu être tirée s'agissant de l'illicéité de la condition, résultant de ce que celle-ci ne peut conduire le contrat à déroger à l'ordre public. Il n'en est rien puisque l'ordonnance du 10 février 2016 a conservé cette exigence d'une condition licite pour la validité de l'obligation conditionnelle. La conséquence de l'illicéité rejoint celle de la condition impossible, la nullité de la condition rejaillissant sur le contrat, sans qu'il faille néanmoins limiter cet effet aux conditions suspensives.

Délai de réalisation de la condition

– De l'importance de prévoir un délai. – Àl'évidence, la rédaction d'une condition suspensive ou d'une condition résolutoire semble imposer de prévoir un délai de réalisation de cette condition, notamment dans une promesse de vente d'immeuble. Àl'arrivée de cette échéance sans réalisation de la condition, des effets inverses se produiront sur le contrat en fonction de la condition qu'il contient : il deviendra caduc puisque l'obligation en germe ne naîtra pas en présence d'une condition suspensive ; à l'inverse, il sera consolidé et deviendra définitif en cas de non-réalisation de la condition résolutoire. Le délai prévu et renvoyant à une échéance précise a donc vocation à lever l'incertitude planant sur le contrat lui-même. Néanmoins, cette évidence ne rend pas la stipulation d'un délai de réalisation nécessaire à la validité de la condition, de sorte que celle-ci peut être stipulée sans qu'aucun délai de réalisation n'ait été prévu. Àl'instar de l'offre qui ne contiendrait pas de délai de validité, renvoyant à l'appréciation prétorienne de l'écoulement d'un « délai raisonnable », l'absence de délai de réalisation d'une condition suspensive ou résolutoire semble renvoyer à cette même notion abstraite et incertaine. Mais contrairement à l'offre de contracter, le Code civil ne prévoit pas que la condition suspensive ou résolutoire dont la réalisation n'est pas contractuellement limitée dans un délai serait soumise à un délai raisonnable. Au contraire même, puisque l'ancien article 1176 du Code civil prévoyait que ce délai de réalisation court jusqu'à ce qu'il soit devenu certain que l'événement n'arrivera pas, et que les articles se rapportant à l'obligation conditionnelle ne prévoient plus cette hypothèse depuis l'ordonnance du 10 février 2016. Par une décision en date du 20 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a néanmoins considéré que les juges du fond pouvaient souverainement retenir que « les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive ». Cette solution, rendue sur la base des dispositions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, paraît devoir être maintenue après l'entrée en vigueur de ladite ordonnance. Elle permet de réduire l'insécurité juridique des parties et d'écarter le vice de perpétuité qui jusqu'alors n'avait pas suffi à convaincre la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins que le notaire appelé à rédiger une condition suspensive ou résolutoire doit s'attacher à affecter à celle-ci un délai de réalisation afin de sécuriser les parties à l'acte et éviter l'appréciation incertaine de la notion de « délai raisonnable ».

Condition et délai de réalisation

Il est essentiel que le notaire prévoie d'enfermer la condition suspensive ou résolutoire dans un délai déterminé. Àdéfaut, et en cas de désaccord entre les parties, celles-ci subiront l'aléa attaché à l'appréciation d'un « délai de réalisation raisonnable » par les juges du fond.
– L'impact de la mauvaise foi sur la réalisation de la condition. – Reprenant le mécanisme de l'ancien article 1178 du Code civil pour l'étendre aux deux hypothèses de condition suspensive et de condition résolutoire, l'ordonnance du 10 février 2016 confirme que le principe d'exécution des conventions de bonne foi s'applique aux modalités de l'obligation que sont les conditions. Puisque les parties sont convenues que des modalités affectent leurs obligations, celle qui en est tenue ne peut agir à l'encontre de l'objectif commun recherché. Qu'il s'agisse d'empêcher la réalisation d'une condition suspensive ou, au contraire, de provoquer la réalisation d'une condition résolutoire, le Code civil prévoit expressément que la mauvaise foi de celui qui avait vocation à agir afin de lever l'incertitude aboutit à l'effet inverse de celui qu'il recherchait. Faisant fi de l'absence de survenance de l'événement attendu ou de la survenance de l'événement craint, la condition est réputée accomplie (condition suspensive) ou défaillie (condition résolutoire). La lecture combinée des articles 1304-2 (condition potestative) et 1304-3 (condition réputée accomplie) du Code civil invite à ce que le champ d'application du premier soit limité aux conditions « purement potestatives » afin de conserver son sens aux dispositions du second, qui permet d'échapper à la nullité.

Les effets des conditions

La date de prise d'effet de la condition

– Fin du régime homogène au stade de la prise d'effet de la condition. – Avant que n'intervienne l'ordonnance du 10 février 2016, la réalisation de la condition suspensive comme celle de la condition résolutoire répondait au même régime. Le principe était celui de la rétroactivité au jour de l'avant-contrat lorsqu'il s'agissait d'une vente d'immeuble précédée d'une promesse (quelle que soit sa forme). En présence d'une condition suspensive, sa réalisation conduisait à considérer que le contrat avait toujours existé. Inversement, en cas de réalisation de la condition résolutoire, on considérait que le contrat n'avait jamais existé. Bien souvent, la pratique notariale proposait aux parties de déroger expressément à cette règle de la rétroactivité afin que la réalisation de la condition, spécialement de la condition suspensive, ne prenne effet qu'au jour de sa constatation (voire même, le plus souvent, au jour de la signature de l'acte authentique de vente « définitif »). Cette homogénéité entre conditions suspensive et résolutoire n'est plus, l'ordonnance du 10 février 2016 conduisant à distinguer désormais ces deux types de conditions pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
Pour la condition suspensive
– Principe : non-rétroactivité. – Le principe est désormais clairement énoncé dans un article spécifique à la condition suspensive : « l'obligation devient pure et simple à compter de l'accomplissement de la condition suspensive ». La règle nouvelle semble rejoindre la pratique majoritairement retenue, qui consistait à déroger à la règle ancienne de la rétroactivité, et permet d'harmoniser le droit civil avec le droit fiscal, ce dernier retenant également la date de réalisation de la condition en matière de droit d'enregistrement.
– Exception au principe : rétroactivité (limitée). – Il est néanmoins permis aux parties de revenir au principe antérieur en retenant expressément de déroger à l'alinéa premier de l'article 1304-6 du Code civil. La rétroactivité sera utile dans certains cas pour assurer l'efficacité ou la régularité même de l'acte, mais elle sera limitée. Tout d'abord, cette réalisation ne pourra rétroagir que jusqu'au jour du contrat. Ensuite, la chose (l'immeuble dans notre cas) restera, malgré cela, aux risques du débiteur (correspondant au vendeur). Enfin, les actes d'administration accomplis par le vendeur ne seront pas remis en question, non plus que la perception des fruits, et ce jusqu'à l'accomplissement de la condition.
– Tempérament au principe : report à une date ultérieure à la réalisation de la condition. – Pas plus que les anciennes dispositions du Code civil, celles issues de l'ordonnance du 10 février 2016 ne prévoient la possibilité de reporter à une date ultérieure les effets induits par la réalisation des conditions suspensives. C'est que, à proprement parler, ce n'est pas la réalisation des conditions suspensives qui se trouve alors modifiée dans la pratique, mais bien souvent les effets induits de cette réalisation sur le contrat. Nous avons rappelé que le transfert de propriété dans le cadre du contrat de vente ne peut s'analyser comme une obligation, mais constitue au contraire un effet automatique du contrat. Il est néanmoins loisible de différer cet effet dans le temps, et notamment de le reporter à la date de signature de l'acte de vente définitif. La pratique s'est, depuis longtemps, saisie de cette possibilité en prévoyant qu'indépendamment de la réalisation des conditions suspensives, le transfert de propriété est reporté à la signature de l'acte de vente définitif accompagné du paiement du prix. Les modifications apportées par l'ordonnance du 10 février 2016 ne modifient en rien l'intérêt et la validité de cette pratique qui constitue néanmoins un tempérament au principe fixé par l'alinéa 1er de l'article 1304-6 du Code civil.
Quid en cas de défaillance de la condition suspensive ? – En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation conditionnelle est réputée n'avoir jamais existé. Le principe de rétroactivité est donc ici maintenu. Dans l'hypothèse, courante en pratique, où cette condition affecte l'efficacité du contrat dans son ensemble, et bien que le législateur n'ait pas saisi l'occasion qui lui était présentée de le préciser à travers l'ordonnance du 10 février 2016, il est probable que la caducité de l'ensemble du contrat soit constatée par les magistrats. Conformément à une pratique bien établie, il conviendra que le notaire précise dans son acte les conséquences attachées à cette défaillance de la condition suspensive, afin que la caducité du contrat résulte directement des termes exprès et non équivoques de celui-ci et non d'une décision de justice.

De l'intérêt de prévoir, parfois, la rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive

Bien que la non-rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive soit devenue le principe, le nouvel article 1304-6 du Code civil prévoit la possibilité d'y déroger.
Cette faculté peut présenter des intérêts pratiques importants, voire même s'impose en certaines situations :
  • la clause d'accroissement (ou de tontine) : à travers ce mécanisme, chacun des coacquéreurs est propriétaire sous la condition suspensive de sa survie et sous la condition résolutoire de son prédécès. Ce faisant, la rétroactivité de chacune de ces conditions est de l'essence même du mécanisme tontinier, le survivant des coacquéreurs ayant ainsi vocation à devenir rétroactivement le seul et unique propriétaire du bien au jour du contrat comprenant ces conditions ;
  • la rétroactivité nécessaire pour assurer l'efficacité de l'acte : il arrive ainsi qu'il faille nécessairement faire rétroagir à la date de l'acte initial la réalisation de la condition suspensive, afin d'assurer à cet acte une efficacité dont il était, initialement, dépourvu. Bien évidemment, la condition ne pourra pas porter sur un élément essentiel de l'acte, nécessaire à l'obligation elle-même.
Pour la condition résolutoire
– Principe : rétroactivité. – Àl'inverse de ce qui est désormais prévu au titre de la réalisation de la condition suspensive, la réalisation de la condition résolutoire emporte, rétroactivement, extinction de l'obligation. Si le principe retenu est ici l'opposé de ce qui a été retenu en matière de réalisation de condition suspensive, deux tempéraments au principe de rétroactivité se retrouvent néanmoins : les actes d'administration et les actes conservatoires ne peuvent pas être remis en cause en cas de réalisation de la condition résolutoire, malgré son effet rétroactif.

Comment est répartie la charge des risques en cas de réalisation de la condition résolutoire ?

En cas de réalisation de la condition résolutoire, et par principe, l'obligation est rétroactivement « éteinte ». En pareille hypothèse se pose la question de l'attribution des risques attachés à la chose. Qu'en est-il, en effet, si l'immeuble périt entre la signature du contrat affecté d'une condition résolutoire et la réalisation de cette condition, emportant anéantissement du contrat ? Ce cas de figure est expressément prévu par le deuxième alinéa de l'article 1304-6 du Code civil qui prévoit que si les parties optent pour une application rétroactive de la réalisation de la condition suspensive, la garde de la chose et les risques y attachés restent néanmoins de la responsabilité du vendeur. Rien de tel n'est prévu en matière de réalisation de condition résolutoire, dont nous avons vu qu'elle produisait néanmoins, et par principe, un effet rétroactif. Puisqu'en raison de la réalisation de la condition résolutoire l'acquéreur est réputé n'avoir jamais été propriétaire de l'immeuble et le vendeur n'avoir jamais cessé de l'être, il apparaîtrait cohérent d'étendre à la condition résolutoire le même raisonnement que celui expressément retenu en matière de condition suspensive. Néanmoins, dans le silence des textes applicables, il appartient au notaire d'interroger les parties et de préciser les conséquences qu'elles entendent attacher à la réalisation de la condition résolutoire au titre de la garde de l'immeuble.
– Exception au principe : non-rétroactivité dans deux hypothèses. – La rétroactivité attachée à la réalisation de la condition résolutoire est écartée dans deux hypothèses : lorsque les parties ont en convenu, d'une part, ou lorsque « les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat ».
Quid en cas de défaillance de la condition résolutoire ? – La défaillance de la condition résolutoire conforte l'obligation initialement soumise à cette incertitude. L'obligation initialement conditionnelle ne l'est plus à compter de la défaillance de la condition résolutoire.

La renonciation à la condition défaillie (condition suspensive) ou réalisée (condition résolutoire)

– L'hypothèse en présence. – La défaillance de la condition suspensive ou la réalisation de la condition résolutoire emportent le même effet : la caducité de l'obligation. Cette caducité rétroagit à la date de conclusion du contrat contenant l'obligation conditionnelle, cette dernière étant « réputée n'avoir jamais existé » ou être « éteinte » à compter de la date du contrat. En pratique, la question s'est posée de savoir s'il est possible de renoncer au bénéfice d'une condition suspensive ou résolutoire après que celle-ci a défailli (condition suspensive) ou s'est réalisée (condition résolutoire). Les conditions sont, traditionnellement, stipulées dans l'intérêt des deux parties ou dans l'intérêt de l'une seulement. Dans le premier cas, le principe de force obligatoire du contrat empêche que la condition stipulée dans l'intérêt commun des parties puisse faire l'objet d'une renonciation par une seule des parties. Pendente conditione, il s'agirait de modifier le contrat, ce qui nécessite l'accord des deux parties formalisé à travers un avenant. Après la réalisation de la condition entraînant la caducité du contrat, il sera nécessaire d'en conclure un nouveau. En présence d'une condition stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties, il convient de distinguer en fonction du moment où intervient cette renonciation. Pendente conditione, il était loisible et reconnu au bénéficiaire unique de la condition d'y renoncer. Plus compliquée était la situation de celui qui, bien que bénéficiaire unique de la condition, souhaitait y renoncer après que celle-ci avait défailli (pour la condition suspensive) ou, au contraire, s'était réalisée (pour la condition résolutoire).
– Situation avant la réforme de 2016. – Dans le silence des textes applicables avant la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016, c'est aux tribunaux qu'est revenue la mission de répondre à la question ainsi posée : la condition stipulée dans l'intérêt exclusif d'une partie peut-elle faire l'objet d'une renonciation par celle-ci afin d'éviter la caducité résultant de sa défaillance ou de sa réalisation ? Des décisions contradictoires ont été rendues, certaines admettant cette possibilité quand d'autres la refusaient. La condition suspensive légale d'obtention d'un prêt (condition Scrivener) semblait échapper à cette rigueur. L'argument alors présenté d'une condition issue d'un texte d'ordre public de protection a même laissé la place à un libellé dont la généralité semblait en ouvrir l'application à toute autre condition. Ce n'est pas la solution retenue par l'ordonnance du 10 février 2016.
– La réponse apportée par le nouvel article 1304-4 du Code civil. – Il était finalement demandé au législateur de choisir entre la conception « classique », « objective », mécanique », voire même « automatique » de la condition, prônant en pareille hypothèse la caducité du contrat et rendant impossible la renonciation de la condition réalisée par son bénéficiaire, et la conception « moderne », « souple » ou « pragmatique ». En cohérence avec le principe d'automaticité de la caducité du contrat retenu en cas de non-réalisation de la condition suspensive ou de réalisation de la condition résolutoire, il a été retenu la conception classique pour restreindre la possibilité de renoncer à ces conditions. Le nouvel article 1304-4 du Code civil prévoit ainsi qu' « une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli ». Ce faisant, bien plus que confirmer une solution qui ne faisait pas débat, le législateur est venu clore celui se rapportant à la faculté donnée au bénéficiaire unique d'une condition de renoncer à celle-ci après que sa réalisation a entraîné la caducité du contrat. Cette solution n'est pas sans conséquence pour les parties. C'est ainsi qu'en cas de défaillance de la condition suspensive, ou en cas de réalisation de la condition résolutoire, le bénéficiaire de l'une ou de l'autre de ces conditions ne sera pas en mesure d'y renoncer pour faire échec à la caducité automatique du contrat. Si d'aventure il décidait néanmoins de poursuivre l'opération, il serait condamné à s'accorder avec son cocontractant afin de signer un nouveau contrat et de reprendre l'ensemble des démarches nécessaires à la validité de celui-ci (purge de délai de rétractation ou de réflexion, etc.). Le caractère non satisfaisant de la réponse ainsi apportée, en ce qu'elle est susceptible de ne pas correspondre à l'intention des parties, a amené la doctrine et les praticiens à poser une seconde question : est-il possible de déroger à l'article 1304-4 du Code civil ?
– Est-il possible de déroger à l'article 1304-4 du Code civil ? – La rigueur opposée par la rédaction du nouvel article 1304-4 du Code civil apporte les bienfaits de la simplicité dans le raisonnement, mais aussi l'inconvénient du raccourci lorsqu'il ne permet pas d'arriver à destination. Puisque la condition invoquée a été stipulée dans l'intérêt exclusif d'une seule des parties, nous pouvons en déduire que l'autre partie, sans pour autant en être totalement désintéressée, semble avoir tout de même renoncé à invoquer cette incertitude pour opposer la caducité du contrat. Il apparaît que les dispositions de l'article 1304-4 du Code civil ne sont pas d'ordre public mais, au contraire, supplétives de volonté. Il appartiendra donc au notaire de se saisir de cette situation en accompagnant systématiquement la stipulation d'une condition, qu'elle soit suspensive ou résolutoire, de la question suivante : quelle conséquence les parties souhaitent-elles attacher à la défaillance (condition suspensive) ou à la réalisation (condition résolutoire) de ladite condition ? Si les parties souhaitent y appliquer l'effet automatique prévu par l'article 1304-4 du Code civil, en ce que cette situation entraînerait la caducité du contrat, « qu'elles le disent ». Si, au contraire, elles ne veulent pas de cette automaticité, ne voulant notamment attacher au délai fixé pour la réalisation de la condition qu'une valeur incitative, sans pour autant le voir entraîner avec lui l'anéantissement automatique du contrat, « qu'elles le disent aussi ! ». In fine, la solution automatique proposée par le nouvel article 1304-4 du Code civil a pour but de sécuriser les parties en leur apportant la prévisibilité dans la solution applicable en cas de survenance d'un événement. Il est néanmoins permis de penser qu'il existe un autre moyen d'atteindre cette prévisibilité et, ce faisant, d'apporter aux parties la sécurité juridique recherchée. Il s'agit de la précision des rédactions que le notaire sera à même de proposer à ses clients pour, le cas échéant, déroger au principe applicable à défaut et adapter la règle de base aux situations en présence.

De quelques conseils rédactionnels pour prévoir l'issue des conditions suspensives et résolutoires

La pratique quotidienne des conditions suspensives et résolutoires par les notaires les amène à croiser de nombreux cas de figure, nécessitant d'adapter autant que possible les rédactions.
Certains principes généraux sont néanmoins applicables à l'ensemble des conditions et permettent notamment d'anticiper l'issue de la condition.
C'est ainsi que le notaire devra prévoir dans la condition :
  • une description précise du fait générateur de celle-ci ;
  • si celle-ci est stipulée dans l'intérêt commun des deux parties ou dans l'intérêt exclusif de l'une d'elles ;
  • si la condition est stipulée dans l'intérêt d'une seule des parties : la faculté donnée à celle-ci d'y renoncer, en ce compris après sa défaillance (condition suspensive) ou sa réalisation (condition résolutoire), par dérogation aux dispositions de l'article 1304-4 du Code civil ;
  • en cas de stipulation d'une faculté de renonciation à la condition (cf. ci-dessus), les modalités de cette renonciation devront être prévues (notamment le délai dans lequel le bénéficiaire de la condition pourra valablement renoncer à celle-ci).

L'ingénierie du notaire dans la rédaction des conditions

– De la difficulté de rédiger des conditions suspensives ou résolutoires. – « La rédaction d'une clause relative à une condition suspensive n'est pas chose aisée ; elle ne paraît facile qu'à celui qui ne se donne pas la peine d'y réfléchir, ou n'a jamais eu à en rédiger une ». En effet, outre la nécessaire connaissance des principes rappelés ci-dessus, la pratique des conditions nécessite un soin particulier à la hauteur des conséquences d'une rédaction incomplète ou inadaptée. Le nombre de situations pouvant illustrer ces difficultés est grand. La mise en œuvre de l'ingénierie du notaire en la matière peut néanmoins être illustrée en retenant les hypothèses les plus courantes. C'est ainsi que l'obtention d'un prêt (§ I), la purge de droit de préemption (§ II) et la production de diagnostics (§ III) seront successivement abordées.

L'obtention d'un prêt

– Une protection d'ordre public. – Afin de ne pas le maintenir dans une opération qu'il ne saura pas financer, le législateur a prévu que l'acquéreur d'un logement bénéficie automatiquement d'une condition suspensive d'obtention du prêt lorsqu'il a déclaré avoir besoin de celui-ci. C'est ainsi qu'à l'obligation d'indiquer dans l'acte si le prix sera payé, en tout ou partie, à l'aide d'un ou de plusieurs prêts, répond celle de protéger l'acquéreur d'un logement qui en aurait besoin au moyen d'une condition suspensive portant sur l'obtention de ce ou de ces prêts. Les dispositions de l'article L. 313-41 du Code de la consommation sont d'ordre public. Dès lors se pose la question de la marge de manœuvre pouvant exister pour venir compléter ce dispositif sans aller à l'encontre de la protection voulue par le législateur. Il ne sera pas question, dans nos développements, de revenir sur l'ensemble du dispositif. Il a déjà été rappelé en détail lors de précédents congrès, et notamment ceux portant spécifiquement sur le financement ou sur la protection de l'acquéreur. En dehors de quelques ajustements, les textes applicables n'ont pas été modifiés. L'attention des notaires doit néanmoins être attirée sur les actualités jurisprudentielles récentes de cette condition suspensive ainsi que sur l'incidence de la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016. Quand l'ingénierie notariale s'emploie quotidiennement à manier une condition légale, d'ordre public, et pour le moins impactante pour les parties à l'acte, c'est aussi à la lumière de principes dessinés et confortés par les juges. C'est ce que nous allons tenter de rappeler.
Sur le dispositif portant sur le financement, nous renvoyons aux développements du 107e Congrès des notaires de France :
Sur le dispositif portant sur la protection de l'acquéreur, nous renvoyons aux développements du 116e Congrès des notaires de France :
– Àla recherche d'un équilibre entre intérêts du vendeur et de l'acquéreur. – Dans sa recherche permanente du juste équilibre dans les relations contractuelles entre les parties à un acte, et notamment à une vente d'immeuble, le notaire doit ici composer avec des intérêts a priori divergents. D'un côté, l'acquéreur ne souhaitera pas se trouver définitivement engagé dans un processus d'acquisition avant d'avoir sécurisé le financement de celle-ci. Son besoin de protection est légitime et a justifié la protection allouée par le législateur à travers la condition suspensive légale. D'un autre côté, le vendeur ne souhaitera pas être confronté à la découverte tardive de l'insolvabilité de son acquéreur résultant de ce que ce dernier, faute de financement bancaire, ne serait pas en capacité de payer le prix de vente. Le bien a été immobilisé par le vendeur qui, dans certains cas, est aussi et concomitamment l'acquéreur d'un autre bien.
– L'absence de contenu obligatoire de la condition suspensive. – Bien qu'elle soit d'origine légale, la condition suspensive de financement ne s'est pas vu imposer des mentions particulières. L'indication des conditions du prêt sollicité n'est pas obligatoire pour la validité de la condition suspensive ou de l'acte reçu. En théorie, il est donc possible que soit stipulée une condition suspensive n'indiquant pas le taux d'intérêt du prêt envisagé, sa durée ou encore le montant des échéances de remboursement. En réalité, le législateur a laissé le soin à la pratique de compléter cette condition suspensive en l'adaptant aux besoins de chaque dossier. L'ingénierie notariale s'y exprime assez largement, en tenant compte des compléments validés en jurisprudence en les distinguant de ceux qui, au contraire, ont été censurés. Àtravers ces rédactions, le notaire cherchera à rééquilibrer la relation contractuelle pour les parties à l'acte au titre de la condition suspensive d'obtention d'un prêt.
  • Première question : est-il possible d'imposer à l'acquéreur de déposer sa demande de prêt dans un délai déterminé ? Non. Le principe étant que la condition suspensive légale, qui est d'ordre public, « ne peut être affectée par la stipulation d'obligations contractuelles imposées à l'acquéreuret de nature à accroître les exigences résultant de ce texte », il n'est pas possible « d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un certain délai ». Est également réputée non écrite « la double obligation contractuelle faite à l'acquéreur de déposer ses demandes de prêt dans un délai de vingt jours à compter de la date de la promesse et d'en adresser copie au notaire ».
  • Deuxième question : est-il possible d'imposer à l'acquéreur d'interroger plusieurs banques ? Oui. Initialement débattue, cette question paraît avoir été tranchée par la première chambre civile de la Cour de cassation. Elle a ainsi considéré comme réalisée une condition suspensive de prêt, alors même que l'acquéreur a présenté un refus de prêt. Les hauts magistrats ont en effet retenu que l'acquéreur s'était engagé à demander plusieurs offres de prêt, puisque la condition suspensive insérée dans la promesse de vente prévoyait l'engagement de l'acquéreur d'effectuer une demande « notamment » auprès d'un organisme nommément cité. Les juges en ont déduit qu'une seule demande n'était pas suffisante pour justifier des démarches qu'il devait accomplir pour réaliser la condition suspensive, et que celle-ci devait dès lors être réputée réalisée.
  • Troisième question : quels effets sont attachés à la stipulation d'un montant maximum emprunté ? Les conditions suspensives de prêt prévoient, de manière non obligatoire mais néanmoins classique, que le financement sollicité devra porter sur un montant maximal permettant de financer tout ou partie du prix et, le cas échéant, les frais. En ce qu'elle permet d'éviter l'arbitraire de l'acquéreur à qui il suffirait, à défaut d'une telle stipulation, de demander à la banque un montant de financement bien supérieur à l'opération ou à ses ressources, cette stipulation apparaît nécessaire. Plus originale est la situation de l'acquéreur-emprunteur ayant sollicité, et finalement obtenu, un financement pour un montant inférieur au montant maximal prévu par le contrat, ce qui n'empêcha pas le vendeur d'invoquer la non-réalisation de la condition suspensive (ce montant maximal n'ayant pas été, selon le vendeur, respecté). Assez logiquement, la Haute juridiction est venue confirmer ce qu'il fallait entendre par « montant maximal » : c'est une limite à ne pas dépasser, et non pas un objectif à atteindre de manière obligatoire, l'acquéreur-emprunteur pouvant décider d'emprunter finalement moins que ce qui avait été convenu avec le vendeur.
  • Quatrième question : le simple accord de principe est-il suffisant pour constater la réalisation de la condition suspensive ? Non. L'article L. 313-41 du Code de la consommation prévoit expressément que la condition suspensive porte sur « l'obtention du ou des prêts » nécessaire(s) au financement. Un simple accord de principe ne peut constituer une offre de prêt, au contraire de l'envoi par le prêteur d'un courrier électroniquecomprenant proposition d'un prêt aux conditions prévues à la promesse de vente, accompagné d'une lettre notifiant l'accord du prêteur sur ce même prêt. En revanche, la condition suspensive est réalisée dès l'obtention de l'offre de prêt attendue, sans attendre que celle-ci soit acceptée, ni que l'assurance soit obtenue.
– Les compléments ou ajustements pouvant être apportés à la condition. – Sans prétendre à l'exhaustivité, il apparaît que les principaux ajouts à la condition suspensive légale portent sur la durée de celle-ci (non pas pour la réduire, ce qui n'est évidemment pas possible, mais pour l'étendre au-delà de la durée d'un mois minimum prévue par la loi), l'indication des conditions financières du prêt (taux d'intérêt, montant maximal, durée, montant des amortissements) et l'ajout d'engagements portant sur les démarches et diligences devant être respectées par l'acquéreur. C'est sur ce dernier point que les difficultés se sont concentrées, la Cour de cassation ayant fixé comme limite le fait que ces engagements ne devaient pas accroître les exigences de l'article L. 313-41 du Code de la consommation. Àdire vrai, cet article ne comprend pas réellement d'exigences ou engagements spécifiques à la charge de l'acquéreur-emprunteur. Seul le droit commun permet donc d'apprécier ces « exigences », notamment à travers le prisme d'un texte d'ordre public. Les compléments apportés par la pratique ont donc pour unique vocation d'éviter les contentieux entre les parties au moment où serait constatée la non-réalisation de la condition suspensive :

La purge de droit de préemption, de priorité ou de préférence

– La plus classique des conditions suspensives. – « Le droit de préemption est le droit reconnu par la loi à certaines personnes publiques ou privées de se porter prioritairement acquéreurs d'un bien ». Véritable « stéréotype » des droits de préemption, le droit de préemption urbain est aussi l'objet d'une des conditions suspensives les plus pratiquées par les notaires. La notion même de droit de préemption n'est pas clairement établie et peut influer sur la manière d'appréhender la condition suspensive (A). Si le droit de préemption urbain est celui qui s'applique le plus généralement (B), celui consenti récemment au locataire commercial est à l'origine de difficultés qu'il convient d'appréhender pour anticiper les contentieux (C).

Débats doctrinaux sur l'analyse conceptuelle du droit de préemption

Comment analyser le concept de droit de préemption ?

Droit précontractuel ou de substitution ? Le droit de préemption constitue-t-il une institution précontractuelle, en ce qu'il précède la formation du contrat de vente, ou au contraire une institution post-contractuelle faisant suite à la formation de celui-ci pour venir, le cas échéant, l'impacter ? Ce débat divise les auteurs qui ne manquent pas d'arguments pour soutenir, tour à tour, l'une ou l'autre conception. L'étymologie semble commander de retenir la première de ces deux thèses, le droit de préemption conférant à une personne la faculté d'acheter un bien de préférence à tout autre, soit ante rem venditam (avant la vente). Àl'inverse, la substitution opérée par le droit de préemption serait constitutive d'une véritable cession de contrat, particulière en ce qu'elle est légale et relative à un contrat instantané, s'exerçant donc post rem venditam (après une vente déjà conclue).
Position médiane. L'une et l'autre des thèses rappelées bénéficient d'arguments solides, fondés notamment sur la mise en pratique de cette institution. Il en va ainsi de la terminologie conduisant à qualifier la notification transmise au bénéficiaire du droit de préemption de véritable « offre » directe, militant pour qu'un contrat spécifique soit conclu seulement à ce stade, et ne préexistait donc pas. En même temps, la prise en compte de l'acquéreur « évincé » dans le cadre de la préemption consacre l'existence préalable d'un contrat avec celui-ci. Une théorie intermédiaire a donc été proposée, consistant à qualifier le droit de préemption en un « droit de se porter acquéreur en lieu et place de l'acheteur pressenti par l'acceptation d'une offre qui lui est directement faite aux conditions arrêtées avec celui-ci ».

La condition suspensive de purge du droit de préemption urbain

– Une condition suspensive qui n'en est pas une. – Au-delà de la qualification juridique du droit de préemption en tant que tel, se pose la question de la nature juridique de la condition suspensive se rapportant à ce droit. La terminologie employée laisse à penser qu'il s'agit d'une simple modalité de la vente. Il est vrai qu'à l'instar de toute autre condition suspensive, celle-ci renvoie à la survenance d'un événement futur et incertain. Néanmoins, l'obligation ne peut exister sans elle, la purge du droit de préemption urbain étant nécessaire pour la validité de l'acte. Il ne semble donc pas qu'il puisse s'agir d'une condition suspensive en tant que telle. S'agit-il pour autant d'un élément essentiel à la vente, en ce qu'il conditionne la validité de celle-ci ? Cela conduirait à frapper de caducité le contrat par suite de la non-réalisation de la condition suspensive. Le droit de préemption « s'autodétruit » du fait même qu'il serait exercé, à travers un « mécanisme de défense automatique » du contrat de vente. L'incohérence a été relevée, conduisant à critiquer également cette qualification d'élément essentiel ou constitutif du contrat de vente. Dès lors, la finalité de la clause visant à purger le droit de préemption urbain semble conduire à une troisième qualification. Elle ne serait pas une condition suspensive, ni un élément essentiel ou constitutif de la vente, mais une condition d'opposabilité et d'efficacité, ou encore d'une réserve au contrat visant, au moment de sa levée, à conférer à celui-ci la perfection attendue des parties.

de la condition suspensive de non-exercice du droit de préemption urbain ?

Le vendeur est parfois tout particulièrement attaché à la volonté de régulariser la vente avec l'acquéreur pressenti et non avec le bénéficiaire du droit de préemption urbain. Il est vrai que l'exercice du droit de préemption urbain par son titulaire n'est pas neutre pour l'acquéreur, évincé du contrat, non plus que pour le vendeur, lequel est notamment susceptible de voir le prix de vente contesté par le préempteur, et minoré par le juge de l'expropriation. S'est donc posée la question de savoir si la condition suspensive pouvait porter spécifiquement sur le non-exercice du droit de préemption urbain. Ce faisant, l'exercice par le titulaire de ce droit de préemption conduirait à la non-réalisation de la condition suspensive, elle-même à l'origine de la caducité du contrat.
Àtravers cette rédaction, les parties décideraient de répondre par le contrat à la question qui se pose sur la qualification même de la condition suspensive : elles la qualifieraient d'élément essentiel à la validité du contrat, rendant caduc celui-ci en son absence. Cette solution a été retenue par la Cour de cassation en matière de droit de préemption de la Safer, avant que le législateur n'intervienne pour déclarer nul ce type de condition. Elle a été vivement critiquée, notamment par les notaires à l'occasion du 99e Congrès portant sur la vente d'immeuble. Le caractère « absurde » de cette condition a ainsi été dénoncé en ce que la condition reviendrait à dire : « Je vous offre mon bien à la vente à condition que vous ne l'achetiez pas, et ce n'est qu'à cette condition que cette offre vous est faite ». Bien qu'encore parfois défendue en doctrine, nous nous inscrivons dans le prolongement des recommandations du 99e Congrès des notaires de France, en considérant que cette rédaction ne nous semble pas devoir être valablement retenue. L'incohérence qu'elle manifeste se double en effet d'une opposition frontale avec un texte d'ordre public répondant à un intérêt général, qu'elle conduirait à rendre inapplicable en toute circonstance.
Quid en cas d'annulation de la décision de préemption ? – La décision de préemption par le titulaire du droit de préemption urbain entraîne la non-réalisation de la condition suspensive. Il se peut néanmoins que, postérieurement, la décision de préemption fasse l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et soit annulée. Cette annulation intervenant de manière rétroactive, la condition suspensive apparaît dès lors réalisée a posteriori, remettant les parties dans l'état qui était le leur avant la décision de préemption et permettant à l'une et l'autre d'invoquer les effets obligatoires du contrat. La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler cet effet mécanique résultant du caractère rétroactif de l'annulation de la décision de préemption. Cette situation est susceptible d'intervenir plusieurs années après la décision de préemption, alors que les parties, et spécialement l'acquéreur, ont pu se croire libérées du contrat initial. D'importantes difficultés peuvent en résulter, en ce que l'acquéreur peut ne plus être intéressé par cette acquisition ou ne plus disposer des fonds nécessaires, notamment s'ils ont été utilisés pour effectuer une autre acquisition. Àtravers la rédaction de la clause de condition suspensive de purge du droit de préemption urbain, le notaire a la possibilité d'éviter ces difficultés en les anticipant.

Anticiper les effets de la décision de préemption

Afin d'éviter les difficultés inhérentes à l'annulation rétroactive d'une décision de préemption au titre du droit de préemption urbain, il apparaît nécessaire de prévoir que la condition sera défaillie en cas de décision de préemption, que celle-ci soit ou non définitive. Les notaires ont ainsi pris l'habitude d'intégrer cette rédaction dans leur clause, permettant d'éviter l'aléa résultant de la survenance d'un éventuel recours et, partant, d'une éventuelle annulation de la décision de préemption.
Par ailleurs, la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la promesse. Cette conclusion peut apparaître contradictoire avec le principe énoncé ci-dessus, consistant à déconseiller la rédaction de condition suspensive de non-préemption. Il convient, en effet, de tempérer cette position en considération de la qualification devant être retenue du droit de préemption dans son ensemble. Nous avons vu qu'entre institutions précontractuelle et post-contractuelle, pouvait s'intercaler une théorie intermédiaire. C'est ainsi notamment qu'à travers la décision de préemption, et la substitution qui en résulte, s'est formé entre le vendeur et le préempteur un nouveau contrat ne subissant donc pas la caducité de celui conclu avec l'acquéreur initial. Dès lors, à travers cette théorie qui présente les avantages du pragmatisme et de la sécurité juridique, il semble possible d'attacher à la condition suspensive la caducité permettant de libérer le vendeur et l'acquéreur de leurs engagements réciproques, le vendeur se trouvant à compter de cette date engagé dans le cadre d'un nouveau contrat avec le titulaire ayant exercé son droit de préemption.

Les difficultés attachées au droit de préemption du locataire commerçant

– Un « dernier né » déjà turbulent. – La grande famille des droits de préemption, de priorité ou de préférence s'est agrandie à l'occasion de la loi Pinel du 18 juin 2014. Un nouvel article L. 145-46-1 a été inséré dans le Code de commerce, instituant un droit de préférence au profit du locataire commercial. La rédaction de cet article a rapidement été critiquée pour son imprécision et les risques qu'elle fait peser sur les opérations concernées. Surtout, la Cour de cassation a tout aussi promptement été saisie de contestations en lien avec ces difficultés, validant les fortes réserves émises par la doctrine comme la pratique. Les conflits rencontrés en ce domaine sont nombreux, dont certains ont trait au périmètre même des locaux concernés par ce nouveau droit. Nous nous concentrerons sur deux autres difficultés pratiques, récemment tranchées par la Cour de cassation : la chronologie de la purge et le sort des honoraires d'agence. Dans l'un et l'autre cas, la vigilance autant que l'ingénierie du notaire seront sollicitées pour sécuriser les transactions.
Une chronologie confirmée
– Àl'origine du problème, une rédaction hasardeuse. – Il arrive que les bonnes fées du droit se penchent sur les textes publiés au Journal officiel . Les illustrations de ce phénomène marquent les juristes, ce qui est aussi le signe de leur trop grande rareté. Cela n'a pas été le cas du texte introduisant le droit de préférence du locataire commercial, l'article L. 145-46-1 du Code de commerce ayant subi des critiques immédiates, rapidement validées en jurisprudence. L'imprécision ne s'est pas fait attendre, pour être issue des premiers mots du nouvel article : « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement ». En indiquant que la procédure devant conduire à purger ce droit de préférence doit être initiée lorsque le propriétaire « envisage » de vendre celui-ci, le législateur a invité les juristes à se pencher sur le sens qu'il convenait d'accorder à l'expression consacrée. Le pragmatisme comme, semble-t-il, l'esprit de la loi, commandaient d'appliquer des solutions connues pour d'autres droits du même type, et d'autoriser la signature de promesse de vente sous condition suspensive de purge du droit de préférence du locataire commercial. La lettre du texte néanmoins, appuyée en ce sens par les dictionnaires, amenait à douter que le terme « envisager » permette d'attendre ainsi pour informer le locataire du projet de vente. La Cour de cassation ne tarda pas à être sollicitée et à se prononcer à ce sujet.
– Suivie d'une décision ambiguë et de commentaires inquiétants. – La décision rendue le 28 juin 2018 a fait couler beaucoup d'encre, et soulevé une vague d'inquiétude chez les notaires. Une pratique assez répandue avait en effet consisté à appliquer au droit de préférence du locataire commercial les mécanismes en place pour les autres droits de préemption, conduisant à ce que des promesses de vente soient signées sous la condition suspensive de la purge de ce droit. C'est dire que la décision rendue par la Cour de cassation le 28 juin 2018 suscita de vives inquiétudes, que certains commentaires n'ont pas manqué d'accentuer. Afin de refuser à l'agent immobilier la possibilité de réclamer au locataire, ayant exercé son droit de préemption, le montant de la commission d'agence, la Cour de cassation rappela que le bailleur qui envisage de vendre son local commercial devait « préalablement » notifier au preneur une offre de vente qui ne pouvait inclure les honoraires de négociation. L'ajout du terme « préalablement » a dès lors été interprété par certains comme de nature à insister sur les exigences supposées attachées au texte de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce. Cette position a été vivement critiquée, que ce soit en doctrine ou dans la pratique notariale, inquiète de ses répercussions sur les opérations de vente concernées. La Cour de cassation a récemment eu l'occasion de rassurer la pratique sur ce point.
– La pratique notariale validée par la Cour de cassation. – C'est à nouveau à l'occasion d'un contentieux portant sur les honoraires de commercialisation que la Cour de cassation s'est prononcée sur la chronologie des opérations. Dans le prolongement d'un arrêt remarqué de la cour d'appel de Paris, les hauts magistrats sont venus valider la possibilité de régulariser une promesse de vente sous la condition suspensive de la purge du droit de préférence issu de la loi Pinel. L'essentiel, selon la Cour de cassation, est bien évidemment que la purge soit effective avant la signature de la vente. Si la solution, plus libérale et pragmatique, ne semble pas poser de difficultés en présence d'une promesse unilatérale de vente qui, bien que le vendeur soit définitivement engagé à vendre, ne constitue pas néanmoins une vente, une question demeure en présence d'une promesse synallagmatique de vente. Nous pensons, avec d'autres, qu'il est également possible de prévoir d'assortir une telle promesse d'une condition suspensive de purge du droit de préférence du locataire commercial. Il convient néanmoins de bien s'assurer que le transfert de propriété des biens sera reporté à la date de signature de l'acte de vente définitif, soit à une date où le droit de préférence aura été purgé, et donc de ne pas attacher à la condition suspensive un effet rétroactif.

Droit de préférence Pinel et condition suspensive

Àla lumière de la décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 23 septembre 2021, il apparaît donc possible de prévoir la signature d'une promesse de vente sous la condition suspensive de la purge du droit de préférence du locataire commercial.
Le traitement des honoraires d'agence
– Un arrêt : deux enseignements. – La décision rendue par la Cour de cassation le 23 septembre 2021 a également été l'occasion de rappeler et préciser les indications devant figurer dans l'offre transmise au locataire. Plus particulièrement, la Cour de cassation s'est à nouveau prononcée sur les honoraires d'agence. En tant que droit de préemption-priorité et non droit de préemption-substitution, le locataire n'est pas tenu de supporter les honoraires d'agence. Mais l'indication de ces honoraires dans l'offre qui lui est transmise n'entache pas celle-ci de nullité dès lors qu'elle n'est pas confondue dans le prix de vente, mais au contraire distinguée de celui-ci.

Purge du droit de priorité Pinel et honoraires d'agence

Le locataire, bénéficiaire du droit de priorité issu de la loi Pinel, n'est pas tenu en cas d'exercice de ce droit au paiement des honoraires d'agence.
L'indication de ces honoraires dans l'offre transmise au locataire n'entache pas l'offre de nullité, dès lors que ce montant est distingué du prix de vente.
Afin d'éviter toute difficulté, le plus prudent semble consister à ne pas renseigner le montant de ces honoraires dans l'offre émise.

La production de diagnostics au titre du dossier de diagnostic technique

– Une liste à rallonge de diagnostics. – Depuis sa création à travers l'ordonnance du 8 juin 2005 et son entrée en vigueur le 1er novembre 2007, le dossier de diagnostic technique s'est fortement enrichi à travers l'ajout de nouveaux diagnostics. Ce sont désormais pas moins de onze diagnostics qui doivent être remis par le vendeur à l'acquéreur au moment de la signature de la promesse de vente ou, à défaut, lors de la signature de l'acte de vente définitif. En dernier lieu, la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 est venue y ajouter le contrôle du raccordement au réseau d'assainissement, lequel est applicable à compter du 1er juillet 2022.
– Les difficultés attachées à cette obligation. – La transmission par le vendeur à l'acquéreur d'une information aussi complète que possible portant sur les biens objet de la vente est bien évidemment l'objectif devant être recherché, tant par les parties que par les notaires. Àcet égard, la transmission en amont de la signature de l'avant-contrat de vente d'une documentation complète permettra à l'acquéreur d'éclairer son consentement et d'éviter, a posteriori, des déceptions ou surprises pouvant conduire à des contentieux. Néanmoins, force est de constater que l'allongement de cette liste accentue la « chape de plomb » qui s'est abattue sur la vente immobilière à travers la loi Alur du 24 mars 2014. Rappelons que celle-ci a en effet listé les documents et informations devant être transmis à l'acquéreur au plus tard lors de la signature de la promesse de vente ou, à défaut, de l'acte authentique de vente définitif, ce que justifiera leur annexion à l'acte. Il est souvent apparu que la transmission de l'ensemble des documents formant le dossier de diagnostic technique était de nature à rallonger les délais de signature des avant-contrats, ce qui est à la fois contraire aux attentes des parties à l'acte et à celles des professionnels ou instances du secteur (notamment les agents immobiliers, mais également les notaires). La crise sanitaire et les paralysies successives de l'activité économique liées aux divers confinements ont bien évidemment accentué ces difficultés.
– La possibilité de convenir d'une condition suspensive d'obtention des documents constituant le dossier de diagnostic technique. – Àmoins d'un changement complet dans l'approche actuellement retenue pour le traitement des dossiers de vente, notamment dans la perspective d'une accélération de ceux-ci, la généralisation de conditions suspensives est à prendre avec réserve. Mais il convient dans un premier temps de conclure sur la possibilité juridique de proposer de telles conditions. Rien ne semble s'opposer à ce que la transmission des diagnostics manquants au jour de la promesse soit érigée en condition suspensive de celle-ci. Il est vrai que la lecture du seul I de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation peut amener à douter de cette possibilité. Une lecture stricte laisse à penser, en effet, que les diagnostics composant le dossier de diagnostic technique doivent être fournis et annexés à la promesse, le renvoi à l'acte authentique de vente ne semblant possible qu'en l'absence d'avant-contrat. Nous relevons ensuite que le II de ce même article nous renseigne sur les sanctions attachées au défaut de transmission de ces éléments, en ne se fondant que sur la date de signature de l'acte authentique de vente. Ce faisant, il apparaît que la condition suspensive de transmission des diagnostics composant le dossier de diagnostic technique puisse être valablement érigée en condition suspensive au stade de la promesse de vente.
– L'opportunité de convenir d'une telle condition. – La solution consistant à introduire dans la promesse de vente une condition suspensive de transmission de tout ou partie des diagnostics composant le dossier de diagnostic technique présente, bien évidemment, le mérite de la rapidité. Puisqu'il n'est plus nécessaire d'attendre que l'ensemble des diagnostics soient établis et transmis pour signer la promesse de vente, celle-ci pourrait donc intervenir plus rapidement. Mais cet avantage est contrebalancé par d'importants inconvénients et dangers qui doivent amener, à tout le moins, à peser très sérieusement et avec prudence l'intérêt qu'il y aurait de recourir à une telle solution pour le moins audacieuse. Car elle conduit tout d'abord à reporter dans le temps la découverte potentielle de difficultés réelles sur le bien vendu, ayant trait à la présence d'amiante ou de plomb, à l'existence d'une non-conformité des installations de raccordement au gaz ou à l'électricité, ou encore à la nécessité de réaliser dans l'année suivant l'acquisition des travaux portant sur l'installation d'assainissement. Par ailleurs, et en lien avec ce risque, il ne paraît pas envisageable de procéder à la purge du délai de rétractation ou de réflexion de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation avant que ne soient transmis les diagnostics composant le dossier de diagnostic technique. L'épée de Damoclès redoutée en cas d'insertion d'une condition suspensive portant sur la transmission des documents et informations prévus par l'article L. 721-2 du Code de la construction et de l'habitation se retrouve alors en matière de dossier de diagnostic technique, amenant les parties et leurs notaires à choisir « entre le ralentissement et l'incertitude, entre la lenteur et l'aléa ».
  • le périmètre de la condition suspensive : la condition suspensive ne nous semble pas devoir se limiter à la seule transmission des diagnostics composant le dossier de diagnostic technique. En effet, faute d'avoir pu prendre connaissance des conclusions de diagnostics n'existant pas et n'ayant donc pas été transmis au jour de la promesse, l'acquéreur n'a pas été en mesure de consentir aux éventuelles conséquences attachées à ces conclusions. Il en va ainsi notamment lorsque les conclusions des diagnostics apparaissent à ce point négatives qu'elles remettent en question l'équilibre financier de la vente (justifiant une demande en réduction du prix), voire même l'intérêt de l'acquéreur pour celle-ci. C'est pourquoi la condition suspensive nous semble devoir porter à la fois sur la transmission des diagnostics composant le dossier de diagnostic technique, et sur les conclusions de ceux-ci qui ne devront pas faire apparaître, par exemple, d'amiante en état dégradé ou d'infestation par des termites ou encore de non-conformité du raccordement à l'assainissement ;
  • les bénéficiaires de la condition suspensive : dans le prolongement des développements ci-dessus au titre du périmètre de la condition suspensive, il ressort que celle-ci doit évidemment bénéficier à l'acquéreur. Son information et sa protection sont recherchées afin de garantir un consentement éclairé, au titre de ces diagnostics, au plus tard au jour de la vente. Néanmoins, le vendeur a également un intérêt majeur à ce que ces diagnostics soient transmis. En dehors de ceux dont la transmission est requise à peine de nullité de la vente, la transmission des diagnostics est évidemment nécessaire pour valider l'exonération du vendeur au titre de la garantie des vices cachés. Le vendeur a donc également un intérêt direct à ce que ces diagnostics soient également transmis, peu importe le cas échéant leurs conclusions. La condition suspensive devra donc être stipulée dans l'intérêt des deux parties à l'acte ;
  • de l'utilité de la rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive : ainsi que nous l'avons rappelé, une lecture stricte de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation, et limitée à son seul I contenant la liste des documents à remettre, peut conduire à conditionner l'efficacité de l'exonération de la garantie des vices cachés au titre du dossier de diagnostic technique à sa remise au jour de la promesse, s'il y en a une. Cette interprétation a pu conduire à considérer qu'il était nécessaire de prévoir la rétroactivité de la réalisation de la condition suspensive, l'ordonnance du 10 février 2016 ayant retenu le principe de non-rétroactivité, sauf conventions contraires des parties. C'est oublier le II du même article, lequel prévoit que l'efficacité de cette exonération de garantie s'apprécie au regard de la transmission de ces documents au jour de l'acte authentique de vente. Il en ressort que la rétroactivité de la condition suspensive n'apparaît pas nécessaire s'agissant de la production des documents composant le dossier de diagnostic technique.
– Précautions rédactionnelles. – Une fois appréciés et assumés les risques attachés à l'introduction d'une condition suspensive se rapportant au dossier de diagnostic technique, il reste que sa rédaction devra être mûrement réfléchie, tant elle est sensible. L'ingénierie du notaire sera à nouveau mise à rude épreuve afin de concilier les intérêts, a priori opposés, des parties à l'acte. Il lui sera alors demandé d'accepter de céder le confort d'une situation maîtrisée au jour de la promesse contre un gain de temps, qui n'est peut-être qu'apparent, sans abandonner l'objectif de sécurité juridique devant accompagner l'acte qu'il est chargé de recevoir. Deux questions semblent se poser d'évidence, auxquelles nous en ajouterons une troisième en lien avec l'effet attaché à la réalisation de la condition :