De plus en plus de documents et d'informations doivent être remis à un acquéreur immobilier ; le volume des actes et de leurs annexes augmente, conduisant, malgré la volonté initiale (et souvent fondée et justifiée) de préserver le consentement éclairé de l'acquéreur immobilier, à un contentieux qui remet en cause l'objectif de sécurité juridique.
Augmentation du volume des actes et des annexes
Augmentation du volume des actes et des annexes
– Un retour à une forme de « tradition ». – Le trait marquant de la vente d'immeuble est l'allongement continuel des délais, notamment du fait de la nécessité de procéder à un nombre de vérifications de plus en plus important qui, dès le stade de l'avant-contrat, conduit à rallonger la durée de réalisation de la vente d'immeuble. Comme l'a souligné Me Pierre Tarrade à l'occasion d'un article sur la réforme du droit des obligations et l'effet translatif des contrats, « le consentement de l'acquéreur immobilier ne semble plus pouvoir être formé sans la remise, conforme à un processus précisément organisé, d'un dossier dont les composantes sont énumérées par la loi (…). Ce retour à une forme de tradition semble d'ailleurs s'inscrire dans une tendance lourde ».
– Une tendance qui remet en cause le principe de consensualisme en matière de vente immobilière. – L'article 1583 du Code civil dispose que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». En principe donc, la vente ne nécessite aucun formalisme et elle est formée dès qu'il y a accord sur la chose et le prix. Mais comment peut-elle l'être alors que certains éléments indispensables à sa validité ou à son efficacité ne seront le plus souvent transmis voire même établis qu'après sa formation ? Les différentes contraintes ajoutées par le législateur constituent ainsi autant de remises en question, plus ou moins grandes, du principe du consensualisme lui-même. Ceci va jusqu'à créer un « divorce » entre le principe général du consensualisme et l'ajout constant de formalismes nouveaux par le législateur : « Si le phénomène n'est certes pas nouveau, il n'est pas sûr qu'il faille éternellement s'accommoder d'un tel divorce entre les principes clamés haut et fort par le code et le démenti constant que lui apportent les réglementations particulières… ».
– La multiplication des diagnostics immobiliers. – La liste des diagnostics devant être fournis à un acquéreur immobilier augmente au fil des années. Ils sont actuellement réunis dans un « dossier de diagnostic technique » visé à l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation. Nous renvoyons ici à la présentation faite par le 116e Congrès des notaires de France :
En matière de diagnostics immobiliers, les pouvoirs publics s'appuient sur les notaires pour relayer les politiques publiques. Le travail de vérification de ces diagnostics est accompli par le notaire, « au détriment parfois de ses réflexes de juriste. En effet, le récolement minutieux des documents et la vérification de leur conformité émoussent la vigilance sur les analyses juridiques : l'excès de réglementation oblitère le droit ».
– Les documents devant être remis en application de la loi Alur. – L'article L. 721-2 du Code de la construction et de l'habitation introduit par la loi Alur du 27 mars 2014 est caractéristique de l'allongement des investigations préalables à la formation de la vente (ou du départ du délai de rétractation de l'acquéreur). La loi Alur impose la remise d'un certain nombre de documents et informations obligatoires à un acquéreur d'un bien immobilier en copropriété. Leur réunion dans un délai raisonnable n'est pas toujours chose aisée, et la fluidité du processus immobilier pâtit ici de la volonté du législateur d'augmenter l'information de l'acquéreur immobilier. Cette information est bien sûr importante, mais est-elle réelle et éclairée dans la pratique actuelle et la plus courante ?
– Le carnet numérique d'information, de suivi et d'entretien du logement. – Créé par la loi Transition énergétique du 17 août 2015, il devait être mis en place pour les ventes de logements et immeubles existants faisant l'objet d'une mutation à compter du 1er janvier 2025. Il a été supprimé par la loi Climat du 22 août 2021 et remplacé par le carnet d'information du logement.
– Le carnet d'information du logement. – Finalité d'un processus démarré il y a deux ans avec la mise en place de la Convention citoyenne pour le climat, la loi dite « Climat et résilience » a été promulguée et publiée au Journal officiel le 24 août 2021 et met en place un carnet d'information du logement à compter du 1er janvier 2023 (en son article 167). Ce carnet est établi afin de faciliter et d'accompagner les travaux d'amélioration de la performance énergétique du logement. L'article L. 126-35-10 du Code de la construction et de l'habitation prévoit que ce carnet d'information doit être transmis à l'acquéreur lors de toute mutation du logement, et au plus tard à la date de la signature de l'acte authentique. L'acquéreur devra en attester expressément dans l'acte authentique.
– Adaptation de l'état des risques. – L'article L. 125-5 du Code de l'environnement sur l'état des risques naturels et technologiques est amendé par la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Le texte précise désormais que toute annonce, quel que soit son support de diffusion, relative à la vente d'un bien immobilier devant faire l'objet d'un état des risques, comprend une mention précisant le moyen d'accéder à ces informations. En cas de mise en vente de tout ou partie d'un immeuble, l'état des risques est remis au potentiel acquéreur par le vendeur dès la première visite, si une visite a lieu. Le texte ne précise pas si la visite virtuelle (très en vogue désormais) est concernée par cette obligation. Cette remise conditionne en outre le départ du délai de rétractation / délai de réflexion. En outre, l'état des risques devra mentionner l'inclusion dans le périmètre d'un plan de risque minier, mais surtout d'une zone concernée par le recul du trait de côte (afin d'informer sur la menace de l'avancée de la mer et du recul de la terre). Enfin, l'état des risques devra désormais également comporter l'information selon laquelle l'immeuble bâti a subi un sinistre à la suite d'une catastrophe naturelle ou technologique ayant donné lieu au versement d'une indemnité d'assurance. L'article L. 125-5 du Code de l'environnement imposait déjà cette obligation, mais elle n'était mentionnée que dans le bail ou l'acte de vente et non dans le contenu de l'état des risques.
– Ajout du plan pluriannuel de travaux aux documents devant être remis à un acquéreur immobilier dans le cadre de l'article L. 721-2 du Code de la construction et de l'habitation. – Le plan pluriannuel de travaux (PPT) vient s'ajouter à la liste déjà longue des documents remis à un acquéreur immobilier et prévus par le Code de la construction et de l'habitation pour faire courir le délai de rétractation (CCH, art. L. 721-2, II, 6o).
– Loi Climat et résilience du 22 août 2021
et nouveau diagnostic assainissement collectif
. – Àcompter du 1er juillet 2022 (pour les immeubles situés en « territoires JO 2024 » et à compter du 1er juillet 2023 pour tous les immeubles situés en zone d'assainissement collectif, un contrôle du raccordement au réseau d'assainissement devra être effectué lors de la vente d'un bien immobilier. Le document de contrôle (d'une durée de validité de dix ans) vient allonger la liste du dossier de diagnostic technique (DDT) de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation. Nous rappellerons que depuis le 25 août 2021, le Service public d'assainissement non collectif (Spanc) doit être averti par les notaires lors de la vente d'immeubles équipés d'une installation d'assainissement individuel.
– Loi Climat et résilience du 22 août 2021 et extension de l'audit énergétique
. – L'audit énergétique voit son champ d'application étendu par la loi Climat et résilience. Àpartir du 1er septembre 2022, il devra être annexé à l'acte de vente (ou de location), comme le diagnostic de performance énergétique (DPE). L'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation a été adapté. L'audit énergétique (et le DPE) doit être remis lors de la première visite du bien et être annexé à la promesse de vente (ou à défaut de promesse à l'acte authentique de vente).
– Autres documents et démarches préalables à une vente immobilière. – Outre les éléments mentionnés ci-dessus, la liste est longue des documents et informations devant être remis à un acquéreur immobilier : législation relative à la pollution des sols, clauses environnementales, étude de sols, contrôles en matière d'assainissement, cuves à fioul, piscines, etc.
Sans oublier les étapes exigées en vue de la protection des tiers : intervention des héritiers réservataires présomptifs au titre de l'article 924-4 du Code civil ou celle des détenteurs d'usufruit successif, vérification des droits de préemption.
– La proposition du 111e Congrès des notaires de France sur les annexes. – Le 111e Congrès des notaires de France avait proposé de ne pas annexer à l'acte de vente les documents déjà annexés à la promesse de vente. Cette proposition a été rejetée.
Le retour à une forme de « tradition » dans la formation de la vente qui remet en cause le principe du consensualisme
Bien au-delà d'un simple accord sur la chose et le prix, l'engagement dans une vente immobilière ne devient finalement contraignant pour un acquéreur qu'une fois que lui auront été remis un nombre de documents et informations dont la liste s'allonge au fur et à mesure des lois nouvelles en la matière.
Une forme de « tradition » s'intègre dans le processus immobilier.
Par ailleurs, on note une évolution des diagnostics ou documents obligatoires, qui passent d'une simple portée informative à des documents engageants.