Les garanties financières appliquées aux actifs numériques

Les garanties financières appliquées aux actifs numériques

– Présentation des garanties financières. – La garantie financière, issue du droit européen et des marchés financiers, est un mécanisme de garantie original qui partage des similitudes avec le droit de rétention et la règle de compensation entre dettes et créances Le droit de rétention peut être rapproché de la compensation en ce que le rétenteur est certes créancier mais aussi débiteur d'une obligation de restitution du bien détenu, l'exercice du droit de rétention permettant alors, à l'instar de la compensation, une satisfaction indirecte qui évite un concours avec d'autres créanciers. Cependant, la compensation est bien distincte du droit de rétention sur le plan des classifications des garanties, puisqu'elle produit un effet extinctif définitif alors que le droit de rétention est purement « défensif et provisoire » : V. M. Bourassin, Droit des sûretés, préc., nos 797 et s. – D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 13e éd. 2019, no 707. .
Son intérêt pratique est redoutable pour le créancier, car très favorable de son point de vue, en ce que les garanties financières permettent des remises en pleine propriété, « opposables aux tiers sans formalités, d'instruments financiers, (…), effets, créances, contrats ou sommes d'argent, ou la constitution de sûretés sur de tels biens ou droits, réalisables » même après l'ouverture d'une procédure collective C. monét. fin., art. L. 211-38, I. . Ces garanties sont utilisées dans le cadre d'opérations de marché de gré à gré et les dettes et créances y afférentes bénéficient du régime de résiliation-compensation (ou close-out netting) prévu par le Code monétaire et financier C. monét. fin., art. L. 211-36-1, I : « Les conventions relatives aux obligations financières mentionnées à l'article L. 211-36 sont résiliables, et les dettes et les créances y afférentes sont compensables entre toutes les parties. Les parties peuvent prévoir l'établissement d'un solde unique, que ces obligations financières soient régies par une ou plusieurs conventions ou conventions-cadres ». .
Cette sûreté ne s'applique qu'aux instruments financiers, effets, créances, contrats ou sommes d'argent (C. monét. fin., art. L. 211-38). À ce titre il est douteux qu'elle s'applique aux cryptomonnaies dans la mesure, toujours, où l'on ne les assimile pas à des instruments financiers ou monnaies véritables M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages, art. préc., spéc. no 16. Sur ces difficultés de qualification, V. supra, nos à . . En clair, une remise en pleine propriété de bitcoins pour garantir une obligation financière au sens de l'article L. 211-36, I du Code monétaire et financier n'est pas possible en droit français dans la mesure où les bitcoins ne sont ni des contrats, des créances, des effets, ni des instruments financiers.
Certains ont toutefois émis deux idées pour rechercher son emploi.
– Garanties financières et cryptomonnaies. – Deux moyens ont été proposés pour adosser indirectement ces garanties à des monnaies numériques M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. no 11. Des extraits littéraux de cet art. sont reproduits dans les développements. .
Le premier consiste à « soumettre le contrat au droit allemand dans la mesure où l'autorité allemande des marchés financiers (BaFin) a qualifié le bitcoin d'instrument financier, sachant que le régime allemand des garanties financières ne s'éloigne pas vraiment du droit français, puisque comme lui il est issu de la transposition de la même directive européenne » PE et Cons. UE, dir. 2002/47/CE, 6 juin 2002, concernant les contrats de garantie financière. .
Le second pourrait « maintenir le droit français à la condition que l'instrument financier en jeu ait pour sous-jacent le bitcoin ; on parle alors de produit dérivé. Or, l'Autorité des marchés financiers admet cette qualification pour des contrats financiers avec paiement d'un différentiel ou tout autre contrat à terme concernant des actifs. On pourrait ainsi remettre en pleine propriété, à titre de garantie d'obligations financières, des contrats à terme sur des bitcoins, sous réserve d'une validation de l'AMF au stade de l'émission du contrat à terme » M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., spéc. no 12. .
Cependant, reconnaissons que le déploiement pratique d'un tel produit suppose de franchir l'obstacle de la volatilité d'une cryptomonnaie utilisée comme sous-jacent. « Comment en effet traiter la valorisation quotidienne du contrat à terme sur bitcoin ? Peut-être par la technique dite de neutralisation des marges, inspirée de la pratique des comptes consolidés Technique utilisée pour traiter la consolidation des cessions intragroupe d'immobilisations entre deux sociétés, qui consiste à éliminer les impacts de cette opération sur le résultat, en trois temps : neutralisation du résultat intragroupe à l'aide de comptes de liaison, élimination des comptes de liaison, puis écritures de consolidation. En matière de stocks, les résultats internes compris dans les stocks doivent être éliminés, ce qui a pour conséquence de les ramener à leur valeur d'entrée dans le bilan consolidé (coût historique consolidé). Il s'agit en fait de refléter uniquement les résultats effectués à l'extérieur du groupe en neutralisant toutes les opérations internes, donc neutraliser l'intégralité des marges intragroupe des sociétés. ou celle du surdimensionnement (over-collateralisation) par laquelle le montant de l'assiette de la garantie est volontairement plus important que celui de la dette résultant de l'obligation financière garantie. D'âpres négociations de haute voltige financière entre contractants avertis se dessineraient alors ! ».