Le droit comparé

Le droit comparé

– Aperçus étrangers. – Il est difficile de recenser des décisions de juridictions étrangères en la matière.
Sur le plan civil et des catégories juridiques, on visera ici deux points de vue américains :
  • une opinion dissidente émise par un juge à la Cour suprême des États-Unis le 21 juin 2018 : « what we view as money has changed overtime (…) perhaps one day employees will be paid in Bitcoin or some other type of cryptocurrency » citée par un auteur ;
  • la qualification de bien meuble d'une cryptomonnaie, au sens de commodity en droit américain, donnée par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), tels le blé ou l'or.
Les cryptoactifs et singulièrement certaines monnaies numériques franchissent les portes des prétoires parfois pour des cas de condamnation pénale É. A. Caprioli, Une première condamnation aux USA pour la commission d'infractions sur le Dark Web : Comm. com. électr. juill. 2017, no 7-8, comm. 68. ou de faits divers mettant en scène des demandes de rançon en bitcoins ou autres dérivés Kidnappers Around the World Want their Ransoms Paid in Bitcoin, cité in Dalloz IP/IT oct. 2019, 539. .
En droit comparé européen, on peut citer une décision de la Haute Cour de Grande-Bretagne et du Pays de Galles du 13 décembre 2019 AA v. Persons Unkown & Ors, Re Bitcoin EWHC 3556 (Comm), 13 déc. 2019, commentée in Comm. com. électr. 2020, no 6, comm. 53, É. A. Caprioli. reconnaissant un droit de propriété sur des cryptomonnaies. Le litige portait sur la possibilité de geler (par le biais d'une injonction provisoire d'ordre patrimonial) un portefeuille de bitcoins détenu dans un portefeuille (wallet) sur une plateforme d'échange de cryptomonnaies, lesquels bitcoins avaient constitué la partie du paiement d'une rançon (ransomware) versée à des pirates informatiques par une compagnie d'assurance. Reconnaître la possibilité de réaliser une telle injonction supposait pour la juridiction anglaise de reconnaître un droit de propriété attaché au bitcoin, donc en amont de qualifier un tel bien.
Or le droit anglais distingue deux catégories de biens : les choses en possession, qui sont les biens tangibles pouvant être possédés, et les choses en action, qui désignent les droits susceptibles d'être appliqués, autrement dit juridiquement exécutoires (une créance par exemple). De prime abord, un bitcoin ne semble dépendre d'aucune des deux catégories, mais la Haute instance a jugé que les bitcoins considérés remplissaient les conditions de la définition classique de la propriété résultant de la décision National Provincial Bank v. Ainsworth [1965] 1 AC 1175, soit : définissables, identifiables par des tiers, susceptibles d'être pris en charge par des tiers, et ayant un certain degré de permanence. Comme le souligne un commentateur, le jugement est important, car « la présente décision étend le droit de propriété anglo-saxon aux cryptomonnaies. [Et] est la première au Royaume-Uni à considérer que les bitcoins font l'objet d'un droit de propriété et à les assimiler par conséquent à des biens patrimoniaux » É. A. Caprioli, comm. préc. note précédente. Et en l'espèce la plateforme s'est vu ordonner de geler les bitcoins du wallet litigieux et de fournir les informations sur le titulaire du portefeuille. .
Jurisprudence helvétique. On peut relever enfin une définition assez précise dans un arrêt du Tribunal administratif fédéral (l'instance judiciaire de recours contre les décisions de la Finma – autorité fédérale de surveillance des marchés financiers [de l'allemand Eidgenössische Finanzmarktaufsicht] qui surveille l'ensemble du secteur financier suisse [banques, maisons de titres, entreprises d'investissements, placements collectifs de capitaux, assurances]) du 21 janvier 2019 Trib. féd., 21 janv. 2019, B-6413/2017, consid. 5.1 (« Per Definition seien Kryptowährungen virtuelle Währungen, die mit Hilfe von Verschlüsselungstechnologie (Kryptographie) geschaffen und gesichert würden. Unter einer virtuellen Währung verstehe man ein System aus Werteinheiten, welche digital geschaffen und als Zahlungs– oder Tauschmittel eingesetzt würden »), cité par C. Lombardini, Cryptomonnaie – L'approche suisse des cryptomonnaies : RD bancaire et fin. mai 2020, no 3, dossier 14. , dont on peut citer les termes suivants : « Par définition, les cryptomonnaies sont des monnaies virtuelles qui sont créées et sécurisées au moyen d'une technologie de cryptage (cryptographie). Une monnaie virtuelle est un système d'unités de valeur qui sont créées numériquement et utilisées comme moyen de paiement ou d'échange ».