La blockchain et les droits des actionnaires

La blockchain et les droits des actionnaires

Les droits abordés ici sont d'ordre financier et de nature politique, ces derniers sous l'angle de leur principe et du droit à l'information ; la question spécifique de l'exercice concret d'un droit de vote sera examinée, avec l'impact du numérique sur la tenue des assemblées, à la section suivante En outre le sujet est ici traité surtout sous l'angle des principes généraux de la blockchain confrontés aux droits des associés, les aspects détaillés du fonctionnement des smart contracts étant étudiés infra, Commission 3, nos et s. .
– Droits politiques des actionnaires. – Le droit de vote d'un actionnaire fait partie de ce que l'on appelle ses « droits politiques ». Ces derniers sont liés à sa bonne information. La question se pose donc de savoir si l'outil blockchain, à partir du moment où les parts sociales sont détenues sur un DEEP, renforce la qualité de cette information G. Goffaux Callebaut, Blockchain et droits des actionnaires, in Blockchain et droit des sociétés, ss dir. V. Magnier et P. Barban, Dalloz, 2019, p. 146. . La tenue d'un registre dématérialisé des parts qui résultent de la tokenisation des titres pourrait offrir un meilleur accès aux données périodiques de la société, en termes de sécurisation et de transparence. Toutefois la décentralisation de la certification des documents déposés sur le DEEP participe d'un choix de gouvernance à apprécier, par rapport aux certifications existantes des professionnels tels les commissaires aux comptes : le contenu sera-t-il qualitativement contrôlé ? Quid du respect des règles de consensus inhérentes aux blockchains publiques, pour des documents techniques ? Une blockchain privée serait peut-être alors préférable.
Par ailleurs, l'environnement d'un DEEP peut avoir une influence sur les conventions de vote. À cet égard, on peut souligner que les hypothèses de décisions simples prévues semblent s'intégrer sans difficulté dans la blockchain, l'exercice du droit de vote gagnant en efficacité via la mise en place de voting coins. Cependant les notions incluses dans certaines conventions telles la contrariété à l'intérêt social ou la mauvaise foi semblent compliquées à intégrer G. Goffaux Callebaut, Blockchain et droits des actionnaires, préc., p. 147. .
– Droits financiers des actionnaires. – La question renvoie aux potentialités de la blockchain quant au versement des bénéfices. Là encore, le protocole informatique pourrait prévoir une automaticité de la distribution des dividendes une fois certaines étapes franchies. Notons que ce modus operandi, au-delà d'une apparente facilité d'exécution dans des cas de détention ordinaires, se heurtera peut-être à des obstacles dans des cas spécifiques comme le démembrement de propriété.
– Droits des actionnaires et vente d'un bien social. – L'application du pacte statutaire doit permettre de sécuriser le droit des porteurs de titres tokenisés lorsque surviendra par exemple la vente de l'immeuble acquis par la société. Il convient de leur assurer la restitution des fonds engagés lors de la souscription des titres ainsi que l'octroi de la plus-value leur revenant sur la vente de l'immeuble. Deux pistes pourraient être explorées. La première consisterait à solliciter du notaire instrumentaire qu'il retienne les fonds en vue de les remettre directement à chaque souscripteur de parts (via une délégation de paiement ?). La seconde consisterait à remettre les fonds revenant à chaque souscripteur via la plateforme concernée, le cas échéant sur ordre du notaire. Cette seconde piste mérite probablement d'être approfondie, car la remise de fonds s'accompagnera a priori du retrait des actionnaires. Cette remise peut s'analyser en un rachat de titres en vue de leur annulation. En d'autres termes, le retrait trouve sa contrepartie dans l'attribution de numéraire dont la valeur correspond à celle des titres rachetés.