CGV – CGU

Chapitre II – La PAC, horizon 2020

Partie I – Du patrimoine agricole à l’exploitation sylvicole
Titre 1 – Du patrimoine à l’exploitation agricole
Sous-titre 2 – L’exploitation agricole
Chapitre II – La PAC, horizon 2020

4179 – L’évolution de la PAC. – À l’origine, la politique agricole commune reposait sur les notions de productivité et de compétitivité234. Ses actions se résumaient à garantir des prix stables aux agriculteurs, à l’abri des fluctuations des marchés financiers. Le système des prix garantis reposait essentiellement sur un prélèvement opéré sur les importations, permettant de faire remonter les prix au niveau garanti. Cette pérennité a permis aux agriculteurs d’investir dans la mécanisation et d’adopter des systèmes de culture intensive235.

Entre 1962 et 1985, la PAC s’est accompagnée d’une politique nationale de remembrement, modifiant profondément le territoire et les paysages. En diminuant les risques liés à la spécialisation des productions, les prix garantis ont amplifié les avantages liés aux économies d’échelle. Ainsi, le système ancestral de polyculture-élevage a été abandonné au profit d’élevages et de cultures spécialisés. Les conséquences sur le territoire français ont été multiples. Certaines zones de montagne ont été abandonnées faute de rentabilité. Dans les zones rentables, l’augmentation des surfaces cultivables s’est faite au détriment des infrastructures naturelles telles que les haies et les mares236, représentant des réservoirs de biodiversité. Le développement de l’irrigation a permis la multiplication des terres arables au détriment des prairies consacrées à l’autofourniture pour l’alimentation du bétail. Pour nourrir les animaux, des tourteaux de soja ont été importés des États-Unis puis du Brésil. L’homogénéisation des espèces cultivées et l’abandon de la mixité culturale ont eu pour conséquences :

un moindre recours aux engrais organiques issus de l’élevage pour les céréaliers ;

un problème de concentration et d’élimination des déchets organiques issus de l’élevage pour les élevages hors-sol concentrés dans un faible périmètre.

Dès le début des années 1980, les prix garantis ont entraîné une décorrélation entre la production et le marché, conduisant à des excédents stockés par l’Europe, puis revendus à perte sur le marché mondial. En réponse à cette surproduction, l’Europe a mis en place un système de contrôle des quantités produites par le biais des quotas.

En 1992, en réponse aux directives de l’Organisation mondiale du commerce, l’Europe a abandonné le système des prix garantis au profit d’un système d’aides directes aux revenus. Ces aides, actuellement dénommées « droits à paiement de base », ont été totalement découplées des quantités produites et des choix de production237. Dans l’opinion publique, la figure du paysan nourricier a été partiellement remplacée par celle de l’agriculteur pollueur. En réponse à ces différents constats, la PAC a intégré une dimension environnementale. Ainsi, l’octroi d’une partie des aides est aujourd’hui soumis à un verdissement des pratiques agricoles238.

4180 – Les deux piliers de la PAC. – Les aides de la PAC se décomposent en deux piliers. Le premier pilier concerne le soutien à la production. Il incarne la solidarité européenne envers le secteur agricole. Le second pilier est tourné vers des questions périphériques concernant l’environnement, l’aménagement du territoire et la cohésion sociale. L’originalité de la PAC actuelle tient à l’existence de paiements connexes aux droits à paiement de base, conditionnant pour partie l’octroi des aides découplées à l’accomplissement de pratiques environnementales vertueuses239. Ces nouvelles conditions entraînent un verdissement du premier pilier et, par conséquent, un rapprochement des deux piliers240.

Ainsi, il convient de présenter dans un premier temps les aides permettant de soutenir le revenu agricole (Section I). Les leviers de la PAC en faveur de la transition agroécologique méritent ensuite une attention particulière (Section II). Enfin, une démarche prospective permet de proposer des pistes cohérentes pour la PAC de demain (Section III).

Section I – Les soutiens au revenu

4181 Le dispositif de soutien aux revenus repose principalement sur les droits à paiement de base241, dont le transfert intéresse particulièrement le notariat (Sous-section I). Les paiements connexes aux DPB et les soutiens couplés à la production concernent plus particulièrement les petites exploitations et les jeunes agriculteurs (Sous-section II).

Sous-section I – Le transfert des droits à paiement de base

4182 En 2015, les droits à paiement de base ont succédé aux droits à paiement unique, sans modifier la nature juridique de l’aide. Il s’agit de biens meubles incorporels242susceptibles d’être vendus, apportés (transferts définitifs), loués, mis à disposition (transferts temporaires) ou transmis à titre gratuit. Ces opérations obéissent à des règles singulières s’agissant des parties concernées (§ I) et des modalités du transfert (§ II).

§ I – Les parties au transfert

4183 – Le cédant. – Aucune condition particulière n’est imposée au vendeur ou au bailleur de DPB243. Il peut s’agir d’un agriculteur ou non, actif ou non.

4184 – Le cessionnaire à titre onéreux. – L’acquéreur ou le preneur à bail de DPB a nécessairement la qualité d’agriculteur actif. À défaut, le transfert est frappé de nullité.

L’agriculteur retraité peut néanmoins être éligible aux DPB et les cumuler avec sa pension de retraite dans trois hypothèses :

si la parcelle exploitée correspond à une parcelle de subsistance (C. rur. pêche marit., art. L. 732-39) ;

en cas d’impossibilité de trouver un cessionnaire (C. rur. pêche marit., art. L. 732-40) ;

si l’exploitation « consomme » peu de surface (C. rur. pêche marit., art. L. 732-29)244.

Dans une société, les associés exploitants ne sont pas qualifiés d’agriculteurs actifs. La société détient seule cette qualité. Ainsi, les associés n’ont pas la possibilité d’acheter ou de louer personnellement des DPB. L’opération peut cependant être couplée de manière à ce que la société loue les DPB en même temps que l’associé loue le foncier. Les liens entre eux sont formalisés par une mise à disposition du foncier.

4185 – Le cessionnaire à titre gratuit. – Les DPB peuvent être recueillis par donation ou succession. Les héritiers ou donataires peuvent ne pas avoir la qualité d’agriculteur actif. Ils doivent néanmoins l’avoir au moment leur activation. Les DPB non activés pendant deux années sont perdus et transférés à la réserve nationale.

La définition communautaire de l’agriculteur actif

La notion d’agriculteur actif est centrale dans la PAC. Elle permet de mieux cibler les soutiens, en excluant des aides du premier pilier les personnes dont le métier n’est pas d’être agriculteur245.

Au sens de la PAC, l’activité agricole correspond :

à la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles246 ;

au maintien d’une surface agricole dans un état la rendant adaptée au pâturage ou à la culture après une intervention courante247 ;

à l’exercice d’une activité minimale sur les surfaces naturellement conservées les rendant adaptées au pâturage et à la culture248.

Pour les deux dernières hypothèses, une activité annuelle est exigée249.

Par ailleurs, la définition communautaire d’agriculteur actif prend en compte la pluriactivité. Ainsi, l’exercice d’une activité non agricole est permis dès lors que l’activité agricole est exercée à titre principal250.

Enfin, il convient de préciser que chaque État membre a la faculté de renforcer la qualité d’agriculteur actif en fonction de seuils de surface, du revenu ou du temps consacré à l’activité agricole.

§ II – Les modalités du transfert

4186 Les modalités du transfert diffèrent selon la qualité du cédant, propriétaire ou locataire du foncier.

4187 – Le cédant, propriétaire du foncier et des DPB. – Aucune disposition n’impose qu’une vente ou une location de DPB soit corrélée au transfert du foncier. Dès lors, rien n’interdit de vendre ou louer les DPB sans vendre ou donner à bail les terres.

4188 – Le cédant, propriétaire des seuls DPB. – Les DPB sont attribués à l’agriculteur exploitant, que les terres soient exploitées en faire-valoir direct ou indirect251. Contrairement aux anciens quotas, indissociablement attachés au foncier252, le preneur sortant n’a pas l’obligation de céder ses DPB au bailleur en fin de location253. Cette option est d’ailleurs proscrite si le bailleur n’est pas un agriculteur actif.

4189 – Location concomitante des DPB et des terres. – Les locations, mises à disposition ou autres transferts en jouissance sont des transferts temporaires. Seul le propriétaire des DPB a la faculté de les louer. Pour un preneur à bail, la mise à disposition de DPB au profit d’une société dont il est associé n’est possible que si elle s’accompagne de la mise à disposition du foncier. La location ou la mise à disposition des DPB est en principe réalisée pour une durée identique à celle des terres. En effet, pour être activés, les DPB doivent s’accompagner d’un nombre au moins égal d’hectares de terres éligibles. En raison de l’encadrement des loyers des terres agricoles, il est judicieux de distinguer le loyer des terres et le loyer des DPB dans le bail.

4190 – Les transferts entre régions. – Les DPB hexagonaux sont susceptibles d’être transférés sur la totalité du territoire métropolitain, à l’exception de la Corse. Le transfert résultant d’une succession ou d’une donation est néanmoins possible même entre ces deux territoires.

4191 – Les prélèvements sur les transferts. – Les États de l’Union européenne ont la possibilité d’effectuer un prélèvement à l’occasion d’un transfert de DPB, permettant d’alimenter la réserve nationale. Ce prélèvement prend la forme d’une réduction du nombre de droits transmis ou d’une réduction de la valeur de ces droits. La France a fait le choix d’opérer une réduction de la valeur faciale des DPB de 30 % à compter de 2018254. Le prélèvement ne s’opère que sur les transferts réalisés sans le foncier (C. rur. pêche marit., art. D. 615-29). Par ailleurs, aucun prélèvement n’est opéré en cas de reprise de bail, de convention de pâturage, de changement de statut juridique, d’héritage ou de donation (C. rur. pêche marit., art. D. 615-29).

4192 – Transfert des DPB et valorisation. – La valorisation des DPB est délicate. Elle dépend en effet des paiements auxquels ils ouvrent droit255. En 2018, la valeur moyenne des DPB est de 87 € l’hectare.

Le traitement comptable des DPB

Les DPB sont des immobilisations incorporelles amortissables256. Lorsqu’ils sont attribués aux exploitants par les pouvoirs publics, ils sont comptabilisés pour une valeur nulle. Les DPB vendus ou apportés entre exploitants sont en revanche inscrits pour leur valeur de cession ou d’apport. Enfin, les DPB acquis par transmission à titre gratuit sont comptabilisés pour leur valeur vénale257.

Sous-section II – Les paiements connexes et les paiements couplés

4193 Les paiements connexes (§ I) et couplés (§ II) sont susceptibles de compléter les DPB.

§ I – Les paiements connexes

4194 Les paiements connexes ou complémentaires aux DPB répondent à deux objectifs : renforcer le soutien en faveur des petites exploitations et des jeunes agriculteurs. À l’instar des DPB, les paiements connexes sont découplés.

4195 – Le paiement redistributif. – Le paiement redistributif permet aux États membres de bonifier les DPB pour les exploitations de taille modeste258. En France, les DPB sont majorés de 100 € l’hectare sur les cinquante-deux premiers hectares.

4196 – La transparence des GAEC totaux. – Des règles spécifiques d’éligibilité existent lorsque la définition nationale attribue aux membres de la personne morale des droits et obligations comparables à ceux des agriculteurs individuels ayant le statut de chef d’exploitation259. En France, seuls les GAEC totaux bénéficient du régime de la transparence économique (C. rur. pêche marit., art. L. 323-13). Un GAEC est total quand les associés mettent en commun l’ensemble de leurs activités agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 323-2). Cette transparence économique entraîne une multiplication des seuils et des plafonds d’aides par le nombre d’associés260. Ainsi, un GAEC composé de trois associés exploitant une surface de 200 hectares a droit à 156 paiements supplémentaires (52 surprimes × 3) venant s’ajouter aux 200 DPB activés261.

4197 – Le paiement aux jeunes agriculteurs. – Le paiement aux jeunes agriculteurs, également optionnel, a été activé par la France afin de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs262. Il prend la forme d’une prime supplémentaire aux DPB activés, dans la limite de trente-quatre hectares par exploitation comportant un jeune agriculteur. Son montant, estimé à 70 € l’hectare, dépend du nombre de demandes.

§ II – Les paiements couplés

4198 Les aides couplées sont liées à l’acte de production. Elles représentent au maximum 15 % de l’enveloppe du premier pilier263. La France a choisi de cibler les soutiens couplés sur les secteurs de l’élevage des ruminants264et sur les productions de protéines végétales nécessaires à l’alimentation animale. Les sommes versées au titre de ces aides varient en fonction de la filière concernée265.

Section II – Les leviers de la PAC en faveur de la transition agroécologique

4199 La PAC actuelle comporte une dimension environnementale importante. Dans le premier pilier, il s’agit des normes relatives aux bonnes conditions agricoles environnementales et des paiements verts (Sous-section I). Dans le second pilier, les aides sont versées dans le cadre de plans de développement ruraux, répondant à des objectifs en matière de changement climatique et de préservation de la biodiversité (Sous-section II).

Sous-section I – La dimension environnementale du premier pilier

4200 Le virage effectué en faveur du verdissement par la dernière réforme de la PAC répond à deux objectifs :

corriger les excès de cinquante années de soutien aux productions néfastes à l’environnement ;

transmettre un message politique fort, visant à faire accepter à l’ensemble des citoyens européens le maintien des paiements directs en les conditionnant à des pratiques agronomiques bénéfiques pour l’environnement.

L’intégration des préoccupations environnementales dans la PAC revêt trois formes :

l’écoconditionnalité, consistant à conditionner le versement des paiements directs au respect de règles environnementales européennes et au Code national des bonnes pratiques environnementales ;

le verdissement, consistant à rémunérer les services environnementaux considérés par les citoyens comme des biens publics, tels que l’entretien des paysages et le respect de la biodiversité ;

et les mesures agroenvironnementales (MAE), permettant le soutien d’actions ciblées grâce au versement d’aides financières.

Les deux premières mesures relèvent du premier pilier, la troisième du second. Le verdissement de la PAC au sein du premier pilier concerne en premier lieu les normes de bonnes conditions agricoles et environnementales minimales devant être respectées par l’exploitant pour recevoir les DPB, lesquels représentent 55 % de l’enveloppe du premier pilier (§ I). Le verdissement du premier pilier de la PAC se traduit ensuite par les paiements verts, représentant 30 % de l’enveloppe du premier pilier (§ II).

§ I – Les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales

4201 – La conditionnalité des aides du premier pilier. – Les règles relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) ont été mises en place en 2003266. Elles sont définies par les États membres selon des conditions nationales et régionales. Il s’agit d’exigences environnementales minimales conditionnant le versement des DPB267. Les BCAE visent avant tout la préservation des sols.

Elles prennent notamment les formes suivantes :

le maintien des terres dans de bonnes conditions agronomiques ;

le maintien des particularités topographiques des parcelles, sous forme de bordures de champs et de bandes-tampons le long des cours d’eau ;

le maintien des surfaces en herbe permettant d’éviter l’érosion ;

le respect des procédures lorsque l’utilisation de l’eau à des fins d’irrigation est soumise à autorisation.

La conditionnalité des DPB répond à une demande sociale de protection accrue du patrimoine environnemental. Elle inscrit la PAC dans une démarche donnant-donnant268. Le système présente néanmoins des inconvénients. En premier lieu, celui de ne pas être homogène dans tous les pays de l’Union. À ce titre, les choix effectués par la France sont parfois vécus comme une injustice par les agriculteurs français, l’écoconditionnalité étant alors considérée comme une contrainte et non un objectif.

4202 – Les sanctions du non-respect des BCAE. – Le non-respect des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales entraîne une réduction ou une exclusion des paiements. Pour chaque norme, les cas de non-conformité sont définis. Le calcul des réductions ou exclusions tient compte de la gravité, de l’étendue et de la répétition de l’infraction. Par exemple, en cas de non-respect dû à la négligence, le pourcentage de réduction est limité à 5 %. En revanche, en cas de non-respect intentionnel, la sanction peut aller jusqu’à l’exclusion totale du bénéfice d’une ou plusieurs aides269.

§ II – Les paiements verts

4203 – Le régime du verdissement. – Les paiements verts marquent fortement le verdissement de la PAC. Ils récompensent les démarches volontaires renforçant les pratiques environnementales vertueuses. En effet, les exploitants reçoivent un paiement par hectare en contrepartie de services environnementaux rendus.

Les aides liées au verdissement de la PAC concernent :

le maintien des prairies permanentes (A) ;

la diversification des cultures (B) ;

et la mise en place de surfaces d’intérêt écologique (C).

Les paiements verts représentent 30 % du budget du premier pilier, soit environ deux milliards d’euros annuels. Ils correspondent en moyenne à 80 € l’hectare.

A/ Le maintien des prairies permanentes

4204 – Respecter la biodiversité. – Le maintien des prairies permanentes permet d’éviter la diminution de surfaces représentant des réservoirs de biodiversité et des puits de carbone. Toutes les exploitations bénéficiant du paiement vert sont tenues de respecter ce critère, à l’exception de celles cultivées intégralement en agriculture biologique. Toutes les surfaces dans lesquelles l’herbe ou les plantes fourragères prédominent depuis au moins cinq ans sont considérées comme pâturages ou prairies permanentes. Un suivi est effectué au niveau régional. Par ailleurs, un ratio est établi entre la proportion des prairies permanentes et la totalité de la surface agricole utile. Actuellement, ce ratio s’établit par région et par référence aux surfaces en prairies permanentes déclarées en 2012.

Deux niveaux de protection coexistent :

si la dégradation du ratio est de plus de 2,5 %, un dispositif d’autorisation est mis en place. La conversion de pâturages ou prairies permanentes en terres arables nécessite une autorisation préalable de l’administration ;

si la dégradation du ratio est de plus de 5 %, les conversions sont interdites et les réimplantations en prairies permanentes sont imposées aux cultivateurs.

Au surplus, les exploitants sont tenus de conserver les surfaces sensibles. Il s’agit des landes, des parcours ou estives dans les zones Natura 2000 et des prairies naturelles déterminées pour leur richesse en biodiversité au sein des zones Natura 2000. Le travail superficiel du sol y est néanmoins autorisé, permettant par exemple des sursemis.

B/ La diversification des cultures

4205 – Améliorer la qualité des terres arables. – La diversification des cultures améliore la qualité des sols. Corrélativement, elle permet d’accroître la production européenne de protéagineux. Or, ces plantes présentent un intérêt particulier pour la France, plus gros importateur européen de tourteaux de soja. En effet, une forte dépendance au marché mondial pour nourrir le bétail est problématique. Par ailleurs, la culture du soja et plus généralement des plantes légumineuses présente un intérêt écologique, les légumineuses ayant la capacité de prélever l’azote de l’air et d’économiser ainsi les apports d’engrais azotés.

4206 – Les contraintes de la diversification des cultures. – Il existe deux seuils de diversification, fixés en fonction de la surface totale des terres arables de l’exploitation :

entre dix et trente hectares, deux cultures doivent être mises en œuvre, la culture principale devant être inférieure à 75 % du total ;

au-dessus de trente hectares, trois cultures doivent être mises en œuvre, la culture principale devant être inférieure à 75 % du total et les deux plus importantes inférieures à 95 %.

Pour les exploitations dont la surface arable est inférieure à dix hectares, aucun seuil n’est fixé. Au surplus, les exploitations agricoles ne sont pas soumises au critère de diversification des cultures, quelles que soient leurs surfaces arables, dans deux cas particuliers :

lorsque la somme des surfaces en prairie temporaire et jachère dépasse 75 % de la surface arable et que la surface arable restante est inférieure ou égale à trente hectares ;

et lorsque la somme des surfaces en prairie permanente, prairie temporaire et riz, dépasse 75 % de la surface agricole utile et que la surface arable restante est inférieure ou égale à trente hectares.

C/ Les surfaces d’intérêt écologique

4207 – Mieux prendre en compte la biodiversité. – Les surfaces d’intérêt écologique favorisent la biodiversité sur l’exploitation agricole. À ce titre, les exploitants sont tenus de maintenir ou d’établir des surfaces d’intérêt écologique sur au moins 5 % des terres arables pour les exploitations de plus de quinze hectares270. Les surfaces de prairies permanentes sont exclues de ce calcul.

Par ailleurs, les deux hypothèses d’exclusion concernant la diversification des cultures s’appliquent également aux surfaces d’intérêt écologique. Concrètement, les SIE consistent en la mise en place ou le maintien de haies ou bandes boisées, d’arbres isolés, groupes d’arbres ou bosquets, voire d’agroforesterie, de mares et fossés, de bandes tampons le long des cours d’eau, de jachères ou encore de cultures dérobées ou de couverts végétaux271.

Un rapport d’évaluation publié en mars 2017 démontre le succès de la mise en œuvre des surfaces d’intérêt écologique272. Les SIE couvrent en effet aujourd’hui presque 10 % des surfaces arables. Ce résultat s’explique par un recours important aux SIE productives et potentiellement productives : plantes fixant l’azote, cultures dérobées et terres en jachère. Les autres SIE, notamment les particularités topographiques, les bandes d’hectares admissibles le long des forêts et les hectares en agroforesterie ne constituent qu’une faible proportion du total des SIE déclarées273. Le verdissement du premier pilier représente ainsi 30 % des aides directes aux agriculteurs. Elles profitent aux exploitants mettant en place des SIE, organisant la diversité des assolements et protégeant les prairies permanentes.

Sous-section II – Le second pilier de la PAC : caractéristiques et dimension environnementale

4208 Le second pilier, créé en 1999274, repose sur le concept de multifonctionnalité de l’agriculture, correspondant à l’idée que l’agriculture n’assure pas seulement une fonction économique, mais également des fonctions sociale et environnementale275.

L’analyse des caractéristiques du second pilier (§ I) permet d’appréhender le tournant environnemental opéré par la France (§ II).

§ I – Les caractéristiques du second pilier

4209 – Les objectifs du second pilier. – Le second pilier de la PAC est composé de différentes mesures combinées au gré des États membres au niveau national et régional, leur permettant d’établir leurs propres programmes de développement rural (PDR)276. Ces mesures sont classées en six priorités. Les États membres ont la faculté de les regrouper en sous-programmes thématiques : petites exploitations, jeunes agriculteurs, circuits d’approvisionnement courts, zones de montagne.

Les six priorités de ce second pilier visent à :

améliorer la compétitivité et renforcer la viabilité des exploitations ;

encourager le transfert de connaissances et l’innovation ;

promouvoir l’organisation de la chaîne alimentaire et la gestion des risques dans le secteur de l’agriculture ;

renforcer les écosystèmes tributaires de l’agriculture et des forêts ;

promouvoir l’utilisation des ressources et soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de CO² ;

contribuer à l’inclusion sociale, à la réduction de la pauvreté, ainsi qu’au développement économique dans les zones rurales.

4210 – Une politique agricole commune régionalisée. – Le premier pilier est entièrement financé par les aides européennes, tandis que le second pilier est alimenté conjointement par l’Union et chacun des États membres à une échelle nationale ou régionale. Le second pilier est financé au niveau européen par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La France bénéficie de l’enveloppe la plus conséquente, soit environ 11,5 milliards d’euros pour la période 2014-2020. À cette enveloppe s’ajoutent environ cinq milliards d’euros de cofinancements nationaux (État, régions, départements, agences de l’eau, etc.). La France a choisi de régionaliser entièrement le second pilier. Ainsi, les treize régions françaises sont juridiquement et financièrement responsables vis-à-vis de Bruxelles de la mise en place des programmes de développement rural (PDR).

4211 – Une politique d’aménagement du territoire rural. – Les emplois liés à l’agriculture ne représentent plus que 4 % de la population active. Cependant, l’agriculture est souvent la dernière activité présente dans des zones rurales reculées. Le second pilier intègre cette dimension d’aménagement du territoire rural. Ainsi, l’indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) répond au souci de soutenir les territoires défavorisés et de maintenir le maillage agricole. Certaines zones de montagne, mais également des régions ultrapériphériques exposées à d’importantes difficultés nécessitent des soutiens spécifiques, sans lesquels l’activité agricole serait abandonnée et les territoires ruraux désertifiés. Si la France consacre plus des deux tiers de l’enveloppe totale du second pilier aux ICHN, l’effort budgétaire reste insuffisant pour soutenir les territoires concernés.

4212 – Un cadre européen, une mise en œuvre à l’échelle des États membres. – Le second pilier permet aux États membres de piocher dans le panel des mesures proposées. Tel payschoisit l’ICHN, tel autre choisit le soutien à la compétitivité, etc. L’agriculteur a lui-même la possibilité de choisir dans les mesures proposées. La France dispose d’un territoire agricole diversifié et d’une agriculture plurielle, chacune ayant sa place et son utilité, celle des grandes étendues céréalières et celle des montagnes, celle de l’agriculture intensive et celle de l’agriculture biologique. Ainsi, la France a décidé de ne pas faire de choix dans le panel des mesures proposées. À l’inverse, l’Allemagne concentre les aides sur la compétitivité des exploitations. Ce choix lui a permis, avec d’autres orientations, d’augmenter ses exportations deux fois plus vite que la France au cours des sept dernières années. Par ailleurs, les choix environnementaux opérés par la France conduisent à enchérir les coûts et creuser l’écart avec d’autres pays moins scrupuleux.

§ II – Le volet environnemental du second pilier

4213 La place accordée à l’environnement dans le second pilier est prépondérante. Le défi de l’agriculture européenne est de garantir une production alimentaire en quantité et qualité suffisantes grâce à la gestion durable des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique277. Ainsi, à côté des enjeux de production, le volet environnemental est omniprésent dans le second pilier de la PAC278. En France, ce volet environnemental est mis en œuvre sous la forme d’indemnités compensatoires de handicap naturel (A), de mesures agroenvironnementales et climatiques (B), et d’aides à la conversion en agriculture biologique (C).

A/ Les indemnités compensatoires de handicap naturel

4214 – La prise en compte des zones défavorisées. – L’indemnité compensatoire de handicap naturel permet d’assurer une solidarité nationale en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles. Elle est fondamentale pour le maintien du tissu agricole, notamment pour l’élevage dans les zones de montagne. En France, l’ICHN représente la première dépense du second pilier. Son montant est d’environ un milliard d’euros, financé à hauteur de 75 % par le FEADER et pour le surplus par la France. Elle bénéficie à près de 100 000 exploitations agricoles. Les zones éligibles sont de trois types : les zones de montagne, les zones à contraintes naturelles (C. rur. pêche marit., art. D. 113-15)279et les zones à contraintes spécifiques (C. rur. pêche marit., art. D. 113-15). L’aide liée au nombre de têtes de bétail, réservée initialement aux zones de montagne, a été étendue aux zones à handicap. Elle est calculée à l’hectare. Les surfaces pouvant bénéficier de l’ICHN sont plafonnées : soixante-quinze hectares pour l’ICHN animale et cinquante hectares pour l’ICHN végétale.

B/ Les mesures agroenvironnementales et climatiques

4215 – Le développement de bonnes pratiques agroenvironnementales. – Les mesures agroenvironnementales et climatiques soulignent l’importance donnée au rôle de l’agriculteur dans l’atténuation du réchauffement climatique. Selon l’Institut du végétal « Arvalis », un hectare de blé ou de maïs capte quatre à huit fois plus de CO² qu’il n’en est émis pour le produire280. Les grandes cultures françaises permettent ainsi de fixer plusieurs dizaines de millions de tonnes d’équivalent de CO², soit une quantité proche de celle de la forêt.

Le dispositif MAEC est orienté sur des mesures « système », ne ciblant pas des pratiques sur une parcelle donnée mais sur un système de culture281. Par exemple, les MAEC « grandes cultures » prévoient des obligations de diversification, de rotation et de gestion des produits phytosanitaires et de l’azote, s’inscrivant dans un tournant agroécologique. Cependant, le faible montant des aides et leur plafonnement découragent les céréaliers. Les MAEC « polyculture-élevage » encouragent les éleveurs à renforcer les synergies entre les productions végétale et animale et à améliorer l’autonomie alimentaire des troupeaux.

C/ Les aides à la conversion en agriculture biologique

4216 – Le développement de l’agriculture biologique. – Le développement de pratiques agricoles de plus en plus vertueuses pour l’environnement passe notamment par l’agriculture biologique. À ce titre, les aides concernent la conversion en agriculture biologique. Elles visent à compenser les surcoûts et manques à gagner relatifs à l’adoption de pratiques liées à l’agriculture biologique. L’aide est étalée sur cinq ans. Par exemple, le montant de l’aide pour la conversion en maraîchage biologique est de 900 € par hectare et par an. L’agriculture biologique est aujourd’hui victime de son succès. Depuis 2012, la France a été obligée de prélever sur les aides du premier pilier pour financer l’agriculture biologique. Par ailleurs, devant l’impossibilité de pourvoir au financement de toutes les demandes, la France a décidé d’abandonner les aides au maintien de l’agriculture biologique à compter du 1er janvier 2018282.

4217 – Le bilan du verdissement. – Il est difficile de mesurer les effets du verdissement de la PAC, la valeur environnementale étant par elle-même malaisée à quantifier. Par ailleurs, le verdissement du premier pilier a encore complexifié la PAC et le manque de cohérence entre les deux piliers. Quelle différence y a-t-il entre une aide directe au revenu (premier pilier) et une indemnité compensatrice de handicap naturel (deuxième pilier) ? Quelle différence y a-t-il entre les paiements verts (premier pilier) et les mesures agroenvironnementales (deuxième pilier) ? La modulation entre les deux piliers, impliquant un transfert progressif des fonds du premier pilier vers le second, renforce encore la confusion et le manque de lisibilité. Les mesures se multiplient et se juxtaposent, devenant indigestes pour les agriculteurs dont la préoccupation est avant tout de produire en quantité et qualité suffisantes.

Un rapport sénatorial préconise d’affecter les paiements verts du premier pilier au profit des pratiques agroenvironnementales vertueuses283. Il s’agit de modifier la portée de ces aides. Elles sont aujourd’hui conçues pour compenser le surcoût lié à la mise en œuvre de bonnes pratiques culturales. Elles seraient demain conçues comme une rémunération des bonnes pratiques culturales, se rapprochant ainsi des paiements pour services environnementaux.

Concernant les surfaces d’intérêt écologique et le développement des productions biologiques, la PAC est victime de son succès, les moyens n’étant pas en adéquation avec les enjeux.

Ainsi, dans une démarche prospective, il convient de proposer de nouvelles pistes pour demain.

Section III – Demain, la PAC

4218 Les interrogations sur le devenir de la politique agricole commune sont nombreuses284. En février 2017, la Commission européenne a lancé une consultation sur l’avenir de la PAC. Les conclusions ont été rendues publiques en juillet 2017285. Certains demandent une sortie pure et simple de la politique agricole commune286. À l’inverse, d’autres militent en faveur d’un statu quo de la PAC actuelle jusqu’en 2025287.

L’étude prospective de la PAC de demain se décline en trois points :

la nécessité de soutenir l’agriculture (§ I) ;

la nécessité de mieux prendre en compte les aléas économiques et climatiques (§ II) ;

et la nécessité d’avoir une vision à long terme de l’agriculture durable (§ III).

§ I – La nécessité de soutenir l’agriculture

4219 – Des aides indispensables pour la survie des agriculteurs. – Les objectifs environnementaux de la PAC masquent parfois son objectif premier, consistant à assurer des revenus stables aux exploitants. Une étude réalisée en France en 2015 dévoile qu’en moyenne, les actifs agricoles non salariés perçoivent 29 900 € de subventions288, représentant en moyenne 82 % de leur résultat courant avant impôt. Sans subvention, 54 % des exploitations auraient eu un résultat courant avant impôt négatif. La dépendance aux aides PAC est encore plus marquée dans les filières d’élevage : 85 % des élevages bovins viande et 77 % des élevages ovins auraient eu des résultats négatifs en l’absence de subventions.

4220 – Des aides en déclin par rapport aux autres puissances agricoles. – Dans l’inconscient collectif, le soutien financier de l’agriculture est une particularité européenne. Il n’en est rien, bien au contraire. Alors que les aides européennes diminuent année après année, les autres puissances agricoles telles que la Chine, les États-Unis et le Brésil renforcent leurs efforts budgétaires depuis la crise mondiale de 2007-2008289. Le déclin des aides européennes montre une certaine désaffection pour les questions agricoles à l’échelle de l’Union, mais également au niveau des États membres. Or, si les objectifs de production sont satisfaits en Europe, les préoccupations actuelles sont mondiales. Dans les vingt prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards. Plus de la moitié de cette croissance concernera l’Afrique et le Moyen-Orient, soit les portes de l’Europe. Dans le même temps, l’impact du réchauffement climatique se fera principalement ressentir dans ces territoires. La combinaison de ces deux facteurs conduit à considérer la politique agricole de l’Europe comme un enjeu majeur de l’aménagement du territoire à l’échelle planétaire.

La politique agricole des autres grandes puissances

Les États-Unis :

La politique agricole des États-Unis, dénommée Farm Bill, part du postulat que les marchés ne permettent pas d’assurer un développement agricole et une sécurité alimentaire durables. Dans le pays du libéralisme économique, l’idée est de garantir un revenu aux agriculteurs grâce à des dispositifs contracycliques290. Le Farm Bill 2014-2018 a fait le choix d’éliminer les paiements directs et d’élargir le programme d’assurance-récolte subventionné. Les primes sont subventionnées à hauteur de 62 %. Les agriculteurs reçoivent l’appui de ces assurances récoltes les années de chute des prix ou de catastrophe météorologique.

La Chine :

La politique chinoise repose sur un système de régulation ressemblant aux mécanismes de l’ancienne politique agricole commune : prix garantis et quotas, complétés par un dispositif de stockage public pour les principales céréales. Les prix garantis chinois sont devenus, au fil du temps, supérieurs aux prix mondiaux d’environ 30 à 40 %.

La Russie :

En Russie, l’agriculture est redevenue une priorité nationale en 2005 avec l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2020.

§ II – La nécessité de mieux prendre en compte les aléas économiques et climatiques

4221 – Une forte volatilité des prix. – Les risques climatiques ne sont pas un phénomène nouveau. Néanmoins, le contexte environnemental actuel accroît les aléas : ouragans, sécheresses, inondations, gel, etc.

Par ailleurs, la libéralisation des échanges entraîne une volatilité des prix, les marchés agricoles étant au surplus structurellement instables291.

4222 – La mise en place d’aides contracycliques. – Certains systèmes permettent de réguler les prix par des aides directes contracycliques, suivant une tendance inverse à celle des cycles de croissance. Il s’agit notamment du Farm Bill aux États-Unis, assurant à l’agriculteur un revenu minimum lorsque le prix moyen de l’année de campagne chute en deçà d’un prix de référence fixé par la loi. Cette approche a été reprise dans un livre blanc publié par le groupe de réflexion « Momagri » en 2017292, suggérant de recourir à ce type de paiement afin de prendre en compte l’instabilité des prix et mieux gérer les crises. Dans le même sens, la contribution française au Conseil informel des 29-31 mai 2016 sur la PAC post-2020 prône une épargne de précaution obligatoire, impliquant qu’une partie des aides directes reçues par les agriculteurs soit mise de côté durant les bonnes années pour constituer une réserve mobilisable lors des années difficiles293. L’ancien ministre Stéphane Le Foll préconise lui aussi un dispositif contracyclique, permettant d’aider les agriculteurs lorsque les prix sont bas et les rendements faibles, et de diminuer les aides lorsque le niveau des prix est élevé294. À rebours de ces opinions, le rapport sénatorial de juillet 2017 dénommé « PAC : traverser le cap dangereux de 2020 », estime qu’un mécanisme de variation des dépenses en fonction de la conjoncture des marchés est dangereux, le risque étant que les États membres les moins favorables à la PAC refusent d’accroître leurs efforts budgétaires lorsque la situation le nécessite295.

La gestion de la volatilité des prix passe également par une politique fiscale nationale, devant permettre aux agriculteurs de constituer des réserves les bonnes années à moindre coût fiscal.

La réponse consiste enfin à encourager la diversification au sein des exploitations.

§ III – La nécessité d’une vision à long terme de l’agriculture durable

4223 – L’agriculture : un bien public. – L’agriculture constitue un bien public, dont les services sont valorisés, mais non rémunérés296. Cette expression vise notamment les services environnementaux tels que l’entretien des paysages, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique. D’autres services publics tels que la sécurité alimentaire, la vitalité du monde rural, le bien-être animal et la santé revêtent un caractère sociétal.

Parmi les biens publics, la qualité des sols et la disponibilité de l’eau concernent directement la production agricole. La PAC s’est longtemps désintéressée de ces ressources, les considérant sans doute inaltérables. Or, une meilleure gestion de la qualité des sols présente des avantages pour l’environnement et pour les exploitants : des sols plus riches en carbone sont à la fois plus fertiles et moins exposés à l’érosion. La qualité de l’eau a également été appréhendée avec retard. Aujourd’hui, la répétition des sécheresses et l’apparition des conflits d’usage avec les autres consommateurs conduisent à s’interroger sur la pertinence des aides favorisant l’irrigation.

Ainsi, il est impératif de redéfinir les objectifs environnementaux de la PAC. Pour ne plus être appréhendées sous l’angle de la contrainte, ces questions doivent entraîner l’adhésion du monde rural. À ce titre, il convient par exemple de rémunérer les bonnes pratiques agricoles au moyen de paiements pour services environnementaux297. La communication de la Commission européenne sur « l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture » présentée le 29 novembre 2017, préfigurant le modèle de la PAC post-2020, pourrait permettre d’atteindre ces objectifs. Bruxelles propose en effet de maintenir le système des paiements directs et des deux piliers de la PAC, mais, dans un but de simplification et de subsidiarité, chaque État membre élaborerait sa propre stratégie pour atteindre les objectifs de l’Union européenne, notamment pour le verdissement. L’avantage serait de nationaliser les objectifs. Mais le risque d’une telle orientation est d’accroître la fragmentation du marché unique298.

Le verdissement souhaité par la France ne sera possible que s’il s’accompagne de fonds suffisants pour financer les paiements pour services environnementaux.


234) La PAC, créée par le traité de Rome du 25 mars 1957, est entrée en vigueur le 30 juillet 1962.
235) P. Lécole et S. Thoyer, La PAC et l’environnement : freins et leviers pour la transition agroécologique, éd. Quæ, 2017, p. 51 à 70.
236) Entre 1945 et 1983, 835 000 kilomètres de haies et de talus ont été détruits : M.-A. André et N. Polombo, Soixante années de remembrement : essai de bilan critique de l’aménagement foncier en France : Études foncières 2009, p. 43 et s.
237) Y. Petit, De la dernière à la prochaine réforme de la PAC : l’évolutionnisme permanent de la PAC : RD rur. 2006, étude 32.
238) F. Lataste, M. Berriet-Solliec, A. Trouvé et D. Lépicier, Le second pilier de la politique agricole commune : une politique à la carte : Revue d’économie régionale et urbaine août 2012.
239) La dernière réforme de la PAC est entrée en vigueur le 1er janvier 2015. Elle est couramment dénommée « PAC 2014-2020 ».
240) J. Foyer, L’agriculture française et les deux piliers de la PAC : RD rur. 2007, étude 2.
241) Instr. techn. DGPE/SDPAC/2017-864, 25 oct. 2017.
242) J.-J. Barbièri, Vente et droits à paiement unique : RD rur. 2006, étude 34. – L. Bodiguel, Réflexions sur la réforme de la politique agricole commune et les droits à paiement unique : Gaz. Pal. 2005, 2, doctr. p. 2535.
243) Règl. (UE) n° 639/2014, 11 mars 2014. – Règl. (UE) n° 641/2014, 14 avr. 2014.
244) Instr. techn. DGPE/SDPAC/2017-574, 4 juill. 2017, § 3.1.3.
245) Instr. techn. DGPE/SDPAC/2017-574, préc.
246) Règl. (UE) n° 1307/2013, 17 déc. 2013, art. 4, § 1.
247) Règl. (UE) n° 1307/2013 préc., art. 4, § 1.
248) Règl. (UE) n° 1307/2013 préc., art. 4, § 1.
249) Règl. (UE) n° 639/2014, 11 mars 2014. – D. Rochard et R.-J. Aubin-Brouté, Les nouveaux paiements directs en faveur des agriculteurs : RD rur. 2016, n° 445.
250) Sur le caractère principal de l’activité agricole : D. Rochard et R.-J. Aubin-Brouté, Les nouveaux paiements directs en faveur des agriculteurs, op. cit.
251) D. Rochard et R.-J. Aubin-Brouté, Les nouveaux paiements directs en faveur des agriculteurs, préc., § 63.
252) Notamment les quotas laitiers.
253) CJUE, 21 janv. 2010, aff. C-470/08, Van Dijk : JurisData n° 2010-008202 ; RD rur. 2011, chron. 2, D. Gadbin.
254) JCl. Notarial Formulaire, V° Productions et marchés, fasc. 180, § 39. Le prélèvement opéré était de 50 % de 2015 à 2017.
255) E. Lemonnier, La valeur du droit à paiement unique : RD rur. 2005, colloque 13.
256) BOI-BA-BASE-20-10-10, § 330.
257) PCG, art. 618-2 et s.
258) Règl. (UE) n° 1307/2013, préc., art. 41, § 3.
259) JCl. Notarial Formulaire, V° Productions et marchés, fasc. 180, § 22.
260) D. n° 2014-1515, 15 déc. 2014, ayant donné lieu à la création des articles R. 323-52 à R. 323-54 du Code rural et de la pêche maritime.
261) D. Rochard et R.-J. Aubin-Brouté, Les nouveaux paiements directs en faveur des agriculteurs, préc., § 63.
262) Règl. (UE) n° 1307/2013, préc., art. 50.
263) Règl. (UE) n° 1307/2013, préc., art. 52.
264) Aides animales : Instr. techn. DGPE/SDPAC/2017-483, 31 mai 2017.
265) Pour plus de détails, V. A. 10 mai 2017, fixant le montant des aides couplées végétales.
266) Règl. (CE) n° 1782/2003, 29 sept. 2003. – F. Barbier, La conditionnalité environnementale : RD rur. 2007, étude 6. – C. Blumann, L’écologisation de la PAC ou le verdissement de l’Europe verte : RAE 2003, n° 4, p. 531.
267) Règl. (UE) n° 1306/2013, préc.
268) Redonner du sens à la PAC, Rapp. Sénat n° 102, J. Bizet, J.-P. Emorine, B. Bourzai et O. Herviaux, 10 nov. 2010.
269) Règl. (UE), préc., art. 99.
270) Règl. (UE) n° 1307/2013, art. 46.
271) Règl. (UE) n° 1307/2013, art. 46, § 2. – Règl. délégué (UE) n° 639/2014, art. 45.
272) Rapport sur la mise en œuvre de l’obligation en matière de surfaces d’intérêt écologique au titre du régime des paiements directs verts : Doc. COM (2017), 152 final, 29 mars 2017.
273) Y. Petit, Surface d’intérêt écologique : une PAC toujours plus verte ? : RD rur. 2017, alerte 60.
274) Les accords de Berlin en mars 1999 ont institué l’écoconditionnalité des aides.
275) L. Bodiguel, La multifonctionnalité de l’agriculture : un concept d’avenir ? : RD rur. 2008, étude 6.
276) F. Lataste, M. Berriet-Solliec, A. Trouvé et D. Lépicier, Le second pilier de la politique agricole commune : une politique à la carte : Revue d’économie régionale et urbaine août 2012, p. 327.
277) Règl. (UE) n° 1305/2013, art. 4.
278) G. Rochdi, Le soutien au développement rural 2014-2020 : RD rur. 2014, dossier 11.
279) Règl. (UE) n° 1305/2013, art. 2.
280) Valoriser la fonction puits de carbone des cultures, Institut du végétal Arvalis : www.arvalis-infos.fr, 17 nov. 2016.
281) Rép. min. n° 8856 : JOAN Q 22 janv. 2013, p. 788. – PAC 2014 et maintien des contrats agroenvironnementaux : RD rur. 2013, n° 441.
282) L. Girard, L’État supprime les aides au maintien de l’agriculture bio : Le Monde économique 22 sept. 2017.
283) PAC : traverser le cap dangereux de 2020, Rapp. Sénat n° 672, D. Gremillet, P. Gruny, C. Haut et F. Montaugé, 20 juill. 2017, p. 113.
284) https://ec.europa.eu.
285) Webstreaming de la conférence du 7 juillet 2017 : https://webcast.ec.europa.eu.
286) Prop. de résolution déposée le 9 juin 2005 par Mme S. Montel et MM. D. Bilde et F. Philippot.
287) Prop. du Parti populaire européen sur l’avenir de la PAC adoptée le 4 septembre 2017.
288) Résultats économiques des exploitations en 2015 : Agreste Primeur déc. 2016, n° 342.
289) PAC : traverser le cap dangereux de 2020, Rapp. Sénat préc., p. 61.
290) V. n° a4222.
291) Rapport du groupe de réflexion sur l’avenir de l’agriculture européenne, « Demain l’agriculture », Prévenir et gérer l’instabilité des marchés agricoles, J.-P. Jouyet, C. de Boissieu et S. Guillon, 22 sept. 2010.
292) Think Tank Momagri (Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture), Livre blanc, Un nouveau cap stratégique pour la PAC : www.momagri.org, 18 déc. 2017.
293) Une PAC réformée pour une agriculture compétitive, durable et résiliente, Contribution française au Conseil informel des 29-31 mai 2016, 25 mai 2016.
294) AN, Comm. affaires européennes, audition de M. S. Le Foll, compte rendu, 9 nov. 2016.
295) PAC : traverser le cap dangereux de 2020, Rapp. Sénat préc., p. 60.
296) B. Charpentier, P. de Quatrebarbes et Y. Riou, Mission de parangonnage (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni) sur les mesures de protection de la biodiversité « ordinaire » liées à l’activité agricole, CGAAER, sept. 2011, n° 10170.
297) B. Bourget, Redonner du sens à la politique agricole commune : Question d’Europe 20 févr. 2017, n° 422.
297) Bruxelles veut déléguer la mise en œuvre de la PAC aux États membres : Agrapresse 4 déc. 2017, n° 3621.
298) Agrapresse 4 déc. 2017, n° 3621, préc.

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